McKinsey et Big Pharma sont dignes du baron de la drogue Pablo Escobar

07/05/2022 (2022-05-07)

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L’utilisation du paracétamol dans le COVID : une erreur/obstination préjudiciable pour la santé?]


[Source : francesoir.fr]

Affaire des opioïdes: le triptyque McKinsey-Purdue Pharma-FDA cumule les conflits d’intérêts

La corruption dans le domaine de la santé…
Pexels

Auteur(s): FranceSoir

Aux États-Unis, après le scandale des fabricants d’opioïdes, le cabinet McKinsey se retrouve une fois de plus en première ligne.

Après avoir payé 573 millions de dollars en février 2021, pour solder les plaintes de 49 États américains qui l’accusaient d’avoir contribué à la crise des opioïdes, elle-même ayant abouti à la multiplication par quatre du nombre de décès sur ordonnances liés à des surdoses, le cabinet McKinsey est sous le coup d’un nouveau scandale.

Lire aussi : L’affaire McKinsey est-elle un scandale d’État ?

De quoi s’agit-il ? Cette fois, c’est une vaste affaire de conflits d’intérêts qui implique non seulement le cabinet et les laboratoires pharmaceutiques, mais également la Food and Drug Administration (FDA).

L’enquête, menée par quatre journalistes du New York Times (Christ Hamby, Wait Bogdanich, Michael Forsythe et Jennifer Valentino-DeVries), révèle que le cabinet américain conseillait les laboratoires pharmaceutiques, notamment Purdue Pharma LP, tout en siégeant au sein de la FDA. 

« Depuis 2010, au moins 22 consultants de McKinsey ont travaillé à la fois pour le géant pharmaceutique Purdue (fabricant d’opioïdes) et la FDA« , ont révélé les journalistes.

Quel était le travail du cabinet au sein du régulateur ? Si la réorganisation devait être sa principale mission — ce qui n’empêche pas les conflits d’intérêts, certaines sources évoquent un délit plus grave encore. La direction de McKinsey aurait autorisé ses consultants à préparer les documents qui devaient être, plus tard, validés par les différents régulateurs en charge de contrôler les médicaments. Ils sont au four et au moulin.

L’OxyContin, une molécule au cœur du scandale

Au cœur du scandale, la molécule OxyContin de Purdue est particulièrement visée, bien qu’elle ne soit pas la seule.

Depuis 1995, l’OxyContin était prescrite pour soulager des douleurs sévères comme celles liées au cancer. Mais après une campagne de communication offensive, orchestrée par le cabinet McKinsey, elle aurait fait l’objet d’ordonnances abusives de la part du corps médical, qui l’aurait prescrite pour de nombreuses pathologies moins douloureuses. Pour ce faire, le géant pharmaceutique n’a pas hésité à employer les grands moyens en achetant des scientifiques renommés pour publier des études cliniques minimisant la dangerosité du médicament et les risques d’addictions. Devenue rapidement l’un des opioïdes les plus prescrits, cette molécule serait à l’origine de 52 000 décès depuis 2010.

« Au cœur des 15 ans de relation entre McKinsey et Purdue, il a été question pour le cabinet américain de mettre en place une stratégie ayant pour but de relancer les ventes d’OxyContin en ciblant les médecins, c’est-à-dire ceux qui publiaient des grands articles scientifiques faisant l’éloge du médicament », révélait le New York Post. 

Si dès 2006, certains membres du corps médical alertent quant au nombre de surdosages en constante augmentation, ce n’est qu’en 2017 que le scandale des opioïdes éclate aux États-Unis. Fin décembre 2016, le directeur du CDC Thomas Frieden déclarait que « L’Amérique baigne dans les opioïdes. Il est urgent d’agir ». Conscient du problème, le président Trump instaure une commission pour gérer la crise et se dit prêt à donner 500 millions de dollars pour combattre ce fléau.

La continuation des activités de Purdue

À la suite de ces révélations, Purdue rencontre des difficultés financières. Le laboratoire fait appel une nouvelle fois au cabinet McKinsey pour réorganiser ses activités. Jeff Smith, un partenaire associé très influent du cabinet, accepte cette délicate mission en décembre 2017. Avec ses collaborateurs, il examine les plans d’affaires et les nouvelles molécules proposées par le laboratoire.

Mais le travail de conseil, pour Purdue, n’est pas la seule mission du cabinet. Parallèlement, Jeff Smith et ses collaborateurs aident également la Food and Drug Administration à réorganiser le service qui donne les autorisations de mise sur le marché de la gamme de nouveaux médicaments proposés par le laboratoire.

Depuis ces révélations, le scandale ne cesse de prendre de l’ampleur à mesure que les différents médias s’en emparent. Dans un communiqué relayé par la chaîne CBS, Carolyn Malonye, présidente d’un comité sénatorial américain, demande que le cabinet de conseil soit poursuivi en justice.

« La révélation faite aujourd’hui montre qu’en même temps que la FDA dépendait des conseils de McKinsey pour garantir que le médicament était sûr et pouvait protéger les vies américaines, l’entreprise [McKinsey] était rémunérée par les mêmes géants pharmaceutiques (qui ont déclenché cette épidémie mortelle) afin de les aider à contourner les sévères régulations prévues contre les laboratoires » a-t-elle déclaré.

Malgré le fait que le scandale soit connu depuis plusieurs années, il n’y a eu aucun ralentissement dans la prescription. C’est même le contraire qui s’est produit, puisqu’avec la pandémie de SARS-CoV-2, l’anxiété générée par les confinements et l’inactivité des personnes a aggravé la crise, diminuant la possibilité d’être soigné ou secouru en cas de surdosage des victimes. Ainsi, entre avril 2020 et avril 2021, la population a continué de recourir massivement à ces antalgiques fortement addictifs à base d’opiacés. 100 306 personnes en sont mortes par surdosage, un chiffre en augmentation de 28,5 % par rapport à l’année précédente, qui déplorait 78 056 décès.


[Source : francesoir.fr]

L’affaire McKinsey est-elle un scandale d’État ?

Emmanuel Macron s’exprime lors d’un forum sur la croissance économique
organisé par l’Institut Montaigne et le McKinsey Global Institute à Paris, le 23 juin 2016.
AFP / DR

Auteur(s): FranceSoir

Depuis plusieurs semaines, le McKinsey Gate infuse comme un long poison dans la campagne présidentielle absente d’Emmanuel Macron, mais les grandes chaines de télévision ont enfin décidé d’interroger le président sur le sujet.

Le recours aux cabinets de conseil, une pratique qui n’est pas nouvelle

Cela fait plus de 20 ans que les consultants de cabinets privés, majoritairement anglo-saxons, orientent la politique des États et pas seulement de la France. Dans un livre sorti le 17 février 2022 et intitulé « Les infiltrés », Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre relatent cette mainmise de ces cabinets, installés au cœur des États qui prennent en charge plusieurs dossiers comme la gestion de l’épidémie, la politique vaccinale ou encore la stratégie militaire.

Conseiller les plus hautes autorités de l’État sur les possibles évolutions des politiques publiques, en décliner les orientations stratégiques et piloter l’ensemble des administrations et des services publics dans leur mise en œuvre, tel est le rôle des cabinets comme McKinsey.

Dès mars 2021, France 2 est revenu sur l’affaire McKinsey et sa proximité avec le pouvoir lors d’un numéro de l’émission  « Complément d’enquête » dans lequel Jacques Attali avait accepté de témoigner pour raconter la rencontre d’Emmanuel Macron avec les consultants de McKinsey.

L’épisode se situe en 2007, lorsque Nicolas Sarkozy fait appel à Jacques Attali pour constituer une commission dont l’objectif est de lui proposer des réformes économiques. Pour ce faire, ce dernier s’entoure de consultants de cabinets majoritairement anglo-saxons. Le patron de McKinsey France, Éric Labaye, fait partie de cette commission. Avec lui, plusieurs Young global leader dont Karim Tadjeddine, qui a passé quatre ans au ministère de l’Économie avant de rejoindre le cabinet. Emmanuel Macron, 30 ans, est également présent, comme rapporteur général. L’occasion pour lui de rencontrer ceux qui huit ans plus tard vont assurer la conduite de sa campagne présidentielle.

La campagne présidentielle de 2016-2017

En 2016, Emmanuel Macron, ancien ministre de l’Économie, crée « En Marche » et entraîne quelques milliers de militants censés élaborer un programme dans une ambiance de start-up nation.

« Faire de la politique aujourd’hui, ce n’est pas aller dans une salle voter une motion déjà décidée. C’est faire sur le terrain » déclare-t-il le 5 novembre 2016.

Pourtant, parallèlement à cette horizontalité, à cette démocratie interne affichée, c’est une toute autre stratégie qui se met en place dans l’ombre. Soutenu par une certaine France technocratique, une dizaine de consultants de McKinsey rédigent bénévolement en quelques semaines le programme du parti qui prendra les lettres du nom de l’actuel locataire de l’Élysée.

L’affaire est révélée deux jours avant le second tour de la campagne présidentielle de 2017 suite au piratage de l’équipe de campagne du candidat. Appelée les Macron Leaks, piratés par des hackers inconnus, c’est plus de 20 000 mails qui sont rendus publics notamment les échanges d’emails entre Karim Tadjeddine envoyés depuis sa boîte mail professionnelle. 

Une campagne empêchée par les révélations de la commission d’enquête sénatoriale

En décembre 2021, le Sénat ouvre une commission d’enquête intitulée ‘Influence des cabinets privés sur les politiques publiques ». S’ensuit une investigation très minutieuse dont l’objectif est « d’en finir avec l’opacité ». Pour ce faire, la chambre haute organise pas moins de 40 auditions dont 22 sous serment et recueille 7000 documents confidentiels.

En déplacement à Dijon sur les terres de François Rebsamen, ancien socialiste passé à En Marche, le président peine à masquer sa gêne suite à la polémique qui enfle un peu plus chaque jour autour de l’argent versé à McKinsey.

« Ce n’est pas moi qui signe les contrats. Je vous invite à regarder le code des marchés publics. Le président de la République n’autorise aucune dépense », lance t-il nerveux.

Hélas, les conclusions de la commission sénatoriale sont là pour rappeler que les dépenses de l’État dépassent le milliard d’euros et que « des pans entiers des politiques publiques déléguées à des consultants, n’ont aucune légitimité démocratique« .

Devant la presse, le président, tenant à apporter quelques explications pour justifier ces dépenses, déclare : « Les trois quarts, même plus, ce sont des recours à des prestataires informatiques et à des entreprises pour financer le cyber et l’évolution aux nouveaux risques. L’État a parfois besoin d’avoir des compétences extérieures« .

Un argument immédiatement réfuté par Arnaud Bazin, le président LR de la commission d’enquête de la Haute Assemblée, qui rappelle que le milliard d’euros est une estimation minimale, puisque la commission n’aurait « évalué que les dépenses des ministères et celles de 44 agences de l’État (Pôle emploi, Caisse des dépôts et consignations, etc.), soit seulement 10 % des opérateurs ».
Contestant également les propos d’Emmanuel Macron sur la cybersécurité, il précise que « sur 893 millions de dépenses en conseil effectuées par les ministères en 2021, 445 millions sont des conseils en stratégie et en organisation. 448 millions sont des conseils en informatique, soit la moitié (et non les trois quarts). »

Lire aussi: McKinsey au Sénat : « les conseillers peinent à répondre aux questions de la Commission » 

L’enquête de la commission sénatoriale a par ailleurs révélé que McKinsey n’aurait pas payé d’impôt sur les sociétés depuis plus de 10 ans, suspectant un des dirigeants de faux témoignage. Les sénateurs soupçonnent les filiales françaises de McKinsey d’avoir transféré chaque année d’importantes sommes d’argent à la maison mère, dont le siège se situe dans l’État du Delaware, véritable paradis fiscal aux États-Unis. 

Répondant à la polémique et aux affirmations de la commission de la chambre haute, le cabinet a déclaré que « toutes les entités de McKinsey en France sont assujetties à l’impôt sur les sociétés« . Sans donner tous les détails, il déclare avoir payé « 422 millions d’euros d’impôts et de charges sociales, soit près de 20% de son chiffre d’affaires cumulé« , et assure avoir payé l’impôt « les années où le cabinet a réalisé des bénéfices en France« . 

Tandis que le scandale se précise un peu plus chaque jour, le président a lancé : « s’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal« .

Visiblement agacé par les questions du journaliste, c’est un président fébrile qui peine à justifier les dépenses de l’État dans les cabinets de conseils pour concevoir sa politique. De plus en plus de Français se posent des questions sur le doublon de l’administration publique par ces cabinets dont l’apport stratégique, longtemps mis en avant par le chef de l’État et certains de ses ministres, n’est pas toujours facile à saisir.

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