Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24

07/01/2023 (2023-01-04)

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23]

Par Joseph Stroberg

​24 — Le port

En raison de la présence massive de Matronix, de la taille de la planète et de sa grande masse océanique subséquente, les marées sur Veguil y revêtaient une ampleur relativement exceptionnelle dans la galaxie. Lorsque l’astre majestueux s’alignait avec Dévonia, la différence de hauteur entre la marée basse et la haute pouvait atteindre quelques centaines de pas sur les côtes les plus exposées. À cause de telles variations du niveau des mers, nul port classique tel qu’on pouvait en voir sur une portion non négligeable des autres planètes habitées n’avait pu être établi ici. En guise de port, d’énormes pieux métalliques avaient simplement été plantés profondément dans le sable de la vaste plage durant l’époque de la chute de l’Empire Zénovien. Ils se trouvaient au niveau des marées les plus hautes, à une distance d’un millier de pas des premières maisons. À l’aide d’une technologie aujourd’hui disparue, ils avaient été ancrés dans la roche présente sous le sable. Ainsi, ils ne se trouvaient jamais complètement couverts par l’eau et ne pouvaient en principe pas être emportés, même par un des très rares raz-de-marée. Leur partie supérieure était dotée de quatre gros demi-anneaux métalliques soudés qui servaient à accueillir les cordages des navires afin de maintenir ces derniers en place et de leur éviter d’être soumis aux courants et aux marées.

Les pieux se trouvaient alignés le long du littoral sur deux rangs parallèles séparés de deux centaines de pas et espacés d’une même distance. En fait de navires, les embarcations étaient des sortes de larges radeaux souples, de plus de 160 pas de large sur autant de long, dont la partie centrale était constituée d’un habitacle en forme approximative de sphère aplatie, et dont le sol était lisse et plat, mais le plafond bombé. La partie radeau était constituée par l’assemblage de longues branches d’une variété d’arbres géants trouvée sur le continent Gworni. Celles-ci étaient à la fois souples et hydrofuges, grâce à leur texture et à leur sève résineuse. L’habitacle était majoritairement construit à l’aide de très larges feuilles trouvées sur certains arbres du quatrième continent. Elles étaient également hydrofuges, en plus de leur grande résistance à la déchirure. On les collait les unes aux autres sur une poignée de couches avec une forte glu qui résistait à la corrosion marine. Une petite ouverture était maintenue dans la partie supérieure de l’habitacle un peu au-dessus du niveau du radeau, alors que la partie inférieure se trouvait partiellement plongée dans l’eau lorsque le navire flottait. L’habitacle était joint au radeau par des cordelettes de hiélix sur tout le pourtour horizontal, de manière suffisamment lâche et souple pour qu’une fois à l’eau il puisse flotter sans toutefois permettre à l’eau d’y pénétrer par l’ouverture.

Les navires étaient attachés chacun à quatre pieux, entre les deux rangées. Même si le port était long et occupait la moitié de la longueur de la ville sur la côte, le port — le plus grand de la planète — ne pouvait contenir au maximum qu’un millier de tels navires. En fait, il n’en accueillait généralement pas plus de deux ou trois centaines à la fois, car leur nombre total sur la planète n’excédait pas sept cents. Ceux-ci étaient principalement utilisés pour de rares échanges ou visites entre continents et n’avaient vocation ni commerciale ni touristique (ces deux notions étaient même pratiquement inconnues sur Veguil), et n’étaient pas non plus utilisées pour la pêche, puisque celle-ci se limitait à des techniques individuelles rudimentaires principalement sur les cours d’eau et les lacs et plus rarement sur le littoral marin.

Les navires étaient mis à libre disposition des Vélien qui pouvaient en avoir un réel besoin pour s’aventurer sur les océans ou rejoindre un autre continent. Ils étaient construits de temps en temps par l’un des rares constructeurs navals de la planète. Il n’existait plus que cinq d’entre ces derniers, car les navires se perdaient rarement en mer : leur usure était lente ; leur structure particulière et leur faible poids les rendaient pratiquement insubmersibles ; et par leur souplesse, ils épousaient la houle.

Lorsque les quatre compagnons arrivèrent en vue des pieux du port et des navires qui leur faisaient immédiatement face, ils s’interrogèrent sur la manière dont on devait les utiliser.

— Ouais, c’est bien beau de pouvoir prendre un navire pour rejoindre le continent du Sud, mais comment se déplacent-ils ? interrogea Gnomil sur un ton plaintif. Pour commencer, ils sont bien trop grands et donc lourds pour qu’à seulement nous quatre nous puissions les traîner jusqu’au rivage. Vous avez vu à quelle distance, celui-ci se trouve ?

— Oui, beaucoup trop loin, reconnut Tulvarn. Manifestement à plus de mille cinq cents pas ! Et combien même la mer serait-elle à nos pieds, comment se manient-ils ? Par enchantement magique ? Il n’y a même pas de rames ni de voiles !

— Bonnes questions, reconnurent Jiliern et Reevirn, alors que le quatuor se délesta chacun de son sac et qu’ils s’assirent sur le sol en attendant d’avoir l’idée ou la révélation d’une réponse. Attendraient-ils longtemps ?

Hormis les rares navigateurs et usagers récents et actuels de ces navires, la très grande majorité des Véliens ignoraient le plus souvent tout des navires, même s’ils en connaissaient l’existence par ouï-dire. Si les quatre compagnons voulaient se rendre à la Cité de cristal, il leur faudrait rapidement pallier leurs lacunes. Ils décidèrent donc de retourner dans la ville pour se renseigner.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25)

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