Secrets, sectes et loges : les franc-maçons en veulent-ils vraiment aux anthroposophes ?

09/04/2024 (2024-04-09)

[Source : redacteur-independant.ch]

Cet article met en lumière l’activité de cercles d’influence particulièrement actifs aujourd’hui dans le monde francophone pour dénigrer tout ce qui provient, de près ou de loin, du mouvement spirituel et philosophique qu’est l’anthroposophie. Parmi ces cercles se trouvent des loges franc-maçonnes. Ce texte, qui complète des thématiques déjà abordées dans ce blog, a été entièrement rédigé par l’anthroposophe Tristan Chaudon (voir note biographique en fin d’article). Les propos qu’il tient n’engagent que lui, et aucunement l’animateur du site.

redacteur-independant.ch

Par Tristan Chaudon

29 décembre 2021 – En France, l’anthroposophie est chaque jour prise à partie, injustement attaquée et salie sur les réseaux sociaux ou dans la presse grand public. On l’accuse, d’un côté, d’être une secte ou, dit de manière politiquement correcte, une « dérive sectaire ». D’un autre côté, on l’assimile à un fatras de croyances ésotériques, une pseudoscience cherchant à utiliser les peurs ou la naïveté des gens avec malhonnêteté ou intérêts.

Paradoxalement, les applications directement inspirées de l’anthroposophie connaissent un succès croissant dans les champs professionnels comme la pédagogie, l’agriculture, la médecine ou encore les arts. À une époque de crise systémique de notre modèle de pensée, de société et de consommation, elle propose des alternatives concrètes, durables, éprouvées et appréciées. À tel point que nombre de spécialistes et de scientifiques dans leur domaine de compétence en reconnaissent la valeur pratique autant que les innovations conceptuelles.

D’où vient cette contradiction, cette forme de haine et de rejet d’une pensée certes nouvelle et étonnante par certains aspects, mais pourtant originale, féconde et digne d’être perçue dans sa véritable nature ? Essayons dans cet article de comprendre pourquoi et comment des groupes minoritaires, revendiquant le secret, utilisent leur pouvoir et leurs réseaux afin de décrédibiliser aux yeux du grand public les innovations et initiatives issues de la pensée anthroposophique.

Les néo-rationalistes, influenceurs d’opinion et le relais franc-maçon

Dans l’ouvrage « Les gardiens de la raison, enquête sur la désinformation scientifique », les journalistes Stéphane Foucart et Stéphane Horel montrent comment des youtubeurs travaillent à influencer l’opinion afin de faire passer les intérêts des gros industriels pour de la science. Ils utilisent des organismes néo-rationalistes comme l’AFIS (Association Française pour l’Information Scientifique), caution intellectuelle de certains lobbys, pour semer la confusion en créant de fausses controverses sur des sujets de santé publique et de protection de l’environnement.

Leur stratégie consiste également à décrédibiliser certaines alternatives appréciées et peu coûteuses comme l’homéopathie en les taxant de pseudoscience. La vertu est ainsi placée du côté des laboratoires pharmaceutiques qui développent de nouveaux médicaments, en général plutôt chers, et souvent toxiques et inefficaces.

En 2018, le youtubeur Thomas Durand a réalisé sur sa chaîne « La tronche en biais » un entretien avec Grégoire Perra, un détracteur obsessionnel de l’anthroposophie, autoproclamé « lanceur d’alerte » et écarté d’une École Steiner pour une affaire de mœurs. L’objectif de cette vidéo, refusant tout débat contradictoire malgré des demandes, était de brosser une image grotesque et ridicule de l’anthroposophie, la faisant passer aux yeux de l’opinion pour une pensée farfelue assimilée au « New age ».

Ces vulgarisateurs, appelés également « zététiciens », instrumentalisent l’ignorance de hordes de « geeks » ou d’ingénieurs se croyant les gardiens de la vraie science et pourchassant de façon agressive et non argumentée, souvent insultante en meute virtuelle sur les réseaux sociaux (particulièrement Twitter) ceux qui se revendiquent de l’anthroposophie, de la biodynamie ou de l’homéopathie.

Des intellectuels comme Gérald Bronner, sociologue, membre du comité de parrainage de l’AFIS, soutiennent publiquement ces youtubeurs. Ce dernier gravite dans l’écosystème rationaliste tout en intervenant dans des manifestations organisées par le Grand Orient de France. Il accuse d’ailleurs l’anthroposophie de « secte » dans son dernier livre « Apocalypse cognitive », associant insidieusement aux thèses de la pensée anthroposophique toutes les théories virales et conspirationnistes circulant sur internet1.

Le 22 février 2020, des ministres et anciens recteurs ont été invités par le groupe du Grand Orient de France (GODF) et son comité « Laïcité République » à participer à une journée pour promouvoir l’idée d’un « Science Media center » à la française. Le dirigeant de ce comité, Jean-Pierre Sakoun, consultant en ingénierie culturelle, constitue au sein des milieux francs-maçons l’un des relais avancés d’une ligne néo-rationaliste du type AFIS.2

Gérald Bronner promeut des écrits d’influenceurs rationalistes.

Extrait du livre de Gérald Bronner intitulé « Apocalypse cognitive ».

Gérald Bronner gravite dans l’écosystème rationaliste et intervient dans des manifestations organisées par le Grand Orient de France.

Des écrits agressifs qui ont des conséquences néfastes réelles

Le 3 juin 2017, l’universitaire Stéphane François écrit dans le magazine franc-maçon Critica Masonica que l’anthroposophie est une « multinationale de l’ésotérisme », concept jouant sur l’ambiguïté et la peur d’une emprise globale, amalgamant des inepties au sujet de l’anthroposophie et de ses applications pratiques.

Une année plus tard, le 3 juillet 2018, le journaliste Jean-Baptiste Malet reprend le narratif franc-maçon dans Le Monde diplomatique et écrit un article entièrement à charge après avoir réalisé une enquête malhonnête. Le titre de l’article, « L’anthroposophie, discrète multinationale de l’ésotérisme », contribuant là aussi à une désinformation malveillante sur l’identité de ce courant de pensée.

Plus grave, le 8 septembre 2020, le journal Franc-maçonnerie Magazine s’en prend directement à l’anthroposophie et aux Écoles Steiner Waldorf dans un article intitulé : « Les dérives sectaires une nouvelle menace pour la République ». Il encourage tous les francs-maçons à agir dans les réseaux associatifs, fédération de parents d’élève ainsi qu’au sein de la DDEN (Direction Départementale de l’Éducation Nationale) pour contrer les impulsions anthroposophiques.

Un an plus tard, les parents de l’école Waldorf de Bagnères-de-Bigorre (affiliée à la Fédération-Pédagogie Steiner-Waldorf en France uniquement pour les classes de maternelle) sont mis en demeure de scolariser leur(s) enfant(s) dans un autre établissement par l’Académie de Toulouse, notamment sous pression des associations de parents d’élèves, de syndicats et d’une offensive journalistique de Charlie Hebdo par Laure Daussy. À noter que cette dernière a été invitée par le Grand Orient de France (GODF) en mai 2019 à intervenir sur le thème du planning familial et de l’universalisme.

Cette école de Bagnères-de-Bigorre était pourtant accompagnée par la Fédération, qui veille au respect des critères pédagogiques et administratifs conformément à la loi. Et même si de réelles divergences existaient entre cette école et l’Académie de Toulouse, tout était mis en œuvre pour y remédier et plusieurs problématiques étaient en passe d’être résolues. Cette décision abrupte, à quelques jours de la rentrée, est donc incompréhensible et fortement contestable. En effet, il n’a pas été tenu compte ni de la volonté manifeste des responsables de l’école de se mettre en conformité ni du désespoir des parents qui, pour certains, avaient déménagé et investi beaucoup d’énergie pour y mettre leurs enfants.

Une « organisation secrète » qui instrumentalise la Miviludes ?

Récemment, une responsable d’association « anti-secte » de l’ACCEC (Association Centre de Cartographie et d’Études des Croyances) a révélé sur Twitter que nombre d’associations de victimes comme l’Unadfi, le CCMM ou le FECRIS sont composées de personnalités franc-maçonnes et que, paradoxalement, certains pactisent avec des « mouvements sectaires » identifiés par la Miviludes, comme l’Antiquus Mysticusque Ordo Rosae Crucis (AMORC) ou la scientologie.

Valérie Blanchard, de l’ACCEC, révèle sur Twitter que nombre d’associations de victimes, comme l’Unadfi, le CCMM, le FECRIS sont composées de personnalités franc-maçonnes.

Concernant la Miviludes, les choses se complexifient, car l’État n’a pas réussi à créer dans cet organisme un outil efficace de lutte contre les dérives « sectaires ». Il s’est laissé influencer par des mouvements de défense des victimes et par des groupes institutionnalisés (mouvements catholiques ou francs-maçons) qui en veulent aux minorités religieuses concurrentes. Et les vrais spécialistes, scientifiques, sociologues ou historiens en ont été écartés.

Pour rappel, en 1999, Jacques Guyard, président de la commission parlementaire sur les sectes, députés PS et « frère » du GODF, mettait l’anthroposophie sur la liste des sectes. Il a été condamné 2 ans plus tard à verser « 20 000 francs d’amende et 90 000 francs de dommages-intérêts pour avoir diffamé trois mouvements anthroposophes se réclamant du courant de pensée de Rudolf Steiner. »

Cela a conduit, au sein même de l’État français, à instrumentaliser des victimes au service d’intérêts, de rivalités religieuses ou de pouvoir idéologique. C’est ce qu’a dénoncé le sociologue Raphaël Liogier dans une émission de Frédéric Taddéi sur RT France, en mars 2021. Il écrivait d’ailleurs dans un article paru dans Le Monde en 2008, que la Miviludes était déconnectée du terrain et relevait davantage d’une croisade :

«  Le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), plutôt gauche jacobine laïciste, gardien du sanctuaire de la vérité rationnelle contre les superstitions, et l’Union nationale des associations de défense de la famille et de l’individu (Unadfi), plutôt droite libérale, voire chrétienne, défendant la cellule familiale et l’individu contre les influences néfastes. Ces deux associations deviendront les seuls informateurs patentés de l’État, recevant des millions d’euros de subventions. »

La Grande loge de France participe ou aurait participé au travail de la Miviludes.

Janine Tavernier, présidente de l’Unadfi de 1993 à 2001, constatait, dans un article du journal Le Monde du 17 novembre 2006, que « petit à petit, beaucoup de franc-maçons sont entrés dans l’Unadfi, lui donnant une coloration qu’elle n’avait pas à l’origine. » L’affiliation de son actuelle présidente, Catherine Picard en est l’une des illustrations.

Enfin, en octobre 2021 est sorti un livre intitulé « Les nouveaux périls sectaires ». Les auteurs, les journalistes Thimothée Rauglaudre et Jean-Loup Adénor se font depuis le plaisir de raconter sur les chaînes de radio et de télévision que l’anthroposophie et les Écoles Steiner sont des « dérives sectaires ».

Ces deux jeunes journalistes, d’ailleurs accusés par l’avocate Valérie Blanchard d’être des francs-maçons, semblent dire tout haut ce que la Miviludes dit seulement tout bas dans ses publications, car elle n’est en possession d’aucun élément factuel : accuser sans preuve et sans contradiction, sans recherches ni enquêtes sociologiques sérieuses, mais sous la forme de « témoignages » de victimes des propos mensongers et diffamants sur les pratiques issues de l’anthroposophie.

Des représentants de courants francs-maçons seraient ainsi particulièrement actifs dans les associations anti-sectes et particulièrement au sein de la Miviludes, service de l’État destiné à lutter contre les dérives ? Un faisceau d’indices le laisse penser, mais comme cette organisation, ainsi que le GODF ont un fonctionnement opaque, il est difficile de l’affirmer avec certitude.

La Franc-maçonnerie est-elle une « secte » ?

Mais qu’est-ce que la Franc-maçonnerie ? Et comment certains franc-maçons en sont-ils venus à se positionner aussi négativement contre les minorités spirituelles ? En France, il existe deux grandes familles de loges franc-maçonnes : il y a les loges « spiritualistes ou traditionalistes » (Grande Loge de France GLDF) qui ne souhaitent pas s’occuper de politique ni de religion, et il y a les loges « libérales ou adogmatiques » (GODF) qui n’hésitent pas influencer et même à faire directement de la politique, c’est-à-dire à pratiquer l’entrisme et à utiliser leur lien de solidarité et leur réseau pour des intérêts éloignés d’enjeux spirituels.

« Un ordre initiatique, avec des rites, des rituels et des symboles, dans lequel l’adepte parcourt un chemin d’évolution à travers les “Hauts Grades” et les “Ordres de sagesse” pour parvenir au statut de “Grand Maître”… après avoir traversé une période d’initiation et attendu parfois jusqu’à deux ans avant d’être accepté, où hommes et femmes sont clairement séparés, où les réunions sont secrètes, où l’on fait du prosélytisme pour se faire connaître, et bien sûr, recruter de nouveaux adeptes… à quoi cela vous fait-il penser ? »3

Dans un article du CICNS (Centre d’Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités) datant de 2010, Valérie Dole souligne qu’en tant que minorité spirituelle, les loges de Franc-maçonnerie présentent toutes les caractéristiques imputables à ce que l’on dénonce chez les sectes. Elles ont d’ailleurs été souvent désignées comme secte dans l’histoire, comme le montre Arnaud Esquerre dans son ouvrage «  La manipulation mentale — Sociologie des sectes en France » (Fayard).

Dans un autre article également publié par le CICNS, l’auteur indique que :

« Un certain nombre d’acteurs s’emploient, en France, à dégrader le débat sur la question des “sectes” ; parmi eux se trouvent les principales obédiences franc-maçonnes. Leurs prises de position officielles nous paraissent incohérentes et non responsables au vu de l’histoire mouvementée de la franc-maçonnerie.  

Compte tenu à la fois de l’impossible définition d’une secte et des caractéristiques mêmes de la franc-maçonnerie, il est impossible de se leurrer sur une hypothétique différence entre les loges maçonniques et les autres minorités spirituelles. Comment la franc-maçonnerie en est-elle donc venue à se positionner aussi négativement dans le discours antisectes ? »

Le CICNS a été créé en 2004, pour défendre les minorités spirituelles particulièrement et injustement attaquées par les associations réunies par la Mils et les rapports parlementaires recensant les sectes en 1998-99. Or, ceux qui instrumentalisaient les victimes recueillies à juste titre par une structure comme l’Unadfi en profitait pour dénoncer des pratiques sectaires qu’eux-mêmes pratiquent allègrement, particulièrement au sein de structures secrètes comme le GODF.

Steiner et la Franc-maçonnerie

Certaines associations anti-sectes pensent d’ailleurs qu’une des preuves que l’anthroposophie est une secte est que Steiner a été un temps franc-maçon dans une obédience du rite de Memphis-Misraïm.

À l’époque de la création de la Société théosophique par Helena Blavatsky, dans les années 1870, les règles du silence traditionnellement et strictement gardées par les loges maçonniques furent peu à peu rompues, faisant face à une exigence des temps où la connaissance spirituelle devait trouver le moyen d’être plus accessible auprès du public.

Dans son autobiographie rédigée et parue dans « Das Goetheanum » entre 1923 et 1925, R. Steiner s’exprime en ces termes :

« Si je me décidais à parler publiquement de la connaissance spirituelle, je devais donc me résoudre à rompre avec cette tradition. Je me trouvais confronté avec les conditions exigées par la vie de l’esprit moderne. De nos jours, il est impossible de garder secret comme cela était naturellement le cas aux temps anciens. (…) Je n’avais envers personne la moindre obligation de secret, car je n’avais rien emprunté de cette “sagesse ancienne” ; la connaissance spirituelle que je possède résulte de ma propre investigation. Après l’avoir acquise, je la compare avec ce qui a déjà été publié de la sagesse ancienne, afin d’établir la concordance et de montrer en même temps le progrès dont l’investigation actuelle est capable. À partir d’un certain moment, je reconnus donc clairement l’opportunité de mon action publique dans le domaine de la science spirituelle. »

Cette décision a été prise au tournant du 20e siècle, et s’est manifestée la première fois lorsque le Comte et la Comtesse Brockdorf, dirigeants d’une loge de la Société théosophique, l’invitèrent pour parler de Nietzsche puis de Goethe. Les membres théosophes furent vivement intéressés par ce qui vivait en lui sous forme ésotérique en lien au travail artistique de Goethe. Dans son parcours au sein de la Société théosophique, Steiner a toujours veillé à n’exprimer que ce qu’il vivait intérieurement comme contenus imaginatifs, non ce que véhiculait la société sous forme de doctrines.

Sa rencontre avec la maçonnerie se fit un peu plus tard, comme le décrit Aurélie Choné dans un article paru en 2018 : « En 1905, il est initié par Theodor Reuß au Rite de Misraïm, avec son épouse — ce qui lui coûte cher, comme le remarque l’historien allemand Helmut Zander4 —, et devient en 1906, président du “Chapitre et Temple mystique” Mystica Aeterna, à Berlin. »

Cette loge respectait les formes maçonniques de la graduation hiérarchique par degré. R. Steiner s’exprime clairement dans son autobiographie5 sur les raisons de cette adhésion : « L’idée d’engager mon action selon l’esprit d’une pareille société ne m’effleura même pas. L’impulsion anthroposophique devait découler de sa propre source de connaissance et de vérité. Sur ce point je ne tolérais aucun compromis. (…) Le déroulement du cérémonial reflétait la seule connaissance anthroposophique. Tout cela fut fait pour répondre aux désirs des membres. En plus de la science spirituelle transmise sous forme d’idées, ceux-ci souhaitaient recevoir quelque chose qui s’adressât directement au cœur et à l’acte contemplatif ».

Sa relation avec Reuss se dégrade, car il ne parvient pas, dans le cadre du rite maçonnique, à déployer librement ses idées spirituelles, ni à rénover les contenues ésotériques et méditatifs dans la forme artistique qui lui semblait adaptée à l’esprit moderne. La Première Guerre mondiale marque la fin des activités maçonniques de Steiner.

Le 17 février 1920, dans le cadre d’une « leçon ésotérique »6, R. Steiner s’exprime ainsi sur les sociétés secrètes :

« Ces vérités sont connues des nombreuses sociétés secrètes, mais elles veulent les garder pour elles. Ces sociétés ne tiennent pas tellement à nier ces vérités, mais (…) à les détourner de leur courant pour les faire entrer dans le monde comme étant de leur paternité. Rien ne serait plus simple que de rendre la science de l’esprit populaire : il suffirait que je me retire, que je me donne pour mort, et que déjà les sociétés secrètes populariseraient ces vérités comme étant les leurs pour gagner en puissance. »

Conclusion

L’anthroposophie est un courant de pensée, vaste, fécond et transparent qui s’adresse à l’individu dans son besoin de connaissance intime et propose des solutions pratiques pour les activités humaines dans différents champs professionnels. Il n’est pas réductible à l’individualité de R. Steiner, mais s’inscrit dans une continuité historique. Dans les statuts de la Société anthroposophique universelle, il est stipulé (article 4) :

« La Société anthroposophique n’est pas une société secrète ; elle est au contraire absolument publique. Toute personne peut en devenir membre qui, sans distinction de nation, de condition sociale, de religion, de conviction scientifique ou artistique, considère comme justifiée l’existence d’une institution telle que l’École de science de l’esprit du Goetheanum à Dornach. La Société refuse toute visée sectaire. Elle considère que la politique ne relève pas de ses tâches. »

Elle est pourtant régulièrement accusée de :

  • D’être une pseudoscience par des néo-rationalistes qui, sous couvert de défendre le « consensus » ou la « méthode scientifique » agissent en réalité au service des intérêts des gros industriels au détriment de la santé humaine, de notre environnement et de la biodiversité.
  • Propager de croyances ou d’ésotérisme, par des minorités spirituelles de types francs-maçons, alors qu’eux-mêmes pratiquent des rituels, vénèrent le « Grand architecte de l’univers », ou d’autres concepts appartenant au registre des croyances.
  • De pratiquer l’entrisme, alors que le Grand Orient de France ne se cache pas d’être actif directement en politique via des politiciens (Mitterand, Mélenchon, Manuel Valls, Jean-Yves Le Drian…), des conseillers (Alain Bauer), ou des hauts fonctionnaires (Christophe Chantepy, directeur de cabinet du Premier ministre, Renaud Vedel, directeur adjoint de cabinet du ministre de l’Intérieur ou Cédric Lewandovski, directeur de cabinet du ministre de la Défense).
  • Et pire encore, de charlatanisme voire de dangereuse ou criminelle, par des fonctionnaires de l’Éducation nationale comme Stéphanie de Vanssay, Conseillère nationale pédagogie et numérique à l’école, active au sein de l’UNSA-Education, qui publie régulièrement sur Twitter des messages de haine condamnables.

On observe ainsi clairement — en opposition à l’intérêt public, au droit d’entreprise et à la liberté d’association, pourtant fondements de notre République française — qu’agit contre l’anthroposophie un écosystème « occulte », composé de loges secrètes, d’intérêts industriels et financiers puissants, ainsi que certains monopoles d’État visant à :

  • Décrédibiliser l’anthroposophie et ses initiatives concrètes au sein de l’opinion publique par l’activisme militant « zététiciens » et des youtubeurs sans doute rémunérés par des agences de communication leur proposant des mots clés et des méthodes agressives de marketing 3.0.
  • Désinformer par voie de presse dans des revues spécialisées d’obédience franc-maçonne, repris parfois directement dans la presse « mainstream », à partir de fausses enquêtes à base de témoignages ou d’entretien avec des personnalités controversées et non crédibles.
  • Agir dans les réseaux de service public dépendant directement de l’État comme la Miviludes, les Directions départementales de l’Éducation nationale (DDEN) ou les académies, afin de procéder à des fermetures d’Écoles ou de pratiquer une ostracisation sous le pseudo-concept de « dérives sectaires »

La société anthroposophique compte parmi ses membres certains francs-maçons, et cela est le signe d’une ouverture d’esprit enrichissante. Mais certains d’entre eux ont témoigné qu’ils ne pouvaient pas défendre publiquement Rudolf Steiner, sous peine d’être rejetés de leur obédience. Ici se révèlent sans doute les limites de cette double appartenance, par nature incompatible pour les membres occupant des fonctions de représentation ou de direction : on ne peut pas, en privé, étudier et admirer Rudolf Steiner et ne pas le défendre quand il est publiquement sali dans la presse.

Je souhaite ainsi alerter le grand public au sujet des dysfonctionnements graves et récurrents de nos institutions au service de certains intérêts qui agissent en se cachant de moins en moins contre notre modèle de société fondé sur les libertés individuelles, religieuses, thérapeutiques et pédagogiques dont l’État devrait être le garant.


Biographie de l’auteur

Tristan Chaudon est architecte et exerce en libéral dans la région de Colmar depuis 2012. Ayant des origines familiales rhénanes (Hollande, Suisse, Allemagne et France), il s’intéresse très jeune à la spiritualité anthroposophique, comme renouveau des anciennes fraternités européennes. Il co-fonde en 2009, Carminem, association destinée à expérimenter avec des jeunes cette nouvelle compréhension du monde. En 2011, il participe à l’initiative internationale de la méditation avec le Goethéanum. Ces thèmes de recherche sont aujourd’hui liés à la tri-articulation de l’organisme social, l’histoire de l’art et des courants spirituels ainsi que la compréhension de l’actualité. Il est membre de l’École de science de l’esprit.


Notes :

1 Apocalypse cognitive, Gérald Bronner, PUF, 2021

2 Stéphane Foucart, Stéphane Horel, Sylvain Laurens, Les gardiens de la raison, enquête sur la désinformation scientifique, La découverte, 2020.

3 http://www.cicns.net/FM.htm

4 Helmut Zander : Rudolf Steiner. Die Biografie. München : Piper, 2011, p. 256.

5 Rudolf Steiner : Autobiographie. Vol 2 Genève, EAR, 1979, p.215-2016.

6 Rudolf Steiner, Leçons ésotériques, Tome 3, 1913 -1923, EAR.

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