09/01/2021 (2021-01-09)
[Source : Horizons et débats via Mondialisation.ca]
Par Diana Johnstone*
[Image d’entête :]
© World Economic Forum, Flickr, CC BY-NC-SA 2.0
Visionnement du film en réalité virtuelle « Collisions » lors d’une session du Forum économique mondial à Davos, en Suisse, en janvier 2016.
Le grand prétexte qui doit nous conduire vers la dystopie
Dans leur étude « Covid-19. The Great Reset » (« Covid-19 : La grande réinitialisation ») publiée par le Forum économique mondial/World Economic Forum (WEF/FEM), les économistes Klaus Schwab et Thierry Malleret nous donnent à entendre la voix de la future gouvernance mondiale.
En intitulant leur dernière publication au sein du WEF « Covid-19 : The Great Reset », les auteurs associent la pandémie à leur propositions futuristes de façon à provoquer un concert de hauts cris d’illuminations soudaines. Dans le climat de confusion et de méfiance qui règne actuellement, l’enthousiasme avec lequel les économistes Klaus Schwab et Thierry Malleret saluent en la pandémie un signe avant-coureur du bouleversement socio-économique qu’ils présagent laisse à penser que si celui-ci ne s’était pas déclaré tout seul par hasard, ils auraient volontiers créé le Covid-19 de toutes pièces.
En effet, Klaus Schwab, le fondateur du Forum économique mondial, a déjà vigoureusement prôné la « Grande Réinitialisation » en utilisant le changement climatique comme facteur déclencheur de la crise, avant que la toute récente éclosion du Corona virus ne lui fournisse un prétexte encore plus direct de promotion pour ses projets de restructuration du monde.
D’emblée, les auteurs commencent par clamer que
« le monde tel qu’il était dans les premiers mois de 2020 n’existe plus »,
(éd. allemande p. 12)
que des changements radicaux vont façonner une
« nouvelle normalité ».
(id. p. 12)
Nous allons nous-mêmes en être transformés :
« Beaucoup de nos croyances et hypothèses sur ce à quoi le monde pourrait ou devrait ressembler vont être réduites à néant au cours de ce processus ».
(id. p. 13)
Tout au long du livre, les auteurs semblent se réjouir des effets supposés des nombreuses « angoisses » suscitées par le virus, lesquelles sont censées conditionner les gens à désirer les changements radicaux qu’eux-mêmes (les auteurs) appellent de leurs vœux.
Ils utilisent le jargon technocratique pour proclamer que la pandémie est déjà à l’œuvre, modifiant la mentalité humaine afin que celle-ci se conforme à la nouvelle réalité qu’ils croient inévitable.
« Notre crainte sous-jacente et peut-être persistante d’être infecté par un virus (Corona ou autre) […] va donc accélérer la marche implacable de l’automatisation […] ».
(id. p. 183)
Vraiment ?
« En raison de la forte appréhension – provoquée par le Coronavirus – qu’on éprouve à rester assis dans un espace fermé en compagnie de parfaits inconnus, il se peut que beaucoup de gens décident qu’ils préfèrent regarder le dernier film ou la dernière représentation d’opéra à la maison parce qu’au fond c’est ce qu’il y a de mieux à faire ».
(id. p. 234)
« Il y a d’autres effets immédiats qui sont beaucoup plus faciles à prévoir, dont la propreté par exemple. La pandémie va certainement mettre davantage l’accent sur l’hygiène. En particulier, la nouvelle obsession de l’hygiène entraînera la création de nouveaux emballages. Nous serons invités à ne plus toucher aux produits que nous désirons acheter.
Les plaisirs simples, comme sentir un melon ou toucher un fruit, seront mal vus et pourraient même appartenir au passé »
(id. p. 234)
Voilà bien la voix des derniers postulants à la gouvernance-mondiale ! Du haut de leur condescendance les experts décident des « besoins » des masses. Ces désirs supposés sont destinés à correspondre aux objectifs de rentabilité colportés par ces mêmes experts. Leurs plans tournent autour de l’innovation numérique, de l’automatisation massive grâce à « l’intelligence artificielle » et enfin de « l’amélioration » des humains qui seraient alors artificiellement dotés de certaines des caractéristiques des robots : par exemple, pouvoir résoudre des problèmes sans s’embarrasser de considérations éthiques.
Klaus Schwab, ingénieur et économiste de formation, est né à Ravensburg en 1938. Il a fondé son Forum économique mondial (FEM) en 1971, massivement sponsorisé par les multinationales. Ce groupe se réunit une fois par an à Davos, en Suisse – la dernière fois c’était en janvier 2020 et cela aurait dû avoir lieu l’année prochaine en mai, mais sera reporté pour cause de Covid-19.
De quoi s’agit-il au juste ? Je décrirais volontiers le FEM comme une combinaison de cabinet-conseil capitaliste et de lobby géant. Ses visions futuristes sont conçues pour piloter les investisseurs dans les domaines rentables de ce que M. Schwab appelle la « Quatrième Révolution industrielle » (4IR) pour ensuite, une fois ces domaines définis, faire pression sur les gouvernements afin qu’ils soutiennent ces investissements au travers de subventions, d’allégements fiscaux, de marchés publics, de réglementations et de lois.
En bref, le FEM est le lobby des nouvelles technologies, de tout ce qui est numérique, de l’intelligence artificielle et du transhumanisme.
Cette organisation est actuellement devenue puissante parce qu’elle opère dans l’environnement du capitalisme d’État, dans lequel le rôle de l’État (surtout aux États-Unis, un peu moins en Europe) a été largement réduit à un rôle de réponse positive aux demandes de ces lobbies, surtout dans le secteur financier.
Puisqu’ils se sentent immunisés contre les obscures aspirations des gens ordinaires par les contributions financières à leurs campagnes électorales, la plupart des hommes politiques d’aujourd’hui sont quasiment dépendants des conseils de lobbies comme le WEF afin qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire.
Au XXème siècle, en particulier pendant le New Deal, le gouvernement américain était sous la pression d’intérêts contradictoires. Le succès économique de l’industrie de la défense pendant la Seconde Guerre mondiale a donné naissance au Complexe militaro-industriel (CIM) qui est devenu un facteur structurel permanent de l’économie américaine.
C’est le rôle dominant du CIM et les lobbies qui ont finalement transformé la nation en un capitalisme d’État en lieu et place de l’institution républicaine initiale.
La preuve de cette transformation est l’unanimité avec laquelle le Congrès ne se prive jamais d’approuver des budgets militaires grotesquement gonflés. Le CIM a donné naissance à des médias et à des groupes de réflexion endoctrinant sans cesse le public sur la nécessité existentielle de continuer à investir les richesses de la nation dans la production d’armes de guerre. À moins que les électeurs ne se mettent d’accord, ils ne peuvent trouver aucun moyen d’expression politique face à des élections monopolisées par deux partis pro-MIC.
Le FEM peut être considéré comme le pendant du CIM. Il entend mobiliser les gouvernements et les leaders d’opinion pour promouvoir la « 4IR » qui dominera l’économie et la vie civile au quotidien elle-même.
La pandémie est donc juste un prétexte éphémère ; la nécessité de « protéger l’environnement » va devenir un prétexte plus pérenne. Tout comme le CIM sera présenté comme absolument nécessaire pour « protéger nos libertés », la 4IR sera présentée comme absolument nécessaire pour « sauver l’environnement » – et dans les deux cas, beaucoup des mesures préconisées auront l’effet inverse de celui recherché.
Jusqu’à présent, la tyrannie technologique de la 4IR de M. Schwab n’a pas encore trouvé sa place au sein du capitalisme d’État américain. Mais il semble que ses perspectives soient prometteuses. La Silicon Valley a massivement contribué à la campagne de Joe Biden, ce dernier s’est empressé d’intégrer ses grands pontes dans son équipe de transition.
Mais le vrai danger dans tout cela, à savoir la réinitialisation du pouvoir en entier, ne réside pas dans ce qui est là, mais dans ce qui n’y est pas : une quelconque opposition politique sérieuse.
Peut-on rétablir la démocratie ?
Un boulevard est en train de s’ouvrir au Great Reset pour la simple et bonne raison que rien ne s’y oppose. Pas de prise de conscience généralisée des problèmes en cause ni d’organisation politique populaire efficace, rien. C’est pour cette même raison que la dystopie (en tant que véritable anti-utopie) de M. Schwab fait peur.
L’élection présidentielle de 2020 vient d’illustrer la dépolitisation presque totale du peuple américain. Cela peut paraître bizarre si l’on tient compte de la virulence des réactions des partisans politiques en présence. Mais tout cela n’a rien été d’autre que beaucoup de bruit pour rien.
Il n’y a pas eu de véritable débat sur les thèmes d’importance, on n’a soulevé aucune question politique d’envergure, que ce soit au sujet de la guerre ou des orientations du futur développement économique.
Les arguments assez vicieux n’ont visé que les personnes et non pas la politique. Donald Trump, souvent incapable, s’est vu traiter « d’Hitler » tandis que les bellicistes démocrates de Wall Street ont été qualifiés de « socialistes » par les Trumpistes. Mensonges, insultes et chaos ont été omniprésents.
Un renouveau de la démocratie ne peut résulter que d’un engagement organisé et ciblé sur les questions soulevées par les planificateurs de Davos, d’où se dégagerait une opinion publique bien informée qui se prononcerait sur ses choix quant aux innovations technologiques socialement acceptables et celles qui ne le sont pas.
Les signaux d’alarme lancés à la marge n’influenceront pas le rapport de force intellectuel. Ce qu’il faut, c’est que tous les citoyens du monde se réunissent pour étudier les problèmes et se forger une opinion véritablement documentée sur les objectifs et les méthodes de développement du futur.
Tant qu’ils ne seront pas confrontés à des critiques bien informées et précises, la Silicon Valley et ses alliés commerciaux et financiers continueront simplement à faire tout ce qu’ils s’imaginent pouvoir faire, quelles qu’en soient les implications sociales.
Une analyse rigoureuse de la situation devra aboutir aux choix entre les innovations potentiellement utiles et celles qui sont inopportunes afin d’éviter que des notions populaires ne soient abusées pour faire accepter par tous une quelconque « avancée technologique », aussi désastreuse soit-elle.
Redéfinir les questions importantes
Les divergences politiques entre la Gauche et la Droite et entre les républicains et les démocrates se sont accentuées, alors que ces mêmes divergences viennent de se révéler incohérentes, déformées et non pertinentes, fondées davantage sur des préjugés idéologiques que sur des faits avérés. Il faudrait définir de nouvelles orientations politiques plus constructives en abordant des questions spécifiques et concrètes.
Reprenons donc, une par une, les propositions divulguées du Great Reset en les examinant d’un point de vue à la fois pragmatique et éthique.
1 – Du fait de la pandémie, le recours aux conférences téléphoniques via Skype, Zoomou d’autres nouvelles plateformes a fortement augmenté
Le FEM se félicite de cette tendance. Faut-il en conclure que c’est une mauvaise chose ? Pour être juste, cette innovation est positive en ce qu’elle permet à de nombreuses personnes d’assister à des conférences sans les frais, les tracas et le coût environnemental induits par le transport aérien. En revanche, le côté négatif est que cela empêche tout contact humain direct. Il s’agit là d’un problème simple où les aspects positifs semblent l’emporter sur les aspects négatifs.
2 – Faudrait-il que l’enseignement supérieur devienne accessible en ligne, les professeurs dispensant des cours aux étudiants sur Internet ?
Il s’agit d’une question beaucoup plus complexe qui devrait être débattue en profondeur par les établissements d’enseignement eux-mêmes et les communautés dont ils sont tributaires, en pesant le pour et le contre et en gardant à l’esprit que ceux qui fournissent la technologie veulent la vendre et se soucient peu de la valeur du contact humain dans l’éducation – non seulement le contact humain entre l’étudiant et le professeur, mais aussi les contacts entre les étudiants eux-mêmes, qui sont souvent déterminants dans l’existence. Les cours en ligne peuvent être très utiles pour des étudiants géographiquement isolés, mais la disparition de la communauté universitaire serait un pas de plus vers la destruction de la communauté humaine dans son ensemble.
3 – La santé et le « bien-être »
C’est sur ce point précis qu’il faudrait approfondir la réflexion :
« Dans l’ère post-pandémique », disent Schwab et Malleret, « trois industries (au total) vont prospérer : la haute technologie, la santé et le bien-être ».
(id. p. 241)
Pour les planificateurs de Davos, ces trois éléments se recoupent.
Ceux qui croient que le bien-être est essentiellement auto-généré et qu’il dépend des mentalités, des activités et du choix des modes de vie, passent à côté de l’essentiel.
« La combinaison de l’IA [intelligence artificielle], des objets du quotidien connectés à l’internet, des capteurs et de la technologie mobile apportera de nouvelles connaissances sur le bien-être des individus en matière de santé. Ces systèmes surveilleront notre état de santé et nos sentiments, […] fourniront des informations précises sur notre empreinte carbone, notre impact sur la biodiversité, la toxicité des ingrédients que nous consommons et les environnements ou le contexte des espaces au sein desquels nous nous déplaçons, ce qui entraînera des progrès significatifs dans la prise de conscience du bien-être collectif et individuel ».
(id. p. 243s.)
Question : Souhaitons-nous vraiment, ou avons-nous réellement besoin, de tout ce narcissisme cybernétique ? Ne pouvons-nous pas simplement profiter de la vie en aidant un ami, en caressant un chat, en lisant un livre, en écoutant Bach ou en regardant un coucher de soleil ? Nous ferions mieux de décider par nous-mêmes avant que ces gens ne nous chamboulent l’esprit.
4 – La nourriture
Pour ne pas me couper l’appétit, je vais faire l’impasse sur cette question. Les magiciens de la technologie veulent se débarrasser des agriculteurs, de leurs sols souillés et de leurs animaux malpropres et produire industriellement des aliments artificiels créés et améliorés dans de beaux laboratoires bien propres – à partir de quoi, au fait ? Le thème central : le genre humain considéré comme « homo faber ».
5 – Qu’en est-il du travail accompli par l’homme ?
« Selon toute vraisemblance, la récession déclenchée par la pandémie entraînera une forte augmentation de la substitution en matière de main-d’œuvre, c’est-à-dire que le travail physique accompli par l’homme sera remplacé par des robots et des machines « intelligentes », ce qui entraînera des changements permanents et structurels sur le marché du travail ».
(id. p. 61s.)
Ce remplacement est déjà à l’œuvre depuis des décennies. Conjugué à la sous-traitance et à l’immigration, il a de toute façon affaibli le pouvoir collectif du travail. Mais il ne fait aucun doute que les industries technologiques sont prêtes à aller plus loin, bien plus loin encore et également plus vite pour supplanter les humains et les priver de leur travail.
« La crise du Covid-19 et les mesures de distance spatiale qui l’ont accompagnée ont brusquement accéléré ce processus d’innovation et de changement technologique. Les chatbots (les dialogueurs automatiques) qui s’appuient souvent sur la même technologie de reconnaissance vocale que l’Alexa d’Amazon, ainsi que d’autres logiciels capables d’effectuer des tâches à la place du personnel humain, se sont imposés à toute vitesse. Ces innovations, motivées par la nécessité (comme par exemple les mesures d’hygiène), vont bientôt se traduire par la perte de centaines de milliers, voire de millions d’emplois ».
(id. p. 62)
La réduction des coûts de main-d’œuvre a longtemps été le leitmotiv de ces innovations, de même que la volonté interne de l’industrie technologique de « […remplacer en] faisant tout ce qui est en son pouvoir ». On met alors au point des prétextes d’utilité sociétale pour justifier ce procédé. Comme par exemple celui-ci :
« Comme il est fort probable que les consommateurs privilégient dans un avenir proche les services automatisés aux contacts physiques, ce qui se passe actuellement dans le secteur des centres d’appel se produira inévitablement aussi dans d’autres domaines ».
(id. p. 62)
« Comme il est fort probable que les consommateurs privilégient … » ! Tous les gens que je connais se plaignent de l’exaspération ressentie lorsqu’on essaie de joindre une banque ou une compagnie d’assurance afin de leur exposer une situation d’urgence et qu’au lieu d’un véritable interlocuteur on se trouve confronté à une voix dépersonnalisée et à une sélection de numéros non pertinents sur lesquels il faut cliquer. Je sous-estime peut-être le niveau d’hostilité envers ses semblables qui imprègne la société actuelle, mais j’ai l’impression qu’il existe de la part du public une forte demande implicite en faveur de moins de services automatisés et davantage de contacts directs avec des personnes réelles qui peuvent penser en dehors de l’algorithme et comprendre réellement le problème, plutôt que de se contenter de recracher des corrections d’erreurs préprogrammées.
Dans ce domaine l’insatisfaction est massive. Mais nous n’en entendons pas parler car nos médias veulent nous persuader qu’actuellement notre plus gros problème existentiel réside dans la confusion ressentie par un quelconque individu confronté à l’indétermination de l’orientation sexuelle d’un autre individu.
En cela, je soutiens que la demande des consommateurs se conjugue au besoin désespéré des individus capables et désireux de gagner leur vie. Les technocrates, eux, gagnent très bien leur vie en privant d’autres personnes de la possibilité de gagner la leur.
Et voici une autre de leurs idées lumineuses :
« Dans des villes aussi différentes que Hangzhou, Washington DC et Tel-Aviv, par exemple, on s’efforce de passer de programmes pilotes à des opérations à grande échelle capables de mettre en place une armée de robots de livraison dans les rues et dans les airs ».
(id. p. 185)
Quelle superbe alternative au salaire versé aux livreurs humains, leur moyen de subsistance !
En outre, remarquons au passage qu’un homme qui roule sur un vélo de livraison utilise une énergie renouvelable. Mais tous ces robots et ces drones ? Des piles, des piles et encore des piles ! Fabriquées à partir de quels matériaux, provenant d’où et produites de quelle façon ? Fabriquées par d’autres robots ? D’où vient l’énergie qui remplace non seulement les combustibles fossiles mais aussi l’effort physique humain ?
Lors de la dernière réunion de Davos, l’intellectuel israélien Yuval Harari a lancé un puissant avertissement :
« Alors que par le passé, les gens devaient lutter contre l’exploitation, au XXIème siècle, la véritable lutte d’envergure se fera contre l’insignifiance. […] Ceux qui échouent dans la lutte contre l’insignifiance formeront une nouvelle « classe inutile » – non pas du point de vue de leurs amis et de leur famille, mais inutile du point de vue du système économique et politique. Et cette classe inutile sera séparée de l’élite de plus en plus puissante par un fossé toujours plus large ».[1]
6 – Et enfin, parlons de l’armée
Nos prophètes de malheur du capitalisme prédisent l’effondrement partiel de l’aviation civile et de l’industrie du transport aérien, car les gens vont tous décider de rester chez eux, collés à leurs écrans. Mais ne vous en faites pas !
« Cela fait du secteur aérospatial de la défense une exception et un refuge relativement sûr ». Sûr pour l’investissement en capital, cela s’entend. Au lieu de vacances passées sur des plages ensoleillées, nous pouvons nous attendre à des guerres spatiales. Cela pourrait arriver bien plus tôt que prévu, car, comme le conclut la Brookings Institution dans un rapport de 2018 sur « la façon dont l’intelligence artificielle (IA) transforme le monde », tout va plus vite maintenant, y compris la guerre :
« L’analyse des Big Data associée à l’IA aura un impact profond sur l’analyse du renseignement, car de vastes quantités de données sont passées au crible en temps quasi réel […], ce qui permet aux chefs militaires et à leur état-major d’atteindre des niveaux d’analyse et de productivité sans précédent dans le domaine du renseignement. Les fonctions de commandement et de contrôle subiront un impact similaire, car les responsables humains délèguent certaines décisions de routine et, dans des circonstances particulières, des décisions clés à des plates-formes d’IA, ce qui réduit considérablement le temps nécessaire pour lier la décision à l’action qui en découle ».[2]
Donc, pas de danger qu’un officier au grand cœur hésite à déclencher la troisième guerre mondiale par attachement sentimental envers l’humanité. Si la plateforme IA considère que c’est une opportunité, on fonce !
« En fin de compte, la guerre n’est plus qu’une compétition sur le temps de réaction, dans lequel le camp le plus apte à décider rapidement et à passer le plus vite à l’action l’emportera pratiquement toujours. En effet, les systèmes de renseignement en intelligence artificielle, en liaison avec les systèmes de commandement et de contrôle assistés par l’IA, peuvent agir sur les supports décisionnels ainsi que sur la prise de décision en les faisant passer à une vitesse largement supérieure à celle des méthodes de guerre traditionnelles.
Ce processus sera si rapide, en particulier quand il sera couplé à des décisions automatiques de déploiement de systèmes d’armes autonomes dotées d’intelligence artificielle aux conséquences mortelles, qu’un nouveau terme a été spécifiquement créé pour désigner la vitesse à laquelle la guerre pourrait désormais être livrée : Hyperwar ».[3]
Les Américains ont le choix. Soit ils continuent à se chamailler à propos de futilités, soit ils se réveillent – se réveillent vraiment, reconnaissent la réalité planifiée pour ce qu’elle est et agissent en conséquence.
L’avenir sera déterminé, pour une partie considérable, par les choix en matière d’investissement. Non pas par des discours inconvenants et plutôt peu en recourant au vote électoral, mais essentiellement par les choix d’investissement.
Si le peuple veut reprendre le pouvoir, il doit réaffirmer son contrôle sur la façon dont le capital est investi et à quelles fins.
Et si le capital privé rechigne, il faudra le nationaliser. C’est la seule révolution possible – et c’est aussi le seul conservatisme, la seule façon de préserver des conditions de vie décentes. C’est en cela que consiste la véritable politique.
Notes :
1 https://www.weforum.org/agenda/2020/01/yuval-hararis-warning-davos-speech-future-predications/
2 https://www.brookings.edu/research/how-artificial-intelligence-is-transforming-the-world/
3 Op. cit.
Cet article a été publié [en anglais] à consortiumnews, le 24 novembre 2020.
* [À propos de l’auteur]
Diana Johnstone vit à Paris. Son dernier livre est «Circle in the Darkness: Memoirs of a World Watcher» (Mémoires d’un observateur du monde). Atlanta 2020. (ISBN 978-1-949762-13-6). Ell a également publié: «La Croisade des fous: Yougoslavie, première guerre de la mondialisation». Montreuil 2005. (ISBN 2841095339). «Hillary Clinton. La reine du chaos». Paris 2016. (ISBN 978-2-915854-85-5). Elle a écrit par ailleurs une préface et un commentaire aux mémoires de son père, Paul H. Johnstone, ancien analyste principal au sein du groupe Strategic Weapons Evaluation Group(WSEG) au Pentagone. Les mémoires ont été publiées sous le titre «From MAD to Madness. Inside Pentagon Nuclear Planning» en 2017.
Vous pouvez joindre Mme Johnstone à l’adresse électronique : diana.johnstone@wanadoo.fr
[Voir aussi : La RTS invite Patrick Artus pour expliquer le Great Reset qui nous attend]
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