27/11/2023 (2023-11-27)
[Source : maisonsaine.ca]
[Illustration : source]
Par Dre Martha Herbert
Si quelqu’un m’avait demandé il y a près de 20 ans, lorsque j’ai commencé à travailler dans la recherche sur l’autisme et à voir des patients atteints d’autisme, si les champs électromagnétiques (CEM) domestiques ou les rayonnements de radiofréquence (RF) du sans-fil avaient quelque chose à voir avec l’autisme, je n’aurais eu aucune idée de ce dont il parlait. À l’époque, j’étais déjà accro aux ordinateurs et au courrier électronique. Mais le Web était nouveau et nous n’utilisions pas de téléphones portables, donc il n’y avait pas d’antennes relais. J’avais un four à micro-ondes et l’utilisais pour chauffer ma nourriture avec seulement les préoccupations les plus vagues.
Il n’y avait donc pas tellement de Wi-Fi et pas tellement d’autisme non plus — une coïncidence ? Beaucoup d’autres choses ont changé depuis1, et il y avait déjà beaucoup d’électricité2, mais en tout état de cause, je n’avais pratiquement pas vu de patients autistes pendant ma formation au début des années 1990. À l’époque, on enseignait que l’autisme et les autres troubles neurodéveloppementaux ou neuropsychiatriques de l’enfance étaient causés par des perturbations génétiques précoces du développement cérébral3.
Beaucoup de choses se sont passées pour m’amener au point où j’ai coécrit un article de 40 000 mots avec 560 références scientifiques soutenant la plausibilité d’un lien entre l’autisme et les CEM, et une version révisée a été publiée en 2013 dans la revue Pathophysiology4.
Au fil des ans, j’ai beaucoup appris en observant et en écoutant attentivement mes patients. J’ai constaté de grandes divergences entre ce que l’on m’avait appris à surveiller dans mes recherches sur le cerveau et ce que je trouvais réellement dans les données. J’ai commencé à découvrir de plus en plus de façons dont l’environnement et l’alimentation pouvaient affecter le cerveau et le corps. Et j’ai vu le nombre d’enfants autistes monter en flèche, alors que c’était censé être purement génétique et héréditaire.5-7
L’écoute de mes patients m’a beaucoup aidé à changer ma façon de penser. Ma formation en neurologie pédiatrique ne m’avait pas vraiment préparée aux problèmes que présentaient mes patients. Ma pratique clinique a débuté en 1996, dans un cabinet de neuropsychiatrie. Au fur et à mesure que mon cabinet se remplissait d’enfants atteints d’autisme, de TDAH [trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité], de TOC [troubles obsessionnels compulsifs], de difficultés scolaires et de crises d’épilepsie, je les soumettais parfois à des recherches élaborées de causes génétiques et métaboliques, comme j’avais été formé à le faire, mais je trouvais rarement quelque chose à redire. En écoutant leurs histoires, j’ai été intriguée par les problèmes banals que partageaient tant de patients qui, par ailleurs, étaient différents les uns des autres. Ces enfants n’étaient tout simplement pas en bonne santé. Ils souffraient de diarrhée, de constipation ou d’éruptions cutanées. Ils avaient des maux de tête. Ils ne pouvaient pas dormir. Ils se tortillaient beaucoup sur leur chaise. Ils souffraient d’allergies alimentaires. Ils mangeaient quelques aliments et en refusaient beaucoup d’autres. Ils détestaient certaines textures ou sensations. Je devais travailler très dur, reformuler et répéter souvent pour qu’ils suivent mes instructions lorsque je les examinais. Tous ces problèmes se posaient à la plupart de mes patients, et pas seulement à ceux qui étaient atteints d’autisme. Et mon cabinet se remplissait de ces enfants malades et instables.
En chevauchant les mondes de la recherche sur le cerveau, de la neurotoxicologie environnementale et des soins médicaux de terrain, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus me contenter des questions que les gens posaient dans un seul et même domaine. Il ne suffisait pas de se demander en quoi le cerveau des personnes atteintes d’autisme ou d’autres troubles neuropsychiatriques pouvait différer de celui des personnes « normales », ou quelles toxines présentes dans l’environnement pouvaient être à l’origine de l’autisme. Pour moi, ces questions ne m’aidaient pas directement à améliorer le sort de mes patients. En fait, certains de mes patients et de ceux de mes amis allaient mieux, S’AMÉLIORAIENT — mais COMMENT changions-nous l’« autisme » du cerveau s’il n’était pas censé être modifiable ?
Au fil du temps, j’ai rassemblé de plus en plus de preuves à l’appui de l’idée que l’autisme n’est pas un « cerveau brisé », mais un cerveau qui a du mal à s’autoréguler. Cela m’a amené à chercher non pas ce qui cause l’autisme, mais COMMENT l’autisme est causé, et comment on peut l’éliminer.8-11
Quels sont donc les éléments qui peuvent dérégler le cerveau ? Eh bien, beaucoup de choses.12 Comme un sommeil perturbé ou l’insomnie. Comme l’exposition aux pesticides et aux émissions des automobiles ou des produits ménagers, aux colles et à d’autres produits chimiques. Un régime alimentaire pauvre en zinc, en magnésium ou en d’autres nutriments vitaux, ou trop riche en sucre, en additifs ou en autres cochonneries. Comme avoir un intestin tellement irrité ou enflammé que vous n’absorbez pas bien les nutriments. Comme avoir des allergies.
Un cerveau déréglé peut ou non présenter des changements dans son anatomie — d’après ce que l’on voit sur une image de résonance magnétique du cerveau. Il peut ne pas présenter d’ondes cérébrales suffisamment anormales pour constituer des crises d’épilepsie si l’on procède à une étude des ondes cérébrales par électroencéphalogramme. Mais en procédant à un examen plus subtil, les chercheurs qui étudient la FONCTION du cerveau dans le trouble du spectre de l’autisme constatent que les différentes parties du cerveau ne sont pas aussi bien coordonnées entre elles que chez les enfants au développement plus typique.13-15
C’est là où les champs électromagnétiques et les radiofréquences sont entrés en jeu pour moi. Les ondes cérébrales que le cerveau utilise pour communiquer à l’intérieur de lui-même sont électriques ou électromagnétiques. Il en va de même pour les CEM/RF. Étant donné la prolifération des appareils qui émettent des radiofréquences (tours de téléphonie cellulaire, téléphones portables, téléphones sans fil numériques ou DECT, routeurs Wi-Fi, etc.), nous nous promenons dans une soupe invisible de signaux électromagnétiques sans vraiment savoir si nous ne compliquons pas ou n’embrouillons pas les processus de communication dans notre cerveau.
Cela peut sembler un peu tiré par les cheveux, mais ce n’est pas tout. Tout d’abord, le cerveau n’est pas le seul à utiliser des signaux électromagnétiques. Plus nos instruments de mesure scientifiques deviennent sensibles, plus nous apprenons que chaque cellule de notre corps utilise des signaux électromagnétiques — de nombreux processus cellulaires, et même l’ADN, impliquent des propriétés électromagnétiques qui changent de manière significative. La principale différence avec le cerveau est qu’il porte cette activité électromagnétique à un niveau d’organisation éblouissant et complexe.16
À l’école, nous étudions la biologie, la chimie et la physique (y compris l’électromagnétisme) comme des matières distinctes, mais en réalité, notre corps biologique et notre cerveau fonctionnent grâce à des processus qui sont à la fois chimiques et électriques. Les ions chimiques créent des différences de tension électrique à travers les membranes cellulaires, par exemple, qui nous maintiennent en vie. On a récemment découvert que les personnes présentant une faible différence de tension entre l’intérieur et l’extérieur d’une membrane sont plus vulnérables au cancer. Or, si l’on augmente la différence de tension entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule, la vulnérabilité diminue et le cancer peut s’améliorer17.
Nos fonctions biologiques vitales découlent d’innombrables interactions chimiques et électriques, et pour que nous soyons au mieux de notre forme, elles doivent être optimisées. Je pense qu’il y a suffisamment de preuves scientifiques pour affirmer que les CEM/RF sont des facteurs importants qui contribuent à dégrader la fonction chimico-électrique optimale de notre corps, déréglant ainsi notre cerveau et notre système nerveux.18
Comment les CEM/RF peuvent-ils agir de la sorte ? Les problèmes que j’énumère ci-dessous sont parallèles à ceux qui ont été documentés chez les personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme.
– Les CEM/RF stressent les cellules. Ils entraînent un stress cellulaire, tel que la production de protéines de choc thermique, même lorsque les CEM/RF ne sont pas suffisamment intenses pour provoquer une augmentation mesurable de la chaleur.19-21
– Les CEM/RF endommagent les membranes cellulaires et les rendent perméables, ce qui les empêche de maintenir des différences chimiques et électriques importantes entre l’intérieur et l’extérieur de la membrane. Cela dégrade le métabolisme à bien des égards et le rend inefficace.22-30
– Les CEM/RF endommagent les mitochondries qui sont les usines de production d’énergie des cellules. Elles conduisent leurs réactions chimiques sur leurs membranes. Lorsque ces membranes sont endommagées, les mitochondries luttent pour faire leur travail et ne le font pas efficacement. Les mitochondries peuvent aussi être endommagées par des chocs directs dans leur chaîne de montage chimique. Quand nos mitochondries deviennent inefficaces, il en est de même pour nous. Cela peut frapper notre cerveau avec une intensité particulière, puisque les communications et synapses électriques dans le cerveau requièrent une quantité énorme d’énergie.
– Les CEM/RF créent un stress oxydatif, un phénomène qui se produit quand un système ne peut s’adapter à un stress causé par l’utilisation de l’oxygène, parce que le prix à payer est que la consommation d’oxygène génère des radicaux libres. Ceux-ci sont générés dans le cours normal des choses et ils sont habituellement neutralisés par les antioxydants comme ceux présents dans les fruits et légumes ; mais quand les antioxydants ne suivent pas le rythme ou que le dommage est trop grand, les radicaux libres commencent alors à faire des dommages.
– Les CEM/RF sont génotoxiques et endommagent les protéines, le mécanisme le plus important étant celui des radicaux libres qu’ils génèrent et qui endommagent les membranes cellulaires, l’ADN, les protéines et tout ce qu’ils touchent. Lorsque les radicaux libres endommagent l’ADN, ils provoquent des mutations. C’est l’une des principales façons que les ondes sont génotoxiques — toxiques pour les gènes. Quand elles endommagent des protéines, elles peuvent les mener à se replier de façons particulières. Nous apprenons que des maladies comme l’Alzheimer sont liées à l’accumulation de protéines mal repliées et à l’incapacité du cerveau à éliminer ces déchets biologiques de ses tissus et de ses fluides.
– Les CEM/RF épuisent le glutathion, le principal antioxydant et la principale substance de détoxification de l’organisme. Ainsi, d’une part, les CEM/RF créent des dommages qui augmentent le besoin d’antioxydants et, d’autre part, ils appauvrissent ces mêmes antioxydants.4,18
– Les CEM/RF endommagent les barrières vitales de l’organisme, en particulier la barrière hématoencéphalique qui protège le cerveau des substances présentes dans le sang qui pourraient lui nuire. Lorsque la barrière hématoencéphalique présente des fuites, les cellules à l’intérieur du cerveau se détériorent, sont endommagées et tuées.4, 18, 31
– Les CEM/RF peuvent altérer la fonction des canaux calciques, qui sont des ouvertures dans les membranes cellulaires jouant un grand nombre de rôles vitaux dans le cerveau et le corps.32-41
– Les CEM/RF dégradent l’intégration riche et complexe des ondes cérébrales et augmentent l’entropie, ou la désorganisation, des signaux dans le cerveau, ce qui signifie qu’ils ne peuvent plus être synchronisés ou coordonnés, ce qui a été mesuré dans l’autisme.13-15, 42-51
– Les CEM/RF peuvent perturber le sommeil et la production de mélatonine par le cerveau.52-54
– Les CEM/RF peuvent contribuer aux problèmes immunitaires.55-61
– Les CEM/RF contribuent à l’augmentation du stress aux niveaux chimique, immunitaire et électrique, dont nous faisons l’expérience sur le plan psychologique.31, 62-79
Notes :
Il y a beaucoup d’autres choses qui créent des effets de dégradation similaires, comme les milliers de substances « xénobiotiques » que nous disons toxiques.
Notamment, les produits chimiques toxiques (dont ceux qui contiennent des éléments toxiques naturels comme le plomb et le mercure) causent des dommages par le biais de plusieurs des mécanismes susmentionnés.
Dans de nombreuses études expérimentales sur les CEM, les dommages ont pu être réduits en améliorant l’état des nutriments, en particulier en ajoutant des antioxydants et de la mélatonine.80-83
Nous vivons dans un monde plein de nouvelles substances et de combinaisons et intensités de fréquences électromagnétiques inexistantes dans la nature, dont plusieurs endommagent nos cellules, nos tissus et processus vivants de manières similaires. Il m’est donc difficile de croire que les CEM/RF sont les SEULS contributeurs à l’autisme et autres problèmes neuropsychiatriques et de santé. D’un autre côté, leur impact pourrait être significatif — et nous pouvons faire beaucoup pour réduire l’exposition et, par conséquent, cet impact.84
Nous avons à peine commencé à explorer l’impact des ondes sur les fœtus et les bébés, mais cela ne s’annonce pas bien. Le développement du fœtus ou du jeune enfant est engagé dans un ensemble incroyable de processus dynamiques très vulnérables, où même de petits changements peuvent avoir des conséquences à vie. Et pourtant, combien de personnes mettent des moniteurs sans-fil juste à côté de la tête de leur bébé, sans se rendre compte de la dégradation potentielle qu’elles peuvent infliger au cerveau de leur enfant ?85 Combien de femmes enceintes branchent leur ordinateur portable et les mettent sur leurs cuisses et exposent ainsi leur fœtus aux rayonnements CEM/RF ?86 Combien d’hommes mettent-ils leur cellulaire dans la poche de leur pantalon alors qu’il a été démontré que cela dégrade le nombre de spermatozoïdes et entraîne des mutations ?87-92
Plus j’en sais sur la biologie sous-jacente de l’autisme et de nombreuses autres maladies chroniques neuropsychiatriques et médicales, moins j’accorde d’importance aux étiquettes que nous apposons sur des maladies spécifiques. Du point de vue de la protection des personnes et de l’aide à leur guérison, je ne me soucie pas tellement de savoir s’il s’agit d’autisme, de TDAH, de TOC ou de toute autre étiquette que vous pourriez choisir, car sous la surface je vois plus de chevauchements que de différences entre ces conditions. Je pense que nous pouvons faire la différence en nous attaquant à la FONCTION de nos corps et de nos cerveaux, en :
– réduisant les expositions nocives autant que possible, afin d’éviter la dégradation de nos fonctions corporelles et de prévenir la désynchronisation de notre système nerveux, et en
– maximisant la qualité de notre alimentation grâce à une diète à haute densité de nutriments afin que notre corps ait tout ce qu’il lui faut pour se protéger et fonctionner au mieux.
Entre-temps, étant donné tout ce que nous avons déjà appris sur les subtils impacts biologiques, cellulaires et électriques des CEM/RF, nous devons mettre à jour nos réglementations obsolètes pour tenir compte de l’extrême vulnérabilité que nous connaissons aujourd’hui. Et nous devons rechercher des moyens plus sûrs de répondre à nos besoins en matière d’appareils de communication et d’autres appareils générant des CEM/RF. Ce n’est pas parce que ces ondes sont invisibles qu’elles sont sans danger. Nous devons admettre que nous avons un problème et faire quelque chose pour le résoudre.
Cet article est une traduction de la version anglaise originale, parue en mai 2015 dans le magazine Autism Notebook https://health.maryland.gov/phpa/OEHFP/EH/Shared%20Documents/CEHPAC/Dr.%20Herbert%20Autism%20and%20EMF%20The%20Autism%20NoteBook%20April-May%202015.pdf
Références : https://www.electrosmog.be/doc/sc/enfants/Dr-Martha-R-Herbert_EMF-and-autism_2015.pdf
Site de l’auteure : http://drmarthaherbert.com
Dre Martha Herbert
Dre Martha Herbert est une professeur adjointe de neurologie à l’École de médecine de l’Université Harvard, une neurologue pédiatrique au Massachusetts General Hospital à Boston, et une affiliée au Centre Martinos Harvard-MIT-MGH pour l’imagerie biomédicale, où elle est directrice du programme de recherche TRANSCEND (Recherche de traitement et d’évaluation neuroscientifique des troubles neurodéveloppementaux).
L’approche de Dre Herbert en matière de traitement de l’autisme consiste à identifier méthodiquement les problèmes de chaque enfant et à y répondre en optimisant la nutrition, en réduisant l’exposition aux substances toxiques, en soutenant le système immunitaire, en réduisant le stress et en stimulant la créativité.
Elle est l’auteure du livre La révolution de l’autisme : Whole Body Strategies for Making Life All it Can Be (http://www.AutismRevolution.org/et http://www.autismWHYandHOW.org) et codirectrice du BodyBrain Resilience Center (www.bodybrainresiliene.com), un organisme de recherche et pratique clinique appliquant les principes décrits dans son livre.
Les recherches de la Dre Herbert peuvent être consultées à l’adresse www.transcenaresearch.org — https://transcend.mgh.harvard.edu/ et www.marthaherbert.org [ou https://drmarthaherbert.com/]
⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.