Ukraine : comment, depuis 2014, la CIA a formé et équipé les agents de Kiev

25/03/2024 (2024-03-25)

[Illustration : Le sceau de la Central Intelligence Agency (CIA), dans le hall du siège de l’agence à Langley, en Virginie, le 14 août 2008.]

[Source : francais.rt.com]

Une enquête du New York Times a levé le voile sur la collaboration, post-Maïdan, entre la CIA et les services ukrainiens. Un soutien qui, au-delà d’un réseau de bases « secrètes » établi à la frontière russe, a également permis aux Ukrainiens de mener des opérations clandestines en Russie avant l’éclatement du conflit.

« Un secret jalousement gardé depuis une décennie » ébruité ? Dans une enquête basée sur « 200 entretiens », publiée le 26 février, le New York Times (NYT) vient mettre plus en lumière la coopération de longue date entre la CIA et le renseignement ukrainien, notamment comment Langley aurait « supporté un réseau de bases d’espionnage » au cours des huit dernières années et qui « comprend 12 lieux secrets le long de la frontière russe ».

La CIA a également, « vers 2016 », souligne le quotidien, « commencé à former un commando d’élite ukrainien, connu sous le nom d’Unité 2245 ». L’agence américaine « a également aidé à former une nouvelle génération d’espions ukrainiens qui ont opéré en Russie, en Europe, à Cuba et dans d’autres endroits où les Russes sont très présents », toujours selon le NYT.

Collaboration qui, selon la même source, aurait débuté dès le 24 février 2014, soit au lendemain du coup d’État pro-occidental de Maïdan. Au bout de dix ans, « cela a transformé l’Ukraine […] en l’un des partenaires de renseignement les plus importants de Washington contre le Kremlin aujourd’hui », stipule le média américain.

Des Ukrainiens « impatients » face aux « lignes rouges » de Washington

Si jusqu’à l’éclatement du conflit en février 2022, la CIA n’aurait pas aidé les Ukrainiens à commettre des assassinats dans le Donbass ainsi qu’en Russie, les éléments qu’elle a formés ne s’en sont pas privés. Les Ukrainiens se seraient en effet, selon le NYT, montrés « impatients » face aux « lignes rouges » américaines « qu’ils considéraient comme une prudence excessive »

Le média américain revient notamment sur l’assassinat en octobre 2016 d’Arséni Pavlov, dit « Motorola », colonel du bataillon Sparta. Opération ukrainienne qui aurait provoqué la colère de « certains conseillers » de Barack Obama, relate le quotidien, avant d’ajouter : « L’élection présidentielle opposant Donald Trump à Hillary Clinton était dans trois semaines — et les assassinats se sont poursuivis. »

En février 2017, ce fut au tour de Mikhaïl Tolstykh, alias « Givi », commandant du bataillon Somalia, d’être tué par les services ukrainiens. En réponse, les Russes auraient fait exploser la voiture du chef de l’unité 2245, Maksim Shapoval, au mois de juin suivant, alors qu’il « se rendait à Kiev pour rencontrer des officiers de la CIA », toujours selon le NYT. « À la veillée funéraire du colonel, l’ambassadrice américaine en Ukraine, Marie Yovanovitch, se tenait en deuil aux côtés du chef de station de la CIA », relate-t-il.

Des assassinats considérés comme gênants par la Maison-Blanche

Le quotidien américain revient également sur un épisode auquel a pris part l’actuel chef du renseignement militaire ukrainien, le général Kirill Boudanov, « étoile montante de l’Unité 2245 » que la CIA « avait formé ». Sans préciser de date précise, ce dernier aurait ainsi mené « des commandos » en Crimée en 2016 afin de « placer des explosifs » sur un aérodrome de la péninsule où étaient stationnés des « hélicoptères d’attaque » russes. La mission fut un échec, et des soldats russes furent tués. Cet événement aurait provoqué la « colère » de Vladimir Poutine, assure le New York Times. « Il ne fait aucun doute que nous ne laisserons pas passer ces choses », avait alors assuré le président russe. 

Une description qui semble faire directement référence à une série d’événements survenus début août 2016, au cours desquels un agent du Service fédéral de sécurité (FSB) et un soldat russe avaient été tués. Le FSB avait notamment indiqué que le groupe avait en sa possession une vingtaine d’engins artisanaux, équivalents à plus de 40 kilos de TNT. Des affirmations russes reléguées dans la catégorie « allégations » par une partie de la presse occidentale, reprenant les démentis ukrainiens et qualifiant les propos de Vladimir Poutine de « belliqueux ».

Un fiasco ukrainien qui avait également agacé côté américain, selon le New York Times, notamment Joe Biden, le « défenseur de l’aide à l’Ukraine ». « Cela pose un problème gigantesque », se serait emporté le vice-président de Barack Obama auprès du président ukrainien Petro Porochenko, arguant du fait qu’il serait dorénavant beaucoup plus difficile pour lui de présenter des arguments aux États-Unis.

Des conseillers de Barack Obama auraient alors voulu mettre fin au programme de la CIA en Ukraine. Le patron de l’agence les aurait toutefois « persuadés que cela serait contre-productif » relate le NYT, « étant donné que cette relation commençait à produire des renseignements sur les Russes alors que la CIA enquêtait sur l’ingérence russe dans les élections » américaines.

Un réseau qui a poursuivi son développement sous l’ère Trump

Auprès de son homologue ukrainien, le général Kondratiuk, le directeur de la CIA, John Brennan, aurait alors réitéré les fameuses « lignes rouges » de Washington. Un rappel à l’ordre qui, selon le New York Times, aurait « bouleversé » l’officier ukrainien. « La réaction de Washington a coûté son poste au général Kondratiuk. Mais l’Ukraine n’a pas reculé », précise le média.

Les États-Unis, non plus, n’ont pas reculé, à en croire le récit du quotidien new-yorkais. Si l’élection de Donald Trump en novembre 2016 « a mis les Ukrainiens et leurs partenaires de la CIA sur les nerfs », l’implication des États-Unis en Ukraine n’aurait eu de cesse de se renforcer. « Quoi que dise et fasse » Donald Trump, « son administration est souvent allée dans la direction opposée », souligne le New York Times, qui évoque une multiplication par dix des effectifs d’une des bases du renseignement ukrainien à la frontière russe. « Empêcher la Russie d’interférer dans les futures élections américaines était une priorité absolue de la CIA au cours de cette période », a encore ajouté le quotidien.

Une présence américaine qui perdura malgré le lancement de l’offensive russe en février 2022, date à partir de laquelle les « lignes rouges » de Washington furent levées. « La Maison-Blanche de Biden a autorisé les agences d’espionnage à fournir un soutien en matière de renseignement aux opérations meurtrières contre les forces russes sur le sol ukrainien », souligne le média américain. Celui-ci relate également que des agents américains qui « ne voulaient pas abandonner leurs partenaires » ukrainiens seraient restés « dans un complexe hôtelier dans l’ouest » du pays, où ils rencontraient « leurs contacts ukrainiens pour leur transmettre des informations ».

Ces révélations, concernant dix années d’investissements américains dans la reprise en main des services ukrainiens, surviennent alors que l’aide militaire américaine demeure bloquée au Congrès des États-Unis.

En octobre 2023, une enquête du Washington Post avait déjà révélé la participation active des États-Unis dans la modernisation des agences de renseignements ukrainiennes (SBU et GUR) et la montée en puissance des commandos ukrainiens formés aux opérations clandestines.


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Par Manlio Dinucci

L’agression illégale de l’Otan contre la Serbie, il y a exactement 25 ans, a été le premier pas vers la transformation de l’Otan. D’une alliance visant, non pas à protéger d’une éventuelle attaque de l’URSS, mais à « Garder l’Union soviétique à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle », selon les mots de son premier secrétaire général, Lord Hastings Lionel Ismay, elle est devenue une organisation visant à détruire la Fédération de Russie.

https://www.voltairenet.org/article220615.html

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