Nord-américains, Européens : Réveillez-vous bon sang !

10/06/2019 (2019-06-10)

[Source : Réseau International]

par Andre Vltchek

Année après année, mois après mois, je vois deux côtés du monde, deux extrêmes qui se déconnectent de plus en plus.

Je vois de grandes villes comme Homs en Syrie, réduites en horrifiantes ruines. Je vois Kaboul et Jalalabad en Afghanistan, fragmentées par d’énormes murs de béton destinés à protéger les armées d’occupation de l’OTAN et leurs pantins locaux. Je vois des dévastations environnementales monstrueuses dans des endroits tels que Bornéo en Indonésie, les villes aurifères péruviennes ou les îles presque inhabitables d’Océanie : Tuvalu, Kiribati ou les îles Marshall.

Je vois des bidonvilles, un manque de sanitaires et d’eau potable, où les bottes des empires occidentaux ont écrasé les cultures locales, réduit les gens en esclavage et pillé les ressources naturelles.

Je travaille sur tous les continents. Je n’arrête jamais, même quand l’épuisement essaie de m’écraser contre le mur, même quand je n’ai presque plus de réserves. Je ne peux pas m’arrêter ; je n’ai pas le droit de m’arrêter, parce que je peux enfin voir le schéma ; la façon dont ce monde fonctionne, la façon dont l’Occident a réussi à usurper, endoctriner et asservir la plupart des pays de ce monde. J’associe mes connaissances et je les publie comme un « avertissement au monde ».

J’écris des livres sur ce « schéma ». Mon plus complet, jusqu’à présent, étant « Exposer les mensonges de l’Empire« , qui fait 1000 pages.

Ensuite, je vois l’Occident lui-même.

Je viens « parler », au Canada et aux États-Unis, ainsi qu’en Europe. De temps en temps, je suis aussi invité à m’adresser au public australien.

L’Occident est si outrageusement riche, comparé aux continents ruinés et pillés, qu’il apparaît souvent qu’il n’appartient pas à la planète Terre.

Une promenade paresseuse le dimanche après-midi à la Villa Borghese à Rome, et une promenade d’horreur dans le bidonville de Mathare à Nairobi pourraient facilement exister dans deux réalités distinctes, ou dans deux galaxies différentes.

Même maintenant, après avoir légèrement mal orthographié « Villa Borghese », mon Mac a immédiatement proposé une correction. C’est parce que Villa Borghese existe. Par contre, « Mathare », que j’ai épelé correctement, était souligné en rouge. Mathare « est une erreur ». Parce qu’il n’existe pas. Il n’existe pas, bien qu’environ un million d’hommes, de femmes et d’enfants y vivent. Il n’est pas reconnu par mon MacBook Pro, ni par la grande majorité de mes lecteurs relativement bien éduqués en Occident.

En fait, la quasi-totalité du monde semble être une grosse erreur, une non-entité, si on l’observe depuis New York, Berlin ou Paris.

La Villa Borghese à Rome (à gauche), Mathare : les bidonvilles de Nairobi (à droite)

Je viens parler devant le public occidental. Oui, je le fais de temps en temps, mais de moins en moins souvent.

Franchement, faire face aux foules européennes ou nord-américaines est déprimant, voire humiliant.

Voici comment cela se passe : vous êtes invités à « dire la vérité », à présenter ce dont vous êtes témoins dans le monde entier.

Vous vous tenez là, face à des hommes et des femmes qui viennent d’arriver dans leur voiture confortable, après avoir bien dîné dans leur maison bien chauffée ou climatisée. Vous êtes peut-être un écrivain et un cinéaste célèbre, mais vous vous sentez comme un mendiant. Parce que vous êtes venus parler au nom des « mendiants ».

Tout est bien poli et chorégraphié. On s’attend à ce que vous ne montriez rien de « gore ». Que vous ne juriez pas, que vous ne vous saouliez pas sur scène, que vous ne commenciez pas à insulter tout le monde en vue.

Ce à quoi vous faites habituellement face est une foule assez dure, ou du moins « endurcie ».

Récemment, dans le sud de la Californie, lorsqu’un collègue philosophe et ami m’a demandé de m’adresser à un petit groupe de ses collègues, j’ai vu des gens tapoter sur leur téléphone portable pendant que je décrivais la situation sur la ligne de front syrienne, près d’Idlib. J’avais le sentiment que mon récit n’était rien d’autre qu’une « musique de fond, une musique d’ascenseur » pour la plupart d’entre eux. Au moins, lorsque je m’adresse à des millions de personnes dans mes entrevues télévisées, je n’ai pas besoin de voir le public.

Lorsque vous « parlez » en Occident, vous vous adressez en fait aux hommes et aux femmes qui sont responsables, du moins partiellement, des massacres et des génocides commis par leurs pays. Des hommes et des femmes dont le niveau de vie est outrageusement élevé, parce que les Autres se font voler, humilier et souvent violer. Mais leur regard n’est pas humble ; ils vous fixent avec insistance, attendant que vous commettiez une erreur, pour pouvoir conclure : « C’est une fausse nouvelle ». Pour eux, vous n’êtes pas un pont entre ceux qui « existent » et ceux qui « n’existent pas ». Pour eux, vous êtes un amuseur, un showman, ou le plus souvent : une nuisance.

Apprendre à connaître la guerre, la terreur que l’Occident répand, c’est, pour beaucoup de gens dans mon auditoire, encore un autre type de divertissement de luxe, de haut niveau, un peu comme un opéra ou un concert symphonique. Si nécessaire, ils peuvent même payer, bien que la plupart du temps, ils préfèrent ne pas le faire. Après une expérience titillante, c’est le retour à la routine, à une vie protégée et élégante. Pendant que vous, le lendemain, vous prenez souvent l’avion pour retourner à la réalité des Autres, à la ligne de front, à la poussière et à la misère.

Ils, votre public (mais aussi la plupart de vos lecteurs) sont venus montrer à quel point ils sont « ouverts d’esprit ». Ils sont venus « pour apprendre » de vous, « pour s’instruire », tout en gardant leur mode de vie intact. La plupart d’entre eux pensent qu’ils savent tout, même sans votre expérience de première main, ils vous rendent service en vous invitant et en se traînant jusqu’à une université ou un théâtre ou à n’importe quel endroit où ils peuvent se retrouver en face de vous. Ils ne sont pas venus vous soutenir dans votre lutte. Ils ne font partie d’aucune lutte. Ce sont des gens bons, pacifiques et travailleurs, c’est tout.

Vous savez, comme ces Allemands, à la fin des années 1930, des gens vertueux et travailleurs. La plupart d’entre eux aiment leurs animaux de compagnie et recyclent leurs déchets. Et nettoient même derrière eux au Starbucks.

Il y a quelques jours, nous avons arrêté le coup d’État au Venezuela. Je dis nous, parce que, bien qu’au fin fond de l’île dévastée de Bornéo, j’avais donné des interviews à Russia Today, Press TV, m’adressant à des millions de personnes. Même ici, je n’ai jamais cessé d’écrire, de tweeter, toujours prêt à tout laisser tomber, juste prendre l’avion pour Caracas, si on avait besoin de moi là-bas.

Défendre le Venezuela, y défendre la Révolution, c’est essentiel. Comme il est essentiel de défendre la Syrie, Cuba, la Russie, la Chine, la Corée du Nord, l’Iran, la Bolivie, l’Afrique du Sud et les autres nations révolutionnaires et courageuses qui refusent de se rendre au diktat occidental.

Alors que la bataille idéologique pour Caracas faisait rage, je me demandais : y a-t-il quelque chose qui pourrait encore faire bouger l’opinion publique occidentale ?

Sont-ils – Européens et Nord-Américains – devenus totalement indifférents à leurs propres crimes ? Ont-ils développé une sorte d’immunité émotionnelle ? Leur état est-il idéologique ou simplement clinique ?

Nous étions là, au milieu d’un coup d’État absolument flagrant ; une tentative de l’Occident de renverser l’un des pays les plus démocratiques de notre planète. Et ils n’ont presque rien fait pour arrêter le terrorisme perpétré par leurs régimes à Washington ou à Madrid ! Au moins en Indonésie en 1965 ou au Chili en 1973, le régime occidental a tenté de se cacher derrière de minces feuilles de figuier. Au moins, tout en détruisant l’Afghanistan socialiste et l’Union Soviétique communiste en créant les moudjahidin, l’Occident a utilisé le Pakistan comme mandataire, essayant de dissimuler, au moins partiellement, son véritable rôle. Au moins, en tuant plus d’un million de personnes en Irak, il y a eu cette mascarade et un tas de mensonges sur les « armes de destruction massive ». Au moins, au moins….

Maintenant, tout est transparent. En Syrie, au Venezuela ; et contre la Corée du Nord, Cuba, l’Iran, la Chine, la Russie.

Comme si la propagande n’était même plus nécessaire, c’est comme si l’opinion publique occidentale était devenue totalement obéissante, ne représentant aucune menace aux plans du régime occidental.

Ou plus précisément, la propagande occidentale, autrefois très élaborée, est devenue extrêmement simple : elle répète maintenant des mensonges et la grande majorité des citoyens occidentaux ne se donnent même pas la peine de se demander ce que leurs gouvernements infligent au monde. La seule chose qui compte, ce sont les « questions intérieures », c’est-à-dire les salaires et les avantages sociaux des Occidentaux.

Il n’y a pas d’émeutes comme pendant la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, les manifestations ne visent qu’à améliorer le bien-être des travailleurs européens. Personne en Occident ne se bat pour mettre fin au pillage à l’étranger ou aux attaques terroristes lancées par l’OTAN contre des pays non occidentaux, ou contre ces innombrables bases militaires de l’OTAN, contre les invasions et les coups d’État orchestrés.

Patrouille des forces américaines près de Manbij, Syrie

Je veux connaître les limites de la folie occidentale.

Qu’il y ait folie est indiscutable, mais à quel point est-elle répandue ?

Je comprends, j’ai maintenant accepté le fait monstrueux que les Français, les Yankees, les Canadiens, les Britanniques ou les Allemands se fichent du nombre de millions d’innocents qu’ils tuent au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est, en Afrique ou dans des « endroits comme ça ». J’accepte qu’ils ne sachent presque rien de leur histoire coloniale, et qu’ils ne veuillent rien savoir, tant qu’ils ont du football, beaucoup de viande et 6 semaines de vacances sur des plages exotiques. Je sais que même beaucoup de ceux qui peuvent voir les crimes monstrueux commis par l’Occident, veulent tout mettre sur le dos de Rothschild et de la « conspiration sioniste », mais jamais sur eux-mêmes, jamais sur leur culture qui s’exprime à travers les siècles de pillage.

Mais qu’en est-il de la survie de notre planète et de l’humanité ?

J’imagine les yeux de ceux qui assistent à mes « présentations de combat ». Je leur dis la vérité. Je dis tout ce que j’ai à dire. Je ne me retiens jamais, je ne fais jamais de compromis. Je leur montre des images des guerres qu’ils ont déclenchées. Oui, eux, parce que les citoyens sont responsables de leurs propres gouvernements, et parce qu’il y a clairement ce qu’on appelle la culpabilité collective et la responsabilité collective !

Ces yeux, ces visages…. Je vais vous dire ce que je lis en eux : ils n’agiront jamais. Ils n’essaieront jamais de renverser leur régime. Tant qu’ils vivent leur vie privilégiée. Tant qu’ils pensent que le système dans lequel ils sont les élites, a au moins une chance de survivre dans sa forme actuelle. Ils jouent sur les deux tableaux, certains luttent verbalement, ils sont outrés par l’OTAN, par l’impérialisme occidental et le capitalisme sauvage. En pratique, ils ne font rien de concret pour lutter contre le système.

Quelle est donc la conclusion ? S’ils n’agissent pas, les autres doivent le faire. Et j’en suis convaincu : ils le feront.

Depuis plus de 500 ans, le monde entier est en flammes, pillé et assassiné par un petit groupe de nations occidentales extrêmement agressives. Cela s’est passé pratiquement sans interruption.

Plus personne ne trouve ça drôle. Là où je travaille, dans les endroits qui me tiennent à cœur, personne ne veut de ce genre de monde.

Regardez ces pays qui essaient maintenant de détruire le Venezuela. Regardez attentivement ! Il s’agit des États-Unis, du Canada, de la majorité de l’Europe, et surtout des États sud-américains où les descendants des colonialistes européens forment la majorité !

Voulons-nous encore 500 ans de cela ?

Les Nord-Américains et les Européens doivent se réveiller. Même dans l’Allemagne nazie, il y avait des soldats qui étaient tellement dégoûtés par Hitler qu’ils voulaient le jeter aux chiens. Aujourd’hui, en Occident, il n’y a pas un seul parti politique puissant qui pense que 500 ans de pillage colonialiste occidental sont plus que suffisants ; que la torture dans le monde devrait cesser, et cesser immédiatement.

Si l’impérialisme occidental, qui est le plus important et peut-être la seule menace majeure à laquelle notre planète est actuellement confrontée, n’est pas démantelé de manière décisive et rapide par ses propres citoyens, il devra être combattu et dissuadé par des forces extérieures. C’est-à-dire : par ses victimes anciennes et actuelles.

Source : North American, European Public: Finally Wake Up, Damn It!

traduit par Réseau International

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