Note sur les religions et l’athéisme

Par Joseph Stroberg

L’athéisme et
l’agnosticisme ayant ceci de commun qu’ils ne se préoccupent pas
d’un principe créateur universel ou transcendant se ramènent
finalement à des croyances matérialistes. En se référant à
l’article « Servir
l’Humanité ou s’en remettre à la Volonté du Père ?
 »,
ces formes de croyances sont assimilables à des religions de nature
exclusivement féminine. Elles plongent en effet l’individu dans la
matière tout en lui retirant toute possibilité d’effectuer le
mouvement inverse. Or les tendances extrémistes représentent des
déséquilibres tels qu’elles sont généralement destructrices à
plus ou moins long terme et parfois à très court terme. En
l’occurrence ici, on peut facilement voir dans l’athéisme et
l’agnosticisme la cause fondamentale du déclin de la conscience
morale et conséquemment d’un chaos social, culturel, politique et
civilisationnel croissant. Que ces croyances aient été stimulées
ou non elles-mêmes par l’Humanisme ne change probablement pas
grand-chose aux résultats. Les destructions environnementales en
sont parmi les signes les plus visibles. (Voir aussi la Note
sur les mouvements humains et la sagesse du Tao
).

Dans la conscience
(et parfois l’inconscience) populaire, lorsque l’on évoque
l’idée de religion, souvent on attend les notions connexes de
rituels, de lieux de culte et de grands prêtres. Or, le matérialisme
a ses rituels : en particulier, les grandes messes sportives et
de show-business, et les achats hebdomadaires dans les centres
commerciaux. Il a aussi ses lieux de culte : les salles de
spectacles, les stades, les centres commerciaux… Et il a ses
grands-prêtres : les économistes et les rois du marketing,
auxquels on peut ajouter des politiciens et même des scientifiques
et des éducateurs, ainsi que quelques « philosophes ».
On les appelle en général plutôt des « gourous » que
des prêtres. Nous avons affaire à une religion dont l’objet
d’adoration principal est l’argent (qui permet de tout acheter,
ou presque) et dont les icônes sont les vedettes de la société du
spectacle, des sports et de la réussite économique. On y admire
bien plus souvent les ultra riches que les pauvres, et ceci
indépendamment de la manière dont ils ont pu acquérir leur
fortune. On ne s’embarrasse pas de considérations morales. La fin
justifie les moyens.

Admettant donc que
l’athéisme et l’agnosticisme sont des religions au même titre
que les grandes religions « révélées », et que toutes
ces croyances relèvent des dimensions féminine et/ou masculine en
proportion variable, que pouvons-nous en tirer ? L’Humanité ne
pourra connaître une véritable unité, à l’image d’un corps
humain fonctionnant de manière unitaire en dépit de la disparité
de ses organes et du grand nombre de ses cellules individuelles, que
lorsqu’elle aura équilibré et accepté simultanément ses deux
mouvements et archétypes sexuels : le féminin et le masculin.
La « Religion » étant sa sexualité, elle devra pour
cela réaliser la synergie de toutes les formes de croyances
religieuses (dont athées), chacune d’entre elles ayant son
utilité, sa raison d’être. Il ne s’agira donc plus ni de
guerres des sexes, ni de guerres de religion, mais d’apprendre à
accueillir les différences en comprenant, si possible intimement,
l’intérêt et la nature de chacune. Il ne s’agira pas non plus
de forcer et de fondre les mouvements religieux pour les mouler sous
une seule forme. Nous y perdrions en richesse de potentialités.

On a pu entendre
dire d’un homme que pour comprendre les femmes, il lui faudrait en
être une lui-même. Peut-être est-ce d’ailleurs en partie
pourquoi certains êtres humains changent de sexe. Pour comprendre un
individu, nous devons parvenir à nous imaginer être à sa place, à
défaut de nous y trouver réellement. À cette fin, l’empathie et
la compassion nous facilitent grandement la tâche. De manière
analogue, pour comprendre une autre religion que celle dans laquelle
nous baignons initialement, nous devons au moins nous imaginer nous
plonger dans le nouveau courant que pour nous elle représente.
L’immersion se révèle considérablement plus efficace que le
« tourisme » dès qu’il s’agit pour nous de
comprendre et surtout d’accueillir ce qui au départ nous paraît
étranger. Marcher dans les pas de l’autre nous permet de plus
facilement changer de point de vue, sans pour autant adhérer au
nouveau. (Voir aussi : Les
trois versions d’un conflit
, Entendre
et écouter pour communiquer, maintenant et dans l’Humanité future

et Pensée
multiple
).

Le fonctionnement
excessif d’un organe du corps humain finit par le rendre malade,
éventuellement jusqu’à tuer ce dernier. De même, l’extrémisme
religieux (y compris du matérialisme) finit par rendre l’Humanité
malade, au risque de la détruire, par exemple dans un feu d’artifice
d’explosions nucléaires. À l’inverse, la modération des
croyances, et surtout des attitudes et des actions qui en découlent,
participera à la création d’une Humanité Une. Toutes les
religions, dont le matérialisme, ont leur importance et seront
utiles, à partir du moment où nous saurons en modérer les excès.
Si elles existent, elles peuvent toutes avoir leur rôle à jouer
dans la construction d’un Nouveau Monde.