17/11/2021 (2021-11-17)
[Source : lefigaro.fr]
Par Mathieu Slama
En Autriche, les autorités ont annoncé la mise en place d’un confinement pour les personnes non-vaccinées. Selon l’analyste politique, une telle mesure permet de désigner des coupables tout trouvés.
Consultant et analyste politique, Mathieu Slama collabore à plusieurs médias, notamment Le Figaro et Le Huffington Post. Il a publié La guerre des mondes, réflexions sur la croisade de Poutine contre l’Occident, (éd. de Fallois, 2016).
Le chancelier autrichien Alexander Schallenberg a annoncé, dimanche 14 novembre, l’entrée en vigueur dès ce lundi d’un confinement pour les personnes non vaccinées ou qui n’ont pas guéri du Covid-19. L’Autriche devient le premier pays au monde à mettre en place une telle mesure, qui s’installe donc au cœur même de l’Europe démocratique et libérale. Avec ce confinement discriminatoire, nous franchissons une étape supplémentaire dans la politique autoritaire mise en place pour lutter contre le Covid, puisqu’il s’agit désormais d’aller au bout de la logique du passe sanitaire, c’est-à-dire exclure définitivement les non-vaccinés de toute vie sociale.
La figure du non-vacciné est devenue au fil des mois, à mesure que la politique vaccinale devenait de plus en plus autoritaire, une sorte de citoyen à part, réduit à son statut sérologique et diabolisés en permanence par un pouvoir qui en a fait le bouc émissaire de la crise.Mathieu Slama
S’il y a une leçon que nous pouvons retenir de cette pandémie, c’est que celle-ci agit comme un laboratoire géant où les mesures les plus liberticides sont testées, approuvées puis généralisées. Le confinement, le couvre-feu, le masque en extérieur, le passe sanitaire : toutes ces mesures insensées et attentatoires à l’État de droit se sont progressivement normalisées à mesure qu’elles duraient dans le temps et s’étendaient géographiquement. Le confinement a commencé en Chine, puis a contaminé l’Italie et la France ; le passe sanitaire a d’abord été mis en place en Israël avant de contaminer l’Europe entière.
Pourquoi en irait-il différemment de ce confinement discriminatoire mis en place par l’Autriche ? On a entendu hier soir plusieurs candidats de droite à la présidentielle indiquer qu’ils n’étaient pas défavorables à l’idée de confiner les non-vaccinés seulement. Le Professeur Gilles Pialoux a déclaré ce matin que le confinement des non-vaccinés «avait du sens d’un point de vue médical». Tous les tabous sautent un à un, et ce n’est qu’une question de temps avant que celui-ci ne soit brisé.
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Il est inutile de préciser qu’un tel monde qui enferme les citoyens selon qu’ils sont vaccinés ou non est un monde inacceptable et contraire à tout notre héritage démocratique. L’enjeu que nous voudrions soulever ici est ailleurs.
La France n’a pas attendu l’Autriche pour mener une politique culpabilisatrice et discriminatoire vis-à-vis des non-vaccinés. La figure du non-vacciné est devenue au fil des mois, à mesure que la politique vaccinale devenait de plus en plus autoritaire, une sorte de citoyen à part, réduit à son statut sérologique et diabolisés en permanence par un pouvoir qui en a fait le bouc émissaire de la crise. Cela ne doit rien au hasard, et relève d’une stratégie méthodiquement pensée et mise en place.
Le philosophe René Girard élabore, dans son ouvrage célèbre La Violence et le sacré, l’idée selon laquelle les sociétés sont, depuis les origines, troublées par un mal, le désir mimétique, source de rivalités et de conflits, et qu’elles ont résolu ce mal en désignant une victime sacrificielle, le bouc émissaire. «À l’agitation et à la peur qui ont précédé le choix du bouc émissaire, puis à la violence exercée contre lui, succède, après sa mort, un climat nouveau d’harmonie et de paix», écrit Girard.
Les persécuteurs finissent toujours par se convaincre qu’un petit nombre d’individus, ou même un seul peut se rendre extrêmement nuisible à la société tout entière, en dépit de sa faiblesse relative.René Girard
Le bouc émissaire est à la fois celui qui concentre toute la responsabilité de la crise et celui qui garantit, par son sacrifice, le maintien de l’ordre social. Pour Girard, «qu’elle soit physique ou psychologique, la violence infligée à la victime nous paraît justifiée par la responsabilité du bouc émissaire dans la survenue d’un mal dont il convient de se venger, d’un élément mauvais ou nuisible auquel il faut résister ou qu’il importe d’éliminer». Chaque crise a donc son coupable désigné. «Les persécuteurs, écrit Girard, finissent toujours par se convaincre qu’un petit nombre d’individus, ou même un seul peut se rendre extrêmement nuisible à la société tout entière, en dépit de sa faiblesse relative».
Les contextes changent, mais les mécanismes anthropologiques perdurent. La crise du Covid-19 n’y échappe pas. Face à une épidémie sans fin et un climat de peur savamment entretenu par les gouvernements pour favoriser l’acceptabilité de leurs mesures liberticides, les non-vaccinés sont devenus les boucs émissaires de la crise sanitaire, ceux par lesquels l’épidémie perdure et «rebondit» (selon le mot consacré).
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