Elon Musk, défenseur des libertés? 1re partie

03/02/2023 (2023-02-03)

#1 L’opposition contrôlée : Elon Musk et les Twitter files

Il n’a échappé à personne que suite au rachat de Twitter en 2022, Elon Musk et ses équipes ont révélé la manière dont certains politiques américains et un nombre de lobbys internationaux ont contrôlé les comptes et les messages des plateformes de réseaux sociaux. Cela s’est particulièrement produit sous l’influence des démocrates et de Big Pharma qui ont censuré un nombre invraisemblable de lanceurs d’alerte et de voix critiques, aux États unis comme en Europe.

Mais faut-il pour autant célébrer Elon Musk, lui faire confiance ? Ne s’agirait-il pas d’un « limited hangout », une « sortie limitée » d’informations, pour récupérer une situation problématique ? La censure massive exercée par les réseaux sociaux a poussé de très nombreux usagers à déserter les plateformes classiques. Comment rattraper le tir et restaurer la confiance du public dans ses applications et dans « le processus démocratique » ? Car si l’on perd le contrôle d’un côté, il faut bien le rattraper de l’autre en organisant et pilotant une opposition. Alors que fait véritablement Elon Musk et à quoi cette opération peut-elle aboutir ?

Depuis qu’il est passé aux commandes de Twitter en rachetant la société pour un montant astronomique de 44 milliards de dollars, Musk a divulgué des documents internes attestant des demandes de censure de certains sujets ou de certains comptes. Des journalistes et des lanceurs d’alerte concernés ont donc publié ces preuves, principalement sur leur lettre personnelle hébergée sur la plateforme Substack. À titre d’exemple, Matt Taibbi a révélé comment dès 2017 les services des renseignements ont pris le contrôle de Twitter sous l’influence des démocrates en supprimant les messages hostiles à Clinton et aujourd’hui les dossiers compromettants sur Hunter Biden. Alex Berenson a lâché ses bombes en révélant les pressions de Pfizer pour censurer les tweets de Scott Gottlieb sur la supériorité de l’immunité naturelle à celle du vaccin et le Dr Michael Shellenberger a révélé comment Facebook a rassuré la Maison-Blanche en expliquant que les informations défavorables à la vaccination sont supprimées, même lorsqu’elles sont vraies.

La liste des scandales est longue. Officiellement, les géants de la technologie ont fait savoir qu’ils ne supprimaient que les informations contenant « de fausses informations médicales », ce qui revenait déjà à laisser l’OMS décider de l’état des connaissances scientifiques et à supprimer tout débat contradictoire. Mais il apparaît désormais que l’ampleur de la censure est encore bien plus importante. La CIA, le FBI et d’autres agences gouvernementales ont donc régulièrement envoyé des demandes de suppression de tweets ou de comptes, et même appuyé leurs exigences par de solides compensations financières. Twitter a, par exemple, perçu 3 415 323 dollars du FBI pour les services rendus par ses employés.

La divulgation de toutes ces informations ouvre également la voie à des actions judiciaires. Ainsi l’avocat Robert F. Kennedy, Jr. a porté plainte pour violation de la liberté de la presse et de la loi antitrust contre le « Trusted News Initiative », un partenariat regroupant plusieurs groupes de presse dont la BBC, Associated Press (AP), Reuters le Washington Post et l’Agence France-Presse et d’autres médias ainsi que les plateformes de réseaux sociaux Google (Facebook, YouTube, Instagram) et Twitter. Ceux-ci s’étaient alliés pour censurer collectivement les informations concernant la Covid 19 et les élections présidentielles, qui n’étaient pas alignées sur les récits officiels. Plusieurs autres célébrités de la « résistance » américaine, telles que les époux Bollinger et le Dr Joseph Mercola, se sont associées à la plainte, savourant le plaisir d’enfin pouvoir contre-attaquer ces cartels qui les étouffent depuis plusieurs années.

Robert F. Kennedy Jr @RobertKennedyJr

Le vent tourne-t-il ?

C’est en tous cas ce qu’affirme l’eurodéputée Virginie Jauron dans une interview récente concernant les faits de corruption et de censure au sein des institutions européennes (voir l’excellente interview « Miss Pfizer au milieu de la tourmente » sur Kairos » dans laquelle elle finit par mettre en cause le nouvel ordre mondial et l’agenda de Davos) :

Je suis optimiste parce que le vent tourne. On l’a vu avec le rachat de Twitter. On a la certitude que la lutte contre la désinformation est en train d’être remise en question. Cela part des États-Unis, mais maintenant cela va se voir au sein de l’Union Européenne.

Dans son allocution de fin d’année, elle s’était déjà exprimée sur les Twitter files, expliquant que :

Bruxelles avait publié jusqu’en juillet 2021 des résultats de son programme de surveillance de la désinformation liée au Covid. En Europe, Twitter aurait désactivé plus de 1500 comptes, éliminé 43 000 tweets et contesté 11,7 millions de comptes pour cause de désinformation liée au Covid.

Prise par l’enthousiasme, la députée n’avait pas hésité à porter le milliardaire aux nues, en déclarant à la veille des fêtes de fin d’année :

Je voudrais terminer par cette 3e superbe nouvelle : nous avons eu un très beau cadeau de Noël par Elon Muskdans notre combat pour la vérité. Vous le savez Elon Musk c’est cet entrepreneur génial devenu milliardaire en lançant des voitures électriques et des satellites et qui a racheté Twitter pour 44 milliards de dollars en octobre dernier.

L’on comprend son enthousiasme et l’on ne peut que se réjouir du fait que ces informations soient divulguées. Il faut saisir les occasions offertes par Elon Musk et espérer que la commission d’enquête Corona des parlementaires européens parvienne à obtenir plus de précisions sur la manière dont la censure des réseaux sociaux s’est déroulée en Europe.

Mais en revanche, il est impératif de rester vigilant quant à la suite de l’opération lancée par Musk et à la confiance que l’on peut lui accorder.

Ironmusk à la rescousse

En quelques mois monsieur Musk s’est transformé en nouveau héros de la résistance, incarnant la figure du milliardaire donneur de leçons tel Tony Stark/Ironman, le personnage de la série Marvel qu’il affectionne.

Musk est l’incarnation du rêve américain vendu par Hollywood. Il jouit de la puissance du milliardaire qui peut tout se permettre, mais finit par se vouer à une bonne cause. Ses passes d’armes sont jubilatoires, il casse les codes du politiquement correct pour endosser ceux de l’imaginaire et met tout le monde au défi. (Par exemple lorsqu’il pousse à la démission d’Anthony Fauci, le monsieur santé qui a imposé la désastreuse politique Covid aux États-Unis). Musk est devenu le défenseur de la liberté d’expression, de la libre entreprise et de la décentralisation.

Il s’en était d’ailleurs également pris à PayPal (entreprise qu’il a co-fondée avec Peter Thiel, et dont il a revendu ses parts en 2000) et avait fortement condamné les manœuvres visant à étouffer le journalisme indépendant. Ces deux dernières années, la plateforme de payement a effectivement montré à quoi l’on peut s’attendre en matière de liberté, allant jusqu’à informer ses clients qu’en cas de diffusion de fausses informations, ils s’exposaient à des amendes de 2500 dollars, des blocages de compte pouvant aller jusqu’à 180 jours et la rétention de la totalité de leurs avoirs. La nouvelle avait provoqué un tollé et Musk avait déclaré que « cela ressemblait à un épisode de Black Mirror », une série britannique sur les dérives totalitaires de la technologie. PayPal avait alors rapidement corrigé le tir en invoquant « une erreur de communication ».

Comment expliquer que Musk soit animé par un penchant aussi aigu pour l’éthique et les valeurs démocratiques ? A-t-il eu une sorte d’épiphanie ? L’avantage du personnage fantasque, c’est que l’on ne cherche pas à le comprendre. Il suffit d’être excentrique et tout s’explique.

Et les médias participent à l’édification de cette épopée héroïque. Bien entendu Musk se fait aujourd’hui lyncher par la presse mainstream qu’il a dénoncée, mais cela ne fait que renforcer la crédibilité du personnage. N’est-ce point la preuve qu’il est dans le bon camp ? À titre d’exemple, le Nouvel Obs lui consacré un article au titre on ne peut plus éloquent : « Elon Musk de super-héros à super-vilain des Américains ».

En effet, le voici à présent dans la tourmente, son capital plonge et l’on exige sa démission. Le « pauvre » Musk risque de devoir abandonner son trophée gagné de haute lutte, et sera peut-être contraint de céder la direction de Twitter à, à…

À ses anciens amis de Paypal ?

Selon un article de Fox Business (que l’on pourrait qualifier de média de l’opposition contrôlée, en référence aux médias de propagande officiels) Elon Musk envisage déjà de démissionner de la présidence de Twitter et pourrait faire appel à ses anciens camarades de Paypal, notamment Joe Lonsdale qui en fut le co-fondateur et qui a participé à lancer Palantir le programme d’espionnage et de récolte de données de la CIA et du Mossad.

Pour l’instant l’on n’en sait rien, mais il est impératif de se demander quel est l’objectif derrière toute cette saga. Car l’idée qu’Elon Musk est une véritable force d’opposition du système est difficile à croire. Même en voulant, comment s’y prendrait-il pour réellement faire cavalier seul et s’opposer à ceux qu’il dénonce, tant il collabore étroitement avec « le régime » ?

Marié aux agences gouvernementales

Elon Musk, c’est avant tout l’un des principaux partenaires du gouvernement américain pour toutes les activités de renseignement, d’espionnage, de conquête spatiale et de technologie militaire.

Ses sociétés Space X et Starlink sont des sociétés qui dépendent quasi exclusivement de contrats gouvernementaux, la demande civile pour nombre de leurs produits étant quasi inexistante. Musk possède le plus grand réseau de satellites au monde et a obtenu des milliards de dollars de contrats pour produire et lancer des satellites-espions, des drones et d’autres technologies de télécommunications militaires. SpaceX a par exemple conclu des contrats (ici 150 millions de dollars, ici 130 millions) avec l’armée de l’air pour mettre en orbite son satellite de commandement, avec l’Agence de développement spatial pour envoyer des dispositifs de suivi dans l’espace, et avec le National Reconnaissance Office (NRO) pour lancer ses satellites-espions. Ces satellites sont utilisés par les « cinq grands » organismes de surveillance, dont la CIA et la NSA.

Récemment, le déploiement de milliers de terminaux Starlink en Ukraine, offerts par Musk en soutien à la population lui a valu beaucoup de sympathie. Officiellement, il s’agit d’aider la population à retrouver l’internet suite à la coupure du réseau dans une grande partie du pays. Starlink permet aux personnes disposant d’un terminal de se connecter à un système de 2400 petits satellites en basse orbite, la plupart lancés par SpaceX.

Cependant, il s’est rapidement avéré que le « don » extraordinaire de M. Musk a été discrètement financé par le gouvernement américain. Ainsi l’agence USAID — une agence gouvernementale a qui a régulièrement fait office d’organisation de changement de régime (« en résumé la CIA ») — aurait versé l’argent nécessaire à l’achat et à la livraison de la majeure partie des terminaux en question.

Car Starlink n’offre pas vraiment une solution commerciale. Les terminaux — qui sont en fait de minuscules antennes paraboliques portables — ont une portée nettement limitée et ne sont utiles que dans un contexte très local. Mykhailo Fedorov, ministre ukrainien de la transformation numérique, a estimé que les 10 000 terminaux Starlink permettaient à environ 150 000 personnes de rester en ligne, un chiffre assez modeste en réalité.

Par contre, en quelques semaines, Starlink est devenu la pierre angulaire de l’armée ukrainienne, lui permettant de continuer à cibler les forces russes via des drones et autres engins de haute technologie dépendant d’une connexion internet. Un responsable a confié au Times of London qu’il « doit » utiliser Starlink pour cibler les forces ennemies via l’imagerie thermique.

« Starlink est ce qui a changé la guerre en faveur de l’Ukraine. La Russie a fait des pieds et des mains pour faire sauter toutes nos communications. Maintenant, ils ne peuvent plus le faire. Starlink fonctionne sous le feu des Katyusha, sous le feu de l’artillerie. Il fonctionne même à Mariupol », a déclaré un soldat ukrainien au journaliste David Patrikarakos.

L’indépendant au service des idéaux ?

Elon Musk joue le personnage de l’outsider, du milliardaire indépendant qui s’oppose au système de subsides de l’état et défend la libre concurrence. Mais dans les faits, c’est autre chose. En 2015, le Los Angeles Times avait déjà calculé qu’au moins 4,9 milliards de subsides avaient été versés à ses entreprises.

Par exemple sa société Tesla profite largement des règles internationales complexes qui régissent la production de véhicules électriques. Dans le but de réduire les émissions de carbone, les gouvernements du monde entier ont mis en place un système de crédits pour les véhicules « propres », selon lequel un certain pourcentage de la production de chaque constructeur doit être constitué de véhicules à zéro émission. Tesla ne produit que des voitures électriques et remplit donc aisément cette condition.

Mais ce système permet surtout à l’entreprise de revendre les crédits carbone excédentaires aux constructeurs qui ne peuvent pas atteindre ces quotas. Sur un marché concurrentiel où chaque constructeur doit atteindre certains objectifs, ces crédits valent leur pesant d’or et rapportent à Tesla des milliards de dollars de bénéfice chaque année. Par exemple, rien qu’entre 2019 et 2021, Stellantis, qui possède les marques Chrysler, Fiat, Citroën et Peugeot, a déboursé près de 2,5 milliards de dollars pour acquérir les crédits verts américains et européens de Tesla.

Cela explique en partie pourquoi Tesla est le premier constructeur, en termes de capitalisation boursière. Jusqu’il y a peu, la société valait plus que ses cinq principaux concurrents réunis, alors qu’elle ne fait même pas partie des 15 premiers constructeurs automobiles en termes de véhicules vendus. Cela explique aussi l’engagement d’Elon Musk en faveur des politiques liées au changement climatique. Les voitures électriques et les énergies renouvelables rapportent considérablement en termes de subsides. (Idem pour les panneaux solaires avec Solar X qui récolte des tonnes d’incentives et d’avantages fiscaux). La fortune du milliardaire s’est donc aussi largement accrue avec l’argent des contribuables.

L’on sait pourtant que la production de véhicules électriques est loin d’être aussi écologique qu’on ne l’a affirmé et l’on connaît aujourd’hui les conséquences de l’augmentation de la consommation en électricité. Pourtant cela ne semble pas remettre en question la politique du « tout à l’électrique ». Ne serait-ce pas lié à l’immense avantage qu’auraient les gouvernements de pouvoir prendre le contrôle des déplacements de chacun ? Après tout, ces véhicules sont des ordinateurs sur roues commandés par des softwares, donc susceptibles de passer sous le contrôle d’autrui. (par ex. ici et ici).

Partenaire des coups d’État

Cette collaboration étroite d’Elon Musk avec les gouvernements se voit jusque dans la politique étrangère américaine et internationale. Outre l’exemple de l’Ukraine, l’on peut citer celui de la Bolivie où il a appuyé le coup d’État de 2019 contre le président Evo Morales qui s’opposait à l’exploitation des mines de Lithium, un minerai utilisé pour les batteries des voitures électriques Tesla. Critiqué par une internaute sur Twitter à ce propos Musk avait répondu : « we will coup whoever we want. Deal with it. » (Nous renverserons qui nous voulons. C’est comme ça !).

Enfin, même s’il s’en défend, il semble bien adhérer aux idées du Forum économique mondial. Selon certains, Musk aurait fait partie de la promotion 2008, mais son nom aurait été retiré de la liste. Quoiqu’il en soit, ses objectifs sont éminemment alignés sur ceux des élites de Davos et de leur agenda 2030. Quelques internautes ont d’ailleurs remarqué ses messages quasi « copiés-collés » du compte du Forum économique mondial, plaidant tour à tour pour l’introduction de la taxe carbone (qui rapporte indirectement à Tesla), le revenu de base universel, la vaccination avec les technologies génétiques ou l’identification des personnes par implantation de micropuces.

Une chose est certaine : Musk était bien présent au forum de l’an dernier à Davos et a même été considéré comme l’un de ses principaux intervenants. Il s’était exprimé sur la transition liée au changement climatique et les défis liés à la 4e révolution industrielle remplaçant le travail humain par la technologie robotique.

Mais depuis la saga des Twitter files, Musk et Twitter semblent être devenus des « indésirables » et ont été « supprimés des partenaires du forum de Davos » pour la semaine de réunion de janvier 2023, alors que l’on continue de promouvoir les plateformes chinoises comme TikTok, Weibo et le système de crédit social WeChat.

Tout ce combat d’Elon Musk prend donc sa place dans la confrontation ostensible entre « le modèle chinois » centralisé, avec sa censure draconienne et son système de crédit social et le modèle américain du marché libre et de la liberté d’expression issus des valeurs de la démocratie occidentale.

Avec cette polarisation de plus en plus marquée entre l’Est et l’Ouest, nous sommes amenés à croire que la lutte entre leurs deux « visions d’avenir » déterminera le futur des relations internationales et l’orientation des États-nations. Mais les choses sont souvent plus complexes qu’elles n’y paraissent. En réalité, la transformation mondiale n’est pas tant menée par les gouvernements nationaux, que par un réseau mondial de parties prenantes et d’intérêts privés qui œuvrent ensemble vers une forme de technocratie globale. Et Elon Musk est un pion important sur l’échiquier de cette « solution pour le futur », puisqu’il semble vouloir contrôler tous les domaines technologiques essentiels pour y parvenir. De quel côté cherche-t-il à faire pencher la balance ?

Article à suivre dans la 2e partie

[Voir aussi :
Le soutien d’Elon Musk à la « liberté de mourir » met en lumière l’impasse du libertarianisme
Quand Laurent Alexandre décrivait le projet d’Elon Musk de greffer des implants dans les cerveaux de nos enfants
Le grand jeu : Elon Musk et Twitter]

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