Note sur les religions et l’athéisme

14/01/2021 (2021-01-14)

Par Joseph Stroberg

L’athéisme et l’agnosticisme ayant ceci de commun qu’ils ne se préoccupent pas d’un principe créateur universel ou transcendant se ramènent finalement à des croyances matérialistes. En se référant à l’article « Servir l’Humanité ou s’en remettre à la Volonté du Père ? », ces formes de croyances sont assimilables à des religions de nature exclusivement féminine. Elles plongent en effet l’individu dans la matière tout en lui retirant toute possibilité d’effectuer le mouvement inverse. Or les tendances extrémistes représentent des déséquilibres tels qu’elles sont généralement destructrices à plus ou moins long terme et parfois à très court terme. En l’occurrence ici, on peut facilement voir dans l’athéisme et l’agnosticisme la cause fondamentale du déclin de la conscience morale et conséquemment d’un chaos social, culturel, politique et civilisationnel croissant. Que ces croyances aient été stimulées ou non elles-mêmes par l’Humanisme ne change probablement pas grand-chose aux résultats. Les destructions environnementales en sont parmi les signes les plus visibles. (Voir aussi la Note sur les mouvements humains et la sagesse du Tao).

Dans la conscience (et parfois l’inconscience) populaire, lorsque l’on évoque l’idée de religion, souvent on attend les notions connexes de rituels, de lieux de culte et de grands prêtres. Or, le matérialisme a ses rituels : en particulier, les grandes messes sportives et de show-business, et les achats hebdomadaires dans les centres commerciaux. Il a aussi ses lieux de culte : les salles de spectacles, les stades, les centres commerciaux… Et il a ses grands-prêtres : les économistes et les rois du marketing, auxquels on peut ajouter des politiciens et même des scientifiques et des éducateurs, ainsi que quelques « philosophes ». On les appelle en général plutôt des « gourous » que des prêtres. Nous avons affaire à une religion dont l’objet d’adoration principal est l’argent (qui permet de tout acheter, ou presque) et dont les icônes sont les vedettes de la société du spectacle, des sports et de la réussite économique. On y admire bien plus souvent les ultra riches que les pauvres, et ceci indépendamment de la manière dont ils ont pu acquérir leur fortune. On ne s’embarrasse pas de considérations morales. La fin justifie les moyens.

Admettant donc que l’athéisme et l’agnosticisme sont des religions au même titre que les grandes religions « révélées », et que toutes ces croyances relèvent des dimensions féminine et/ou masculine en proportion variable, que pouvons-nous en tirer ? L’Humanité ne pourra connaître une véritable unité, à l’image d’un corps humain fonctionnant de manière unitaire en dépit de la disparité de ses organes et du grand nombre de ses cellules individuelles, que lorsqu’elle aura équilibré et accepté simultanément ses deux mouvements et archétypes sexuels : le féminin et le masculin. La « Religion » étant sa sexualité, elle devra pour cela réaliser la synergie de toutes les formes de croyances religieuses (dont athées), chacune d’entre elles ayant son utilité, sa raison d’être. Il ne s’agira donc plus ni de guerres des sexes, ni de guerres de religion, mais d’apprendre à accueillir les différences en comprenant, si possible intimement, l’intérêt et la nature de chacune. Il ne s’agira pas non plus de forcer et de fondre les mouvements religieux pour les mouler sous une seule forme. Nous y perdrions en richesse de potentialités.

On a pu entendre dire d’un homme que pour comprendre les femmes, il lui faudrait en être une lui-même. Peut-être est-ce d’ailleurs en partie pourquoi certains êtres humains changent de sexe. Pour comprendre un individu, nous devons parvenir à nous imaginer être à sa place, à défaut de nous y trouver réellement. À cette fin, l’empathie et la compassion nous facilitent grandement la tâche. De manière analogue, pour comprendre une autre religion que celle dans laquelle nous baignons initialement, nous devons au moins nous imaginer nous plonger dans le nouveau courant que pour nous elle représente. L’immersion se révèle considérablement plus efficace que le « tourisme » dès qu’il s’agit pour nous de comprendre et surtout d’accueillir ce qui au départ nous paraît étranger. Marcher dans les pas de l’autre nous permet de plus facilement changer de point de vue, sans pour autant adhérer au nouveau. (Voir aussi : Les trois versions d’un conflit, Entendre et écouter pour communiquer, maintenant et dans l’Humanité future et Pensée multiple).

Le fonctionnement excessif d’un organe du corps humain finit par le rendre malade, éventuellement jusqu’à tuer ce dernier. De même, l’extrémisme religieux (y compris du matérialisme) finit par rendre l’Humanité malade, au risque de la détruire, par exemple dans un feu d’artifice d’explosions nucléaires. À l’inverse, la modération des croyances, et surtout des attitudes et des actions qui en découlent, participera à la création d’une Humanité Une. Toutes les religions, dont le matérialisme, ont leur importance et seront utiles, à partir du moment où nous saurons en modérer les excès. Si elles existent, elles peuvent toutes avoir leur rôle à jouer dans la construction d’un Nouveau Monde.

image_pdfPDF A4image_printImprimer

⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.

(3 commentaires)

  1. L’athéisme est la croyance en l’inexistence de « Dieu » (concept sur lequel il reste à s’accorder)
    et l’agnosticisme est une doctrine qui rejette toute métaphysique et déclare que l’absolu est inaccessible à l’esprit humain.
    Ils représentent souvent deux formes ou schismes de la religion plus générale du matérialisme. Ce dernier, dans sa forme la plus dense, est caractérisé par :

      – l’adoration du dieu Argent,
      – les grandes messes populaires que sont notamment les spectacles et les réunions sportives, avec leurs rituels (sifflements, applaudissements, lancers de tomates…),
      – les idoles telles que les stars du cinéma ou du sport, adorées aussi par les fidèles (appelés traditionnellement les « fans »),
      – les gourous de l’économie, de la politique, de l’éducation, du marketing… qui enseignent les croyances religieuses matérialistes (bienfaits de la croissance, croissance pouvant être illimitée — dans un monde aux ressources pourtant limitées —, bienfaits de la technologie qui permet notamment le confort matériel — mais n’empêche pas la maladie —, capacité de l’Homme de faire mieux que la Nature — et qui pourtant la détruit —, etc.),
      – les textes sacrés que sont les ouvrages écrits par ces mêmes gourous,
      – la croyance que le matérialisme est meilleur que les autres religions et que son dieu est le plus fort (croyant que l’argent peut tout acheter).

    Toute forme de croyance ou d’idéologie plus ou moins doctrinale tend à se transformer en « religion » lorsqu’on y adhère sans recul ou avec fanatisme.
    La remettre en question ou en explorer d’autres peuvent éviter une telle tendance.

    1. Totalement fausse votre définition de l’athéisme.
      Le terme vient du mot grec  » atheos » qui signifie sans dieu.
      Pourquoi négliger de mentionner qu’il n’y a pas de définition unique de l’athéisme ?
      La définition varie en fonction des époques, sociétés et courants philosophiques.
      L’athéisme c’est surtout la négation ou le rejet de l’existence de toute forme de divinité.

      Certaines formes d’athéismes peuvent être dites actives ou militantes, c’est-à-dire que la personne affiche ouvertement sa position et cherche à convaincre d’autre personnes que Dieu n’existe pas. La forme la plus radicale d’athéisme est la forme antireligieuse, qui en plus de nier l’existence d’un dieu, dénonce les religions et leur influences. Mais l’athéisme peut aussi seulement être une forme de pensée et de vie pratique, qui revient à vivre comme s’il n’existait pas de dieu. On appelle cela l’athéisme passif ou pratique.

      Mais il peut tout aussi bien y avoir des religieux croyants en un dieu dans plusieurs points de l’énumération que vous faite.

      Pensez-vous vraiment qu’il est impossible d’avoir une spiritualité ou une attitude bienveillante sans la croyance en un dieu ?

      1. L’une des plus grandes difficultés de la communication entre êtres humains provient de leur différence de vocabulaire. Le sens qu’ils mettent derrière les mots n’est pas universel et même de subtiles variations peuvent conduire à l’incompréhension. Selon votre perception, il est donc tout à fait possible qu’elle soit fausse. C’est entendu. Cependant, selon Joseph alias moi-même, croire que l’univers est sans dieu est équivalent à croire en l’inexistence de dieu. J’ai vraiment du mal à comprendre votre point ici.
        Pour répondre à votre première question, l’article se présente sous la forme d’une « note » et, en tant que tel, il s’agit bien davantage d’idées jetées pêle-mêle sur le papier (dans le but d’une exploration future plus approfondie) que d’une thèse complète sur le sujet. En aussi peu de phrases, on ne saurait d’ailleurs le faire. Alors, je vous accorde que je suis loin d’avoir fait le tour des définitions possibles de l’athéisme. Pour lancer le questionnement ou le débat, une seule me paraissait suffire. C’était peut-être une erreur.
        Pour ma part, je considère très constructif que des intervenants ajoutent leurs propres définitions ou perceptions, et si possible dans un but commun de partage et/ou d’augmentation de notre compréhension des choses.
        Les points que vous soulevez ensuite me paraissent intéressants et susceptibles d’augmenter la perspective autour des notions proposées par l’article.
        Je relève particulièrement cette mention : « Certaines formes d’athéismes peuvent être dites actives ou militantes, c’est-à-dire que la personne affiche ouvertement sa position et cherche à convaincre d’autres personnes que Dieu n’existe pas. La forme la plus radicale d’athéisme est la forme antireligieuse ». Ceci rejoint l’idée que le fanatisme n’est pas l’apanage des religions traditionnelles et peut se trouver dans n’importe quel domaine de l’existence humaine.
        Pour répondre à votre dernière question, je pense que tout est possible a priori, mais que rien n’est certain tant que ce n’est pas suffisamment démontré (et il resterait à déterminer quelle est cette limite du « suffisant »).
        Je vous accorde également que l’approche était très générale et schématique, mais elle a peut-être le mérite de démarrer une réflexion.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *