Le retour des lépreux

29/04/2020 (2020-04-29)

[Source : Agora Vox via Sott.net]

par Décrypteur

De la crécelle à l’application numérique

Au moyen âge, les lépreux devaient agiter une crécelle ou faire sonner une clochette lorsqu’ils se déplaçaient. Ils devaient par ailleurs coudre sur leur tunique une pièce de tissu rouge, ce qui permettait de bien les identifier. Les nazis, cinq siècles plus tard, reprirent l’idée en obligeant les juifs à coudre une étoile jaune sur leur poitrine. De tout temps, les sociétés ont désigné leurs parias, ceux qui représentaient le mal, le danger, et dont la fonction sociale était de susciter la peur. Mais revenons à nos lépreux du XVème siècle déambulant avec leurs clochettes et leurs crécelles pour informer leur entourage de leur présence. Pourquoi fallait-il que l’on sache qu’un lépreux était lépreux ? Pour ne pas être contaminé bien sûr. Et ça fonctionnait bigrement bien. Tout le monde fuyait au premier tintement de clochette. Il ne fallait à aucun prix prendre le risque d’être en contact avec le lépreux, au risque d’être soit même qualifié lépreux, et de se retrouver à son tour à agiter la clochette et porter en guise de vêtements une tunique marquée d’un tissu rouge. Projetons-nous dans un futur plus ou moins lointain. La clochette s’est transformée en une application numérique qui communique avec les applications numériques alentour, les avertissant de la présence d’un lépreux. Que croyez-vous qu’il adviendra ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce qui se passait au XVème siècle se passera au XXIème siècle.

Heureusement, nous ne sommes plus au Moyen âge, mais malheureusement, nous sommes déjà au cœur de ce futur. Grâce à un banal coronavirus poétiquement nommé Covid 19, les Pouvoirs modernes sont en train de réinventer la clochette des lépreux du moyen âge. Cette clochette se nomme désormais « Stop Covid ». Nous allons le voir, les Pouvoirs ont besoin de la peur, ils s’en servent avec habileté pour soumettre leur peuple sans risque. S’agissant de la France, ce virus est vraiment arrivé à point nommé, avec un sens du timing remarquable. Alors que le gouvernement se débattait depuis des mois avec ses réformes du chômage et des retraites dont ne voulaient pas une majorité de ses citoyens, et qui le faisaient savoir par une agitation sociale dont on ignorait comment et quand elle allait finir, alors que la stabilité même de ce gouvernement était menacée, à ce moment où le pouvoir en avait le plus besoin a surgi ce providentiel virus. Le pouvoir opportuniste s’en est aussitôt saisi pour agiter le spectre de la mort, rien de moins, au-dessus de la tête des citoyens horrifiés et surtout terrifiés. Les menaces économiques généralement agitées pour rétablir le calme ont été mises au rencart. Cette fois, le Pouvoir a sorti le Grand Jeu : La Mort. La faucheuse, la mère de toutes les peurs. Avec cela, il jouait gagnant à coup sûr. Et il a gagné, au-delà de ses espérances. Il va obtenir dès aujourd’hui ce qu’il avait sans doute programmé dans un délai de 10 à 20 ans à savoir le consentement au traçage numérique. Le Covid 19 nous projette d’un coup dans l’univers Orwellien (à ce sujet, lire l’excellent roman d’Alain Damasio « La zone du dehors » qui s’inscrit dans la continuité de « 1984 », tout en donnant un sérieux coup de vieux au chef d’œuvre d’Orwell).

Le consentement par la peur

Les pouvoirs modernes s’érigent en protecteurs des citoyens. Ils édictent des lois qui protègent, ils arment une police pour protéger du danger qui viendrait de l’intérieur, et une armée pour protéger du danger extérieur. L’Etat providence subvient aux besoins des plus faibles et des déshérités. Le chef suprême, c’est le Père de la Nation. Il protège ses citoyens comme un père ses enfants. L’Etat veille à tout. Il organise l’économie pour garantir un travail et un revenu à tous, il garantit l’instruction des plus jeunes et les prépare à devenir des citoyens « armés » pour affronter la vie. Il protège la santé de tous, en construisant des hôpitaux et en formant des médecins et des infirmières. En France, l’Etat va même jusqu’à prendre en charge le coût de cette protection sanitaire en payant lui-même les consultations et une bonne partie des médicaments.

Dès lors le citoyen évolue dans un monde sans danger, ou plus exactement dont les dangers sont entièrement pris en charge par le pouvoir. Il a perdu toute conscience des responsabilités qui lui incombent vis-à-vis de sa propre personne, mais aussi des autres. Il ne dirige pas sa vie, il se contente- de se soumettre à un corpus de règles pensées pour lui, par d’autres. De toutes façons, ces règles sont bonnes pour lui puisqu’elles visent à garantir son bien être et sa sécurité. Il se lève chaque matin pour se rendre à son travail dont il tire un revenu suffisant pour nourrir sa famille, se loger, partir plusieurs fois par an en vacances et rouler dans une voiture qui marque son prestige social. Ses enfants vont à l’école publique à laquelle il délègue la charge de leur éducation. Quand un membre de la famille est malade, il se rend chez, le médecin, ou à l’hôpital si c’est plus grave, et tout rentre rapidement dans l’ordre grâce à la grande qualité du système de santé géré par l’Etat. Libéré de toutes ces contraintes, soulagé de tout ces risques, le citoyen n’a plus qu’à jouir de sa vie confortable. Le prix à payer est facilement supportable. Il suffit de se soumettre au Pouvoir ce qui, si on reste bien sagement dans le rang, ne présente pas de grandes difficultés.

Pour que ce système ingénieux et sophistiqué puisse fonctionner, celui qui en est l’instigateur, le Pouvoir, doit faire sentir en permanence à ses citoyens que la vie merveilleuse dont ils jouissent pourrait s’écrouler à tout moment. Qu’il suffirait, d’un rien, un déficit budgétaire trop important par exemple, pour que le système de santé ne puisse plus être financé correctement, et les laissent démunis face à leurs maladies. C’est alors un jeu d’enfant d’obtenir le consentement des citoyens pour créer une nouvelle taxe censée soutenir le système de santé (tout en poursuivant sa démolition). C’est un truc vieux comme le monde. Pour qu’un groupe réduit, appelons-le groupe des dominants, règne sans difficulté sur la masse, les dominés, il suffit que les dominants allouent quelques avantages ici, quelques privilèges là, qu’ils répartissent le tout de manière inégalitaire parmi les dominés, et qu’ils menacent de leur reprendre. La peur que Jean aura de perdre ce que Paul n’a pas conduira Jean à accepter tous les sacrifices demandés par le Pouvoir. Car ce que Jean a et que Paul n’a pas permet de donner à Jean l’illusion qu’il fait partie des dominants. C’est là que ce système est aussi génial que diabolique. Et Paul agira de même quand son unique avantage sera menacé.

Contre les rebelles, contre ceux qui n’ont pratiquement rien, le Pouvoir peut plus difficilement agir sur la menace de privation pour obtenir leur consentement. Peu importe, car il possède pour cette catégorie une arme qu’il est le seul à détenir : la violence légitime. Il pourra toujours en user et en abuser contre les démunis, commettre des exactions, voire des assassinats (pensons à Rémi Fraisse, ou à Steve Maia Caniço, et à tous les autres), il aura toujours le soutien de ceux qui possèdent (si peu possèdent-ils). Garant de l’Ordre établi, le Pouvoir étend son voile protecteur sur son peuple soumis et consentant.

Vers une société de surveillance globalisée.

Pour encore mieux protéger, pour encore mieux contrôler, le Pouvoir dispose désormais de technologies qui ont progressé au cours de la dernière décennie avec une rapidité fulgurante. Il y a peu, la surveillance se faisait encore par des filatures, des écoutes téléphoniques, et autres barbouzeries. Ces archaïsmes nécessitaient en outre l’accord d’un juge, au cas par cas. Impossible d’exercer une surveillance de masse de la sorte (sauf peut-être sous Staline qui était parvenu à transformer chaque citoyen en agent du KGB). Puis émergèrent les technologies numériques. La vidéo, associée à des algorithmes de reconnaissance faciale permet désormais d’exercer une surveillance globale de la population, sans aucun contrôle judiciaire (Le communiste Staline en a rêvé, les sociétés capitalistes, démocratiques ou non, l’ont fait !) Les masses se sont soumises sans grande opposition à ce redoutable procédé de surveillance généralisée, le pouvoir ayant montré facilement que la vidéo surveillance représente une menace pour les déviants, mais qu’elle protège avec efficacité les honnêtes citoyens n’ayant rien à se reprocher. Mais ce procédé est encore limité par le nombre de caméras et leur champ de vision. L’enjeu pour les Pouvoirs est donc de parvenir à surveiller chaque individu, où qu’il soit, et quoi qu’il fasse. C’est ici que réapparaissent les lépreux. Le concept est simple : Demander à chaque citoyen de se signaler à tout moment, où qu’il se trouve. Encore fallait-il trouver un argument convaincant pour obtenir le consentement de ces néo lépreux. Le Covid 19 est apparu opportunément pour servir les projets les plus inespérés des Pouvoirs du monde entier. En terrorisant dans un premier temps leurs citoyens avec la menace suramplifiée du Covid (voir à ce sujet mon article https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/n-ayez-pas-peur-du-covid-19-223619 ), puis en les convaincant dans un second temps que le traçage numérique allait les sauver de cette terrible menace virale, les pouvoirs sont sûrs d’obtenir le consentement du plus grand nombre. Dès lors qu’il sera accepté par une majorité de citoyens, il sera plus facile de contraindre les récalcitrants à s’y soumettre. Le Covid 19 est la clé qui a ouvert la porte d’entrée d’une société placée sous surveillance numérique généralisée. Je ne développerai pas ici les effets de cette surveillance (je vous renvoie de nouveau à la lecture de « La zone du dehors » qui en est une magnifique illustration), mais je peux vous confirmer, comme l’affirment à l’envi les commentateurs patentés, qu’il y aura bien un monde d’après le Covid en rupture avec le monde d’avant. Mais contrairement au discours ambiant, n’allez pas imaginer que le monde d’après sera un monde décroissant, solidaire, redevenu raisonnable, enfin humain. Au contraire, le monde d’après, dans lequel nous venons d’entrer, sera plus productiviste que jamais, (accompagné de son cortège de méfaits humains et environnementaux – dont l’émergence de nouveaux virus -). De ce point de vue, il sera simplement une continuité accélérée du monde d’avant.

La rupture la plus profonde entre les deux mondes concernera l’abolition progressive, mais qui finira par être totale, des libertés individuelles. Dans le monde d’après, les pouvoirs vont nous convaincre que nous sommes tous lépreux, que nous représentons tous une menace potentielle pour nos semblables, et que le seul moyen de nous protéger de cette menace permanente sera d’exercer une surveillance continue de chacun, en tout lieu, et bien sûr avec le concours de chacun. Les dissidents, les divergents seront éliminés, et la machine capitaliste continuera sa marche en avant, sans que plus rien désormais ne puisse l’arrêter, ni même la freiner dans sa course folle. Ceci n’est pas un scénario de science-fiction, c’est tout simplement le monde dans lequel nous venons d’entrer.

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