Augmenter les salaires ?

10/10/2022 (2022-10-10)

La compensation de l’inflation par un rattrapage des salaires est une impasse.
Faisons payer les coupables !

Recette magique ?

En premier lieu parce que cela sous-entendrait que l’on peut créer de la richesse ex-nihilo.

Autant il est possible de créer de la masse monétaire à partir de rien (argent dette), autant cet argent dette a vocation à être temporaire et ne devrait pas être utilisé pour des dépenses de fonctionnement, car celles-ci ne visent pas à la création de biens.

L’augmentation de masse monétaire artificielle est un facteur de perte de confiance dans la monnaie.

La création de richesse se fait par la production (produits manufacturés, nourriture, etc.) ou par des gisements de ressources naturelles, le reste n’étant que bulle spéculative qui tôt ou tard nous explosera à nouveau dans la gueule.

Mais supposons que cela ne soit pas un problème…

Bénéfice direct quasi nul :

Si nous doublons (chiffre pour l’exemple, les raisonnements sont identiques que l’on augmente les revenus de 10 % ou qu’on les quadruple) les salaires alors nous allons doubler les charges de l’entreprise.

(Soit directement, soit par les achats qui seront impactés par le doublement des salaires chez le fournisseur, fournisseur lui-même impacté par l’augmentation des prix pour ses achats et l’augmentation de salaire de ses employés et ainsi de suite.)

Doubler les charges reviendrait donc au final à doubler les prix de vente !

De fait si en doublant les salaires on double le prix des biens alors le bénéfice pour le consommateur serait donc nul.

Il y a un risque réel de spirale inflationniste qui à un moment ou un autre se traduirait par une dévaluation de la monnaie afin de rétablir un équilibre entre les importations et les exportations.

Dévaluation qui devrait être acceptée par les autres pays qui peuvent voir celle-ci comme une concurrence déloyale.

Une mesure créatrice de monopole et tueuse de petites entreprises

Pour que la mesure fonctionne, il faut que toutes les entreprises doublent les salaires de leurs employés et répercutent toutes cette hausse sur leurs prix de vente.

Une entreprise riche, aux reins solides, avec une forte trésorerie pourrait décider de ne pas répercuter l’augmentation de salaire sur leurs prix de vente.

De prime abord on pourrait applaudir en disant « merci l’entreprise décide de supporter l’augmentation des salaires au bénéfice des citoyens ».

Oui, mais non !

Les entreprises « pauvres » sont quant à elles contraintes, soit de diminuer leurs marges (si elles en ont la possibilité), soit d’augmenter leur prix de vente pour équilibrer leurs comptes.

Cette mesure conduirait inexorablement à la mort des entreprises qui sont petites ou fragiles au bénéfice des plus grandes.

Grandes entreprises qui, lorsqu’elles auront tué tous leurs concurrents, se trouveront en situation de monopole et seront ainsi libres de faire exploser les prix (inflation) face à un consommateur captif.

Cette mesure serait donc au final inflationniste et créatrice ce monopoles privés.

Le risque d’inflation secondaire

C’est ce que nous voyons en France avec la flambée des prix actuelle.

De nombreuses entreprises (qui le peuvent) augmentent leurs marges de façon délirante largement au-dessus de l’inflation.

Cette opération est relativement facile à dissimuler.

De fait, si nous doublons les salaires nous allons créer une inflation largement supérieure à leur augmentation, car nous n’empêcherons pas les entreprises d’être des entreprises.

Et d’autant plus en période de crise où il leur est relativement difficile d’augmenter les prix du fait de la concurrence.

Rappelez-vous du passage du franc à l’euro où nombreux sont ceux qui en ont profité pour accroître leurs bénéfices.

Il y aurait donc toujours une inflation secondaire dès lors qu’il serait possible de la camoufler dans une augmentation des prix, ici l’augmentation des salaires.

La chute des exportations

Vous et moi ne sommes pas directement concernés par les exportations.

Il n’en demeure pas moins vrai que si les coûts de production doublaient en France, cela mettrait un coup de frein aux exportations en l’absence de modification du taux de change (dévaluation).

Quel est le fou qui achèterait en France des produits manufacturés deux fois plus chers que la veille et que l’on peut trouver de qualité identique dans d’autres pays ?

Donc plus on augmente les salaires, les charges, plus l’argent est cher, plus on augmente le coût de la production et moins on est compétitif.

Ce n’est quand même pas un hasard si nombre d’entreprises délocalisent dans les pays asiatiques dans lesquels les employés sont payés comme des esclaves, ne bénéficient pas de droits du travail ou de couvertures sociales et où l’on peut librement polluer, etc.

Augmenter massivement les salaires reviendrait à poignarder dans le dos les exportations.

Regardez les entreprises allemandes fabricantes d’aluminium qui ont dû fermer, car dans l’impossibilité de répercuter l’augmentation du coût de production sur les ventes, concurrence étrangère oblige.

Je ne parle pas ici de morale, mais de réalités économiques.

La concurrence des marchés extérieurs en France

Mis à part les services, la quasi-totalité des biens de consommation est disponible à l’étranger.

Dès lors qu’un bien coûte deux fois plus cher en France qu’à l’étranger, croyez-vous que le Français moyen va acheter français ? Cela sera réservé à quelques nantis.

Nous sommes tous « patriotes » tant que cela ne touche pas à notre portefeuille. Il n’y a qu’à voir les immatriculations de véhicules français1 qui représentent moins de 40 % du marché.

Et si vous voulez acheter un tee-shirt vraiment fabriqué en France, accrochez-vous !

Si du fait d’une augmentation de salaire les tomates françaises passaient de 5 à 10 euros le kilo alors que les espagnoles sont à 3 euros le kilo, je ne donnerai pas cher des producteurs français.

Sans compter que la majorité des producteurs locaux ou bio sont largement nourris au capitalisme ambiant n’hésitant à vendre en direct une production à 20 euros le kilo alors même que la grande distribution leur achèterait 5 euros le même kilo (et je suis gentil).

De fait de très nombreuses entreprises françaises verraient une chute importante de leur chiffre d’affaires sur le territoire français par perte de compétitivité induite par un accroissement important des salaires.

Celles qui peuvent délocaliser le feraient un peu plus et celles qui ne peuvent pas mourraient !

Un accroissement du chômage et donc de l’inflation

Comme indiqué précédemment, dès lors qu’une entreprise perd en compétitivité, soit par rapport à ses concurrents qui ne répercuteraient pas les augmentations de salaire, soit par les entreprises étrangères, c’est alors le licenciement et le chômage à la clef.

Cercle vicieux de la diminution des ventes qui peut entraîner une augmentation des coûts, vider le carnet de commandes, encore augmenter les frais fixes pour terminer par les licenciements.

Le chômage a plusieurs conséquences :

  • Une précarisation des emplois qui existent encore. Ne croyez pas négocier avec votre patron une augmentation de salaire ou de meilleures conditions de travail en période de crise à moins d’être dans un créneau hyperspécialisé.
  • Une augmentation des charges de l’entreprise pour financer l’assurance chômage, ajoutant un surcoût à la hausse des salaires.
  • Une diminution du nombre de personnes cotisantes entraînant mathématiquement une diminution des ressources de l’État qui se traduirait soit par une augmentation d’impôts et donc une diminution du pouvoir d’achat, soit par une baisse des prestations et donc aussi une baisse du pouvoir d’achat.
  • Une diminution de la consommation des ménages avec refuge vers l’épargne pour ceux qui pourraient encore. Les Français auraient épargné2 non loin de 100 milliards durant la crise.

Nous voyons que compenser l’inflation par les salaires créerait une inflation supplémentaire et une baisse de compétitivité des entreprises condamnées à licencier pour s’en sortir ou préventivement par anticipation (au cas où cela tournerait mal).

En tous les cas le chef d’entreprise retardera au maximum les embauches en période d’incertitude et d’autant plus en France où un licenciement peut être long et coûteux à la différence des USA (aucun jugement de valeur, simple constat).

L’illusion de barrières douanières

Si nous étions dans un pays autosuffisant avec une indépendance économique, ce sujet pourrait s’aborder.

Une énorme partie de la dette publique est détenue par des étrangers (banques, pays, grandes entreprises, etc.)

Nous avons besoin de liquidités pour faire tourner la machine, voir même pour payer les enseignants.

Nous n’avons aucune indépendance énergétique grâce au « soutien actif » des écolos qui font tout pour détruire notre parc nucléaire.

Nous n’avons aucune indépendance industrielle.

Et nous n’avons même plus une autosuffisance alimentaire alors même que la France est un pays riche en terres fertiles !

Vive la déchéance !

Mettre des barrières à l’importation serait aussi efficace que de mettre des sanctions économiques à Poutine.

Les dindons de la farce seraient une fois de plus les consommateurs français qui perdraient encore plus de pouvoir d’achat.

Cela pourrait uniquement s’envisager si la France redevenait une puissance économique et non un pays en ruine.

Et encore, ce n’est absolument pas évident dans une économie mondiale ultralibérale.

(Une fois de plus l’objet de mon texte n’est pas de pleurer ou hurler, mais de partir du réel.)

Le leurre de la surconsommation secondaire

Je lis ici et là que l’augmentation des salaires soutiendrait la consommation et que la mesure serait vertueuse ou économiquement neutre.

L’idée primaire étant que « si tu as plus d’argent, tu dépenses plus » (ce qui est à prouver.)

L’idée secondaire repose sur les entreprises qui augmenteraient leurs ventes.

Il faudrait de plus qu’elles augmentent leurs profits et ne soient pas contraintes de répercuter l’augmentation des charges liées à l’augmentation de salaire sur les prix de vente.

Cette idée, a priori séduisante, pose de nombreux problèmes :

  • Nous sommes ici sur la théorie de l’économie d’échelle, car si l’entreprise augmente ses ventes c’est qu’elle augmente sa production.
  • Si sa production entraîne les mêmes coûts de matière première et de salaires (ex-embauche de personnel) alors cela ne se traduirait pas par un gain de rentabilité. Il y a peu d’entreprises qui peuvent bénéficier de l’économie d’échelle au point de compenser une forte augmentation de salaire.
  • Le gain de pouvoir d’achat serait contrebalancé par une augmentation des prix et donc par une baisse de pouvoir d’achat.
  • Cet apport de trésorerie pourrait ne pas bénéficier à la consommation. Il pourrait aller principalement à l’épargne. Les Français qui le peuvent cherchent à se protéger en période de crise en mettant de l’argent de côté pour les coups durs.
  • Comme nous achetons majoritairement des biens étrangers, cela profiterait d’autant moins aux entreprises françaises qu’aux entreprises étrangères qui nous remercieraient pour le cadeau.

Financement de l’inflation par l’État :

L’idée serait que, non pas les entreprises, mais l’État, compense la perte de pouvoir d’achat des Français due à l’inflation.

Je vous rappelle quand même que « l’État c’est nous » et non un généreux donateur extraterrestre.

Cette option a été plus ou moins mise en œuvre par le gouvernement depuis de nombreuses années (prime pour l’emploi…).

L’apothéose étant la mise à l’arrêt de l’économie mondiale et la planche à billets pour que les esclaves privés de liberté ne se révoltent pas.

Cet argent « miracle » ne pouvant être réel (notamment du fait de l’arrêt de la production) c’est obligatoirement de l’argent dette.

D’aucuns disent que cet argent ne coûte rien ou que la dette ne sera jamais remboursée.

Je veux bien vous suivre sur le fait qu’elle ne sera peut-être jamais remboursée, mais pour autant c’est un outil de perte d’indépendance.

Vous n’allez pas vous fâcher avec celui qui vous a prêté de l’argent et qui vous tient par les couilles !

Vous pouvez d’autant moins vous brouiller avec ce préteur que vous avez encore besoin de dettes supplémentaires.

Pour autant et quand bien même la dette n’a (hélas ?) strictement rien de neutre.

Selon la Tribune3 :

« En France, ces intérêts sur la dette ont coûté à la puissance publique autour de “35 milliards d’euros en 2021, et environ 50 milliards d’euros en 2022”, estime François Ecalle, ancien haut fonctionnaire à la Cour des comptes, spécialiste des finances publiques qu’il décrypte sur son site de référence Fipeco. La charge d’intérêt va ainsi s’alourdir de 17 milliards d’euros supplémentaires cette année d’après Bruno Le Maire. “Et la hausse va continuer”, prévient François Ecalle. »

Elle est passée de 2200 milliards en 2017 à 2900 milliards4 en 2019 sous l’ère de notre Président supposé grand économiste associé chez Rothschild, soit 700 milliards de plus.

À titre de comparaison la construction d’un hôpital5 coûte dans les 40 millions.

Le budget annuel est d’environ 100 milliards pour 3000 structures6,

De fait la dette permettrait de financer 1500 hôpitaux et cliniques de plus pendant un an !

Quand bien même elle ne serait jamais remboursée, le coût des intérêts est astronomique aussi bien en termes d’intérêts que de perte de souveraineté.

Il ne saurait donc raisonnable de compenser l’inflation par de la dette.

En clair :

Même si l’idée peut paraître séduisante, augmenter les salaires pour compenser l’inflation se heurte à de nombreuses réalités économiques d’autant plus en période de crise où les marges de manœuvre sont réduites.

Dans les faits, ne nous leurrons pas, l’inflation est un impôt qui est financé par le travail et l’épargne des Français (et plutôt des gueux si possible).

Vouloir la compenser revient à tenter de soulever le couvercle d’une cocotte minute alors même qu’il faudrait baisser le feu.

En l’occurrence le feu actuel provient des politiques européennes et des USA.

Compenser l’inflation par les salaires reviendrait à chercher comment financer les bénéfices délirants des enculés qui s’en mettent plein les poches.

Il n’y a rien de moral dans cette approche !

C’est exactement comme mettre une « prime » (terme inexact, car ce n’est qu’une diminution d’impôts) de 30 centimes sur le litre d’essence, essence hors de prix du fait des taxes, mais aussi des bénéfices indécents accordés à Total grâce aux « sanctions » contre la Russie.

Cette compensation des salaires par l’inflation, qu’elle soit financée par les Français et l’augmentation des coûts, par les Français via la baisse de rentabilité des entreprises ou par les Français par de la dette ne ferait que consolider et valider le vol des richesses par Total and Co.

Du même ordre que Pfizer and Co n’auraient pas à supporter les conséquences pécuniaires des effets secondaires des injections expérimentales, mais qu’elles seraient supportées par l’État.

Financer l’inflation par l’augmentation des salaires permet au voleur
de demeurer à l’abri des poursuites pour lequel on cotise afin qu’il n’ait pas à rembourser ses dettes,
mais aussi qu’il puisse poursuivre impunément ses crimes !

Faisons l’inverse

Arrêtons d’emmerder Poutine, arrêtons les sanctions bidons qui ne nuisent qu’aux Français, arrêtons de soutenir le malade mental ukrainien qui demande des frappes nucléaires préventives7 sur la Russie, quittons l’OTAN (et l’Europe pour retrouver une indépendance décisionnelle), supprimons toutes les sanctions et demain matin il y aura surabondance d’énergie et chute des prix.

Il serait aussi temps que l’OMC dise STOP à l’OPEP qui nous tient par les c… avec la complicité de tous les chefs d’état de la planète.

On ne résout pas les problèmes d’inflation en augmentant les coûts (salaires, etc.) ni en baissant des dépenses annexes, mais en les ciblant à la source.

Merci.

Alain Tortosa.

07 octobre 2022 https://7milliards.fr/tortosa20221007-compenser-inflation-par-salaires.pdf

1https://pro.largus.fr/actualites/tous-les-indicateurs-du-marche-automobile-francais-en-2021-10817395.html

2https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/lexplosion-de-lepargne-des-francais-pendant-le-confinement_4002519.html

3https://www.latribune.fr/economie/france/charge-de-la-dette-francaise-pourquoi-le-fardeau-s-alourdit-925017.html

4https://fr.countryeconomy.com/gouvernement/dette/france

5https://www.hopital.fr/Actualites/Combien-coute-un-hopital

6https://www.hopital.fr/Actualites/Combien-coute-un-hopital

7https://www.lefigaro.fr/international/moscou-furieux-des-propos-de-zelensky-evoquant-des-frappes-preventives-de-l-otan-20221006

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