Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5

05/10/2022 (2022-09-30)

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4]

Par Joseph Stroberg

5 — Préparatifs

Attablés depuis quelques instants pour manger un premier repas, Tulvarn et Jiliern discutaient du programme de la journée. Ils allaient préparer soigneusement des sacs afin d’emporter ce qui serait le plus utile pour leur aventure vers l’inconnu. Jiliern prendrait ses principaux cristaux pour faire face à divers problèmes de santé et de blessures plus ou moins graves. Elle en prendrait également quelques autres, aux propriétés utiles, dont un capable de produire un faible rayonnement lumineux sous certaines conditions. Elle allait aussi confectionner deux répliques de l’abri portable de Tulvarn, avec son aide. Celui-ci rechercherait ensuite des plantes médicinales aux alentours. Il n’avait certes pas la connaissance des apothicaires, mais sa formation de moine lui avait permis d’acquérir de bonnes bases, assez pour survivre seul dans la nature. Pour finir, et peut-être seulement à partir du lendemain, Tulvarn enseignerait à Jiliern les rudiments de certaines techniques défensives et de survie, en cas de mauvaises rencontres.

Les préparatifs se déroulaient en silence. Le Vélien guidait maintenant sa collègue aventurière dans la confection du premier abri portable. Ils disposaient d’une pièce de tissu suffisamment solide et grande pour trois abris, mais n’en avaient pas besoin d’autant. La femme se montrait particulièrement adroite à tailler puis coudre le tissu de sorte à reproduire la forme voulue. Le fil utilisé provenait d’une plante fibreuse du voisinage et s’avérait assez résistant pour rendre l’assemblage capable de durer pendant plusieurs cycles. Les deux comparses espéraient qu’ils parviendraient à trouver la relique bien avant de voir l’abri tomber en lambeaux. Mais ils n’étaient pas devins et savaient que l’avenir pouvait réserver bien des surprises.

— Puis-je entrer ? demanda une voix masculine qui les fit sursauter.

— Hein ? Fut la seule chose que Tulvarn et Jiliern trouvèrent à dire avant de se retourner pour voir qui les avait ainsi sollicités et leur avait apporté une rapide première surprise.

— Puis-je entrer ? répéta l’inconnu, un Vélien d’apparence frustre, vêtu d’une toge verdâtre salie par de la poussière terreuse. Il paraissait assez âgé pour être leur père, ou même leur grand-père.

— Qui êtes-vous ? Et que voulez-vous ? demanda Jiliern, encore sous le coup de la surprise.

— Je me nomme Déviorn. Je suis l’érudit d’un village que vous ne connaissez probablement pas, répondit l’étranger en restant sur le seuil de la porte. Puis-je entrer ?

— Euh, oui, entrez ! répondit quelque peu timidement Jiliern en pensant qu’ils ne risquaient pas grand-chose de la part d’un tel érudit. Vous n’avez pas répondu à ma question. Que voulez-vous ? Pourquoi venir ici ?

— Chère enfant. Ça fait deux questions maintenant. Ou plutôt trois, si l’on compte celle à laquelle j’ai déjà répondu.

— Oui, bien sûr. Mais ne détournez pas le propos. Veuillez répondre, s’il vous plaît, pour que je sache si j’ai bien fait de vous laisser entrer.

— Merci. Je pense que vous ne le regretterez pas.

— Je l’espère. Nous vous écoutons.

— Bien. Dans notre village existe ce que certains nommeraient probablement un esprit simplet, un Vélien d’âge moyen ne disposant pas de toutes ses facultés intellectuelles, pourrait-on dire. Cependant, nous lui accordons beaucoup de crédit et d’attention, car il semble être un porte-parole du Grand Satchan lui-même.

— Oh ! Mais encore ? En quoi cela se traduirait-il ?

— Patience, mon enfant. J’y arrive. Nierl a le don de divination. Il parle peu, mais chaque fois qu’il ouvre la bouche, c’est pour proférer un avertissement ou un conseil à destination d’une personne en particulier, ou parfois d’un groupe. Et par expérience, les habitants du village ont pris l’habitude d’en tenir compte.

— Devrions-nous faire confiance à un devin dont nous n’avions jamais entendu parler ?

— Rien ne vous y oblige. Je suis juste là pour vous délivrer le message. Ce que vous en ferez ensuite ne dépend que de vous. Voici donc : Tulvarn de la retraite d’Ynil, sur ton chemin, n’oublie pas le chasseur et l’assassin.

— C’est tout ? interrogea Tulvarn. Ne pas oublier le chasseur et l’assassin ? Qu’est-ce que ça peut bien signifier ? Quel chasseur ? Quel assassin ? Sont-ils là pour me combattre ?

— Je n’en sais rien. Tout ce que je peux vous dire est que vous m’avez donné du fil à retordre pour vous trouver. J’ignorais au départ de quel temple pouvait être cette retraite. Et je vous connaissais encore moins.

— Mais je ne suis même plus au temple ! Comment m’avez-vous trouvé ici ?

— Ça, c’est le plus mystérieux. J’étais en route vers le temple, à moins d’une heure de marche, lorsque j’ai eu une vision. Je m’y voyais faire demi-tour, et me diriger droit vers cette demeure. C’est donc ce que j’ai fait. Et me voici !

— Plutôt étrange ! remarqua Jiliern.

— Ça pourrait me paraître de même si je n’avais pas connu le temple et certains miracles qui y eurent lieu. Eh bien, merci, érudit Déviorn, même si j’ignore quoi faire de votre message.

— Gardez-le seulement en mémoire pour l’instant. Il contient d’ailleurs le conseil de ne pas oublier.

— Ne pas oublier quelqu’un que je ne connais pas encore. Ça risque d’être difficile. Mais bon… Je verrai bien. Merci encore. Rien ne vous obligeait de parcourir tout ce chemin pour me trouver.

— Effectivement. Mais les érudits ont un principe auquel ils se tiennent : ne jamais rompre la chaîne de la connaissance. Et vous faites manifestement partie d’une telle chaîne, moine.

— Si vous le dites.

— Ce n’est pas moi qui le dis. Vous êtes au moins un maillon final de la chaîne représentée par la divination récente de Nierl. Pour le reste, vous aurez certainement le temps de vous en rendre compte. Voilà ! Ma partie est achevée. La vôtre commence.

— Merci et adieu, érudit, répondirent Jiliern et Tulvarn alors que Déviorn rebroussait déjà chemin pour se fondre rapidement dans le paysage.

— Que pensez-vous de ça ? demanda alors la Vélienne.

— Je ne sais pas. Franchement, je ne sais pas quoi en penser. C’est pour le moins assez troublant. Mais qu’est-ce que ça peut donc signifier ? C’est un message pourtant a priori limpide. On en comprend facilement tous les mots. Mais à quelle situation, à quelles personnes fait-il exactement référence ? Je n’en sais rien ! Est-ce une mise en garde contre des ennemis redoutables ? Tout ce que je peux faire est de redoubler de prudence et d’éviter si possible mes maladresses habituelles. Elles nous mettraient alors plus facilement en danger.

— Je ne vois pas non plus ce que nous pourrions faire d’autre. Revenons plutôt à nos préparatifs !

— Oui, c’est une bonne idée.

Tulvarn et Jiliern poursuivirent donc la préparation de leur voyage jusque tard dans la journée. La Vélienne avait sélectionné tous les cristaux les plus utiles. Et à eux deux, ils avaient enterré les autres aux alentours de la maison, dans l’éventualité où un voleur s’approcherait des lieux après leur départ. Ils n’attendaient pas Gnomil avant un jour ou deux. Mais s’il tardait trop, ils finiraient par partir sans lui, espérant alors qu’il n’en profiterait pas pour achever ce qu’il n’avait pu réaliser lors de sa première visite. L’objet qu’il avait laissé n’avait peut-être aucune valeur. Ce pouvait être une babiole tout juste bonne à tromper des naïfs tels qu’un moine et une cristallière trop confiants.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6)

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(3 commentaires)

  1. Petits épisodes très agréables à lire par tous genres de Personnes ! On attend la suite avec plaisir.

  2. Dans le département de l’Allier, en France, on appelle les simples d’esprit des « bredins » qui se prononce « berdins » avec l’accent bourbonnais. Il existe même à Saint-Menoux, une basilique contenant les reliques de Saint-Menoux avec une niche dans laquelle on met sa tête pour être « débreniné » et qui s’appelle le « débredinoir » ! Mais je n’ai pas ouï-dire que les berdins avaient des dons, plutôt : il est ben un peu berdins, çui-là !

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