25/04/2023 (2023-04-25)
[Source : ledialogue.fr via arretsurinfo.ch]
Guy Mettan est un journaliste, un essayiste et une personnalité politique suisse, actuellement député et ancien président du Club Suisse de la Presse. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de géopolitiques, dont le remarqué « Russie-Occident, une guerre de mille ans »*.
Alexandre Del Valle : On vous présente souvent en Suisse comme trop proche de la Russie dont vous avez la nationalité, mais vous revenez juste des États-Unis, où vous semblez aussi compter des amis. Ceux-ci sont-ils parmi les démocrates ou les républicains ; comprennent-ils vos positions en faveur d’une paix Russie Occident ? Y a-t-il plus d’Américains que l’on croit qui sont critiques avec la politique guerrière des États-Unis et de l’OTAN ?
Guy Mettan : Je ne choisis pas mes amis en fonction de leurs idées politiques et, comme démocrate, j’estime qu’ils ont le droit d’avoir d’autres opinions que les miennes. Je précise également que j’ai obtenu la nationalité russe suite à l’adoption de ma fille Oxana et grâce à un oukase du président Yeltsine, à une époque où l’on ne savait même pas qui était Poutine.
Cela dit, je n’étais pas retourné aux États-Unis depuis 12 ans et au Canada depuis 25 ans et j’ai eu la satisfaction de constater que, dès qu’on sort des cercles de l’establishment new-yorkais, washingtonien ou californien, la diversité de pensée et la liberté d’expression y sont plus vigoureuses qu’en Europe, où il est désormais interdit d’exprimer une critique du bellicisme atlantiste sans se faire taxer de fasciste, de populiste ou de suppôt de Poutine. Aux États-Unis, cette vigueur critique se retrouve aussi bien dans la gauche radicale et chez certains sites de journalistes d’investigation tels que Consortium News, Grayzone, Common Dreams, Counterpunch ou chez des journalistes indépendants comme Glenn Greenwald, Matt Taibi et Aaron Mate, que dans la droite républicaine et sur Fox News, avec Tucker Carlson en particulier.
J’ai aussi eu le plaisir de faire les neuf heures de trajet entre Boston et Montréal avec mon ami Richard Sakwa, professeur honoraire à l’Université de Kent, qui est l’un des meilleurs spécialistes vivants du conflit Russie-Occident depuis la disparition de Stephen J. Cohen, ancien professeur à Columbia, que je connaissais bien. Nous avons eu tout le temps de refaire le monde en traversant les forêts enneigées du Vermont à bord de notre bus Greyhound.
Vous dénoncez la Russophobie de l’Occident, mais en même temps comment ne pas dénoncer l’agression russe de l’Ukraine souveraine ? Cette russophobie est-elle antérieure à la crise ukrainienne ? Avant même la révolution orange de 2005 ?
Vaste question. J’ai effectivement publié une vaste généalogie de la russophobie occidentale (Russie-Occident, une guerre de mille ans. La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne), dont l’édition remise à jour vient de paraître à TheBooksEdition.com. Ce livre permet de comprendre les racines profondes de la guerre d’Ukraine et montre comment l’Occident moderne, avec Louis XV et Napoléon d’abord, puis avec la Grande-Bretagne impériale, l’Allemagne wilhelminienne puis nazie, et enfin avec les États-Unis depuis 1945, ont érigé la Russie en ennemi viscéral chaque fois que celle-ci s’opposait à leurs rêves de domination mondiale. Le conflit actuel n’est qu’un nouvel avatar de cette lutte séculaire, qui fait écho aux invasions polonaise (en 1610), napoléonienne (en 1812), franco-britannique (en 1853), allemande, alliée et hitlérienne (1914, 1919 et 1941) et enfin américaine (avec la déstabilisation de la Géorgie et de l’Ukraine par le biais de révolutions orange financées de l’extérieur en 2004, 2005 et 2014).
Il ne s’agit pas ici d’exonérer la Russie de quoi que ce soit. Celle-ci devra assumer sa responsabilité devant l’opinion publique mondiale et devant l’histoire. Mais il n’est plus possible d’ignorer que l’OTAN, guidée par le trio Etats-Unis-Royaume-Uni-Pologne, a tout fait pour que ce conflit éclate en élargissant l’Alliance à l’Est au mépris des promesses faites à Gorbatchev en 1991, en bafouant les accords de Minsk dont l’application aurait permis d’éviter cette guerre et en méprisant les propositions russes faites à Genève lors du sommet Biden-Poutine de juin 2021 et en décembre de la même année par le Kremlin.
Vous intervenez souvent en conférence et dans des médias, que pensez-vous du degré de désinformation qui règne non seulement en Russie, ce qui est d’ailleurs systématiquement relevé, mais aussi en Occident ? Les choses se sont-elles aggravées depuis des années, selon vous qui êtes journaliste et ancien président du Club suisse de la presse ?
On sait qu’en temps de guerre il n’y a que les cimetières, les fabricants d’armes et la propagande qui s’épanouissent, de part et d’autre de la ligne de front. Les Russes n’échappent pas à cette loi. Mais nous devrions balayer devant notre porte avant de juger les autres. Comment peut-on prétendre respecter la liberté de la presse quand on interdit les médias russes dans l’Union européenne, en transgressant toutes les règles ? De quoi a-t-on peur ? Que leurs mensonges supposés sonnent plus vrais que les nôtres ?
À mes yeux, l’unilatéralisme de nos médias, leur absence absolue d’esprit critique et leur capitulation sans condition devant le bellicisme otanien signent l’arrêt de mort du journalisme libre et indépendant. Quand j’ai commencé dans le métier, je révérais la BBC, le New York Times et le Washington Post, où j’avais des amis, le Spiegel, le Monde dont l’ancien rédacteur en chef André Laurens m’avait prêté sa machine à écrire… Aujourd’hui, ces médias se sont honteusement alignés sur la machine de guerre atlantiste. Les chaînes radio et TV tant publiques que privées font encore pire.
Pendant quelques années, on avait pu espérer que les réseaux sociaux sauveraient la liberté de pensée et d’expression. Mais leur remise à l’ordre avec le triste épisode du Russiagate, totalement inventé pour nuire à Trump avant d’être mis en pièce par la Columbia Review of Journalism, a conduit au rétablissement effectif de la censure sur les grands réseaux. Ces dernières années, ceux-ci ont engagé des centaines d’anciens collaborateurs des services de renseignement pour faire la police. Les liens entre les plateformes privées et les organes de sécurité de l’État sont donc très étroits et assurent l’efficacité de la propagande en Occident. Il ne reste plus que des plateformes alternatives comme Rumble ou Substack pour assurer la liberté d’expression.
Face à la grossière propagande russe qui rappelle celle du stalinisme sur l’antifascisme et qui consiste à dénoncer constamment la « nazification » de l’armée et même du pouvoir ukrainien alors même que Zelenski (orthodoxe chrétien) est fils de juifs, maintenez-vous que des groupes nazis sont toujours présents au sein de l’armée et que Stepan Bandera et Roman Shukhevych, massacreurs de Juifs alliés des nazis durant la Seconde Guerre mondiale, sont toujours des héros officiels de Pravi Sektor, Azov et qu’ils sont honorés par des rues et des monuments officiels en Ukraine ?
Précisons que Zelenski est d’ascendance juive, mais n’est pas juif au sens strict du terme puisque sa mère n’est pas juive. Cette judaïté retrouvée a été mise en avant pour tenter d’obtenir le soutien de la puissante communauté juive américaine et de l’opinion israélienne. Mais celles-ci ne sont pas dupes, ce qui explique le flop de Zelenski lors de son discours à la Knesset et le flop de la visite de militants Azov à Massada l’an dernier.
Rappelons aussi que chaque année, jusqu’en janvier 2022, l’ambassade israélienne à Kiev et la presse israélienne s’indignaient que des bataillons Azov et des milliers de militants de Pravy Sektor défilent dans les rues des villes ukrainiennes en arborant des saluts et des insignes nazis. De même, le fait qu’une avenue Stepan Bandera, bourreau de dizaines de milliers de juifs ukrainiens entre 1941 et 1944, débouche sur le monument de Babi Yar, où 50 000 juifs ont été massacrés par les SS assistés de nationalistes ukrainiens, n’indiffère que les ignorants.
En insistant sur la « dénazification » de l’Ukraine, les Russes instrumentalisent certainement la Shoah et l’antifascisme en leur faveur, mais ils ont mis le doigt sur une réalité que ni la presse ni les dirigeants occidentaux ne veulent reconnaître. Même s’il est vrai que les extrémistes ukrainiens à tendance néonazie ne représentent qu’une minorité, il s’agit hélas d’une minorité très active et très puissante au sein de l’appareil d’État et de l’armée, même si elle est beaucoup moins visible aujourd’hui.
A-t-on des noms de dirigeants et autres membres du gouvernement Zelenski ou gouverneurs, maires ou généraux ukrainiens devenus « respectables » pour rassurer les Occidentaux et Israël, mais issus des partis politiques nazis qui maintenant, contrairement à 2014-15, n’ont plus d’élus officiels au Parlement ? Les néonazis les plus puissants se sont-ils « relookés » ou « recyclés » ?
Au début de la guerre, les réseaux sociaux ont montré d’innombrables photos d’unités et de groupes de gens arborant des insignes ou faisant des saluts nazis. On a aussi pu voir nombre d’exactions et de crimes commis par ces unités, tels que des massacres de prisonniers russes ou des flagellations de gens suspectés de russophilie. Par peur du scandale et de donner raison à Poutine, toutes ces images et ces vidéos ont été purgées, si bien qu’elles ont quasiment disparu des écrans. De même, les porte-parole les plus visibles de cette mouvance — pensons notamment à l’unité Safari, repérée à Butcha entre le départ des Russes et la révélation des atrocités, aux Andryi Biletski, ancien député d’extrême droite, Dmytro Yarosh, nommé conseiller spécial du chef de l’armée ukrainienne peu avant la guerre, Oleksander Poklad surnommé l’étrangleur, au commandant Dmytro Kotuybaylo ou encore à Maksym Marchenko, commandant du bataillon ultranationaliste Aïdar, celui-là même auprès duquel Bernard-Henri Lévy s’est fait une gloire de défiler — se sont faits très discrets ou ont été mis à l’écart afin de ne pas nuire à la crédibilité de la propagande occidentale et à l’effort de guerre otanien. Enfin le déroulement de la guerre a aussi éclairci les rangs nationalistes lors des batailles de Kharkiv et de Marioupol.
Les médias occidentaux relaient souvent la propagande ukrainienne de guerre (certes compréhensible pour susciter l’aide de la communauté internationale). Celle-ci est-elle finalement contre-productive ou nuisible à la paix ou au contraire efficace pour encourager les Ukrainiens moralement et faire adhérer les Occidentaux à aider militairement les Ukrainiens et consentir aux sacrifices économiques ?
Il est certain que l’attitude va-t-en-guerre des médias occidentaux, qui fustigent tout appel à la négociation comme une trahison de la « démocratie » ukrainienne et des « valeurs occidentales » n’aide en rien à un retour à la paix, ou à une simple trêve. Depuis le début de la guerre, et encore davantage depuis les événements de Butcha, tout a été fait pour diaboliser la Russie et transformer les Russes en monstres assoiffés de sang et en criminels de guerre pathologiques, de façon à rendre impossible tout recours à la diplomatie et au dialogue, sous le prétexte « qu’on ne peut pas parler avec des criminels ».
Le mandat d’arrêt lancé par la CPI contre Poutine est l’aboutissement de cette logique, qui vise à instrumentaliser la justice pour imposer la poursuite de la guerre par tous les moyens, quel que soit le nombre de victimes provoqué par ce jusqu’au-boutisme juridique. Or que signifie la justice quand elle est menée dans le but de prolonger délibérément la guerre ? Quand on sait que la CPI est présidée par un Polonais et que le procureur est un Britannique, soit deux représentants des nations les plus antirusses qui soient, et que les millions qui ont servi à financer l’instruction contre Poutine proviennent de pays de l’OTAN (voir les articles de Janet H. Anderson sur Justiceinfo.net et de Max Blumenthal sur Grayzone), on peut sérieusement se poser la question de l’indépendance de cette Cour. Surtout quand on constate qu’elle a été incapable d’instruire l’affaire des crimes de guerre commis par ces mêmes Alliés en Irak, en Afghanistan ou dans les territoires palestiniens.
Il ne faut pas s’étonner si, dans ces conditions, les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine restent sceptiques tandis que les opinions publiques occidentales sont chauffées à blanc par la propagande active des experts, universitaires, journalistes et autres formateurs d’opinion tout en étant désamorcées d’un autre côté par une censure qui élimine systématiquement les faits gênants pour le narratif dominant.
Confirmez-vous les récentes analyses du FMI jugeant la Russie économiquement bien plus résiliente que prévu ?
J’observe l’économie russe depuis trente ans. J’ai assisté à son effondrement dans les années 1990 et à sa lente reconstruction dans les années 2000. J’ai eu l’occasion de visiter d’innombrables usines et entreprises à la tête de délégations économiques et j’ai pu constater la vigueur de cette reprise, constamment sous-estimée par l’Occident, qui n’a cessé de proclamer que l’économie russe valait moins que rien, qu’elle n’était même pas au niveau de l’Espagne, etc. Les observateurs avisés, comme Jacques Sapir ou Emmanuel Todd, savent pourtant qu’elle est beaucoup plus résiliente que prévu. Le FMI a récemment revu la croissance pour 2023 à la hausse, l’estimant à 0,7 % au lieu de 0,3 %. Ce qui est une performance dans le climat de sanctions actuel. Après 2014, on avait pu constater que les sanctions, loin d’affaiblir l’économie russe, la renforçaient, comme ce fut le cas pour l’agriculture, qui a connu un boom spectaculaire, notamment pour la production de blé et de lait.
Trop longtemps, la Russie s’est reposée sur l’exportation de pétrole, de gaz et de produits miniers, qui enrichissait une classe d’oligarques qui pratiquaient l’évasion de capitaux pour s’acheter des yachts et des résidences de luxe en France, à Londres ou en Suisse. Grâce à Bruno Lemaire et à ses amis, qui ont confisqué les avoirs de ces gens et les réserves de la banque centrale de Russie, cette époque est terminée.
Dans les années qui viennent, il faut s’attendre à ce que l’industrie russe rebondisse, et pas seulement dans le secteur militaire. La guerre a brutalement rappelé à l’Occident qu’on ne produit pas de la richesse avec des avocats, des spécialistes du marketing et autres manipulateurs de symboles chers à Robert Reich, mais avec de l’économie réelle. Les ordinateurs de la Silicon Valley ont besoin d’énergie, les usines de matières premières et les hommes de nourriture. La Russie possède tout cela en abondance, avec les ingénieurs et la formation scolaire en plus.
Craignez-vous une guerre OTAN-Russie déjà en place non officiellement, mais plus frontale et une montée en intensité ?
La guerre OTAN-Russie avait déjà commencé en 2007, lorsqu’à la Conférence de Munich Vladimir Poutine avait demandé à l’OTAN de ne pas franchir la ligne rouge avec l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine à l’Alliance et que celle-ci avait répondu en ouvrant ses portes à ces deux pays au printemps 2008 et en autorisant le président géorgien Saakhashvili à attaquer l’Ossétie du Sud le 8 août 2008. En 2014, les émeutes de Maidan, soutenues par l’Occident, John Mc Cain et Victoria Nuland en particulier, et la prise du pouvoir par des nationalistes ukrainiens qui ont aussitôt harcelé les populations russophones du pays en proscrivant leur langue, ont provoqué la sécession du Donbass et l’annexion de la Crimée par la Russie. On connaît la suite de l’histoire.
L’intervention militaire actuelle, comme on commence d’ailleurs à le reconnaître, s’inscrit donc dans la logique de 2014 et du bombardement continu des populations du Donbass par l’armée ukrainienne au prix des 14 000 morts reconnus par l’ONU. Pendant ces huit années, ainsi que l’ont avoué Angela Merkel et François Hollande, l’OTAN en a profité pour armer, former et entraîner l’armée ukrainienne de façon qu’elle puisse récupérer les territoires perdus par la force, ainsi que l’a décrété Zelenski dans un ukase publié en mars 2021, deux mois après l’arrivée au pouvoir de Joe Biden.
Vue du côté russe, l’intervention de l’OTAN dans les zones frontières de la Russie existe depuis 2008 et n’est donc en rien une surprise. La surprise est plutôt du côté occidental, dans la mesure où les opinions publiques euro-américaines ont été tenues, et continuent à être tenues, dans l’ignorance de ces ingérences avec des formules aussi alambiquées que trompeuses, telles que co-belligérance, assistance à démocratie en danger, livraisons d’armes « pour sauver des vies », etc. Pour le moment, les risques d’escalade sont maîtrisés, les Russes ne faisant que riposter à la montée en puissance de l’aide occidentale. On dénonce leur « chantage » nucléaire, mais on oublie de mentionner que les allusions de Poutine à ce sujet sont toujours des réactions à des actions occidentales (changement de doctrine d’usage de la force nucléaire américaine, déclarations de Le Drian en février 2022 ou des Britanniques en mars 2023 sur l’usage d’uranium appauvri, etc.)
Les Américains vont-ils subitement lâcher les Ukrainiens comme ils ont fait avec la Résistance afghane ou les Kurdes de Syrie dès que le vent des sondages tournera ou les élections approcheront ou sont-ils condamnés à aller jusqu’au bout pour empêcher le camp pro-russe multipolariste et « révisionniste » (au sens des RI) de défier l’ordre international occidentalo-centré, l’un des enjeux globaux de cette guerre ?
Avec les États-Unis, tout est toujours possible, le meilleur comme le pire. Comme au Vietnam ou en Afghanistan, ils pourraient tout à fait abandonner le terrain si l’intervention ne correspond plus à leurs intérêts immédiats. Mais il faut savoir que la doctrine américaine inspirée par Paul Wolfowitz en 1992, le Grand Échiquier de Brzezinski en 1997 et le rapport de la Rand Corporation en 2019 (Overextending and Unbalancing Russia), a toujours considéré la Russie comme un adversaire à abattre et l’Ukraine comme un territoire à conquérir. Ils ne vont donc pas la lâcher facilement. Les Américains, qu’ils soient démocrates (restaurer le leadership américain) ou républicains (rendre sa grandeur à l’Amérique), partagent le même but, à savoir le maintien de l’hégémonie états-unienne via le dollar et la force militaire. Ils diffèrent seulement sur l’ordre des priorités, les Républicains considérant qu’il faut d’abord s’attaquer à la menace chinoise quitte à s’allier avec Moscou tandis que les Démocrates estiment qu’il faut d’abord détruire la Russie avant de s’attaquer à la Chine.
Quelles seraient selon vous les pistes les plus réalistes de sortie de crise, de déconfliction ou simplement de désescalade afin d’arrêter le carnage en cours ?
L’Occident, en criminalisant Poutine, a gelé de facto tout recours à la diplomatie. De leur côté, les Russes, qui ont l’avantage du nombre, du temps, de l’espace et de la proximité, ne voient pas d’urgence à négocier.
À ce stade, je ne vois donc pas d’autre sortie de crise que la poursuite des opérations militaires jusqu’à épuisement des belligérants, sur le modèle d’un scénario à la coréenne. Tantôt un camp avance, tantôt il recule, sans progression décisive, jusqu’à ce qu’on décide d’arrêter les frais et de geler le conflit à la ligne de front. Quoiqu’il en soit, l’Europe restera divisée pour longtemps tandis que le basculement du monde en faveur de l’Asie et du Sud global va s’accélérer et s’intensifier.
*« Russie-Occident, une guerre de mille ans : La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne », Genève, 2015.
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