21/05/2023 (2023-05-21)
[Source : solidariteetprogres.fr via strategika.fr]
Par Alain Corvez1
On ne peut comparer la France à aucun autre pays européen car c’est la seule nation européenne dont l’Histoire montre son destin universel. « Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde » est-il écrit sur le socle de l’immense Croix de Lorraine érigée à Colombey-les-deux-Eglises. Car le Général de Gaulle était pénétré de cette « certaine idée de la France » qui dépasse les régimes, les dirigeants et les contingences.
Grâce à lui – bien que ses successeurs aient tour à tour et avec plus ou moins de légèreté dévalué le rétablissement de sa grandeur, la France a pu se relever de l’immense défaite de juin 1940, par ses visions, son courage et sa ténacité face à l’ennemi, comme face aux « alliés » jusqu’en 1946, puis de 1958 à 1969 – elle dispose d’atouts qui sont les attributs de sa grandeur et qui doivent être rappelés et défendus inlassablement. Voici quatre attributs majeurs, parmi d’autres, que je ne détaillerai pas ici mais que chacun pourra développer en fonction de son expertise.
1. Elle dispose d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU avec seulement quatre autres nations : La Russie, la Chine, les Etats-Unis, le Royaume Uni. Dans le nouvel ordre mondial en gestation tragique, l’ONU devra être réformée pour mieux représenter les forces réelles du monde, en renforçant la représentation de pays, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, dont le poids économique ou stratégique s’est accru.
2. Elle dispose de l’arme nucléaire, mise au point contre la volonté de nos alliés et même de beaucoup de Français, qui nous rend désormais invulnérables, l’arme fatale dissuadant tout ennemi de nous agresser de peur de subir en retour des dommages insupportables. C’est le fondement du concept de la dissuasion que beaucoup d’experts pourtant n’ont pas assimilé, continuant à raisonner en matière de coercition comme cela se faisait avant l’apparition de l’arme qui est devenue une arme de « non-emploi » du fait de sa puissance. Mais elle a apporté la paix, « une paix bizarre, mais la paix tout de même. Attendons la suite » disait de Gaulle. C’est le seul pays européen à en disposer souverainement, les Britanniques dépendant des Etats-Unis pour son emploi.
3. Elle est la première puissance maritime mondiale grâce à sa souveraineté sur un domaine maritime de plus de 11 millions de Km2, selon les critères de la Convention des Nations Unies de Montego Bay de décembre 1982 signée depuis par 157 Etats (à l’exception des Etats-Unis, d’Israël et de la Turquie, notamment ) amendée en notre faveur par les critères scientifiques les plus récents pour définir les ZEE ( Zone Economique Exclusive ) qui nous ont fait passer de la 2ème place derrière les Etats-Unis à la 1ère, par la nouvelle définition du sous-sol maritime et du plateau continental. Ce vaste domaine riche en ressources diverses (halieutiques, nodules polymétalliques…) nécessite des forces navales, terrestres et aériennes pour en défendre l’intégrité.
4. L’Organisation Internationale de la Francophonie, OIF, qui réunit plus de 88 états et qui suscite un intérêt grandissant de plus en plus de nations souhaitant y adhérer. Environ 350 millions de personnes, sans doute plus, parlent notre langue et ce chiffre augmente, notamment grâce à l’Afrique. La majorité de ces pays nous soutiennent généralement à l’ONU.
Comparer la France a d’autres pays européens est donc une aberration, car seule la France dispose des atouts de souveraineté et d’indépendance, que le Général de Gaulle proposait de partager avec les nations européennes pour construire une Europe de nations souveraines, évidemment incluant notre grande voisine européenne, si riche en Histoire et en ressources, la Russie. C’est pourquoi il voulait construire cette Europe sur le socle du rapprochement et de l’amitié avec le chef de la deuxième puissance européenne, à l’époque la République Fédérale d’Allemagne, le Chancelier Adenauer. Mais le traité signé entre les deux grands hommes le 22 janvier 1963 à l’Elysée ne fut ratifié par le Bundestag en juin de la même année qu’après l’adjonction d’un préambule le vidant de sa substance, en rappelant « l’étroite association entre l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique ».
« Horrible chapeau » dira de Gaulle, « Les Américains essaient de vider notre traité de son contenu. Ils veulent en faire une coquille vide. Tout ça, pourquoi ? Parce que les politiciens allemands ont peur de ne pas s’aplatir suffisamment devant les Anglo-Saxons !Ils se conduisent comme des cochons ! Ils mériteraient que nous dénoncions le traité et que nous fassions un renversement d’alliance en nous entendant avec les Russes ! »
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la propagande américaine a subjugué les Européens de l’ouest, puis ceux de l’est une fois émancipés du communisme, effrayés par les soi-disant menaces d’invasion des chars communistes soviétiques ! Ils ont largement dispensé sur le continent avec le Plan Marshall les bienfaits du libéralisme et de la soi-disant démocratie, de la culture littéraire, cinématographique, télévisuelle américaines. La délicatesse et la finesse de la culture européenne, ancrée dans son passé chrétien et s’inspirant des valeurs humaines fondamentales de la famille, fait place à la brutalité des cultures contre nature qui envahissent jusqu’aux bancs des écoles.
Le nouveau monde en gestation douloureuse verra le retour de nations souveraines n’appartenant à aucun bloc idéologique, ce qui ne les empêche pas de conclure entre elles des accords servant leurs intérêts mutuels : les organisations comme l’UEEA, l’Union Economique Eurasienne, l’OCS, l’Organisation de Coopération de Shanghai, les BRICS, Brésil-Russie-Inde-Chine qui attirent de plus en plus de pays, sont des organisations économiques ou stratégiques entre nations qui n’abdiquent pas
leurs souverainetés, au contraire de l’UE qui se veut apatride et de plus en plus technocratique, c’est-à-dire sans direction politique démocratique et donc soumise au pouvoir de la finance mondiale basée à Wall Street et à la City de Londres.
Il faut revenir aux fondamentaux géopolitiques rationnels qui définissent les intérêts de la France : c’est ce qu’attendent aussi les nombreux pays du monde qui ont d’importants projets économiques à partager avec nous.
Les Français ne doivent pas oublier qu’ils sont porteurs d’un héritage culturel immense, depuis le premier Résistant Vercingétorix, Clovis et Charlemagne puis la Monarchie, les Empires et les Républiques, qui a rayonné sur le monde au cours de deux mille ans d’Histoire, et qui peut à nouveau les inspirer pour peu qu’ils en prennent conscience et aient la volonté et le courage de relever le flambeau. La richesse de notre patrimoine intellectuel doit nous y inciter, de François Villon à Rabelais, Montaigne, La Boétie, Descartes et Pascal, Victor Hugo et Chateaubriand, Paul Valéry, François Mauriac et André Malraux plus récemment pour n’en citer que quelques représentants magistraux.
Le destin de la France est un destin humaniste universel qu’elle doit proposer
au monde.
[1] Alain Corvez : Saint-Cyr en 1964, officier dans l’infanterie. Se spécialise en relations internationales en 1978. Travaille entre 1980 et 1994 pour le ministère de la Défense, des Affaires étrangères et de l’Intérieur, l’ambassade de France en Zambie. Assure le suivi de la concurrence mondiale économique, scientifique et technique au ministère de la Défense entre 1983 et 1986. Conseiller du général commandant la force des Nations Unies au Sud Liban en 1988 et 1989 (FINUL). Conseiller en relations internationales au ministère de l’Intérieur entre 1989 et 1994. Depuis 1994, installé en profession libérale en conseil en stratégie internationale. Membre de plusieurs cercles de géopolitique, d’organisations patriotiques, secrétaire général de la Fondation de la France libre. Bio reprise du Gaullisme.fr
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