28/05/2021 (2021-05-28)
[Source : Le courrier des stratèges (lecourrierdesstrateges.fr)]
Le parti les Républicains (LR) joue son existence à la prochaine élection présidentielle. Or, semaine après semaine, les sondages indiquent que l’ancien parti de gouvernement n’est plus capable de placer un candidat au second tour de l’élection présidentielle. Dans « Les Droites de Husson », cette semaine, je propose une stratégie élémentaire de rebond à un parti dont se demande s’il est encore doté d’un instinct de survie.
Les sondages pour la présidentielle se suivent et se ressemblent. Lundi 24 mai, le sondage mensuel IFOP-Fiducial pour LCI et Le Figaro annonce une nouvelle fois un second tout Macron-Le Pen. Les protagonistes gagnent même légèrement en intentions de vote au premier tour, tandis que le second tour donne 54-46. Une nouvelle fois LR, même avec Xavier Bertrand, est hors jeu. C’est confirmé, s’il en était besoin, par un sondage Harris-Interactive/Challenges et par un sondage YouGov pour l’Internaute, qui montrent que Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez n’arrivent pas à rayonner dans l’opinion au-delà de leur bon enracinement régional. Les Républicains sont face à une interrogation stratégique de base: quand on a deux adversaires, quel est celui qu’on doit affronter le premier puisque c’est celui qu’on a le plus de chances de vaincre? Il est bien évident que Marine Le Pen est le plus fort des deux adversaires. Il vaut mieux concentrer le combat politique sur Emmanuel Macron.
La bonne intuition de Guillaume Peltier
Un membre de la direction de LR semble avoir compris les enjeux. Dans l’entretien qu’il a accordé à Valeurs Actuelles, paru le 28 mai, Guillaume Peltier, vice-président de LR, tranche avec les propos habituels que l’on entend chez LR dans la mesure où l’adversaire politique qu’il désigne, c’est Emmanuel Macron et non Marine Le Pen.
« Contrairement à la bien-pensance, je le dis, Marine Le Pen n’est pas l’ennemi de la République (…) Emmanuel Macron est le pire président de la Ve République. Il est le président du record de la dette (2 500 milliards), des impôts (1 000 milliards par an), de la pauvreté (10 millions de pauvres), de l’immigration (2 millions de nouveaux étrangers depuis 2017), de l’insécurité (700 agressions par jour en France). Au fond, Emmanuel Macron incarne l’alliance entre le gauchisme culturel et la mondialisation financière ».
On a envie de dire à Guillaume Peltier: encore un effort, vous y êtes presque. Comme Michel Keyah et Eric Verhaeghe l’ont analysé dans nos colonnes cette semaine, le problème n’est pas d’abord « la finance » mais le mondialisme. Le renversement de Margaret Thatcher par son propre parti fin 1990, le passage aux États-Unis du libéralisme patriotique de Ronald Reagan au globalisme des Bush et des Clinton ont mis en place une redoutable machine à casser l’économie de marché et le capitalisme. Quand il n’est plus soumis à l’arbitrage des juridictions nationales ni stimulé par la concurrence entre nations, le libéralisme se transforme en son contraire: ce que Klaus Schwab appelle Great Reset est à l’opposé de la « révolution conservatrice » d’une Margaret Thatcher ou d’un Ronald Reagan, ces disciples de Hayek.
Le Great Reset version Macron
Emmanuel Macron vient de donner une illustration de ce que la droite LR, si elle était fidèle à ses racines gaulliennes et pompidoliennes, devrait désigner comme le projet qu’elle combat sans répit. Il a prononcé le discours d’ouverture du sommet « Sauver le bien commun » co-organisé par la Toulouse School of Economics et le magazine Challenges. Occasion pour lui d’envoyer des signaux appuyés à la gauche: « Nous avons laissé le capitalisme se déployer sans garde-fou, nous l’avons laissé se dévoyer – trop dérégulé, trop court-termiste, au point parfois de devenir fou. Ce schéma de pensée n’est plus adapté au monde actuel, car il ne prend pas assez en compte les biens communs, comme la préservation de la planète ou la justice sociale, ce qui sous-tend pour l’humanité la possibilité de poursuivre son chemin« . Le Président a justement rappelé son engagement pour « une fiscalité juste et robuste des entreprises multinationales ». Entendez la tentative d’imposer par l’intermédiaire du G7 ou de l’Union Européenne un taux universel minimal de l’Impôt sur les Sociétés. Emmanuel Macron est, dans ce combat, aux côtés de la gauche du Parti démocrate américain et d’une Angela Merkel qui ne cache plus, à quelques mois de quitter le pouvoir, ce qu’elle doit à sa jeunesse en RDA.
Voici également comment le Président a présenté le fait que la France connaisse la part des dépenses publiques la plus élevée des économies occidentales: 63% en 2020! « Nous sommes un des pays de l’OCDE qui répare le plus les inégalités par sa fiscalité et l’ensemble de ses aides et ses dispositifs de soutien« . Il a également annoncé son intention, malgré la crise des Gilets Jaunes, de revenir à la charge en matière de fiscalité écologique: « Nous courrons à l’échec si nous cherchons à décourager une action polluante par un signal prix trop vigoureux, si aucune alternative crédible n’est offerte. La France a fait l’expérience d’une politique incomplète en la matière : il faut offrir un accompagnement social massif pour permettre aux classes moyennes, aux classes populaires, de pouvoir franchir ce pas« . Non content d’avoir endetté le pays à presque 120% de son PIB, Emmanuel Macron annonce son intention de continuer: « Quant aux finances publiques, il faut raisonner à l’inverse de ce que nous faisons aujourd’hui : fixons-nous nos objectifs de croissance et donnons-nous les moyens de les atteindre. Cela ne veut pas dire endosser quelque laxisme budgétaire que ce soit, mais plutôt de réinventer un cadre rigoureux d’évaluation de la qualité de la dépense publique. » Ah la belle langue de bois ! Demain on rase gratis: « Visons plus de croissance, car c’est le seul chemin qui nous permet de viser plus de protection sociale, plus d’innovation, plus d’investissement dans la transition écologique, plus d’égalité et de justice dans nos sociétés mais aussi entre les continents ».
Le macronisme, voilà l’ennemi !….
Le macronisme, voilà l’ennemi ! La stratégie politique de LR devrait tenir dans ces mots simples. On n’existe pas en politique si on ne sait pas ce qu’on combat. Ou bien si on se trompe d’adversaire. Les Républicains sont à la croisée des chemins. Soit ils s’obstinent dans l’impasse du chiraquisme (« Nous n’avons qu’un ennemi, le Front National! ») et ils escamotent les raisons de la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012. Soit ils comprennent deux choses fondamentales: 1. Ils se privent de toute chance d’être au second tour en ciblant Marine Le Pen plutôt qu’Emmanuel Macron dans un scrutin où le vote des Français va se structurer autour de la question du rejet d’Emmanuel Macron. 2. Marine Le Pen sera éventuellement élue mais son programme économique est inconsistant et elle ne semble pas, jusqu’à aujourd’hui, avoir compris qu’un renouveau de l’Etat régalien et de la faculté à en financer les postes budgétaires passe par une nouvelle « révolution conservatrice », une libération des forces entrepreneuriales et créatives du pays qui périssent actuellement étouffées sous des monceaux de régulation et une fiscalité délirante.
Pour que la défaite, souhaitable, du président sortant, ne débouche pas sur un énorme ratage, le pays a besoin d’une droite entrepreneuriale qui joue tout son rôle à côté de la droite régalienne.
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