La permaculture dans le potager pour un retour à l’autonomie

16/05/2022 (2022-05-15)

[Source : en.acmeditions.com]

Par Myriam Marino

Pénuries, hyperinflation flambée des prix, contaminations bactériennes de nombreux produits industriels dont la liste ne cesse de s’agrandir, retour de la grippe aviaire et de l’abattage massif de poulets… Les événements économiques et sanitaires récents, qui plus est dans le contexte de guerre en Ukraine (ses atrocités et la hantise d’une troisième guerre mondiale), sont venus révéler notre extrême dépendance, notamment en termes alimentaires.

Il est devenu incontournable et urgent de changer radicalement de système pour un monde plus vivable pour tous, durable, et un retour à l’autonomie, en l’occurrence alimentaire :
la permaculture permet cela. Grâce à elle, il est à la portée de chacun d’entre nous, en l’appliquant au potager par exemple, de faire un grand pas vers l’autonomie alimentaire, avec des aliments sains et nutritifs, tout en respectant la nature – et en la régénérant même -, et ce sans beaucoup d’effort et avec un gain de temps non négligeable. 

Au supermarché

« Soit le changement que tu veux voir dans le monde »

Gandhi

La saison des plantations démarre, c’est le bon moment pour se prendre par la main et se lancer dans l’aventure de l’autosuffisance avec la création d’un potager en permaculture (ou la transformation d’un potager « classique » en potager en permaculture). Que l’on soit en ville, à la campagne, en maison ou en appartement : sur le balcon, sur la terrasse, dans la cour d’immeuble, la permaculture peut s’appliquer partout.

« Et elle est à portée de tous, si tant est qu’on le veuille et que l’on ait un peu d’imagination : tout le monde en est capable », comme le souligne Arthur, par exemple. Ce jeune Belge de 18 ans, pianiste amateur et amoureux des insectes, s’est lancé il y a trois ans dans la création d’un jardin potager de 15 m2 avec les techniques de la permaculture. Aujourd’hui, c’est une « jungle » regorgeant de dizaines de variétés (même des exotiques) de légumes, mais aussi de fleurs : un vrai petit paradis d’abondance sur un tout petit espace. Il a même fabriqué un hôtel à insectes et chassé les limaces de son potager. Il raconte tout cela et donne des astuces simples dans son livre Mon petit potager bio sur 15 m2 (Arthur Motté, Éditions Ulmer).

Enfants dans le jardin
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Qu’est-ce que la permaculture ?

La permaculture a été créée dans les années 1970 par deux Australiens,
Bill Mollison et David Holmgren, et se définit comme « une démarche de conception éthique visant à construire des habitats humains durables en imitant le fonctionnement de la nature » (Bill Mollison). 

Le terme est issu de la contraction des deux mots anglais Permanent Agriculture, c’est-à-dire agriculture permanente, l’agriculture étant son seul domaine d’application à l’origine. Elle s’étend aujourd’hui à tous les domaines de la vie quotidienne et désigne une méthode de conception des activités et espaces humains qui permet d’assurer leur résilience et leur durabilité d’un point de vue écologique, économique et social.(([1] Les 10 principes de permaculture, selon Bill Mollison :
https://permafforest.fr/blog/permaculture))

En ce sens, elle se révèle globalement un outil de résolution des problèmes particulièrement efficace pour assurer la nécessaire transition écologique, comme  le souligne l’équipe du bureau d’Etude Permaculture Design.(([2] Permaculture Design : https://permaculturedesign.fr))

Et chacun peut, à son échelle, apporter sa petite pierre à ce grand édifice.

La permaculture est basée sur l’observation de la nature (comment fonctionnent les écosystèmes sauvages, la diversité, la non-linéarité, densité horizontale et verticale), les savoirs traditionnels des anciens et les découvertes scientifiques récentes. 

Si le terme date en effet d’une cinquantaine d’années, la pratique, elle, est millénaire. Les principes, méthodes et techniques de la permaculture sont en effet appliqués par de nombreuses personnes et communautés de par le monde, et ce depuis des dizaines, des centaines et des milliers d’années pour certaines. La permaculture prend en effet modèle sur les savoirs et pratiques des peuples premiers et des sociétés soutenables. Par exemple, comme l’explique Éric Escoffier(([3] Éric Escoffier : La permaculture, prendre soin de la Terre, des personnes et reforester massivement, dans Enquêtes de santé N°29.
[Voir aussi : https://permaculture-sans-frontieres.org])), formateur en permaculture, les systèmes de « non culture » ou de « semi-culture » très productifs de certains peuples premiers, telles les forêts multi-étagées traditionnelles d’Indonésie. Autre exemple : les systèmes, très productifs aussi, particulièrement bien adaptés à certaines conditions géographiques particulières, comme les chinampas des zones marécageuses du Mexique, les systèmes « ahupua’a » des îles volcaniques du Pacifique (ou systèmes ohana). Troisième exemple : les limonias du Moyen-Orient. Et plus globalement les savoirs indigènes et traditions (connaissances traditionnelles) et les phytopratiques des sociétés anciennes, aux stratégies et techniques diversifiées, créativement et efficacement adaptées à leurs conditions géographiques.

Les principes de conception (design) de la permaculture

Les principes que se donne la permaculture sont dits universels dans le sens où ils sont applicables, ce de façon très efficace, partout sur la planète. Au nombre d’une vingtaine, ce sont des principes de design (conception).
Bill Mollison en a énoncé dix, David Holmgren, douze.

Selon Bill Mollison, il s’agit de prévoir l’efficacité énergétique, de Penser l’emplacement des éléments (ou chacun a sur les autres et sur l’ensemble du système des effets bénéfiques), d’entretenir les zones de bordure (riches en biodiversité), chaque élément remplit plusieurs fonctions (pour plus de performance sur une surface plus petite) et chaque fonction est assurée par plusieurs éléments (pour un système résilient face aux perturbations, climatiques ou autres).Il s’agit aussi de travailler avec la nature, et non contre elle (observation et collaboration), de penser chaque changement opéré en fonction de son effet, de faire circuler l’énergie (recyclage de l’énergie et de l’eau), le problème est la solution (ou plutôt : la solution est dans le problème (les problèmes n’étant que des erreurs de design), et enfin tout jardine : chaque action a une incidence sur l’environnement et le système.

Selon David Holmgren, il s’agit d’observer et d’interagir, de collecter et stocker l’énergie, de créer une production, d’appliquer l’auto-régulation et accepter le feedback, d’utiliser et valoriser les services et les ressources renouvelables, de ne produire aucun déchet, de concevoir/planifier en allant des forces générales vers les détails, d’intégrer plutôt que séparer, d’utiliser des solutions petites et lentes, d’utiliser et valoriser la diversité, d’utiliser les lisières et valoriser les marges et le marginal, et enfin d’utiliser le changement et y répondre de manière créative.

Femme, fonctionnement, jardin

Des principes et éthiques universels, une mise en œuvre contextuelle 

La permaculture repose sur des principes universels et des éthiques universelles : prendre soin de la terre, prendre soin des gens, redistribuer équitablement les surplus. Les stratégies, techniques et outils pour la mettre en œuvre sont quant à eux contextuels. 

Chaque contexte a ses particularités, votre potager – puisque vous allez le créer pour devenir enfin autonome – aussi. Si la permaculture dispose d’un ensemble de techniques de jardinage, ce sont tout sauf des recettes toutes faites applicables partout. Auquel cas, c’est le découragement et l’abandon de projet qui s’ensuit  quasi assuré. Il s’agit de les appliquer en regard du contexte particulier de notre potager (lui-même étant pensé comme un élément parmi d’autres dans le jardin et mis en synergie avec ses autres éléments) qui est fonction de la géographie, du climat, du type de sol ou encore de la configuration et du relief du terrain…, et bien sûr de nos objectifs, qui auront été définis auparavant.

L’un des principes de base de la permaculture est de partir de l’existant en commençant par observer. L’idée est de remplacer le travail par l’intelligence, qui passe aussi par le fait d’apprendre de nos erreurs, et le savoir, de faire travailler le système.

Pour mettre toutes les chances de son côté et générer l’abondance, il convient de  commencer petit, avant d’agrandir si nécessaire, et au pas de sa porte. Une économie d’énergie et de temps que l’on pourra mettre ailleurs, pour se reposer par exemple, regarder les légumes pousser, lire, jouer avec les enfants ou faire une balade en forêt, l’anti-stress par excellence.

Quelques techniques de base de la permaculture au potager(([4] Retrouver l’ensemble de ces techniques en détail dans l’article : Comment faire un jardin en permaculture ?, Permaculture Design, 3 juin 2020. Ici :
https://www.permaculturedesign.fr))

  • Un sol en permaculture n’est jamais nu. On le recouvre de « mulch » (ou paillage) pour garder l’humidité au sol. Cela peut être des espèces couvre sol, de la pierre ou ardoise, du paillis, du bois broyé, du miscanthus(([5] Le miscanthus est plante multi-fonctions ou multi-tâches » originaire d’Afrique et d’Asie du sud, issue des marais, pentes et flancs de collines. C’est une plante robuste qui n’est sujette ni aux maladies, ni aux attaques de rongeurs ou autres ravageurs. Herbacée vivace de la famille des Poaceae (Graminées), elle est appelée aussi « Herbe à éléphant », « Eulalie » ou « Roseau de Chine »)), du carton…
  •  Il faut recycler l’eau au maximum parce que le sol et les plantes en ont besoin, mais aussi parce qu’elle attire la faune. Classiquement, des barils de récupération d’eau de pluie sont placés au niveau des descentes de gouttières.
  • Il est essentiel aussi de choisir un bon support de culture (buttes ou pas buttes, etc.) adapté aux objectifs que l’on s’est fixé et au contexte, bien sûr, pour s’économiser de l’énergie et du temps. On peut, par exemple, cultiver serré pour un maximum de diversité dans un minimum d’espace sur une butte de permaculture ou des planches permanentes, prenant peu de place et facilement accessibles, ou encore à la verticale sur des treillis ou des paniers suspendus. 
  • Pratiquer des associations positives, en cultivant ensemble les légumes, les herbes, les fleurs comestibles, les petits arbres fruitiers et plantations d’ornement. Leur interaction permet la remontée d’eau, de nutriments, la création de microclimat… 
Légumes organiques

Les associations entre légumes …

Les associations entre légumes sont aussi légion. Jérôme Boisneau, permaraîcher(([6] Les associations de légumes dans un potager en permaculture, Jérôme Boisneau, 7 janvier 2022.)), nous en donne quelques exemples, selon l’orientation du potager et les saisons :

L’association radis/carottes/haricots grimpants : si les supports de cultures sont orientés Est-Ouest, on peut profiter du microclimat ombragé provoqué par les haricots grimpants pour cultiver des radis et des carottes au nord des haricots.

L’ association choux/carottes : sur une planche de 80 cm de large, une rangée de choux au milieu, et trois rangs de carottes de chaque côté. Les deux ont besoin de beaucoup d’eau au début : les carottes pour germer, les choux pour bien pousser, mais aussi pour lutter contre les altises (insectes parasitant de nombreuses plantes potagères à la fin de printemps).

L’ association choux/laitues : au printemps et en été, après avoir planté des laitues tous les 30 cm, on plante un chou tous les 90 cm sur la ligne centrale. Les choux sont lents à prendre de la place, et les laitues rapides à être récoltées. Après la récolte des laitues, on ajoute un gros paillage (avec le miscanthus par exemple) pour le reste de la croissance des choux.

Au pied des grandes plantes, telles que les tomates, les poivrons ou les aubergines, on occupe l’espace avec des plus petites comme les laitues, les betteraves, les raids, les carottes…

Et pour terminer, la grande classique des associations maïs/haricots grimpants/courges : la Milpa, pratiquée depuis très longtemps en Amérique centrale. Le maïs sert de tuteurs aux haricots. Les haricots (légumineuses) captent l’azote de l’air et le stockent dans des nodosités au niveau des racines. Les courges font couvre sol et limitent ainsi la prolifération des adventices. Et le couple haricots/maïs fait de l’ombre aux courges qui supportent mal le plein soleil en été. 

Après, on peut aussi créer ses propres associations, en faisant des essais, et en tenant compte de certains paramètres dont le principal est la taille de la plante ou l’étage où elle se trouve, explique Jérôme Boisneau, ou encore la vitesse de croissance. 

  • Parmi les techniques de base en permaculture, il faut favoriser l’effet de bordure, riche en biodiversité, en créant des jardins en forme de « trou de serrure », facilement accessibles avec au centre, selon ses envies ou ses besoins, un arbre, un arbuste ou encore un petit étang…
  •  La culture dite en « lasagne » est intéressante pour les plantations annuelles en particulier. Sur la future zone de culture, plutôt que de labourer, on utilise du papier journal ou du carton humide comme barrière contre les mauvaises herbes sur la future zone de culture. Cela permettra à l’eau et aux racines des plantes de pénétrer le sol et contribuera même à l’enrichir : les vers de terre adorent le carton. On met ensuite une autre couche de paille ou d’autres paillis organiques appropriés, puis une couche de compost et de terre pour les plantations. Enfin, on recouvre de mulch pour aider à maintenir l’humidité.
  •  Il faut attirer les vers de terre qui sont essentiels qui sont essentiels en  permaculture, aidant à garder le sol meuble et en bonne santé. Une bonne structure du sol se compose d’une grande population de vers de terre et d’insectes bénéfiques. Inutile de préciser qu’il faut totalement bannir les pesticides et autres fongicides chimiques qui détruiraient la vie du sol.
  • Enfin, faire son compost est bien sûr un élément important dans un jardin en permaculture où rien ne doit jamais être perdu (zéro déchet : tout est réutilisable). Tous les matériaux pour la fertilisation et le paillage sont produits dans le jardin en permaculture : les déchets du jardin sont utilisés pour le compostage qui à son tour est utilisé pour l’amendement du sol.

Quand on aura mis tout cela en place, c’est la nature qui travaillera à notre place, et pour longtemps puisque nous aurons mis en place un système durable, stable et résilient, qui profitera à nos enfants, petits-enfants…

Manger sainement en respectant la nature, en collaboration avec elle, la régénérant parfois, avec un minimum d’efforts. L’utile est joint à l’agréable. 

Le potager conçu et réalisé en permaculture prend soin de lui-même naturellement, comme l’explique l’équipe du bureau d’Etude Permaculture Design.  Il ne nous reste plus qu’à l’arroser de temps en temps, en récolter les fruits et remettre occasionnellement du mulch pour protéger le sol.

Cueillir des pommes dans un verger

[Formations en permaculture :
https://www.formations-permaculture.fr
dont Invitez la permaculture dans votre jardin
et Le potager perma]

Notes 

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