Yuval Noah Harari, le gourou liberticide qui chuchote à l’oreille de Klaus Schwab

08/05/2022 (2022-05-08)

[Source : lecourrierdesstrateges.fr]

Pendant longtemps Klaus Schwab n’a guère été qu’un Alain Minc plus ambitieux, avec un carnet d’adresses plus international et étoffé. Et puis progressivement l’organisateur des rencontres de Davos s’est mué en prophète des temps nouveaux. Il a formulé l’agenda du Grand Reset. Un homme y est pour beaucoup: Yuval Noah Harari, auteur d’un des best-sellers de la dernière décennie, Sapiens. Quand on le lit attentivement, cet essai d’histoire mondiale est médiocre. Mais l’important est ailleurs: Harari a trouvé les mots pour faire croire aux inventeurs de la Silicon Valley et aux organisateurs du Forum de Davos qu’ils étaient des « hommes-dieux », les artisans d’une révolution socio-économique aussi importante que la révolution agricole, voici des millénaires. À l’âge de Sapiens serait en train de succéder celui du transhumanisme et Klaus Schwab serait son prophète. Retour sur une imposture.

[Voir aussi :
Harari et « l’homme numérique de demain » : les projets inquiétants du Forum de Davos
et
Le FEM de Klaus Schwab en 2020 : Les humains sont désormais des « animaux piratables » et seront « réingénierisés »]

Quand on commence à reconstituer le parcours de Y.N. Harari, on ne peut s’empêcher de dire : chapeau l’artiste ! Certes, ce bon historien du Moyen Âge est devenu, du point de vue académique, un essayiste un peu hasardeux. Mais aujourd’hui, c’est moins son travail d’historien qui intéresse que ses débordements de Grand Anticipateur. Trois livres — Sapiens, Homo Deus et 21 Leçons pour le 21e siècle — ont fait sa célébrité en dix ans.

La lecture de Sapiens, l’histoire universelle que proposa en 2011 à ses étudiants Harari et dont il fit un livre, est à vrai dire assez ennuyeuse quand on a lu les grandes fresques de Gombrich, de Spengler, de Toynbee, de Braudel ou, plus récemment, Jared Diamond. Et pourtant, le livre est devenu un best-seller à partir du moment où il été recommandé par Mark Zuckerberg, Bill Gates, Barack Obama. L’avoir lu est devenu un must dans la Silicon Valley ou à Davos.

D’où est venu ce succès ? Il y a certainement une part jouée par le personnage que s’est sculpté Harari. L’homme est vegan militant ; il vit avec son compagnon homosexuel dans une ferme coopérative et il affirme faire tous les jours deux heures de méditation Vipassana. Y.N. Harari peut entrer tout droit dans un roman de Houellebecq et on imagine la charge féroce à laquelle se livrerait le plus grand romancier français contemporain. Mais ne vous moquez pas : Harari rassure les élites occidentales puisqu’il incarne une sorte d’idéal type de l’homme éclairé du début du XXIe siècle.

Cependant lorsque les artisans du Grand Reset ont commencé à faire sa promotion, le personnage d’Harari était encore largement inconnu. C’est ce qu’il a écrit qui plaît ! Harari a dit aux élites globalisées ce qu’elles avaient envie d’entendre. Tout tient dans un « en même temps » : la liberté humaine n’existe pas ; mais le mythe du libéralisme est utile, car il permet aux élites du monde ouvert de faire advenir la nouvelle révolution, gigantesque, celle de la « Quatrième Révolution Industrielle », de l’Internet des Objets et bientôt de l’Internet des Corps où l’on aura implanté des puces et des capteurs.

La nouvelle incarnation de l’intellectuel liberticide

Dans une remarquable analyse parue dans Haaretz, Danny Gutwein souligne qu’Harari fait de moins en moins d’histoire et de plus en plus de futurologie douteuse, mais il a le mérite « d’aborder la crise de la démocratie libérale, que [l’auteur]considère comme le type de régime optimal pour faire face aux défis du monde moderne. Il trouve les origines de la crise sur le plan idéologique. Le populisme a triomphé parce que l’ « histoire libérale » a perdu sa crédibilité à la suite de la crise financière de 2008, après avoir déjà échoué à fournir des « réponses évidentes » aux dangers mondiaux posés par la menace nucléaire, le réchauffement climatique et l’innovation technologique. Pour que les élites libérales reprennent le pouvoir, Harari affirme qu’elles doivent créer « une histoire actualisée pour le monde ». Comme elles sont incapables de le faire, il assume le rôle de leur idéologue et propose dans « Leçons » une version actualisée de l’histoire libérale fondée sur la « mythologie de Sapiens ». Le populisme représente un danger pour l’avenir du monde, car il encourage les « fantasmes nostalgiques » enflamme le séparatisme nationaliste et nuit à la coopération internationale, qui est vitale pour relever les défis mondiaux du XXIe siècle. Harari estime donc qu’”en fin de compte, l’humanité n’abandonnera pas l’histoire libérale, parce qu’elle n’a pas d’alternative. Les gens peuvent donner au système un coup de pied rageur dans l’estomac, mais, n’ayant nulle part ailleurs où aller, ils finiront par revenir« . »

Dans un article publié dans le Guardian en septembre 2018, intitulé « le mythe de la liberté », Harari avait tombé le masque :

« Les humains ont certainement une volonté — mais elle n’est pas libre. Vous ne pouvez pas décider des désirs que vous avez. Vous ne décidez pas d’être introverti ou extraverti, facile à vivre ou anxieux, gay ou hétéro. Les humains font des choix — mais ce ne sont jamais des choix indépendants. Chaque choix dépend d’un grand nombre de conditions biologiques, sociales et personnelles que vous ne pouvez pas déterminer vous-même. Je peux choisir ce que je mange, qui je vais épouser et pour qui je vais voter, mais ces choix sont déterminés en partie par mes gènes, ma biochimie, mon sexe, mon milieu familial, ma culture nationale, etc.
Bien que le « libre arbitre » ait toujours été un mythe, il a été utile au cours des siècles précédents. Il a enhardi les personnes qui ont dû lutter contre l’Inquisition, le droit divin des rois, le KGB et le KKK. Le mythe avait également peu de coûts. En 1776 ou 1945, il y avait relativement peu de mal à croire que vos sentiments et vos choix étaient le produit d’un certain « libre arbitre » plutôt que le résultat de la biochimie et de la neurologie.

Mais aujourd’hui, la croyance au « libre arbitre » devient soudainement dangereuse. Si les gouvernements et les entreprises parviennent à pirater l’animal humain, les personnes les plus faciles à manipuler seront celles qui croient au libre arbitre.

Pour réussir à pirater les humains, il faut deux choses : une bonne compréhension de la biologie et une grande puissance de calcul. L’Inquisition et le KGB n’avaient pas ces connaissances et cette puissance. Mais bientôt, les entreprises et les gouvernements pourraient avoir les deux, et une fois qu’ils pourront vous pirater, ils pourront non seulement prédire vos choix, mais aussi réorganiser vos sentiments. Pour ce faire, les entreprises et les gouvernements n’auront pas besoin de vous connaître parfaitement. C’est impossible. Ils devront simplement vous connaître un peu mieux que vous ne vous connaissez vous-même. Et ce n’est pas impossible, car la plupart des gens ne se connaissent pas très bien.

Le libéralisme a développé un arsenal impressionnant d’arguments et d’institutions pour défendre les libertés individuelles contre les attaques extérieures de gouvernements oppressifs et de religions fanatiques, mais il n’est pas préparé à une situation où la liberté individuelle est subvertie de l’intérieur, et où les concepts mêmes d’« individu » et de « liberté » n’ont plus beaucoup de sens. Pour survivre et prospérer au XXIe siècle, nous devons abandonner la vision naïve de l’homme en tant qu’individu libre — une vision héritée de la théologie chrétienne autant que des Lumières modernes — et accepter ce que l’homme est réellement : un animal piratable. Nous devons mieux nous connaître.

Il est particulièrement important d’apprendre à connaître ses faiblesses. Elles sont les principaux outils de ceux qui tentent de vous pirater. Les ordinateurs sont piratés par des lignes de code défectueuses préexistantes. Les humains sont piratés par des peurs, des haines, des préjugés et des envies préexistants. Les pirates informatiques ne peuvent pas créer la peur ou la haine à partir de rien. Mais lorsqu’ils découvrent ce que les gens craignent et détestent déjà, il est facile d’appuyer sur les boutons émotionnels appropriés et de provoquer une fureur encore plus grande.

Si les gens ne peuvent pas apprendre à se connaître par leurs propres moyens, la technologie utilisée par les pirates peut peut-être être détournée et servir à nous protéger. De même que votre ordinateur est doté d’un programme antivirus qui détecte les logiciels malveillants, nous avons peut-être besoin d’un antivirus pour le cerveau. Votre compagnon IA apprendra par expérience que vous avez une faiblesse particulière — que ce soit pour les vidéos de chats amusantes ou pour les histoires exaspérantes sur Trump — et les bloquera en votre nom. »

Le gourou de Forum Économique mondial

Tout y est : la négation de la liberté — contre 30 siècles de civilisation judéo-chrétienne. La négation de la démocratie moderne puisqu’il sera impossible de résister à la manipulation des data par les gouvernements et les entreprises transnationales. Mais aussi la proposition de confier notre cerveau et nos émotions à une élite éclairée et des techniciens de la manipulation des individus, mais, pour notre bien cette fois.

Leo Hohnmann a eu la bonne idée de mettre en parallèle deux vidéos : l’une rassemblant différentes interventions de Yuval Noah Hariri qui reprennent en gros l’argumentation de l’article du Guardian, mais sans plus aucune précaution rhétorique ; et l’autre où l’on voit Klaus Schwab expliquer comment on va envahir le corps humain avec des implants technologiques pour le contrôler. Le parallèle entre les deux argumentations est saisissant, surtout dans la manière dont les deux intervenants, le Grand Resetteur et son gourou, utilisent l’argument de la crise du COVID comme une occasion unique, qui a été saisie pour amorcer le tournant vers l’humanité contrôlée.

Mon maître Claude Tresmontant commençait souvent ses cours en nous rappelant que les grandes catastrophes de l’humanité commencent par une catastrophe dans le domaine des idées. Y aurait-il eu le fascisme et le communisme sans la vénération de l’État insufflée par Hegel aux Européens de son temps ? Eh bien, là on est dans quelque chose du même ordre: aussi médiocre soit sa construction intellectuelle, Yuval Noah Harari a définitivement fait basculer Klaus Schwab dans la folie idéologique et l’envie de transformer le monde, plus simplement de l’interpréter. Au moment où le Blofeld de Davos était accablé par le Brexit et la victoire de Trump — le réveil des peuples pour leur liberté — Harari est arrivé et lui a soufflé à l’oreille des mots réconfortants, apparemment brillants.

Harari est représentatif de la sphère académique contemporaine en sciences sociales : il n’est qu’un demi-savant qui épouse la dernière idéologie à la mode. Les demi-savants et les idéologues, alliés à ceux que David Rothkopf appelle “la superclasse”, ont mis en place la catastrophique gestion du COVID-19, avec un maximum de coercition et des vaccins bâclés, selon des procédés insuffisamment testés, à la fois dangereux et inefficaces. Harari a un tel succès dans les élites de la mondialisation parce qu’il leur renvoie une image flatteuse. En fait, il est à leur image, intellectuellement médiocre et liberticide. Dans le “cercle de la raison” internationale, Harari est venu rassurer au moment où Nigel Farage, Donald Trump ou les Gilets Jaunes se comportaient en empêcheurs de tourner en rond. On sera bien d’accord pour dénoncer en lui un représentant de ce “péché contre l’Esprit” qui ne peut pas être pardonné — mettre l’intelligence au service de l’abus de pouvoir et du piétinement de la justice. Mais il ne suffit pas de dénoncer, il faut débusquer, réfuter, informer. Le combat contre l’imposteur ne fait que commencer.

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