10/03/2021 (2020-09-09)
[Source : Entre la Plume et l’Enclume via Réseau International]
Par Israël Adam Shamir
Le vendredi 17 janvier 2020, trois mille salves ont ébranlé le sol de la capitale russe; le ciel sur Moscou s’était emblasonné de glorieux feux d’artifice. C’était une répétition de la célébration mémorable, soixante quinze ans plus tôt, soulignée, le 17 janvier 1947, par 24 salves de 324 canons lourds pour la libération de Varsovie par l’Armée rouge. Varsovie en ruines venait d’être sauvée de la disparition totale.
Cela pourrait être une excellente occasion pour un déploiement de l’amitié entre les deux nations slaves. Les Polonais pourraient se souvenir que 200 000 Russes, soldats et officiers, furent tués en action à Varsovie et ils pourraient dire : ils sont morts pour nous permettre de vivre. Ils pourraient remercier la Russie pour les terres généreuses et les grandes villes arrachées à l’Allemagne vaincue, pour se les avoir vue offertes à la Pologne : Dantzig devint Gdansk, Tettin devint Szczecin, Breslau Wroclaw, et Posent Poznan. Ils pourraient remercier la Russie même pour avoir passé à l’Ukraine les terres peuplées d’Ukrainiens qui étaient sous commandement polonais avant les guerres, commandement qui se termina par un grand massacre des Polonais qui y résidaient par les nationalistes ukrainiens.
La gratitude n’est pas un trait marquant du caractère national polonais : le gouvernement polonais a ignoré l’évènement. Bien au contraire, les Polonais ont détruit les mémoriaux et tombes des soldats russes. C’était terrible, mais bien moins important que la décision de Varsovie d’établir le système US de radars, et d’un bouclier de missiles sur son sol, le système qui fait d’une soudaine attaque nucléaire US une possibilité fort tangible. L’effort de la Pologne pour saboter l’oléoduc qui relie la Russie à l’Allemagne; l’invitation de la Pologne aux blindés US à prendre place sur sa frontière orientale, l’hostilité inextinguible de la Pologne envers la Russie au parlement européen ont fait que les Russes voient cet ancien membre fondateur du Pacte de Varsovie comme leur ennemi n° 1 sur le continent européen.
Vous ne serez pas surpris que les Russes aient vu là une bonne occasion de leur rendre la pareille. C’est l’offensive juive contre la Pologne qui leur a offert cette occasion. Les juifs ont attaqué ce rempart anticommuniste de l’Occident à l’Est de deux côtés à la fois à la fois: la communauté juive organisée des US et le puissant Etat juif. Ou presque en même temps. Les juifs américains ont lancé l’opération en faisant passer au Congrès obséquieux le décret S774. Ce décret enjoignait à la Pologne de cracher $300 milliards aux organisations juives américaines. Selon cette loi américaine, toute propriété ayant jadis appartenu à une personne d’ascendance juive en Pologne doit être transférée aux organisations juives américaines. Un tiers de Varsovie, la moitié de Krakow, une bonne partie de la propriété résidentielle en Pologne appartenait à des juifs avant la guerre, et tout cela « revenait » maintenant à la Juiverie américaine. La loi avait créé une situation unique: ce qui avait appartenu à un juif resterait à jamais entre des mains juives. Et aucun procès ne saurait être intenté contre ces « mains juives ». Sauf dans le cas, bien sûr, où un citoyen juif de Pologne mourrait en laissant des dettes, ces dettes disparaîtraient. Mais s’il mourait intestat, alors sa maison reviendrait aux organisations juives américaines. Elles peuvent chasser les Polonais qui y résident, ou leur faire payer un loyer pour ce dont ils pensaient être les propriétaires.
Le décret S774 est une idée brillante. Cela ressuscite la Juiverie médiévale polonaise, un Etat dans l’Etat. Dans la Pologne d’avant-guerre, il n’en allait pas ainsi; les juifs polonais étaient des citoyens polonais, et si un juif polonais mourait sans laisser d’héritier, sa propriété était confisquée par la république de Pologne, comme les propriétés semblables de catholiques ou d’orthodoxes intestats à leur mort. Les juifs américains ont décidé de faire de l’Holocauste l’occasion de la plus grande rafle de propriétés du XXI° siècle, en revenant aux idées du XVI° siècle. Ils vont se saisir de toute propriété ayant appartenu aux citoyens polonais relevant de la loi mosaïque avant la guerre. Cette idée assez particulière ne s’appliquait pas aux US ni au Royaume Uni. Si un juif américain ou britannique meurt sans avoir désigné d’héritier, sa propriété sera transférée à l’Etat. Mais pour la Pologne, ils ont conçu une restitution intégrale. Si cela marche avec les Polonais, cela pourra marcher ailleurs; les juifs ne seront plus des citoyens ordinaires de leur pays, mais plutôt des membres d’une Juiverie supranationale. Leurs dettes resteront dans le domaine de leurs affaires privées, mais les biens appartiendront à la communauté juive organisée. Très brillante idée, on en conviendra.
Mais les Polonais n’ont pas apprécié le S447. Il y a des manifestations contre cette loi, des appels à expulser l’ambassadeur américain, qui a ajouté l’insulte à la blessure en congratulant les juifs polonais pour Hanouka tout en oubliant d’envoyer ses vœux de Noël aux Polonais catholiques, la grande majorité du pays. A ce moment, Israël est venu soutenir les juifs US. Ils ont demandé à la Pologne de se repentir d’avoir été méchante avec les juifs, d’accepter une responsabilité partielle pour l’Holocauste et de payer. Israël a pompé plusieurs milliards en Allemagne, mais ces milliards ont déjà été engloutis, alors que la Pologne n’avait rien payé à Israël. Les Bolcheviks qui gouvernaient la Pologne après guerre ne pensaient pas que les sionistes dussent être payés: ils considéraient la Pologne comme victime des nazis, et nullement bénéficiaires. Maintenant que vous n’êtes plus communistes, veuillez payer s’il vous plaît, ont dit les juifs.
Les juifs d’Israël et l’Amérique maintiennent la pression. Ils qualifient Auschwitz de « camp de concentration polonais » ce qui est une grave offense pour les Polonais. Ils disent que bien des Polonais ont aidé les nazis à mettre en œuvre la « solution finale à la question juive ». Les Polonais ont fait une loi interdisant de dire une chose pareille; les juifs ont décidé de le crier à tue-tête dans la rue.
Le conflit est désormais étalé sur la place publique, avec le 75° anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz (par l’Armée rouge, soit dit en passant: l’oncle du président Obama n’a pas combattu en Pologne, malgré cette prétention niaise du précédent président américain). Cela sera fêté en deux endroits: Jérusalem et Auschwitz, tous les dignitaires importants vont se retrouver à Jérusalem: le président français, le vice-président US, la chancelière allemande, le président russe Poutine. Le président polonais Andrezj Duda était également invité, mais pas pour prendre la parole, seulement comme un invité parmi d’autres. Il a préféré décliner l’invitation et se rendre sur le site du camp d’Auschwitz pour une modeste célébration.
Le président Poutine est conscient de la controverse polonaise, et il a décidé de montrer aux Polonais que leur hostilité sans relâche envers la Russie ne payait pas. Quelques semaines plus tôt, le 24 décembre, lors de la rencontre du ministre russe de la Défense, Poutine a présenté certains documents de l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, attestant l’attitude anti-juive rabique de la classe dirigeante polonaise d’avant-guerre. Par exemple Jozef Lipsky, l’ambassadeur polonais en Allemagne nazie jusqu’en 1939, disait aux Allemands que les Polonais érigeraient un monument au Reichskanzler Adolf Hitler à Varsovie, s’il venait à débarrasser la Pologne de ses juifs. « Ah le cochon d’antisémite » s’est écrié Poutine indigné.
Les Polonais ont fait une piteuse tentative pour réinterpréter ces termes fâcheux, en disant que l’ambassadeur polonais faisait allusion au sauvetage des juifs en les envoyant en lieu sûr, en Afrique, par exemple, à Madagascar, retrouver les lémuriens inoffensifs, en coopération avec les sionistes, donc que c’était à la rigueur un porc sioniste. Cela n’a pas très bien marché…
Mais Poutine avait plus de papiers et de preuves dans sa manche. Il a produit un rapport datant de fin 1944 début 45, lorsque les militants polonais favorables à Londres de l’Armia Krajova (« l’armée de l’intérieur »), avaient fait une tentative pour reprendre Varsovie aux Allemands avant l’arrivée de l’Armée rouge. Le rapport disait que les combattants de l’AK avaient tué systématiquement tous les juifs qui avaient survécu à la liquidation du soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943. Cela pourrait expliquer pourquoi l’armée russe n’avait pas pensé de son devoir le plus sacré d’aider les militants de l’AK.
Les Russes ont toujours été plutôt bons et tolérants avec les juifs. Il n’y a pas eu de pogromes en Russie, seulement en Pologne, en Ukraine et en Moldavie, ces Etats indépendants qui avaient fait partie de l’Empire russe. Les Russes ont sauvé des millions de juifs, y compris des millions de juifs polonais qui ont été autorisés à s’installer en Russie. Aucun autre pays n’a accepté autant de réfugiés juifs que la Russie, et de loin.
Les juifs ont fait preuve d’une ingratitude noire en aidant l’Occident à mener sa guerre psychologique contre la Russie. Masha Gessen et Léonide Goozman sont des juifs typiquement pro-occidentaux et anti-russes qui ne seraient pas en vie sans le courage et la générosité russes. Et cela continue, la Russie est bonne pour les juifs. Ils sont partie intégrante des élites modernes russes; les centres juifs occupent les terrains les plus cotés à Moscou et ailleurs. Les relations avec Israël sont également plutôt bonnes, malgré la confrontation discrète en Syrie. Tout en visitant le forum d’Auschwitz à Jérusalem, Poutine va aussi dévoiler un nouveau mémorial en l’honneur des juifs soviétiques qui périrent durant le siège cruel de Léningrad. Netanyahou est particulièrement amical avec Poutine, et c’est cette amitié personnelle qui leur a permis d’éviter une guerre totale pour la Syrie. Les libéraux israéliens, ennemis de Trump et de Netanyahou, sont consternés par cet état de choses. Ils préféreraient que Jérusalem s’entende avec Varsovie, même s’il faut pour cela fermer les yeux sur le nettoyage ethnique de juifs en Pologne, un prix à payer minime. Mais ils ne font pas la loi en Israël, pour le moment, même si leur principal journal, Haaretz, est aussi hostile à Poutine que tous les médias occidentaux.
Les Polonais se sont fait avoir jusqu’à l’os. Ils pensaient que les juifs connectés aux US les soutiendraient contre la Russie, mais les juifs ont leurs propres calculs, en fonction de leurs intérêts. Si les Polonais pensaient que les Russes ne découvriraient jamais leurs point vulnérables, ils se trompaient. C’est vrai, les Russes avaient gardé des tas de sales documents de l’époque, dans leurs archives scellées; mais tout ça, c’était à l’époque où Varsovie était une alliée de Moscou. Maintenant cela n’a plus aucun sens, et les Russes présentent des preuves terribles des violentes attitudes anti-juives des Polonais.
Ils ont corrigé tout le discours narratif sur la guerre. Tandis que les Polonais aiment à faire commencer l’histoire avec le traité Molotov-Ribbentrop, et donc présenter l’URSS comme un allié de l’Allemagne prenant d’assaut l’innocente, la pure Pologne, selon le nouveau récit à la sauce russe (et conforme à la réalité), le traité entre la Pologne et l’Allemagne nazie avait précédé le pacte de Molotov de plusieurs années. La Pologne avait tenté d’attaquer la Russie en tant que partenaire junior d’Hitler. C’est la raison pour laquelle la frontière occidentale de Pologne, avec l’Allemagne, était totalement sans défense ni protection renforcée, au contraire de la frontière orientale avec la Russie lourdement fortifiée. Sans ce mauvais calcul stratégique de la direction polonaise entre les deux guerres, les Allemands ne seraient pas parvenus à battre la Pologne en deux semaines.
Les Russes ont fourni des documents montrant qu’un demi-million de Polonais avaient servi dans la Wehrmacht. Ils prouvent que la classe dirigeante polonaise adorait les nazis allemands, et cela non moins que leurs attitudes anti-juives. Hitler avait participé personnellement aux funérailles du maréchal Jozef Pilsudski à Berlin, en 1935.
Eh oui, ces petits malins de Polaks ont voulu faire jouer l’Ouest contre l’Allemagne,et l’Allemagne contre l’URSS, et ils se sont retrouvés avec un pays en ruines. Au lieu d’en tirer les leçons et de comprendre que les intriguesde ce genre ne sont pas prudentes pour un pays de taille moyenne, ils ont remis ça après la Guerre froide, en cherchant à se placer à la pointe de l’assaut occidental contre la Russie. Le Forum d’Auschwitz à Jérusalem prouve une fois de plus que cette politique mène à une nouvelle catastrophe.
Une résolution spéciale de la Sejm polonaise, la chambre basse du parlement polonais, a condamné à la fois comme « provocatrices » et « fausses » les déclarations du président russe Vladimir Poutine sur le rôle de la Pologne au début de la Deuxième Guerre mondiale. « Deux régimes totalitaires, l’Allemagne nazie et l’URSS communiste, ont déclenché cette guerre », souligne la résolution qui a été adoptée sans passer par le moindre vote le jeudi 9 janvier, alors que la Pologne est innocente.
Le mantra a fonctionné correctement pendant longtemps; aussi longtemps qu’il était nécessaire d’accuser la Russie et de délégitimer les Soviétiques. Mais maintenant les juifs veulent leur part du gâteau, et pourquoi pas sur le dos de la Pologne. Pour la Russie, c’est un excellent virage. Les juifs constituent des alliés précieux. Avec Poutine à Yad va-Shem, au mémorial de l’Holocauste à Jérusalem, et le président polonais Duda ne figurant pas parmi les présents, on n’entendra pas les voix polonaises.
J’ai reçu ces temps-ci une lettre du Dr. Ignacy Nowopolski, un nationaliste polonais; il écrit : nous les Polonais avons besoin de revenir sous la protection du Pacte de Varsovie, faute de quoi les juifs et les Allemands vont nous plumer.
« Ils ont commencé par accuser la Pologne d’avoir précipité la Deuxième Guerre mondiale et l’holocauste juif… Depuis 1989 les firmes occidentales se sont employées à d essiner une stratégie pour dérober effectivement leur richesse aux sociétés post-communistes… L’Occident a apporté une immense misère à une infinité de gens sur toute la terre…. Les médias impériaux ont su convaincre les gens dans les pays post-communistes de rejoindre volontairement le paradis athée nouvellement instauré par l’UE. Aujourd’hui, après plus de trois décennies de fonctionnement dans la sphère d’influence occidentale, les jeunes générations polonaises acceptent d’être des citoyens de deuxième classe en Europe, comme quelque chose d’aussi naturel que la loi de la gravitation universelle…. Les sentiments anti-russes en Pologne et dans d’autres pays d’Europe centrale sont juste une manifestation des tendances imprudentes dans leurs sociétés. Pour survivre, ces nations doivent surmonter leur animosité réciproque, cela même qui permet à leurs ennemis d’utiliser avec succès l’ancienne stratégie du diviser pour régner. La riposte, c’est la création d’une sorte d’ « Euroslavie » en coopération ou même au sein d’une confédération avec la Fédération russe », ce qui veut dire revenir au Pacte de Varsovie ».
De semblables sentiments dans la bouche d’un nationaliste polonais de la ligne dure est le signe de changements en profondeur. Si des gens comme lui parvenaient à occuper le vieux Palais Zamoyski des Vice-rois, la Pologne ferait la paix avec la Russie, et serait prospère. Les soldats US, les chars et les radars repartiraient en Virginie. Les monuments à la mémoire des militaires russes seraient repeints de frais. Les Russes oublient facilement les vieux griefs; et ils gardent toujours une place dans leur cœur pour les Polonais, ces « Français de l’Est ». Alors la Russie pourrait soutenir la Pologne contre les revendications de tiers, comme elle l’a fait pendant de longues années. Mais en attendant, laissons le Forum d’Auschwitz servir de leçon aux Polonais, ne renforçons pas les hostilités à l’Est sur ordre de l’Occident.
[Source de la seconde partie : Entre la Plume et Enclume]
Ces jours-ci, Jérusalem a pu rivaliser avec Davos et Bilderberg. Les personnages les plus éminents, les plus haut-placés et les plus puissants se sont réunis ici, pour le Forum d’Auschwitz, au mémorial de Yad-va-Shem, le Centre mondial pour la mémoire de l’Holocauste: rois, présidents, premiers ministres; une preuve vivante que les Juifs ont un certain ascendant sur le monde.
La Cour britannique de St James était représentée par le prince Charles; la France par le président Macron; les puissants États-Unis avaient envoyé le vice-président Mike Pence, cette réalisation suprême de l’Intelligence Artificielle (il a l’air presque humain, mais pas tout à fait). Il y avait le gouverneur général de l’Australie, le président de l’Autriche, le président de l’Albanie, le président de l’Argentine, le président de l’Arménie, le roi de Belgique, le président de la Bulgarie, le président de la Hongrie, le prince de Galles, le président de l’Allemagne, le président de la Grèce, le président de la Turquie , le Président du Danemark, le président de l’Islande, le roi d’Espagne, le président de l’Italie, le gouverneur général du Canada, le président de Chypre, le grand-duc de Luxembourg, le président de la Macédoine du Nord, le président de la Moldavie, le roi des Pays-Bas, le prince héritier de Norvège, le président de la Roumanie, le président de la Serbie, le vice-président des États-Unis, le président de la Finlande, le président français, le président monténégrin, le Premier ministre suédois, le président du Conseil européen, le président du Parlement européen, le président de la Commission européenne…
Les hôtes avaient tiré tout le parti possible de l’occasion. M. Netanyahou, le Premier ministre intérimaire israélien, a comparé l’Iran à l’Allemagne nazie et a déclaré que la destruction de l’Iran aujourd’hui étaitt l’équivalent de la libération d’Auschwitz. Le président israélien, Reuven Rivlin, a déclaré qu’il n’y avait pas de différence entre antisémites et antisionistes; celui qui est un ennemi d’Israël est l’ennemi de tout le peuple juif, c’est aussi simple que cela.
Cependant, à en juger par l’attention des médias israéliens, il n’y avait qu’un invité de marque, le président Vladimir Poutine. Pendant qu’il était à Jérusalem – moins d’une journée – tous les projecteurs étaient braqués sur lui, tandis que les autres rois et dirigeants faisaient partie du décor. Le pouvoir de cet homme, son emprise sur l’esprit et l’imagination du public, son charisme, sont sans précédent. Il a été traité comme un empereur en pèlerinage, comme l’empereur Guillaume II lors de sa visite en 1898 dans cette ville du Moyen-Orient.
Poutine savait pourquoi il était venu et il est resté concentré sur son objectif. La Russie a sauvé les Juifs il y a 75 ans; la Russie a bien mérité le soutien des Juifs de maintenant, en particulier par rapport aux voisins de la Russie. Dans son discours, il a souligné que très peu de Juifs avaient survécu en Pologne, en Ukraine, en Lettonie et en Lituanie, car les habitants avaient fait tout ce qu’il pouvaient pour capturer et massacrer les Juifs qui réussissaient à échapper au vice allemand. Ce n’est pas un hasard si les présidents des trois États, la Lituanie, la Lettonie et la Pologne, n’étaient pas venus du tout; le président ukrainien M. Zelensky est venu, mais il s’est tenu à l’écart du Forum.
Dans l’Ukraine moderne, il y a un culte très répandu: celui de Stepan Bandera, le collabo ukrainien, adepte d’Hitler et chef des gangs brutaux OUN-UPA. Ils avaient assassiné des Juifs, des Polonais, des Russes et des Ukrainiens politiquement peu fiables. Récemment, la CIA a été forcée par la loi de révéler ses documents sur l’homme, et voici ce que ça donne (à lire ici): elle le tenait pour un espion nazi et un tueur de masse, dans les documents de l’époque. Les gangsters banderistes avaient été éliminés par le KGB de Staline, mais ils ont été autorisés à se réhabiliter et à reprendre une vie normale, car il y avait un sentiment général selon lequel que l’insurrection était terminée.
Depuis 2014, il y a des rues à Kiev et ailleurs en Ukraine qui portent son nom; ses images embellissent les bâtiments du gouvernement et les banderistes modernes sont une puissante force de frappe à la fois en Ukraine orientale contre les séparatistes du Donbass et ailleurs contre les russophones. Ils sont hostiles au président Zelensky récemment élu, le considérant beaucoup trop mou. Zelensky n’ose pas les affronter. C’est pourquoi il passe au large du site du massacre de Baby Yar près de Kiev, et cette fois-ci il est resté à l’écart du Forum de Jérusalem, car sa présence là-bas contrarierait les banderistes.
Un lecteur m’a demandé si les Polonais, les Ukrainiens et les Russes ne devraient pas insister davantage sur les événements historiques pour clarifier les choses. En général, je ne le pense pas. Je pense que le passé est passé, qu’il convient de laisser l’histoire aux historiens, les morts enterrer les morts. Ce qui compte c’est de régler les problèmes du présent. Si l’Ukraine et la Pologne, ainsi que la Lituanie et la Lettonie, mettaient un terme à leur politique anti-russe étroitement liée à l’OTAN età l’État profond américain, les Russes oublieraient les crimes de leurs pères. Mais si les gouvernements de ces quatre pays poursuivaient leur politique hostile envers la Russie, les Russes seraient obligés de s’allier au pouvoir juif contre ces héritiers des sbires nazis.
Poutine avait été traité à Jérusalem comme un fils bien-aimé et, clairement, comme le favori de Netanyahu et du peuple en général. Juste en face de la Knesset (le Parlement), a été érigé un monument aux victimes juives du siège de Léningrad, et Poutine a été invité à l’inaugurer. Netanyahu était là, ainsi que des survivants et des musiciens russes également. Ce fut un événement important et impressionnant, celui qui a attiré le plus de monde, dans cette journée bien remplie.
Je trouve de mauvais goût de commémorer les Juifs séparément, parmi tous les autres disparus lors de la bataille de Leningrad. Un de mes oncles a été tué en 1942 en défendant la ville sur la rivière Noire, mais il s’était battu et il était mort avec ses camarades russes. Cependant, les Juifs ont l’air d’avoir du mal à faire preuve d’empathie envers les non-Juifs; ils veulent toujours des commémorations séparées, et Poutine n’a pas pu les forcer à faire les choses autrement.
Poutine a été très prudent – il n’a pas dit un mot sur l’Iran. La Russie est l’amie de l’Iran; les marines russe et iranienne ont fait des exercices navals conjoints tout récemment. Poutine n’a pas dit un mot sur le fléau présumé de l’antisémitisme contemporain. Juste après le Forum, il s’est rendu dans la ville palestinienne de Bethléem pour une réunion avec Mahmoud Abbas, le président de la Palestine. Les Russes sont engagés dans la reconstruction de la rue Star menant à la Place Manger en face de la Basilique de la Nativité dans la ville.
Poutine était le seul des nombreux invités du Forum à avoir équilibré sa visite aux Juifs avec sa visite aux Palestiniens. Il a également rencontré le Patriarche de Jérusalem, exprimant son soutien à l’église autochtone de Terre sainte.
Correction
Pendant un certain temps, Poutine avait été assez déçu par les Israéliens. Les Israéliens sont des gens très difficiles à gérer: quoi qu’ils obtiennent, ils estiment que c’est un dû. Ils n’ont aucun sentiment de gratitude ni le moindre désir de rendre la pareille. Poutine a fait beaucoup pour Israël et pour Netanyahou personnellement – il a livré à Israël la dépouille mortelle d’un soldat israélien tué au Liban il y a plusieurs années; il a satisfait de nombreuses demandes, grandes et petites, du Premier ministre israélien. Il n’a pas exaucé des vœux aussi exorbitants que d’expulser les Iraniens de Syrie ou de livrer le Messie, mais des demandes raisonnables. Or il n’a récolté que l’aversion de la communauté juive mondialiste en échange.
À la demande des États-Unis, un programmeur russe avait été détenu en Israël en 2015. Malgré les demandes russes, Israël avait refusé de leur renvoyer le détenu et, tout récemment, il a été extradé aux États-Unis, où ce jeune homme peut s’attendre à de longues années de prison, et peut-être à la torture pour le forcer à «avouer» être intervenu dans les élections américaines. Les Russes étaient très mécontents de cette décision israélienne, ainsi que des bombardements israéliens en Syrie.
Et voilà qu’en avril 2019, une jeune femme israélienne appelée Naama Issachar a pris un avion de Delhi à Tel Aviv via Moscou, et à l’aéroport de Moscou, le chien de la brigade des stupéfiants a reniflé du haschisch dans son sac à dos. Elle a été détenue et condamnée à plus de sept ans d’emprisonnement. Selon les normes russes, c’est une peine assez lourde pour 10 grammes de haschisch, mais dans certains pays, elle se serait estimée heureuse si elle avait échappé à la peine de mort.
Les Israéliens avaient transformé l’affaire Naama en un outil contre Poutine et la Russie. Ils ont dit que les Russes devraient libérer la dame parce que, vous savez, quand cest Israël qui le demande, personne ne refuse. L’avocat russe de Naama, un haïsseur convaincu de Poutine, a sapé une tentative pour l’échanger contre le programmeur, disant à la famille de Naama qu’elle serait libérée de toute façon très bientôt. La mère de Naama a proclamé qu’elle ne voulait pas aider Poutine, ce pourquoi elle s’opposait à l’échange proposé. Mais Naama n’a pas été libérée.
Àvec retard, les Israéliens ont capté que Poutine leur en voulait. Ils ont décidé de régler la question. Les Russes leur avaient demandé beaucoup de choses pendant de nombreuses années, et les Israéliens refusaient tout net:
- Au grand dam de la Russie, l’immigration israélienne a la mauvaise habitude de renvoyer les visiteurs russes à l’aéroport de Tel-Aviv. L’année dernière, cinq mille visiteurs russes n’ont pas été autorisés à entrer en Israël.
- Les biens de l’église russe n’ont pas été restitués ni enregistrés par les autorités israéliennes;
- Un monastère russe a vu son accès coupé, et une ligne de tramway a été posée sur son territoire, etc.
Maintenant, ils ont décidé de répondre aux demandes russes. Comme je l’ai découvert, le 30 décembre 2019, ils ont décidé de transférer aux Russes l’un des lieux saints les plus précieux, l’église Saint-Alexandre, située à côté du Saint-Sépulcre. Ce terrain avait été acheté par le tsar Alexandre III au milieu du 19e siècle. Les fouilles ont révélé une ancienne porte et un mur de Jérusalem datant de l’époque du Christ, probablement la porte par laquelle Jésus sortit de la ville pour être mené au Golgotha. Une ouverture étroite dans le mur, qui pourrait bien être « le chas de l’aiguille », un minuscule passage pour un piéton tardif mais qu’un chameau trouverait quasiment impossible à franchir. L’Église offrait l’hébergement pour des invités de haut rang, et Nicolas II y aurait apparemment séjourné pendant sa visite en tant que prince héritier.
Après 1918, l’église est restée entre les mains des émigrés russes blancs, et en 2004, elle a été reprise par un aventurier juif ukrainien, un certain Hoffman qui prétendait être l’héritier et le descendant du comte Vorontsov. Pendant de nombreuses années, le gouvernement russe avait exigé que l’église soit intégrée à la propriété russe légitime, mais les autorités israéliennes ne voulaient rien savoir. Maintenant, ils ont accepté de le faire, sauf si dans les 60 jours, d’autres réclamations venaient à être formulées. Il y a de fortes chances pour qu’au début du mois de mars, l’église revienne à l’Eglise de Moscou.
Cela pourrait aussi échouer. Les médias israéliens ont réussi à fanatiser leur lectorat pour la trafiquante, les rapports sur Naama ont déplacé presque complètement le show du Forum de l’Holocauste. Un observateur étranger pourrait imaginer que tout ce grand rassemblement avait pour but de sauver la fille de Sion des griffes russes. On a fait pression sur Poutine pour qu’il pardonne à la jeune femme séance tenante. Il a sagement décliné l’invitation; il vient de donner à la mère de Naama la réponse israélienne standard « Ça va aller ». Si Naama devait être libérée avant le transfert de l’église, les Juifs pourraient être tentés de refuser le transfert. Les Israéliens détestent donner quelque chose gratuitement; c’est une phobie, cette peur d’agir comme un lèche-bottes. Il leur est plus facile de penser qu’ils vendent l’église en échange de la fille israélienne. Mais cette fausse perception des choses rend également possible une tricherie de dernière minute.
Cependant, il semble que les autorités israéliennes aient décidé de raccomoder leurs relations avec la Russie. Elles ont bien pris soin de Poutine, elles ont préféré sa version de l’histoire aux versions polonaise et ukrainienne. Elles ont reconnu le rôle décisif de l’Armée rouge dans la destruction de la puissance nazie et dans l’ouverture des portes d’Auschwitz. Ce faisant, elles ont corrigé leurs multiples torts envers les Russes et sont clairement allées à l’encontre des injonctions américaines.
Le vice-président Pence n’a pas signalé que c’est l’Armée rouge russe qui avait libéré Auschwitz. Il a parlé de soldats américains qui ont en effet participé à la guerre (et qui occupent toujours l’Europe, d’ailleurs, mais il ne l’a pas mentionné). Les dirigeants américains comparent généralement Staline et Hitler comme des épouvantails jumeaux, permettant ainsi à la Pologne et aux États baltes de se dédouaner facilement. La nouvelle version établie à Jérusalem n’est pas seulement plus correcte et plus juste; c’est aussi une pause dans la distorsion habituelle anti-russe et une chance de report pour la guerre nucléaire totale.
N’oublions pas que le compte à rebours avant le Jugement dernier nous guette toujours, et que nous en sommes à moins 100 secondes avant minuit,
Un Poutine dynamique
Poutine est tellement différent de ses prédécesseurs, de Yeltsin le massif et de l’obséquieux Gorbatchev! Il est souple, agile, rapide, amical, totalement dépourvu de pompe et de prétentions. Il est plein d’énergie et rapide à la riposte, mais aussi capable de faire une tête de joueur de poker et de garder le silence. C’est l’homme que nous avons vu à Jérusalem. Il a rencontré des gens, prononcé des discours et pris des décisions – plus qu’un jeune homme ne saurait en faire. Et il n’est pas encore âgé, avec ses 67 ans, contrairement aux 73 de Trump et aux 78 de Sanders. Je pense qu’il va pouvoir abattre du travail encore pendant de longues années.
C’est pourquoi je doute que le changement de gouvernement opéré la semaine dernière soit un signe de retraite prochaine pour M. Poutine. Pour moi, c’est juste un remaniement normal du gouvernement. Les nouveaux ministres sont plus jeunes que les anciens. Le nouveau Premier ministre aura pour mission d’informatiser la Russie, comme il a informatisé le bureau des statistiques. La Russie est en train de se moderniser et Poutine a besoin de camarades d’armes plus jeunes. Certains sont très jeunes, comme le nouveau ministre de la Culture dont le manque de déférence avait déjà provoqué quelques chocs désagréables parmi les artistes habitués aux bourses occidentales. Les postes les plus importants – Affaires étrangères, Défense – restent entre les mains de la vieille garde, et assureront la continuité. M. Poutine ne prendra pas sa retraite de sitôt, mais il a probablement besoin de plus de personnes qui comprennent ses intentions et soient prêtes à tenir leur rôle.
En fait, il n’a guère le choix. Dans la situation actuelle, personne ne peut garantir son bien-être. Le sort de Saddam et de Kadhafi est encore trop frais dans sa mémoire. Et il semble bien se débrouiller. Il l’a prouvé lors de cette courte visite surchargée à Jérusalem.
P.S. Juste au moment du Forum d’Auschwitz, un tribunal russe s’est penché sur l’affaire du Dr Roman Iouchkov. Il avait été accusé de négation de l’Holocauste, et il a gagné, car le négationnisme n’est pas un crime en Russie. Encouragé par sa victoire, le Dr Iouchkov a poursuivi l’État, réclamant six millions de roubles au titre de dommages et intérêts et, le 21 janvier, le tribunal lui a accordé 50.000 roubles en réparation. Il semble que la Russie soit le pays le plus libre du monde. Vous pouvez écrire à Iouchkov à l’adresse romanyushkov@mail.ru.
Israel Shamir : adam@israelshamir.net
Source :
The Unz Review et https://www.unz.com/ishamir/battle-for-auschwitz-ii/
Traduction : Maria Poumier
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