29/10/2023 (2023-10-29)
[Source : AIMSIB]
Ainsi va la vie des affaires que nos chercheurs et scientifiques rebelles soient obligés de requérir l’anonymat pour publier leurs données, sous peine de voir leurs carrières s’arrêter net. Alimenter les humains et les animaux avec des farines d’insectes, beaucoup d’industriels en rêvent, mais bien peu se soucient des dangers encourus par les consommateurs, de toute façon le problème est ailleurs, car jamais nos élites ne consommeront ces produits. Donner à manger de l’oxyde de graphène à des insectes pour les consommer ensuite, peut-on imaginer plus abominable en termes de mauvaise idée ? Parfaitement, plein d’autres même, vous n’allez pas en revenir. Merci à nos « anonymes » et bonne lecture.
Par Auteur anonyme
Introduction
Le Forum Économique Mondial (FEM) propose de remplacer une partie des protéines animales habituellement consommées par des protéines d’insectes. Le FEM craint une crise alimentaire imminente et au lieu de promouvoir une agriculture différente, il préconise des solutions industrielles : production de viande en laboratoire et incorporation d’insectes dans l’alimentation
(https://www.weforum.org/agenda/2021/07/why-we-need-to-give-insects-the-role-they-deserve-in-our-food-systems/).
Le FEM promeut aussi une sorte « soft » de cannibalisme (production de steak humain en laboratoire
https://childrenshealthdefense.org/defender/insect-farming-maggots-food-menu-cola/). Pour faire avaler ces horreurs, le FEM propose d’abord d’introduire les insectes sous forme de farines invisibles dans l’alimentation.
Un groupe de scientifiques et médecins qui préfèrent rester anonymes ouvre le débat sur le blog de l’AIMSIB en faisant part de ses craintes d’un point de vue toxicologique à propos de cette innovation. L’aspect économique et éthique devra être aussi discuté plus tard !
Contexte
L’Union européenne (UE) a signé plusieurs conventions afin d’autoriser la mise sur le marché d’insectes entiers et produits dérivés d’insectes comme les farines d’insectes (ou poudres d’insectes). Ces farines d’origine animale seront mélangées à divers aliments de consommation courante. Deux conventions ont été signées début janvier 2023 ; elles concernent l’autorisation de mise sur le marché :
Il existe aussi deux autres textes qui datent de 2021 autorisant la mise sur le marché :
Selon le rapport de l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) en 2014, le projet émane d’institutions internationales et d’industriels qui proposent un projet global sur l’hypothèse d’une insécurité alimentaire liée à une augmentation croissante de la population mondiale. Cette croissance de la population nécessiterait de produire des protéines animales autres que celles des élevages traditionnels. Les insectes deviendraient une source alternative de protéines animales pour la consommation humaine (et aussi animale). Ce projet s’appuie sur un recyclage de matières organiques (déchets ou coproduits de l’agriculture et des industries alimentaires) [5].
Ce projet d’élevage d’insectes pose des questions de fond sur les risques de sécurité sanitaire et sur les risques environnementaux d’autre part.
La consommation de certains insectes pratiquée de façon traditionnelle par certaines populations dans le monde n’a rien à voir avec la généralisation d’une consommation de farine d’insectes obtenue par un élevage intensif et une transformation industrielle (même s’il existe une activité industrielle d’élevage d’insectes dans certains pays d’Asie [5]). Cette consommation traditionnelle se fait selon des modes de préparation culinaire et dans le cadre de régimes alimentaires particuliers ; en effet, elle ne constitue pas une source alimentaire continue, mais occasionnelle et intégrée dans une alimentation aux sources variées. Les insectes consommés le sont tels quels, « nature », c’est-à-dire après préparation manuelle (retrait des parties de l’animal qui peuvent présenter un danger alimentaire ou qui sont peu digestibles) et cuisson. Il n’y a pas de transformation par des procédés industriels, en particulier il n’y a pas d’ajout de substances.
La chitine, ça vous dit ?
La chitine (et ses dérivés dont le chitosan) est un constituant fondamental de l’exosquelette des arthropodes (tels les crustacés et les insectes), de différents organes de mollusques, des parois cellulaires des moisissures, de la cuticule des acariens et de l’enveloppe externe des helminthes (vers). Les insectes autorisés par l’UE sont riches en chitine (5).
Certains animaux sont insectivores comme les oiseaux, les reptiles… Ils ont naturellement la capacité de digérer les substances contenues dans les insectes comme la chitine (grâce à la présence d’enzymes appropriées).
Les animaux dont l’appareil digestif est dépourvu de l’enzyme chitinase ne peuvent pas la digérer (risque de troubles intestinaux jusqu’à l’occlusion). Le problème de digestibilité risque de se poser aussi chez l’homme dont les chitinases identifiées paraissent insuffisantes pour lyser ce polymère de chitine (5). La poudre de L. migratoria (criquets) est obtenue par le broyage mécanique des insectes, pattes et ailes comprises [4].
Ceci permet de reconsidérer la destination naturelle des insectes dans la chaîne alimentaire des conditions naturelles de la vie.
Ces nouveaux produits, nommés « nouveaux aliments », relèvent du règlement de l’UE (2015/2283) [6]. Par ce règlement, l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA, European Food Sanity Authority), à la demande de la Commission européenne élabore un document qui sera complété par le demandeur de l’autorisation de mise sur le marché de ces produits. Ce document contient un ensemble d’informations sur le « nouvel aliment », dont les évaluations qui démontrent son innocuité [7].
Pour rendre son avis, l’EFSA se baserait seulement sur les informations contenues dans le rapport réalisé par l’entreprise (le demandeur) d’autorisation de mise sur le marché [7].
Ce rapport serait confidentiel et son contenu ne serait accessible que plusieurs années après l’entrée en vigueur du règlement (délai de 5 années après l’entrée en vigueur du règlement) [1] [2] [3] [4].
Il est important de noter que cette autorisation de mise sur le marché est dédiée à un seul demandeur qui a l’exclusivité sur la vente de sa production pendant plusieurs années, avec le maintien d’une confidentialité stricte sur les procédés que le demandeur peut utiliser. Par exemple, s’agissant de la convention relative à A. Domesticus, on peut lire [1] :
Article 13 « La requérante a déclaré qu’elle détenait des droits de propriété et exclusifs de référence aux études scientifiques et aux données relatives à la description détaillée du procédé de production… les tiers ne peuvent légalement accéder à ces données et études, les utiliser ou s’y référer.
Article 14… En conséquence, seul le demandeur devrait être autorisé à mettre sur le marché de l’Acheta domesticus (grillon domestique) une poudre partiellement dégraissée dans l’Union européenne pendant une période de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du présent règlement. »
Les principaux aliments concernés par ces farines sont :
– pour A. Domesticus : pains et petits pains, barres de céréales, prémélanges pour produits de boulangerie, pâtes, pâtes farcies, produits transformés à base de pomme de terre, de légumineuses, soupes, soupes en poudre, confiseries chocolatées, noix et oléagineux, préparations de viandes… [1]
– pour A. Diaperinus : barres de céréales, pains, pâtes, pâtes farcies, céréales petit déjeuner, pommes de terre frites, chips, produits à base de céréales, sandwichs prêts à consommer, préparations de viande, confiseries au chocolat, compléments alimentaires… [2]
– pour T. Molinor : biscuits, plats à base de légumes, produits à base de pâtes… [3]
– pour L. Migratoria : produits de pomme de terre transformés, plats à base de légumes, produits à base de pâtes, substituts de viande, soupes, légumineuses et légumes en conserve en bocal, salades, saucisses, confiserie au chocolat, boisson type bière… [4]
Les risques sanitaires liés à la consommation d’insectes
On s’appuie surtout sur le rapport de l’ANSES de 2014 qui donne un état des lieux des connaissances scientifiques et des risques potentiels liés à la consommation d’insectes en tant que « nouveaux aliments ». Ces risques sont variés et se trouvent aux différents stades de la mise en œuvre du procédé industriel de l’élevage au produit fini.
1— Les dangers liés à la transformation de l’insecte
La transformation en poudre des insectes d’élevage passe par plusieurs étapes successives. Elle est ainsi décrite dans la convention relative à la transformation d’A. domesticus : une période de jeûne de 24 heures pour que les insectes vident leur tube digestif, une mise à mort par congélation, lavage, traitement thermique, séchage, extraction de l’huile (par extrusion mécanique) et mouture [1]. Les insectes séchés sont commercialisés entiers ou sous forme de farines après broyage. Les dangers sanitaires liés aux insectes ou produits dérivés d’insectes sont soit spécifiques à l’espèce (présence de corps étrangers, substances toxiques, allergènes…), soit liés à la production, de l’élevage au transport.
Le rapport insiste surtout sur le manque de connaissances scientifiques concernant ces dangers sanitaires, aussi bien pour les produits destinés à l’animal que ceux destinés à l’homme (5). Le rapport de l’EFSA 2015 le confirme : les données sur la consommation d’insectes par les humains (et aussi par les animaux) sont pratiquement inexistantes [8].
– Les contaminants : comme pour tous les aliments transformés, ils peuvent être présents à différents stades de la production d’insectes. Il peut s’agir de bactéries comme celles qui provoquent l’anthrax (B. anthracis) ou qui sont liées à des intoxications alimentaires (B. cereus) ; elles peuvent être transmises par des insectes eux-mêmes contaminés à partir de sol servant de substrat d’élevage [5]. Il peut aussi s’agir de matériau tels les supports plastiques grignotés par les insectes [5]
Il y a peu de données sur les risques de contamination des insectes par des contaminants chimiques situés dans les différents substrats d’élevage [8].
Le rapport de l’EFSA de 2018 [9] soulève les risques potentiels des nanoparticules en contact avec la nourriture : les études désignées sont expérimentales et en cours d’évaluation.
L’oxyde de graphène (OG) est un nanomatériau semi-conducteur ayant une structure fine et capable d’extensibilité ; il est utilisé pour de nombreuses applications dans les domaines de l’industrie (écrans, cellules photovoltaïques…). Il est utilisé aussi pour les élevages de certains insectes (Lepidoptera et Diptera) pour pallier au manque de nourriture destinée à ces insectes, et favoriser leur prolifération, selon le brevet chinois de 2021 (Université de Hebei) [10]. Il pourrait ainsi participer à la réduction du coût de la production des insectes. Son utilisation pourrait-elle s’étendre aux élevages d’autres espèces d’insectes ? Si de tels traitements sont appliqués, on s’interroge sur le risque sanitaire de l’OG sur l’homme par ingestion, d’autant que le broyage des insectes augmente la biodisponibilité de ces substances indésirables.
Certaines expérimentations chez les souris montrent que l’ingestion d’une faible dose d’OG entraîne des lésions de la paroi digestive ; cette effraction pourrait être à l’origine d’une distribution du nanomatériau dans le corps de la souris [11].
Les insectes subissant le même processus pourraient contaminer l’homme lorsque celui-ci les consomme. Les risques chez l’homme liés à l’OG dépendent de multiples facteurs dont les caractéristiques de ce nanomatériau. Leur toxicité dans les études expérimentales est surtout liée à la génotoxicité : les dommages à l’ADN peuvent entraîner des maladies cancéreuses et menacer la santé de la génération suivante si les cellules reproductrices sont aussi atteintes [11] [12].
– Les substances néoformées : Les procédés de transformation induisent des réactions chimiques au sein des aliments pouvant amener à la formation de composés néoformés toxiques [13] [14]. Ces derniers peuvent se former au cours de traitements thermiques, au cours des procédés de fermentation ou au cours de différentes étapes de conservation [13] [14].
Les amines aromatiques hétérocycliques (AAHs) sont des composés néoformés lors des procédés thermiques [13]. Les AAHs sont mutagènes et génotoxiques (IARC, 1993). En effet, même à de très faibles concentrations, elles induisent des dommages génétiques en formant des adduits avec l’ADN (fixation à l’ADN de manière covalente) [13].
– Accidents au cours de la production (par exemple, accident de manipulation de solvant)
2— les dangers microbiologiques
Là aussi il y a peu de documentation sur ce type de dangers. Il n’y a pas seulement des risques liés aux bactéries (cf. ci-dessus) ; on sait que des parasites ont été mis en évidence dans des échantillons d’insectes ; cela veut dire que les insectes peuvent être porteurs de parasites potentiellement néfastes pour la santé de l’homme. Il peut s’agir de parasitoses à cercaires et métacercaires [5] (dont certaines donnent des cécités).
Le risque infectieux lié aux prions (agents transmissibles non conventionnels) ne peut être exclu [5]. Le prion est une protéine pathogène qui peut entraîner des maladies neurodégénératives mortelles comme l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ou maladie de la vache folle chez les bovins, ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l’homme. L’ESB est liée au type d’alimentation donnée aux bovins : des farines animales contaminées par le prion pathogène (parties d’os et de viandes non utilisées dans l’alimentation humaine, transformées et réduites en farines). À partir de 1990, ces farines ont été interdites et malgré cela, d’autres cas d’ESB sont apparus : ces bovins malades étaient alimentés dès leur plus jeune âge par des aliments composés du commerce [15] [16] [17].
De même, les insectes d’élevage pourraient être porteurs de prions si le substrat leur servant d’alimentation comporte des protéines d’origine humaine ou animale comme les ruminants ; une évaluation de ces risques doit être réalisée [8]. Or, selon le rapport de l’ANSES 2015, l’alimentation fournie aux insectes dans les élevages s’appuie sur le recyclage de déchets organiques.
Ce risque est bien connu et demande de faire preuve de la plus grande prudence : le règlement de l’UE 2017/893, entré en vigueur le 1er juillet 2017, a permis d’inclure une liste restreinte de 7 espèces d’insectes dans les aliments pour l’élevage de poissons (aquaculture). Avant cela, l’ajout de tout insecte pour les animaux d’élevage n’était pas autorisé en raison du risque de maladies liées aux prions [6].
Ce risque peut aussi être lié au mésusage de produits destinés à l’alimentation animale réorientés pour l’homme [5]. Le prion pathogène est résistant aux processus industriels d’inactivation notamment ceux utilisant de la chaleur [18].
3— Le danger allergène
Les insectes ont des allergènes communs à d’autres organismes comme les crustacés, les mollusques, les acariens…
Les cas d’allergie alimentaire liés à une ingestion d’insectes rapportés sont probablement sous-estimés ; ceux qui ont pu être rapportés concernent le ver de farine (T. molitor) et autres types de ver [5]. Ces accidents peuvent être sévères, et mettre en danger la vie du consommateur (réaction anaphylactique).
Certains de ces allergènes d’insectes correspondent à des protéines que l’on retrouve un peu partout dans d’autres organismes, ce qui peut donner lieu à des réactions croisées, par exemple celle qui concerne le ver de farine et les acariens [5]. La consommation d’insectes par des individus allergiques aux acariens ou aux crevettes pourrait très bien déclencher des réactions allergiques imputables à cette réactivité croisée [5].
La chitine est aussi considérée comme un allergène avec des effets complexes sur le système immunitaire [5].
L’effet allergique peut aussi être renforcé par stabilisation de la protéine allergisante lors de certaines réactions chimiques (réaction de Maillard) [14].
L’EFSA a exigé, du fait de risques allergiques, un étiquetage des produits alimentaires qui contiendront des produits industriels dérivés des insectes [1] [2] [3] [4].
De ce fait, les personnes allergiques seront privées d’une grande variété de spécialités alimentaires de consommation courante, y compris le pain.
En effet on estime en France environ 100 000 personnes, soit la population d’une ville française moyenne, qui pourraient être potentiellement concernées par ces réactions ou allergies croisées [5].
4— Les dangers chimiques : les substances toxiques
Les insectes via l’environnement ou l’alimentation peuvent accumuler dans leur organisme (bioaccumulation) des substances toxiques telles que les polluants organiques persistants, les pesticides, les métaux lourds. La bioaccumulation est une des stratégies adaptatives de l’insecte pour éviter toute intoxication. Les criquets sont des bioaccumulateurs de pesticides ; on retrouve aussi un métal lourd dans les larves de T. molitor : le cadmium [5]. Ce dernier se trouve dans les matières fertilisantes utilisées dans l’agriculture, contamine le sol, les végétaux, les insectes et l’homme par l’alimentation. Ce toxique est reconnu comme cancérigène, mutagène et toxique pour la reproduction [19].
Les pesticides, comme les polluants organiques persistants résistent généralement aux traitements thermiques [5].
Les données publiées sur les produits chimiques des insectes en élevage sont rares [8].
5— Les dangers chimiques : les facteurs antinutritionnels
Là aussi, il y a un manque de données sur la concentration de ces substances chimiques dans les insectes et leurs dérivés. Les animaux sont sensibles à ces facteurs antinutritionnels [5].
On peut citer par exemple l’acide phytique dont le risque est de former avec certains minéraux de l’organisme humain des complexes insolubles qui ne seront pas absorbés ; il peut en résulter une carence de ces minéraux (comme le phosphore).
La chitine et l’un de ses dérivés, le chitosan, ont un rôle similaire ; en se liant à des lipides, ils forment des gels qui emprisonnent certaines vitamines et minéraux diminuant ainsi leur biodisponibilité [5].
L’acide cyanhydrique utilisé pour fabriquer des pesticides se retrouve dans l’organisme des insectes ; il peut aussi provenir des plantes riches en glycosides cyanogènes consommés par les insectes (les glycosides cyanogènes libèrent de l’acide cyanhydrique).
Les intoxications liées à l’acide cyanhydrique sont habituellement d’ordre professionnel par inhalation. On le retrouve aussi dans la fumée de tabac et les gaz d’échappement. Il agit aussi par ingestion ou par contact cutané. Il est rapidement absorbé sous forme de cyanure, métabolisé par le foie et excrété surtout par voie rénale [20] [21].
Il est hautement toxique chez l’homme : l’acide cyanhydrique et les cyanures métalliques sont inscrits au tableau A des substances vénéneuses.
Il existe quelques données expérimentales sur le risque lié à une exposition chronique du cyanure par ingestion : études avec le rat où l’on observe à fortes doses une réduction du nombre des spermatozoïdes ; études avec le porc qui développe des perturbations comportementales avec un allongement du temps de réponse aux stimuli nerveux (en faveur d’une souffrance neurologique) [22]. D’autres études expérimentales avec le rat ont aussi rapporté des effets neurologiques, thyroïdiens et sur la reproduction avec des malformations chez les fœtus de rats exposés [23] [24].
Il existe aussi quelques données cliniques chez l’homme : des études épidémiologiques confirment l’existence d’une association entre l’exposition chronique au cyanure par ingestion (consommation de manioc amer riche en glycosides cyanogènes) et des troubles neurologiques. Ces troubles sont de type neuropathie ataxique tropicale ou de type konzo (apparition brutale d’une paraplégie spastique parfois associée à des troubles visuels) [18] [25].
L’intoxication liée à l’exposition chronique à l’acide cyanhydrique par inhalation a aussi été le sujet de quelques observations cliniques chez l’homme avec des troubles de la vision, des troubles de la fonction de la thyroïde, et la survenue d’une anémie dite pernicieuse (carence en vitamine B12) [24]. Ces observations confortent le fait qu’une exposition chronique avec des seuils en dessous de ceux provoquant les signes cliniques d’une intoxication aiguë entraîne des effets délétères sur la santé humaine à long terme.
Ce risque potentiel lié à l’exposition chronique à l’acide cyanhydrique par ingestion est d’autant plus préoccupant pour les jeunes enfants en plein développement et maturation cérébrale.
Plusieurs seuils de concentration liés au risque de toxicité aiguë par l’acide cyanhydrique ont été proposés ; l’UE en 2009 a estimé une concentration d’acide cyanhydrique devant être inférieure ou égale à 0,5 mg/kg de denrée alimentaire solide pour éviter une intoxication aiguë [22]. Le rapport de l’ANSES 2014 (annexe 2) nous donne une concentration d’acide cyanhydrique estimée à 2,19 mg/100 g de poids sec pour une espèce de la famille des Gryllidae (communément appelée grillons), soit 21,9 mg/kg de poids sec [5]. C’est une concentration bien supérieure à celle préconisée par l’UE.
Les populations de grillons dans le cadre de la convention 1 ont un taux d’acide cyanhydrique inférieur ou égal à 0,5 mg/kg de poudre poids sec [1]. Comment expliquer cette différence aussi importante avec le résultat d’analyse des populations décrites dans le rapport de l’ANSES 2014 (annexe 2) : la différence semble trop importante pour être attribuée à des méthodes de détection et/ou d’analyse différentes. Il serait raisonnable de penser que la différence pourrait se situer au niveau de l’apport alimentaire en terme de qualité ; si c’est le cas, quel type d’aliments pour la population d’insectes d’élevage ?
Les analyses de la convention concernant les criquets ne mentionnent pas le composant toxique acide cyanhydrique [4].
Par ailleurs il n’existe pas de données chez l’homme sur la cancérogenèse du cyanure [22] [23]. De même, les effets génotoxiques ne sont pas documentés [23]). Ces données doivent être complétées par des études toxicologiques approfondies.
6— Utilisation d’insectes génétiquement modifiés
La possibilité d’utiliser des insectes génétiquement modifiés est soulevée ; c’est aussi le problème global de l’impact sanitaire des aliments génétiquement modifiés qui refait surface avec le risque sanitaire potentiel chez l’homme et chez l’animal, mais aussi le risque d’altération irréversible de l’écosystème [26].
Discussion et conclusion
1— Manque de données scientifiques de toxicité
Il existe un manque de données scientifiques de toxicité sur les risques sanitaires liés à la consommation d’insectes. Le rapport de l’ANSES 2014 a mis en évidence un fort déficit d’informations scientifiques et d’études toxicologiques pour démontrer l’innocuité de ces insectes, et a fortiori, de ces insectes transformés par des procédés industriels. Ces lacunes sont soulignées dans le rapport même de l’EFSA de 2015 qui note l’absence de collecte de données sur la consommation animale et humaine d’insectes et qui recommande fortement la production d’études toxicologiques [8].
Le caractère confidentiel des procédés, études et analyses sur la toxicité des demandeurs interroge.
L’exposition chronique à ces produits industriels d’insectes et dérivés d’insectes sera réelle puisqu’ils vont se retrouver dans un nombre considérable d’aliments ou de préparations alimentaires consommés de façon régulière, tous les jours comme par exemple le pain : les risques de toxicité chronique seront amplifiés par la généralisation de la consommation de cette farine d’insectes dans les divers aliments fournis par l’industrie agroalimentaire. Les doses même infimes de ces substances indésirables (substances néoformées, contaminants, toxiques, substances non identifiées, résidus des produits utilisés pour le lavage des insectes…) consommées régulièrement peuvent être à l’origine d’une intoxication chronique.
L’hypothèse d’un lien entre l’exposition chronique à certains contaminants contenus dans les aliments et la recrudescence de certaines pathologies telles que les cancers, maladies neurodégénératives a déjà été soulevée (9) ; de même pour les composés néoformés même s’ils sont à l’état de trace dans les aliments [13].
Les études scientifiques sur le long cours sont manquantes. Il est indiqué dans la convention 2 qu’une surveillance a été réalisée sur un laps de temps de 90 jours [2]. S’il s’agit d’une surveillance post-exposition aux produits, nous ne savons pas quelle dose de produits a été consommée et pendant combien de temps. Dans les intoxications chroniques, il faut souvent envisager une surveillance sur une durée plus longue ; en effet, les effets néfastes potentiels peuvent apparaître plusieurs mois voire plusieurs années après l’exposition et dans le cas d’un risque d’atteinte génotoxique, il faut envisager une surveillance transgénérationnelle. Les études relatives à la génotoxicité sont aussi manquantes. La question de la génotoxicité a été soulevée dans le cadre des analyses réalisées pour les criquets [4].
Les données sur les interactions entre ces différents éléments chimiques sont aussi manquantes : quel est leur impact sur la santé humaine ? Là aussi, on a peu de données ; le mélange de contaminants néoformés peut avoir un effet synergique ou antagoniste. Les teneurs en métaux lourds varient selon les farines issues des différents insectes. Par exemple la teneur maximale en cadmium est ≤ 0,025 mg/kg de poudre A. domesticus ; ≤ 0,05 mg/kg de poudre A. diaperinus ; ≤ 0,05 mg/kg de poudre L migratoria [1] [2] [4]. Ces quantités vont se retrouver cumulées puisqu’un aliment déjà commercialisé pourra contenir des farines d’insectes issues de différents insectes (exemple : les pâtes).
Il faudrait aussi prendre en compte l’ajout de toute cette diversité chimique à celle qui existe déjà dans les produits agroalimentaires actuellement commercialisés.
La dose de poudre issue d’A. Diaperinus admise varie de 5 g/100 g de denrée alimentaire (dans les confiseries chocolatées par exemple) à 20 g pour les sandwichs prêts à consommer. Or, la dose maximale admise dans les compléments alimentaires est de 4 g/100 g [2] : s’agit-il d’interactions néfastes entre les composés de cette poudre et ceux des compléments alimentaires ?
En outre toutes ces substances ne sont pas forcément identifiées et/ou détectées comme c’est le cas pour les composants néoformés [13] et les prions [9].
Ces risques sanitaires posent davantage d’inquiétude pour les personnes vulnérables comme les nourrissons et les personnes âgées à l’égard des composés néoformés qui peuvent induire des pathologies chroniques inflammatoires [9]. Par analogie, les études déjà citées à propos de l’ESB ont montré que les jeunes bovins soumis à des aliments industriels durant leurs premiers mois de vie ont une augmentation significative du risque de contracter l’ESB [15] [16] [17].
Les facteurs antinutritionnels posent aussi un problème chez les personnes carencées en vitamines ou autre nutriment important [5].
L’étude déjà citée sur le mélange A. diaperinus et les compléments alimentaires indique que ces compléments alimentaires ne devraient pas être consommés par les jeunes de moins de 18 ans [2].
Un autre exemple : celui du cyanure qui est métabolisé par le foie et éliminé par voie rénale. Les personnes ayant déjà des défaillances de ces organes pourraient être plus sensibles à ce toxique, des doses plus faibles pouvant causer des effets potentiellement graves chez ces personnes. On souligne à nouveau le risque potentiel de la toxicité neurologique du cyanure chez les enfants en pleine croissance.
En France, les actions des comités indépendants des autorités sanitaires s’attachent à mettre en œuvre des études indépendantes, indispensables pour éviter tout conflit d’intérêts : quels sont ces comités ?
2— Problème de traçabilité
En effet, la distribution concernera une grande majorité de produits alimentaires. L’exposition généralisée de la population à ces substances ne permettra pas de rechercher un lien de causalité en cas de survenue d’effets néfastes qui pourraient être liés à ces produits industriels.
Le mélange de ces différentes poudres dans un même aliment rendra aussi impossible, en cas de survenue d’effets néfastes, d’identifier le nouvel aliment responsable.
En outre le mélange de ces diverses substances d’une part, la méconnaissance de la quantité de ces poudres ingérées par un individu d’autre part, ne permettront pas de mettre en place d’études d’évaluation des niveaux d’exposition et des risques spécifiques à chacune de ces substances.
3— Rapport bénéfice/risque
L’importance des risques potentiels sur la santé et l’environnement semble sous-estimée. Le rapport bénéfice/risque est dès lors très discutable. En outre, adopter de « nouveaux aliments » doit aussi prendre en compte l’environnement en termes de protection. L’usage de solvant, d’engrais, d’énergie (l’élevage d’insectes nécessite par exemple une température constante et élevée), de moyens de transport, d’emballage, de rejets de déchets chimiques, polluants, toxiques… utilisés dans la transformation complexe d’une matière première n’est pas à la faveur de la contribution à la sauvegarde de l’environnement. Des textes internationaux promeuvent le contrôle voire l’élimination des émissions de ces substances dans l’environnement (protocole d’Aarhus 1998, convention de Stockholm 2001). Ces éléments vont à l’encontre de l’objectif émanant de l’hypothèse à l’origine de cette proposition d’élevage d’insectes. La mise en œuvre de « nouveaux aliments » va à nouveau générer des déchets ou coproduits de ces industries agroalimentaires inhérents au mode de production et de commercialisation (fixation des prix au nom du profit, destruction de la partie invendue). Ces aspects ne répondent pas à la question du gaspillage alimentaire. On note aussi que certaines de ces sociétés se situent hors continent européen.
Très peu d’études existent sur l’impact environnemental de l’élevage des insectes. Selon le rapport EFSA de 2015, les dangers liés à l’environnement devraient être comparables à ceux d’autres systèmes de production animale. Dans l’hypothèse où les risques générés pour l’environnement liés aux élevages d’insectes sont comparables à ceux liés aux élevages traditionnels, il faut ajouter aux risques sanitaires pour l’homme et pour l’animal la question du bénéfice nutritionnel ; quelle est la quantité de protéine assimilable issue de ces farines ? Et quelle est la qualité nutritive après ces transformations et stockages ?
Aucune évaluation de ces mesures ne peut être mise en œuvre : les indicateurs ne sont pas définis et les objectifs de l’étude restent imprécis.
Il faut rappeler la différence fondamentale entre la consommation traditionnelle, occasionnelle d’insectes par certains groupes d’individus et la consommation généralisée de produits industriels à base d’insectes et cette différence doit être prise en compte sur les plans sanitaire et environnemental, et aussi sociologique et culturel.
L’existence d’une consommation traditionnelle naturelle de certains insectes par certaines populations ne devrait pas justifier une consommation, d’autant au long cours, d’insectes et produits dérivés d’insectes obtenus par des procédés industriels qui peuvent engendrer de nouveaux risques sanitaires et environnementaux.
Références bibliographiques
⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.