L’utopie sociétale confrontée au principe de réalité du monde ultralibéral. L’illusion d’un nouveau monde post-Covid

25/04/2021 (2021-04-25)

Par Alain Tortosa

La dictature dans laquelle nous vivons est vécue par certains comme une opportunité inédite de changer le monde de demain…

Pour autant de nombreux projets me semblent totalement utopiques. Je ne suis en rien opposé à une utopie ou un idéal de société, mais j’ai l’intime conviction qu’il faudrait des dizaines, voire des centaines d’années pour y parvenir…

J’ai relevé ici plusieurs « solutions » qui sont parfois présentées pour prendre un nouveau départ :

La monnaie nationale

On a une forte tendance à associer la notion de souveraineté à la notion de monnaie. Elle est un outil qui permet de jouer sur les paramètres de la compétitivité ou de l’inflation. En augmentant votre masse monétaire, vous aurez une dévaluation de la monnaie et une inflation. Vos exportations seront facilitées et les importations plus chères.

Pour dire simplement :
Imaginons que votre pays possède 10 kg de blé et que la masse monétaire est de 100 euros. Si vous doublez la masse monétaire, comme la richesse matérielle du pays sera la même, vous aurez 10 kg de blé pour 200 euros. Donc pour 100 euros vous ne pourrez avoir que 5 kg de blé. Il y a eu dévaluation de la monnaie et une inflation de 100%. Vos produits seront donc deux moins chers à l’exportation, mais deux fois plus à l’importation.

Dans ce cas de figure extrême, c’est la population qui aura financé la relance de l’économie par l’inflation et donc la diminution du pouvoir d’achat.

De plus c’est une solution fort limitée dans le temps, car le bénéfice concurrentiel sera plus ou moins annihilé par le surcoût des importations qui se traduira par une augmentation des prix en interne et donc une diminution de l’avantage concurrentiel.

Il est important de noter que vous n’êtes pas libres de spéculer librement sur votre monnaie. Il faut des accords avec les autres pays… Si vous faisiez donc trop marcher la planche à billet les autres pays pourraient vous exclure du système monétaire international.

Cette solution est d’autant plus limitée que nous n’avons aucune indépendance économique. Ni énergétique, ni autosuffisance alimentaire, ni production industrielle…

Bref la monnaie est un petit levier qui permet de booster artificiellement une économie, mais à l’efficacité marginale dans le monde dans lequel nous vivons.

Les risques de récession, de crise économique mondiale sont très importants.

L’Europe

L’Europe est souvent désignée comme étant la cause de tous nos maux. Nous sommes effectivement soumis à de très nombreuses lois ou traités européens. Imaginer que nous serions libres en quittant l’Union Européenne est pour le moins naïf. Il existe des centaines, voire des milliers d’accords, de traités, de normes internationales qui entravent nos libertés au-delà du cercle européen. Les Britanniques ont quitté l’Union Européenne, non sans mal, car la négociation a duré des mois pour définir les accords commerciaux, administratifs, juridiques, etc. liant les deux.

Il était évidemment impossible pour eux de n’avoir aucun traité avec l’Union Européenne. Résultat des courses, les Britanniques ont des obligations aussi bien financières que normatives ou autres pour pouvoir pénétrer le marché européen. Le seul droit dont ils disposent est de se soumettre aux directives européennes ou de renoncer à ce marché, ce qui serait une catastrophe économique pour leur pays. De fait, j’ai l’intime conviction que la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne ne s’est pas traduite par une réelle augmentation de son indépendance. Nous sommes dans de la pure politique politicienne et électoraliste, dans du symbole, mais factuellement cela ne change probablement pas grand-chose.

Il faut voir aussi que l’Europe est le grand bouc émissaire.. Quand il y a une embellie en France, le gouvernement se l’attribue, mais dès lors qu’il y a problème sociétal ou économique, c’est toujours la faute à l’Europe en oubliant que la France a voté ces mêmes lois ou directives européennes. Les pro-frexit se servent aussi du Covid et des vaccins pour souligner l’avantage d’être en dehors alors même que la Hongrie a été totalement libre de négocier en direct l’achat de vaccins chinois.

Dès lors qu’un pays européen est contraint d’être en relation économique avec l’Europe, il est certainement plus en capacité de peser sur les décisions prises en Europe en étant membre de l’Union que s’il est un simple partenaire commercial.

J’ai donc l’intime conviction que la France pourrait accroître son indépendance en augmentant son pouvoir décisionnel sur l’Europe plutôt qu’en la quittant politiquement (maispaséconomiquement).

L’argent dette

Régulièrement le mythe de l’annulation de la dette revient sur le devant de la scène et encore plus avec la crise du Covid.

Avant d’aborder le sujet, je voudrais faire un rappel sur le fonctionnement de l’argent dette. L’argent dette, que les banques d’affaires peuvent pratiquer, permet de prêter de l’argent qu’elles ne possèdent pas. Le principe est simple et je vais l’illustrer par un exemple :

  1. Vous êtes une entreprise de travaux publics.
  2. Vous voulez construire un pont qui va relier 2 régions isolées.
  3. Vous demander un prêt de 1 milliard à une banque.
  4. La banque fabrique une ligne de dette de 1 milliard sans avoir cet argent.
  5. Vous payez des intérêts.
  6. Vous construisez votre pont et mettez en place un péage.
  7. Vous remboursez la banque.
  8. Lorsque la dette est remboursée, la banque supprime l’existence de cet argent dette.

L’intérêt de l’argent dette est double:

  • Permettre de financer des travaux dans le monde réel.
  • Ne pas augmenter la masse monétaire… Cet argent n’existe que pendant la durée du prêt.

Le problème principal se produit dès lors que la banque émet trop d’argent dette et qu’elle se retrouve avec trop d’impayés.

Quelles possibilités s’offrent pour l’annulation de la dette ?

Le mythe de tout le monde doit à tout le monde. C’est beaucoup plus compliqué, car des États, des banques, des entreprises, des particuliers (oudesfondsdepensions), prêtent de l’argent et s’attendent à le récupérer. Rappelez-vous de l’emprunt russe qui a ruiné de nombreux épargnants.

Quelles solutions ?

  • Augmenter votre masse monétaire.
    Dans ce cas de figure, cela va se traduire par une dévaluation et une forte inflation.
    Cela revient à ponctionner de façon invisible l’argent des épargnants. Ils ont toujours 10000 euros sur leur livret, mais celui-ci a le pouvoir d’achat de 5 000 euros.
    En fait la dette est remboursée par l’épargne privée ponctionnée par l’inflation.
  • Ne rembourser que les intérêts.
    Cette option présente l’inconvénient de laisser de l’argent dette jamais remboursé.
    Plus cette masse monétaire augmente et plus le risque d’insolvabilité du préteur augmente. Dans l’hypothèse où une banque a prêté trop d’argent, elle ne pourra plus en prêter et donc sera condamnée à mort.
    Plus il y aura d’argent dette non remboursé et plus la valeur de l’argent s’effondrera. Cette solution n’est pas viable à long terme surtout en grande quantité.
  • Négocier un troc pour annuler la dette.
    « J’efface ta dette, mais en échange tu me donnes tes ports pour 40 ans. »
    «Tu me donnes 10000 hectares de terres que j’utiliserai pour nourrir ma population. »
    «Tu seras obligé de m’acheter mon pétrole pendant 40 ans. »
    « Tu m’autorises à installer mes missiles dans ton pays .»…
    L’annulation se traduira par une vente des biens de la famille ou une perte d’indépendance.
  • Refuser de rembourser la dette sans négociation.
    Imaginons qu’un fond de pension américain ait prêté de l’argent à l’état français moyennant intérêts. Un paysan du Dakota du Sud n’aura plus de pension de retraite ni de capital, il sera obligé de vendre sa maison et ses biens et sera ruiné…
    Au-delà du fait que ce n’est pas moral, cela va entraîner une récession dans le pays. Et si c’est une banque, la banque va peut-être faire faillite.
    Le risque de crise économique mondiale sera d’autant plus important que la dette effacée sera importante.
    D’autre part, la note de confiance de votre pays va s’effondrer… ici encore les représailles peuvent être multiples.
    • Vous n’aurez plus le moindre prêt ou à un taux délirant avec des garanties délirantes. C’est d’autant plus une folie que votre budget annuel est (toujours)en déficit.
    • Les autres pays vont mettre en place des droits de douane pour les produits que vous exportez, ainsi vous serez contraint de baisser vos prix de vente et donc la dette sera supportée par les entreprises qui exportent.
    • Il est possible qu’il y ait des embargos sur les importations.

Bref ce serait la solution rêvée pour amener le pays à la ruine ou la perte d’autonomie.

Le référendum ?

Là encore de quoi parlons-nous ? Dès lors qu’il s’agit de poser une question au peuple alors même que la marge de manœuvre du pays est quasi nulle, cela n’est que démagogie politique. Comme je l’ai rappelé, aucun pays n’a la moindre liberté décisionnelle dans ce monde ultra-libéral. J’en reviens à la question du « frexit»… cela ne se traduirait dans les faits par aucune augmentation de marge de manœuvre dans un pays sans la moindre indépendance économique ou productive. Alors parlons-nous de référendum qui donnerait un pouvoir au peuple ou d’une parodie et d’un simulacre de démocratie participative.

La parole à quel peuple ?

La crise du Covid a illustré à quel point le peuple était servile et demandait à être « irresponsable ». Il est visiblement prêt à gober n’importe quel mensonge du moment qu’il est répété par des autorités. Pour le faire taire, il n’y a qu’à acheter son silence à coups de milliards.
« Du pain et des jeux » cela ne date pas d’hier.

Dès lors qu’une majorité du peuple n’a pas le moindre sens critique, pas la moindre éducation aux droits de l’homme et à l’importance des libertés. Ajoutons le fait qu’il n’a aucune éducation économique et ne connaît absolument pas les rouages de l’ultralibéralisme et de l’économie internationale… Comment espérer le voir faire des choix libres et éclairés ? Nous avons vu à quel point il a été facile à la finance internationale de faire élire notre pantin de président…

De fait, il me semblerait totalement irresponsable de donner au peuple le pouvoir de décider sans auparavant lui fournir une éducation et un sens critique… et donc j’affirme que le référendum d’initiative populaire est à la fois une illusion, une manipulation, mais aussi extrêmement dangereux.

Le vrai pouvoir dans les mains des lobbys et de la corruption

Nous sommes politiquement paralysés et quiconque accéderait demain au pouvoir n’aurait strictement aucune marge de manœuvre au-delà du symbolique ou de la manipulation des masses.

Quitter l’Euro, l’Europe ou vouloir effacer la dette sont des chimères qui conduiraient à faire un simple échange standard de nos chaînes et probablement pas à notre avantage.

Le pouvoir a toujours été et est toujours dans les mains de l’argent. Il est dans les mains des banques d’affaires et d’entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse le PIB de plusieurs États.

C’est aujourd’hui uniquement le lobbyisme et la corruption généralisée qui dirigent le monde.

Lobbying contre lobbying

Retrouver de la démocratie et du pouvoir politique ne peut se faire qu’en luttant contre la corruption. Nous devons donc créer un lobbying « propre » dont l’objet serait de contrer le lobbying ultra- libéral au niveau mondial, européen, et français. Le problème du lobbying « propre » est qu’il ne lutte pas à armes égales, ne disposant pas de réseaux ni des milliards de dollars dédiés à la corruption qui est présente à TOUS les niveaux. Et c’est là que le politique peut et doit intervenir en imposant des règles éthiques et des lois pour lutter efficacement contre la corruption. Ne pensons pas que cela serait facile étant donné qu’il est impossible d’accéder à des responsabilités sans disposer de la puissance financière d’un appareil et des lobbys.

Je ne suis pas certain qu’il soit possible pour un français d’accéder au poste de Président de la République sans bénéficier de l’argent de la corruption et des cercles. En revanche je ne doute pas que les puissances de l’argent feraient tout pour empêcher une personne intègre de pouvoir y accéder…

Merci.

Alain Tortosa.

24 avril 2021

Auteur de « 7 milliards d’esclaves et demain ? »
https://7milliards.fr/tortosa20210423-economie-utopie.pdf

image_pdfPDF A4image_printImprimer

⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *