Manger des insectes : attention danger, prévient l’ANSES

09/02/2023 (2023-02-09)

[Source : consoglobe.com]

Par Sonia C

Êtes-vous entomophage ? Autrement dit, avez-vous déjà cédé à la mode des insectes comestibles ? Si ce concept nous paraît encore exotique et original en Europe, l’entomophagie est une pratique courante dans de nombreuses parties du monde, qui permet de contribuer à l’alimentation des populations d’Afrique, Asie, Australie et Amérique du Sud. Et donc une solution pour l’Europe, si les autorités sanitaires ne s’y opposent pas.

Manger des insectes : manque d’études

Il faut en effet se montrer prudent avant de manger des insectes, comme le préconise l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail dans un rapport paru en avril 2015. La consommation d’insectes, souligne-t-elle, est en effet potentiellement source de dangers [Source: Rapport ANSES, 9 avril 2015] :

  • chimiques : du fait des substances fabriquées et/ou stockées dans le corps de l’insecte
  • physiques : du fait de la présence de parties dures (carapaces…)
  • allergènes, tout comme pour certains crustacés
  • microbiens, certains insectes étant porteurs de parasites, virus, bactéries…

L’ANSES souligne le fait que peu d’études ont été menées sur le sujet, et que le manque de connaissances concernant l’élevage et la consommation d’insectes doit inciter à la plus grande prudence.

Qu’en pensent les spécialistes ?
Le leader français de la production d’insectes comestibles répond à nos questions

Comment cela affecte les producteurs ? Micronutris est une société installée dans le Sud de la France qui élève et commercialise des insectes à destination de la consommation humaine. Son responsable clientèle, M. Pigeon, a répondu à nos questions.

consoGlobe : En France, que dit la loi concernant la production et la commercialisation d’insectes comestibles ?

M. Pigeon : Pour l’instant, il n’y a pas de loi qui autorise explicitement l’élevage et la vente d’insectes, mais un principe de tolérance. Il faut savoir qu’en Belgique, une dizaine d’Insectes sont aujourd’hui autorisés à la vente, quant aux Pays-Bas, une université est dédiée à l’étude de tout ce qui a trait à la valorisation des insectes comestibles.

consoglobe : Il y a donc un vide juridique français ?

M. Pigeon  : Actuellement, aucune législation en France n’autorise l’élevage des insectes et leur commercialisation. « A ce jour, aucun dossier recevable de demande d’autorisation de mise sur le marché n’a été déposé en Europe pour des insectes ou produits à base d’insectes destinés à l’alimentation humaine. Par conséquent, aucun insecte, ni dérivé d’insecte, ne peut être mis sur le marché pour l’alimentation humaine », indique l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à « la valorisation des insectes dans l’alimentation et l’état des lieux des connaissances scientifiques sur les risques sanitaires en lien avec la consommation des insectes», publié le 9 avril 2015.

consoGlobe : l’avis de l’ANSES publié en avril 2015 met en avant des risques potentiels liés au fait de manger des insectes, notamment chimiques, microbiens, et mécaniques. Qu’en pensez-vous ?

M. Pigeon  : Nous sommes régulièrement contrôlés par des commissions d’hygiène et de respect des conditions d’élevage. Nous avons aussi au sein de l’entreprise une responsable qualité qui se tient au courant de la législation en vigueur afin que Micronutris soit continuellement en phase avec les standards de l’Union Européenne.

Les insectes que nous élevons (vers de farine et grillons) sont exclusivement nourris à base de céréales et de légumes biologiques, car l’utilisation de pesticides est totalement incompatible avec notre volonté de leur apporter des conditions de vie les plus saines possibles. Pour ce qui est des dangers microbiologiques, nous répondons à la déclaration de conformité du règlement CE 2073/2005 modifié. De plus, nos deux espèces – que l’on trouve naturellement sauvages en France – font partie de la liste des 2000 insectes jugés comestibles par la FAO et des dix retenus par la Belgique pour être élevés et consommés.

consoGlobe : Micronutris est une jeune entreprise innovante et… qui n’a pas eu peur de se lancer dans un pays qui tire une grande fierté de sa gastronomie séculaire. Comment les Français accueillent-ils ces nouveaux aliments, manger des insectes est-il accepté ?

M. Pigeon  : Nous sommes très positifs quant à l’évolution des mentalités. Déjà, nous constatons que la réticence fait peu à peu place à une curiosité qui pousse désormais souvent nos clients à l’achat, lors des séances de dégustation que nous organisons. Nous espérons que d’ici quelques années, les insectes feront partie du quotidien sur les tables françaises. Ils représentent une nourriture vraiment intéressante, de par leur richesse en protéines, mais aussi en minéraux et en Omégas 3.

consoGlobe : Mais dans un contexte où la nourriture carnée ne manque pas chez nous, le pari n’était-il pas risqué ?

M. Pigeon  : Effectivement, mais nous voulions que le consommateur ait le choix, dans les grandes surfaces, de trouver près des viandes classiques, une nouvelle source d’apports protéiques de haute qualité nutritionnelle. Ce n’est pas encore le cas, pour l’instant.

consoGlobe : Vous défendez de fortes valeurs écologiques…

M. Pigeon  : Oui. D’une part, l’élevage d’insectes nécessite une surface extrêmement réduite comparée à celle nécessaire dans un élevage traditionnel. Nous avons des « tours » à insectes, ce qui permet une très bonne productivité. Si l’on reprend l’exemple des vers de farine, ces animaux ne boivent pas, se développent à l’obscurité et ont besoin d’une très forte densité d’individus… tout ceci concourt à réduire de manière intéressante l’impact écologique de l’élevage.

De manière indirecte, nous espérons aussi inciter le consommateur, s’il intègre les insectes comme source permanente de protéines – et par conséquent, en baissant sa consommation d’autres produits carnés – à acheter de la viande de meilleure qualité, certes un peu plus chère, mais produite plus localement, dans des conditions qui respectent plus l’animal.

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