« Chaos » au sein de LA pensée occidentale : implosion, magma, résurrection ?…

07/10/2022 (2022-10-07)

Par Lucien SA Oulahbib

Un commentateur restituant archéologiquement telle ou telle « pensée » ou s’en servant comme ressassé mondain n’est pas un « penseur » en ce sens « ancien » quoique très strict de créateur d’un système d’explication objective du monde qu’il est possible de valider ou d’infirmer. C’est un « passeur » tout au plus. Certes, tel ou telle peut mettre en avant une approche, un angle, une analyse, mais, même argumenté, (dépassant la seule opinion) cela ne suffirait pas (« Que nul n’entre s’il n’est géomètre »). 

Même les sciences de la matière et de la vie sont désormais touchées par cette absence de vision globale (hormis le catastrophisme ambiant). L’échec, patent, de l’injection à ARN et la difficulté de la physique théorique à mettre de l’ordre dans sa vision cosmologique le montrent bien. Elles y arrivaient encore peu ou prou jusqu’à peu, surtout à la suite du tournant galiléen newtonien, darwinien, mendélien se séparant (en apparence) des physiques aristotéliciennes et cartésiennes — en apparence, car les questions de l’impulsion première et la consistance tourbillonnaire, par exemple au sein des interactions cellulaires sont, semble-t-il, encore bel et bien là, mais sans réponses convaincantes, malgré toute leur acuité, ne serait-ce qu’en astrophysique avec l’expansion permanente de l’univers et son lien au sein des cellules comme l’indique le paradoxe EPR.

Elles sont certes encore perçues de manière dynamique (avec le concept de Soi) et au moins restent toujours ouvertes permettant tout de même (malgré cependant de plus en plus d’« interdits »…) la résurrection de la spéculation heuristique à commencer par le principe anthropique (voir une interprétation possible dans Être et vérité du réel humain).

Néanmoins, ces sciences de la matière et de la vie, du fait de la censure ambiante d’aujourd’hui, par exemple sur les plans climatique et immunologique, et du fait de leur hyperspécialisation scientiste et industrialisation affairiste (y compris en recherche « fondamentale ») excluant frénétiquement homéopathie et médecines préventives ancestrales (naturothérapie), ces sciences dites autrefois « dures » ont bel et bien perdu en vigueur heuristique. Elles avaient pourtant su, à la fin du XIXe siècle, poser des questions critiques non quelconques envers la physique newtonienne au niveau micro, en questionnant par exemple le lien entre espace et temps en un instant T (la question de David Hume un siècle auparavant à vrai dire) ou la notion de quanta pour mesurer la force d’une onde lorsqu’elle est ainsi saisie par « partie » (parti/cule), sans oublier son côté dynamique vital permanent (ADN, ARN…) au sein même des relations entre le soma et le germen plus du tout aussi étanches l’un par rapport à l’autre ; d’où d’ailleurs les inquiétudes d’aujourd’hui avec l’injection massive d’ARN messager, dont les rétroactions répétées peuvent agir de façon épigénétique au sens de créer des mutations inédites négatives comme la fragilisation pérenne de notre système immunitaire naturel. Mais au lieu d’ouvrir le débat, cette inquiétude sera immédiatement cataloguée de « complotiste » dans une sorte de gestuelle obscurantiste de la pire eau comme si le terme même de « complot » venait d’être inventé par des « convalescents masqués »…

Sans oublier aussi que ce qui est transmis génétiquement n’est pas « que » de la biologie au sens seulement physico-chimique comme le prétendent les adeptes de la théorie du genre et de la double-parentalité, mais transmet aussi des traits psychiques. Ceux-ci se traduisant d’ailleurs par des dispositions conatives et cognitives singulières (voir les travaux de Maurice Reuchlin et Joseph Nuttin, la psychologie cognitive actuelle d’un Stanislas Dehaène s’orientant aussi dans cette direction) un peu trop évacués sous le prétexte d’un réductionnisme biologiste et sociologiste (la matière a fortiori vivante réduite à un champ de forces), ce qui ne se peut tant il existe des constantes certes évolutives, mais restant pérennes ou l’identité ET la différence… Vieux débat sur l’Un/l’Être depuis le Parménide de Platon que les économètres d’aujourd’hui modélisant passions et sentiments veulent réduire à des quanta de flux modifiables par injections d’injonctions paradoxales : la « maladie » devient un « dysfonctionnement » et un « désir » une fenêtre d’opportunité pour le prêt-à-consommer bas de gamme.

Ce qui fait qu’au niveau « mental », pour aller un peu plus vite, les attaques répétées deviennent exponentielles, vagues incessantes de non-sens obscurantistes contre le concept même de « Soi » par la destruction, voire l’autodestruction « volontaire » du lien entre le Moi (caractères et préférences conatives, voir ci-dessus) et le Je (tempérament qui en module les expressions) en le réduisant soit à son origine sociale (tout ne serait « que » construction sociale, donc le fossé entre privilégiés et gilets jaunes s’accroît) soit bio-ethnique (tout serait donné par la « race » qu’il faudrait purifier ou alors en créer une nouvelle par le « transhumanisme » et le transgenre), alors que ce lien entre Moi et Je se structure dans un Soi non seulement biologique, mais également politique (comme l’explique bien Norbert Élias : un humain sans société perd ce caractère même), en ce sens où le fait d’être reconnu à sa juste valeur renforce l’estime de soi et partant bonifie la dialectique de son triptyque (Sujet-moi-je/Acteur politique/Agent social) et ce bien plus au sein de la Nation que du clan seul (infra).

Aujourd’hui, comparés aux puissants débats entre un Einstein, un Bohr, un de Broglie, un Durac, voire même les intrusions d’un Lénine (critiquant Mach sur la perception multiforme du « réel », Habermas réitérant la même méprise sur les niveaux de réalité : « la preuve du pudding ? C’est qu’on le mange ! », une affirmation hors sujet en physique, la chose étant seulement à ce stade un combiné de particules) ou d’un Engels (sur la « dialectique de la nature » réitérant l’idée de Marx sur le surcroît de quantité qui créé la qualité alors qu’il l’a détruit en la remplaçant par une autre, comme le montre Hegel sur la question de « l’essence », cette substance posée…).

N’oublions pas aussi les confrontations de naguère si ouvertes en sciences de la société (ontologie, logique, éthique, économie…) par exemple entre Keynes/Hayek, Popper/Wittgenstein, Cohen/Cassirer/Heidegger/Schmitt/Strauss (Léo) ; l’analyse sans faille d’un Pareto sur la montée et l’effondrement des élites reprise en partie par Claude Lefort (dans La Complication) lorsqu’il explique pourquoi la petite bourgeoisie des villes choisit l’adhésion à la IIIe internationale après 1917 — d’où le schisme de 1920 en France : afin tout benoîtement de prendre des places, comme aujourd’hui au sein de l’idéologie catastrophiste du « trans » posé comme vecteur ou clé de la « grande bascule » civilisationnelle vers le cyborg ou la fusion homme-machine, avec en haut de la pyramide les Immortels s’amoncelant autour des nouvelles Babel.

Tous ces auteurs seraient aujourd’hui, sinon interdits, du moins marginalisés (trop « blanc », pas assez « sorcier ») : non pas au sens du débat posthume entre Boudon et Lévy-Bruhl sur la pensée magique ou la place effective de l’imaginaire, mais d’une démesure obscurantiste visant à opposer raison et imaginaire, ce qui faisait dire par exemple à Derrida que Husserl aurait trouvé incongru l’expression « un cercle carré » (lire une critique de cette acception p.98) alors que celle-ci peut s’entendre dans le domaine de la fiction, mais non dans celui de la logique…

Cet obscurantisme, ce prémarxisme, ce rabougrissement, ses chamailleries picrocholines, voile à nouveau le réel, par exemple en matière climatique ou immunologique. Le débat est à l’évidence de plus en plus fermé (Allègre, Courtillot, Leroux, Raoult sont écartés ou marginalisés), sous le prétexte d’un “consensus” en réalité seulement institutionnel et non pas épistémologiquement effectif : aucune preuve tangible sur la responsabilité unique du CO2 ou sur la supériorité des injections Spike (excitant seulement quelques anticorps sur trois à quatre mois qui deviennent des “agents doubles”, d’où l’extension de l’épidémie/syndémie en fait), alors que la médecine préventive antiparasitaire et stimulant les défenses immunitaires a décidément de plus en plus toute sa place…

Mais c’est l’effet Lyssenko en URSS ou Bourdieu-Foucault actuellement en France, c’est-à-dire bien loin des débats du XIXe et XXe siècle indiqués ci-dessus (rappelons aussi ceux entre Taine/Tarde/Durkheim, plus en amont Cuvier et St Hilaire). Lesdites sciences « sociales » proprement dites ne font d’ailleurs plus que du prémarxisme obscurantiste, répétons-le, avec par exemple cette idée, unique, de « domination » qui n’explique rien et ne décrit même pas ce qui « est », puisqu’elle ne le perçoit que négativement au sens mécaniste et non pas aristotélicien (qu’avait repris au moins Hegel) : la statue de marbre est certes « négative », du moins pour celui-ci, mais devient positive pour l’humain ; amendée aujourd’hui par la question de plus en plus cruciale, y compris en économie, du qualitatif (du « haut de gamme pour tous » disait Sagan…) qui s’oppose au productivisme quantitatif bas de gamme (Netflix, Disney compris avec leur faux progressisme, rétrograde en réalité : bienvenue dans le monde de Caligula…).

Ce qui nous manque au fond pour sortir de ce chaos non pas créatif, mais obscurantiste, c’est bien l’émergence d’une néo-modernité dépassant enfin l’enfance de la modernité issue de la fausse Renaissance (car il ne suffit pas d’imiter les Anciens pas plus que de rompre totalement avec eux, mais il faut inventer de nouvelles Traditions qui vaillent réellement le coup pour l’affinement humain ET citoyen).

Ainsi refondée, « la » Modernité quitterait son adolescence négativiste postmoderne d’aujourd’hui issue de l’impasse marxiste et scientiste (Marx se réclamant de « la » Science) qui veut tout détruire tel un adulescent rageur faute d’aller au-delà de Marx (qui n’était pas « marxiste » et a eu l’honnêteté de ne pas publier les tomes II et III du Capital, invalidés par le fait que la mécanisation n’aura pas détruit le capitalisme, bien au contraire…).

Mais ses Suivants, au lieu de métamorphose et d’innovation propre à une maturité sereine qu’il serait possible d’atteindre encore, ont préféré construire les impasses actuelles qui certes déploient le parfum dense de la décadence façon « Cabaret »… Pourtant la période n’a pas encore tout à fait basculé du côté du déclin (au sens non spenglerien) de l’irréversibilité décadente, ni même du côté de Huntington, puisque « le choc des civilisations » s’institue (de manière surprenante ?) au sein même de l’Occident (via également la guerre de l’OTAN postchrétienne et pseudo-islamisée contre la Russie orthodoxe, mais également poststalinienne, n’ayant pas établi son Nuremberg), entre d’une part sa frange sectaire déviationniste qui a perverti l’universalisme positif au profit de sa seule imposition arbitraire et d’autre part sa frange préservatrice, mais qui s’arc-boute uniquement sur une ligne défensive alors que l’offensive innovante (« de l’audace, toujours de l’audace ») reste la clé lorsque l’on entre en Polémos….

En « science de la Psyché » aussi par exemple : ainsi non seulement celle-ci ne sait plus où placer l’éthique (réduite à des « valeurs » au détriment des vertus, ces mesures ontologiques fondamentales), depuis que les termes « âme » et « esprit » ont été évincés au seul profit de la « conscience », alors que celle-ci est un écran sur lequel s’affiche ce qui (se) travaille dans l’interaction. C’est ce qui a été nommé la pneumatologie en reprenant un terme utilisé autrefois exprimant justement ce lien dans la « psyché » entre passions et raison, logique des passions de ce qui nous affecte d’une part, et vérité de la raison d’autre part ; au sens de donner une direction en raison à l’action allant vers la préservation ou la dispersion, l’affinement ou la dissolution, ce qui renforce ou affaiblit « positivement » ou « négativement » et ce qui a été nommé le travail oligomorphique de la Néo-modernité au sein même de cette pneumatologie : est-ce que cette action me renforce ou m’affaiblit, et où me mène cette oscillation qu’il ne vaudrait mieux peut-être ne pas réaliser du point de vue des conséquences ? Vers plus de préservation d’un Même, l’affinement d’un Semblable (développé aussi dans des livres et articles) ou se contenter d’une (auto)destruction jouissive (remplaçant « l’auto-mouvement » de Lénine) dont se sert la Secte SHA (scientiste, hygiéniste, affairiste) ou le néonazisme ayant absorbé le néo-léninisme dont il se sert comme milice (en col roulé) à tout faire ; mais qu’attendre de la canaille chic, celle de la lumpen-intelligentsia qui pullule façon racaille nihiliste sur les ondes les universités, les académies, les ministères, jusque chez les juges (ainsi ce « cas positif » condamné seulement avec sursis en appel alors qu’il voulait prostituer sa fille) ?…

Pour faire bref, et en conclusion concernant cette impasse théorique et pratique fondamentale qui fragmente de plus en plus ce qui reste encore de solide dans la pensée dite rationnelle (la pensée religieuse se porte bien mieux…) : il serait possible d’intégrer dans une nouvelle « Science du Vivant, de l’Humain et de la Société » à la fois les sciences de la matière et de la vie enrichies par une pneumatologie repensée et une science de la Société qui serait le Politique au sens de la Politeia (République chez Platon) puisque l’expérience historique nous montre que l’on ne rencontre pas seulement l’Humain en l’Homme, mais aussi l’Appartenant-à (membre d’un Clan — au sens large —, mais mieux encore Soi actif singulier d’une Nation comme le disait Bainville et que reprend Liah Greenfeld…) inséré conflictuellement dans une stratification qui distribue certes les êtres selon leur compétence, mais ce tempéré par un vécu donné ouvrant à des opportunités ou les fermant selon la « chance » (la « fortune et la vertu » de Machiavel et de Bonaparte) : ainsi, a-t-on été à même de les saisir au « bon » moment et qu’est-ce qui aura permis ou non de le faire ?… Le tout accompagné d’une Solidarité commune façon Durkheim à repenser (une Fraternité réelle…)…

Programme démesuré sans doute, impossible certainement, mais comme “impossible n’est pas français”… Le monde, aujourd’hui, au bord du chaos, nous regarde tout au fond de ce qui n’est pas encore une tombe.

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