14/09/2024 (2024-09-14)
[Source : nice-provence.info]
Par Pierre-Émile Blairon — 13 septembre 2024
Transcription réactualisée d’un entretien de Pierre-Émile Blairon avec Thierry Durolle pour EuropeMaxima en 2017
1. Lorsque l’on regarde la note biographique de vos ouvrages, il est question de deux passions : la Provence et la spiritualité traditionnelle. La Dame en Signe Blanc1 réunit ces deux passions qui vous sont chères. Par quelle « intuition intellectuelle » avez-vous opéré cette jonction ?
J’avoue que cette expression « intuition intellectuelle », quand je l’ai lue sous la plume de Julius Evola (mais je crois qu’elle provient de René Guénon), m’a décontenancé tellement ces deux termes sont antinomiques, en tout cas, dans l’acception que nous lui donnons aujourd’hui ; il n’est rien de plus éloigné d’un intellectuel que l’intuition.
Si j’ai bien compris le sens que voulait lui donner Evola, « l’intuition intellectuelle » fait qu’un être différencié ne peut pas se tromper, car il porte en lui, naturellement, comme un don, comme une mission — un don est une mission, sinon, à quoi servirait-il ? Cet héritage supra-humain qui lui a fait choisir la Voie des Dieux, olympienne, aristocratique, plutôt que la Voie des Pères, héritage qui lui a fait choisir l’immortalité des dieux, même si elle est, de facto, inaccessible, plutôt que la laborieuse suite lignagère des générations humaines sans aucune transcendance.
Pour en revenir à mes choix, il est évident que j’ai voulu conjuguer mon désir de comprendre le monde à son plus haut niveau, cosmique, et mon besoin d’enracinement, de réenracinement, en ce qui me concerne — je suis né dans une ancienne province française qui n’existe plus — du sol qui vous porte, ou, mieux, qui vous a vu naître, la tête dans les étoiles, les pieds sur terre, image qui résume cette recherche de l’équilibre qui est la base même de l’identité indo-européenne.
2. Votre intérêt pour la Provence vous a amené à étudier l’œuvre de Nostradamus, figure énigmatique dont certaines prédictions sont plus que troublantes… Pensez-vous que ce dernier détenait un savoir traditionnel ?
La figure de Nostradamus a été ternie par les nombreux exégètes qui se sont servis de son nom pour faire connaître le leur, sans bien comprendre le personnage et son œuvre.
On a présenté Nostradamus soit comme un astrologue, charlatan revêtu d’une longue robe bleue parsemée d’étoiles, une boule de cristal à la main, soit comme un « humaniste » parce qu’il vivait à l’époque de la Renaissance, soit comme un médecin qui soignait par les plantes au risque d’être inquiété par l’Inquisition. En vérité, Nostradamus a passé sa vie à acquérir toutes sortes de connaissances : alchimiques, astrologiques, astronomiques, médicales, historiques, métaphysiques… pour mener à bien une mission dont il était conscient d’être porteur : annoncer aux humains du XXIe siècle le sort qui les attend : la fin d’un cycle, mais le commencement d’un nouveau en même temps, enfin, juste après… J’ai sous-titré la biographie que j’ai consacrée à Nostradamus parue aux éditions Hyperborée : « Le messager des dieux ».
Nostradamus a vécu pendant ce qu’on a appelé la Renaissance, période qui constituait un palier dans le cours de l’Âge de fer, le cycle final et, comme tel, nous sommes en pleine inversion des valeurs : la Renaissance signifie le début de la fin comme le siècle des Lumières celui de l’obscurcissement du monde, et la Révolution française le triomphe du matérialisme bourgeois.
Nostradamus a bâti sa renommée sur ses Prophéties, énoncées en quatrains (quatre vers), réunis en centuries (par cent).
On croit que les prophéties sont uniquement d’origine monothéiste parce que l’on connaît les prophètes chrétiens, musulmans et juifs, mais, en réalité, les plus anciens prophètes connus sont les mages chaldéens, donc prémonothéistes.
Nostradamus est au carrefour de toutes ces cultures. Il disait qu’il tenait sa science à la fois des Indiens, des Chaldéens, des Cabalistes et des druides.
Alors, quelles sont les origines de la prophétie du Grand Monarque, à laquelle Nostradamus a consacré une partie de son œuvre ?
Le légendaire chrétien a attribué des prophéties concernant le Grand Monarque à de grands noms du christianisme comme Saint-Augustin, théologien du IVe siècle, l’un des pères de l’Église, né en Afrique du Nord ou Saint-Rémi, évêque de Reims au Ve siècle, qui baptisa Clovis ; on lui attribue cette prophétie qui résume assez bien la vision que les chrétiens et les monarchistes ont du Grand Monarque :
« Vers la fin des Temps, un descendant des rois francs régnera sur tout l’Empire romain. Il sera le plus grand des rois de France et le dernier de sa race. Il arrivera comme par miracle. Il sera de la vieille Cape. Le trône sera posé au midi. Après un règne des plus glorieux, il ira à Jérusalem, sur le Mont des Oliviers, déposer sa couronne et son sceptre, et c’est ainsi que finira le Saint Empire romain et chrétien ».
Pour les chrétiens, Le Grand Monarque est le représentant du Christ qu’il envoie sur Terre pour annoncer et préparer son retour, l’antéchrist, avant le Christ. Il ne faut donc pas le confondre avec le retour du Christ lui-même, ni avec l’antichrist, personnage élaboré par les forces satanistes, qui va représenter l’inversion des valeurs qui est inhérente à la fin d’un cycle.
Ces supposées prophéties — supposées, car nous restons dans le domaine de la légende, ainsi que pour de nombreuses autres prophéties attribuées à d’autres saints et bienheureux — ont été rassemblées dans un recueil datant du XVIe siècle, le Liber Mirabilis. L’Église catholique n’a jamais validé aucune de ces prophéties, tout en ne les dénonçant pas formellement.
Deux exemples à l’attention de ceux qui pensent que Nostradamus n’est qu’un doux poète plus ou moins surréaliste, ou, pire, un imposteur ou un charlatan qui écrit des vers incompréhensibles pour ne pas être démasqué.
A. Dans sa Lettre à Henri, roi de France second, Nostradamus a prédit, au mois près, le début et la fin de la Révolution bolchevique en Russie, et le temps qu’a duré son pouvoir :
Et ce sera au mois d’octobre qu’une grande transmutation sociale sera faite. […] Il s’ensuivra des changements extrêmes, des renversements de gouvernements en même temps qu’une grande guerre mondiale. Ce sera la pullulation de la nouvelle Babylone, fille misérable de la première, mais beaucoup plus grande dans ses abominations et par le nouvel holocauste plus horrible encore que le premier, et son règne ne tiendra seulement que septante-trois ans et sept mois.
La grande transmutation sociale : La Révolution d’Octobre en 1917.
Septante-trois ans et sept mois plus tard : cela nous amène au mois de juin 1991, date à laquelle Boris Eltsine arrive à la Présidence de la nouvelle Russie.
La pullulation de la nouvelle Babylone : l’extension du communisme international.
La Première Guerre mondiale.
Fille misérable de la première : la Révolution soviétique est la fille de la Révolution française.
Nouvel holocauste plus horrible encore que le premier : le massacre de la famille impériale russe après celui de la famille royale française.
B. L’explosion des Tours jumelles à New York
Autre exemple, l’événement le plus emblématique de ce XXIe siècle qui commence, l’explosion des tours jumelles de New York le 11 septembre 2001.
C’est le quatrain VI-97 :
Cinq et quarante degrés ciel bruslera
Feu approcher de la grand cité neuve,
Instant grand flamme esparse sautera
Quand on voudra des Normans faire preuveCinq et quarante degrés : en fait 40,5 ; la latitude de New York est exactement de 40,43° en système décimal ; Nostradamus a arrondi à 5, autrement dit cinquante pour donner la latitude presque exacte d’une ville qui n’existait pas encore.
Feu approcher de la grand cité neuve : un feu en déplacement (les avions) qui approchent de New York.
Instant grand flamme esparse sautera : une grande explosion
Quand on voudra des Normans faire preuve : quand on voudra éprouver les Normans (les hommes du Nord, les premiers colons étaient hollandais).
En 2024, nous sommes quelques-uns à penser que cet événement a été créé de toutes pièces par la CIA pour permettre aux Américains de déclencher la deuxième guerre du Golfe.
C. Le Grand Monarque et l’invasion musulmane
Ces prédictions sont, en quelque sorte, un don des dieux, c’est-à-dire quelque chose qu’on ne peut pas expliquer rationnellement.
Mais d’autres peuvent s’expliquer par la méthode de la déduction, les événements du passé se renouvelant dans le futur. Ainsi, Nostradamus a prédit pour ce début du XXIe siècle ce qui semble être une invasion musulmane qu’il a couplée avec l’invasion des Nordiques qui s’est déroulée en 102 avant l’ère chrétienne, celle qui a été arrêtée par les légions romaines de Marius à Aix-en-Provence, plus précisément de Roquefavour à Pourrières sur la route de l’Italie.
Il y a plusieurs quatrains qui concernent cet événement (qui ne s’est pas encore produit dans sa totalité, c’est-à-dire dans sa résolution finale), j’en donne quelques-uns.
Le premier annonce une nouvelle grande bataille, non loin de Roquefavour
Quatrain III-99 :
Aux champs herbeux d’Alein et du Varneigne,
du mont Lebron proche de la Durance,
camps de deux parts conflict sera si aigre,
Mésopotamie défaillira en la France.Alleins et Vernègues sont deux villages proches l’un de l’autre au nord d’Aix, proches aussi du Luberon (mont Lebron). Mésopotamie : La Syrie et l’Irak, défaillira : déferlera. C’est déjà le cas aujourd’hui.
Quatrain III-61 :
La grande bande & secte crucigère,
se dressera en Mésopotamie :
du proche fleuve compaignie legiere,
que telle loi tiendra pour ennemie.Une secte (la secte mondialo-sataniste ou bien une secte islamiste ?) voulant attenter à la croix, les chrétiens d’Orient, en Mésopotamie, la Syrie, pays dans lequel coule l’Euphrate, compagnie légère : la modeste armée syrienne, considérée comme ennemie par l’Occident, la « communauté internationale », comme disent les journalistes subventionnés.
Quatrain I— 18 :
Par la discorde negligence gauloise
Sera passage à Mahomet ouvert
De sang trempé la terre et mer senoise
Le port phocen de voiles et nefs couvertLes Français divisés seront négligents et laisseront entrer les musulmans. La région de La Seyne-sur-Mer sera mise à feu et à sang et Marseille sera envahie par mer (les voiles des bateaux, les nefs) et par terre (les voiles), c’en est d’autres, mais Nostradamus ne manquait pas d’humour.
Quatrain V— 75 :
De sang troyen naistra cœur germanique
Qui deviendra en si haute puissance :
Hors chassera gens estrange arabique,
Tournant l’eglise en pristine prééminenceC’est le Grand Monarque qui apparaîtra alors et qui prendra la tête d’une armée qui arrêtera l’invasion. Il chassera les Arabes et imposera l’Eglise catholique.
Tout rentrera ensuite dans l’ordre comme l’indique le quatrain X— 79 :
Les vieux chemins seront tous embelys,
l’on passera à Memphis somentrée,
le grand Mercure d’Hercules fleur de lys,
faisant trembler terre, mer & contrée.que nous traduisons ainsi :
Nous retrouverons les chemins embellis du passé
Lorsque les forces orientales auront été maîtrisées
Le Grand Monarque plantera alors son étendard
Frappé de la fleur de lys
Faisant trembler terre, mer et contrées ennemies.Nostradamus fait coïncider la victoire du Grand Monarque sur les musulmans avec le renouveau de l’Âge d’or, qui apparaît dès la fin de l’Âge de fer : les chemins embellis du passé.
3. En 2015 paraît La Roue et le Sablier2. Tout d’abord nous devons saluer la qualité de cet ouvrage qui expose de façon claire et concise une vue du monde à la fois traditionaliste, au sens guénonien, et païenne. Est-ce que ce livre rentre en résonance avec La Dame en Signe Blanc ?
Pierre-Émile Blairon — La roue et le sablier — Bagages pour franchir le gué
Le titre, La Roue et le sablier, indique deux symboles, la roue représente le monde profane qui tourne autour du moyeu qui, lui, est fixe. Celui-ci représente le domaine des dieux qui font tourner le monde (la roue). C’est la Tradition primordiale, immuable et pérenne. Plus on se rapproche du centre, du moyeu immobile, et plus on se rapproche du monde spirituel, et, inversement, plus on va vers le grand cercle, celui qui va toucher le sol dur, la terre, et plus on est dans le matériel.
Le sablier représente certes le temps, mais aussi la trifonctionnalité. Au sommet du sablier, la première fonction, celle du prêtre et du roi, celle des conducteurs, puis, au centre, dans le goulet d’étranglement, la deuxième fonction, celle des protecteurs, et en bas, celle des producteurs. Lorsqu’on arrive à la fin d’un cycle, les fonctions sont inversées, celle des producteurs est en haut, en fait, même les producteurs — il y avait une grande noblesse dans le travail du paysan et de l’artisan — ne produisent plus rien, ou plus grand-chose. On fait simplement travailler l’argent (oui, il n’y a que l’argent qui « travaille »).
Celle des conducteurs est en bas, ils ne conduisent plus rien du tout, ils sont rejetés, décrédibilisés, moqués.
Celle du milieu, l’armée et la police, est au service de la fonction qui est en haut, quelle qu’elle soit, sans états d’âme. Lorsque le monde retrouve son équilibre après la fin du cycle, le sablier bascule à nouveau et tout rentre dans l’ordre.
Ce livre, La Roue et le Sablier, a bien sûr un rapport avec La Dame en signe blanc, qui est le premier livre que j’avais écrit. En fait, on peut remarquer que les écrivains (ceux qui ont quelque chose à transmettre, et non pas à gagner) sont comme les peintres qui peignent toujours le même tableau.
4. Cela est moins le cas dans La Dame en Signe Blanc mais nous avions remarqué dans La Roue et le Sablier que vous citiez à plusieurs reprises Rudolf Steiner. Envisagez-vous l’anthroposophie de façon positive, bien que cette « seconde religiosité », pour emprunter l’expression de Spengler, fut durement critiquée par Julius Evola, ou séparez-vous cette doctrine d’une partie de l’œuvre de Steiner ?
Steiner, spiritualiste chrétien, a employé l’expression « intuition transcendantale » — et nous en revenons au début de cet entretien — qui me paraît plus appropriée que celle d’intuition intellectuelle pour dire à peu près la même chose que ce que disaient Guénon et Evola. J’ai, pour ma part, adopté la formule : intuition spirituelle. Je me suis intéressé plus au personnage qu’au concept d’anthroposophie, qu’il a, à mon sens, largement dépassé, par une imagination foisonnante et la création de multiples concepts à l’intérieur du concept principal qui finit par s’effacer : l’eurythmie, la biodynamie (la plupart des vignerons actuels tendent vers cette pratique), l’éducation (les écoles Steiner sont très réputées) et, tout comme Nostradamus, Steiner avait de véritables dons de voyance.
Par exemple, rappelons-nous ce qu’on a appelé la « maladie de la vache folle » dans les années 1990. Des milliers d’animaux furent abattus systématiquement et stupidement, parce que les industries agroalimentaires donnaient à manger à ces ruminants végétariens des farines animales (vaches qui, merveille de la nature, deviennent des bœufs dès qu’elles sont passées par un abattoir).
Steiner disait, dans une conférence donnée en 1923 : « Si le bœuf mangeait directement de la viande, il en résulterait une sécrétion d’urate en énorme quantité, l’urate irait au cerveau et le bœuf deviendrait fou. »
Ou ce qu’il disait en 1916 de ce qu’on appelle aujourd’hui « l’ingénierie sociale », la manipulation des cerveaux humains : « Il ne faudra pas attendre longtemps après l’an 2000 pour que l’humanité ait à vivre des choses fort étranges qui se préparent déjà lentement. La plus grande partie de l’humanité sera sous l’influence de l’ouest. Les prémices idéalistes que nous percevons déjà sont bien sympathiques en comparaison de ce qui vient. On verra apparaître, venant d’Amérique, une sorte d’interdiction de penser, non pas directe, mais indirecte ; une loi qui aura pour but de réprimer tout penser individuel. On assistera à une oppression généralisée de la pensée dans le monde ».
En lisant ses conférences, on se perd dans un dédale poétique, surréaliste ou fantastique, qui a aussi existé chez les théosophes de madame Blavatsky. Je sais bien qu’Evola, et encore plus Guénon, parlant de contre-initiation, ont condamné ces deux courants, il n’en reste pas moins qu’ils ont participé à mon éveil.
Vous venez donc de rééditer votre ouvrage La Dame en Signe Blanc. Pourquoi rééditer ce livre ? Y avez-vous apporté des modifications par rapport à l’édition originale ?
La Dame en signe blanc est une expression de Nostradamus pour désigner la reine qui dort à côté du Grand Monarque qui est appelée à se réveiller lorsque l’Europe sera en danger de mort, selon la légende.
Je m’étonnais d’une demande récurrente de quelques amis concernant la réédition de cet ouvrage pour lequel j’avais une certaine affection — c’était mon premier — et je m’y suis replongé, il avait des défauts comme tous les livres, et encore plus comme les premiers. Les événements ont fait que les écrits de Nostradamus concernant le Grand Monarque étaient de plus en plus crédibles — quand il disait qu’un grand chef allait se dresser pour combattre une invasion musulmane — et j’ai donc ajouté ce sous-titre à mon ouvrage : La Prophétie du Grand Monarque. J’ai d’autre part également réactualisé mon livre en y ajoutant une fin concernant les prémisses du nouveau cycle que j’entrevois qui, à mon sens, va voir le rapprochement de l’espèce humaine avec celle des autres règnes, végétal et animal, sans quoi, la Terre, qui est un être vivant, mourra et ce qui en vit avec.
5. La perspective de ce livre est fort intéressante, car elle s’inscrit dans un cadre local et historique (la région de Roquefavour, entre Salon-de-Provence et Aix-en-Provence). « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut », formule ésotérique bien connue, résumerait à merveille le contenu de l’ouvrage…
Les Celtes, les Gaulois chez nous en l’occurrence, avaient coutume de percevoir le monde en s’appropriant celui que leur vision pouvait englober ; le Gaulois était au centre du monde, de son monde ; les Bituriges, les habitants gaulois de Bourges, en avaient même fait leur raison d’être : ils étaient « les rois du monde ». Et, de fait, Bourges était bien le centre de la France, donc, les rois de notre pays.
J’ai un peu dépassé ce concept, démontrant d’abord que ce lieu dont je parle, Roquefavour, que j’appelle Le Cercle magique, fut l’un des centres de l’ancien monde, par les événements qui s’y sont déroulés3, et suggérant qu’il pourrait être aussi celui qui verra la naissance du nouveau, en accord avec l’un de ses illustres voisins, Nostradamus.
En effet, Nostradamus situe le tombeau, et donc le réveil du Grand Monarque et de son épouse dans le Cercle magique, ou non loin ; il situe également non loin du Cercle magique de grandes batailles qui permettront au Grand Monarque d’arrêter les envahisseurs. On pourrait se dire qu’il est bien facile pour le mage de situer tous ces événements sur un territoire qu’il connaît bien — il habitait Salon, à une vingtaine de kilomètres du Cercle magique, situé sur la commune de Ventabren — et qu’il y aurait là comme un enfantillage ou une supercherie. Nous pourrions répondre que ce n’est pas le messager des dieux qui situe là ces grands événements, il ne fait que constater ou prédire ce qui aura lieu. Ce sont les dieux, le supra-humain, qui décident. Si ces événements devaient se passer au Japon ou au Canada, nous aurions tout simplement un Nostradamus japonais ou canadien pour en parler.
J’émets l’hypothèse qu’un cycle doit renaître sur les lieux où l’ancien a fini sa course, selon la loi du « témoin », celui d’une course où le coureur passe le témoin à un autre pour accomplir son nouveau tour de piste.
6. Le livre s’organise autour de trois cycles : l’un païen, le suivant chrétien et le dernier nommé Ère du Verseau. Concernant les deux premiers, vous parlez du christianisme comme étant une « religion de coucous », c’est-à-dire qu’elle s’est servie du paganisme pour asseoir son autorité. Dès lors, pensez-vous que ce l’on a pour coutume de nommer ésotérisme chrétien n’a de chrétien que le nom ?
Oui, religion de coucous parce que le christianisme s’est installé physiquement sur la quasi-totalité des anciens lieux de culte païens, parce que le christianisme a repris la plupart des fêtes du calendrier païen, par exemple, les deux solstices, d’hiver et d’été, marqués par la figure du dieu romain Janus au double visage, qui sont devenus la Saint-Jean des deux Jean — l’Évangéliste et le Baptiste — ou par les noms de saints implantés sur les sites consacrés aux anciens dieux, Marc qui donne son nom à une chapelle bâtie sur un ancien lieu de culte dédié à Mars, etc. Les exemples sont innombrables.
Pour le reste, je ne fais que me référer au système des cycles et, plus précisément, au système des cycles zodiacaux qui durent chacun 2 160 ans. Le cycle païen précédant le christianisme était placé sous le signe du Bélier, de Mars, de la guerre, cycle initié par Prométhée, le Titan, qui voit, paradoxalement, s’accomplir ses rêves de puissance : devenir comme Dieu et, si possible, le remplacer — en notre fin de cycle chrétien, avec l’apparition du transhumanisme qui rêve de transformer l’humain en robot ; nul ne peut contester que le titanisme prend tous ses terribles effets à l’époque que nous vivons. Quel fut le rôle du christianisme dans ce processus, le cycle des Poissons ? Atténuer sa brutalité ou bien tenter de la dissoudre dans une mièvrerie humaniste ? Ces deux cycles, en y ajoutant celui du Taureau, également païen, qui les a précédés, faisaient déjà partie du Kali-Yuga, le cycle de la fin, commencé à peu près en même temps que l’invention de l’écriture — je ne pense pas que ce soit un hasard – vers 4 500 avant notre ère. Mais s’est perpétuée, à travers tous les cycles, quels qu’ils soient, la pérennité de la Tradition primordiale ; l’ésotérisme chrétien constitue cette perpétuation, intangible, à travers notamment les écrits de Saint-Jean sur l’Apocalypse, et, d’autre part, le cycle du Graal ou les interventions des druides après leur supposée disparition, notamment dans l’élaboration du concept cistercien, sur le plan architectural et spirituel.
7. Le dernier cycle qui est en fait l’Ère du Verseau, thème prisé dans les milieux New-age, correspond à la fin de ce que Jean Phaure appelait le cycle de l’humanité adamique. Selon ce dernier, la durée de ce cycle serait d’ailleurs indéterminée… Comment envisagez-vous celui-ci ?
J’ai une grande admiration pour Jean Phaure, qui nous a quittés en 2002. Il s’agit de l’un des rares penseurs chrétiens de haut niveau qui a su se dégager des dogmes et des injonctions du clergé4 pour comprendre que le christianisme, mais aussi toutes les autres religions, traditions, cultures et spiritualités du monde, étaient issues d’une même source ; Jean Phaure, avec sincérité et lucidité, admet l’affiliation (mais aussi la filiation) du christianisme à la Tradition primordiale qui lui est bien antérieure.
C’est l’Indien Bal Tilak (1856−1920) qui est le fondateur du concept de Tradition primordiale. Tilak était enseignant et journaliste, militant nationaliste, il fit des recherches dans les textes innombrables de la tradition hindoue et découvrit que son peuple et, dans l’ensemble, les Indo-européens avaient une commune origine arctique, hyperboréenne.
Dans son livre, Origine polaire de la tradition védique, il a tenu à confronter ses recherches avec les dernières connaissances scientifiques, ce qui n’a fait que le conforter dans ses convictions qui plaidaient pour une civilisation désormais enfouie sous les glaces qui s’était installée au pôle entre le douzième et le neuvième millénaire avant notre ère.
Pour répondre à votre question, non, le dernier cycle n’est pas l’ère du Verseau, mais bien l’ère des Poissons ; nous sommes dans cette période transitoire où nous ne savons pas exactement quand finit un cycle et quand commence le nouveau. Les nombres bien précis que nous transmet la Tradition sont vraisemblablement exacts, mais comme nous ne savons pas grand-chose de la période où ces cycles ont commencé, le problème de la datation demeure. J’ai le même souci que Tilak d’interroger les données scientifiques à propos de ce qui pourrait ne rester que des légendes. C’est ainsi que je perçois dans la découverte effectuée par Maurice Chatelain5 qui a daté à 64 800 ans en arrière la formulation de la « constante de Ninive » inscrite sur les tablettes exhumées du sol du palais d’Assurbanipal, une confirmation des connaissances apportées notamment par la tradition indienne et par les chercheurs primordialistes, comme Guénon, Evola ou Phaure qui situent aussi le début de notre cycle il y a 64 800 ans.
En ce qui concerne le nouveau cycle, je l’ai dit, je pense qu’il y aura un rapprochement des divers règnes, l’homme n’étant plus le prédateur et le déprédateur qu’il a toujours été jusqu’à présent, mais bien le régulateur d’un monde que les dieux lui ont confié et qu’il a si mal géré. Je pense de même que l’Homme retrouvera son statut perdu, des pouvoirs naturels qui étaient devenus surnaturels, quand la technique a fait office de prothèse pour remplacer ces pouvoirs perdus à cause de l’hubris, de sa vanité engendrée par Prométhée. Peut-être même retrouvera-t-il, naturellement, l’immortalité que les dieux lui avaient ôtée ?
8. La figure du Grand Monarque dont vous parlez n’est pas sans rappeler les annonciateurs/restaurateurs du cycle nouveau tels Baldr, Kalki ou Jésus, mais aussi les rois cachés comme Arthur ou Sébastien 1er. Le nouvel âge d’or étant inéluctable, quid de l’action politique durant le kali-yuga ?
Il ne faut pas confondre les avatars, qui sont des dieux ou la représentation de Dieu descendue sur Terre avec des personnages légendaires, humains, ayant existé, qui ont exercé un rôle dans l’Histoire en étant « bénis » des dieux, qui se rapprochent de la définition des dieux dits évhéméristes qui sont des humains divinisés, comme pourrait l’être le Grand Monarque et ses diverses représentations.
En effet, plusieurs personnages de l’Histoire ont représenté le Grand Monarque, que Nostradamus appelait aussi le Grand Romain, le Grand Celtique ou le Grand Chyren ou encore le Prince Dannemarc, faisant alors référence à l’un de ces personnages légendaires, Ogier le Danois qui était l’un des lieutenants de Charlemagne, qui dort et se réveillera lorsque le Danemark sera en danger, le fameux roi Arthur, chef de guerre celte, qui combattit l’invasion des Germains au VIe siècle, qui est lui aussi en dormition, mais le Grand Monarque, c’est aussi le Khan, titre porté par les chefs Mongols, Turcs ou Chinois. Citons aussi Roderik le Wisigoth qui s’opposa à l’invasion musulmane de ce qui deviendra l’Andalousie. Il serait mort noyé, mais son corps ne fut jamais retrouvé. Le Shaoshyant en Iran mazdéen est le nom du Sauveur suprême qui apparaîtra dans les derniers jours du monde. Mais un personnage féminin comme Jeanne d’Arc est aussi l’un de ces personnages légendaires.
Chez René Guénon, le Grand Monarque, c’est le Roi du monde, qu’il définit comme le législateur primordial et universel.
Dans la tradition shivaïte, le Linga Purana : « Durant la période de crépuscule qui termine le Yugä, ce personnage est un justicier du nom de Samiti (Guerre) qui vient tuer les méchants et les barbares de l’Occident. Il commencera sa campagne dans sa trente-deuxième année et continuera pendant vingt ans6. ».
Tous ces personnages ont au moins trois points communs :
- Ils sont légendaires : on n’est pas sûr de leurs existences et encore moins de leurs morts.
- Ils dorment d’un long sommeil jusqu’à leur réveil : c’est la dormition.
- Ils sont appelés à être réveillés pour sauver la patrie en danger.
Et, en fait, le Grand Monarque constitue une synthèse de tous ces personnages de légende, un principe universel même, car il est chargé d’une mission destinée à préparer la venue d’un avatar, pour les chrétiens le retour de Jésus-Christ, pour les autres primordialistes un avatar qui vient pour faire tourner la roue d’un nouveau cycle.
Qu’est-ce qu’un avatar ?
Comme vous le dites, ce sont des annonciateurs/restaurateurs du cycle nouveau ; il est bizarre de penser qu’on peut restaurer un « cycle nouveau » qui n’est pas encore advenu, mais tous les cycles, s’ils ne sont jamais identiques, se ressemblent dans leur structure et le déroulement de leur temps.
Dans la tradition hindouiste, un avatar est la descente d’un dieu, fils de Dieu ou d’un représentant de Dieu qui s’incarne pour rétablir l’ordre et sauver le monde à chaque début d’une ère zodiacale. Notre Humanité qui a duré 64 800 ans et qui a vu défiler 30 ères zodiacales de chacune 2 160 ans a donc connu au moins 30 avatars, mais sûrement plus, car il peut y avoir apparition de plusieurs avatars pour chaque début d’ère zodiacale, qui ont à peu près tous le même profil : fils de Dieu, ou d’un dieu, et d’une mortelle vierge, venus combattre le démon, ou les démons, guérisseurs et initiateurs, périssant en sacrifice avant de remonter vers le Père7.
L’avatar qui va clore le dernier cycle zodiacal de 2 160 ans et donc le grand cycle, Manvantara, de 64 800 ans est considéré comme spirituellement supérieur aux précédents avatars, tel Jésus-Christ chez les chrétiens ou Kalki chez les hindouistes.
Quelle attitude adopter face à l’inéluctable ?
Un cycle meurt, comme tout ce qui vit sur Terre et est remplacé par un nouveau ; le seul rôle des êtres lucides face à ce destin est de préparer le cycle à venir comme un paysan va préparer son sol, le labourer pour les prochaines récoltes et faire en sorte, au passage, d’éliminer les prédateurs et les mauvaises graines.
L’action politique est claire, telle que je l’ai exposée dans La Roue et le sablier et telle qu’elle est résumée dans son sous-titre : Bagages pour franchir le gué.
D’abord, il s’agirait de choisir sans état d’âme son camp lorsque l’affrontement guerrier prédit par Nostradamus demandera un engagement total, mais ce n’est pas tout, d’autres actions en amont auront été nécessaires.
Nos ennemis tentent de faire en sorte d’arrêter la roue qui tourne. Deux personnages mythiques dont l’origine est identique, comme les jumeaux de la mythologie, ou les deux côtés d’une même pièce, prennent le devant de la scène en ce début du XXIe siècle : Titan et Satan8 tous deux « anges » déchus et chassés, le premier de l’Olympe, le second du paradis, parce qu’ils voulaient se mesurer aux dieux ou à Dieu, qu’ils ont toujours la ferme intention de remplacer, tout au moins dans l’espace matériel qui leur a été octroyé par la Divinité : celui de la Terre.
La robotisation du monde et des hommes annoncée par le transhumanisme va dans ce sens ; arrêter le cours du monde signifierait leur victoire, même si cette victoire constituerait aussi une défaite, puisque ses promoteurs, ou leurs héritiers, n’y survivraient pas. Mais leur vanité n’envisage même pas cette hypothèse et leur égoïsme ne se soucie même pas du sort de leurs héritiers (s’ils sont en mesure d’en concevoir) ; « Après moi, le déluge » est une belle expression pour définir ces psychopathes égotistes. Nous ne savons pas encore si la fin de notre cycle sera caractérisée principalement par un déluge, nous savons que toutes les fins de cycle antérieures à la nôtre, dont Mircea Eliade a collecté les derniers témoignages chez tous les peuples traditionnels, se traduisent par une conjonction de catastrophes, à la fois humaines et naturelles.
Il nous faut donc rassembler tous les concepts historiques et spirituels qui ont fait la grandeur de l’Europe, une sorte d’Arche de Noé, ou les braises qu’on transporte dans le film « La Guerre du feu » pour pouvoir rallumer le foyer en franchissant le gué.
Une autre attitude, mais qui peut être aussi complémentaire, consiste, comme le préconisait Julius Evola, à faire tomber le mur qui menace de s’écrouler ; le principe de survie consistant à ne pas se trouver dessous, mais de l’autre côté. Cette méthode revient à précipiter la fin d’un monde qui meurt, le Kali-Yuga, l’Âge de fer, pour pouvoir accéder plus rapidement au cycle suivant, l’Âge d’or, qui rétablit l’ordre du cosmos. Ce faisant, paradoxalement, nous pourrions prendre de court ceux qui tentent laborieusement d’empêcher sa venue.
Les articles du même auteur
Pierre-Émile Blairon est l’auteur d’un certain nombre de livres liés à l’Histoire, notamment de la Provence, de Nostradamus à Giono et à la fin du Cycle :
[Voir https://nice-provence.info/2024/09/13/prophetie-grand-monarque/]
Qui est le futur Grand Monarque selon les prophéties ?
[Source : La fin des temps]
Voici un résumé des 4500 prophéties sur le Grand Monarque, ce fameux Roi qui devrait bientôt rétablir une monarchie en France, puis être sacré Empereur d’Europe et être considéré comme le maître du monde d’ici peu. Si l’arrivée de ce Messie paraît impossible, des milliers de prophéties chrétiennes, musulmanes ou juives, l’annoncent clairement depuis la nuit des temps.
[NDLR Tout est-il à considérer et à prendre au pied de la lettre dans ces supposées prophéties ? Certains éléments semblent très peu probables, voire incompatibles avec les faits actuels.]
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