Les trois filtres de Socrate

Par Joseph Stroberg
On attribue à Socrate l’anecdote suivante, alors qu’un jour quelqu’un venait le trouver pour médire d’un de ses amis :
– Sais-tu ce que je viens d’apprendre sur ton ami ?
– Un instant. Avant que tu ne m’en dises plus, j’aimerais te faire passer le test des trois passoires.
– Les trois passoires ?!
– Mais oui, reprit Socrate. C’est ma façon à moi d’analyser ce que j’ai à dire et ce qu’on me dit. Tu vas comprendre… La première passoire est celle de la vérité. As-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai ?
– Non. J’en ai simplement entendu parler…
– Très bien. Tu ne sais donc pas si c’est la vérité.
– (…)
– Alors passons à la deuxième passoire : ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bon ?
– Ah non ! Au contraire.
– Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur lui et tu n’es pas certain qu’elles soient vraies.
– Euh…
– Pour finir, et c’est ma troisième passoire, est-il utile que tu m’apprennes ce que mon ami aurait fait ?
– Utile, non, pas vraiment.
– Alors, conclut Socrate, si ce que tu as à me raconter n’est ni vrai, ni bien, ni utile, à quoi bon m’en parler ?
Nous gagnerions,
individuellement et collectivement, à effectuer ce test des trois
passoires ou des trois filtres chaque fois que nous nous apprêtons à
dire quelque chose de quelqu’un aussi bien que lorsque nous
recevons des nouvelles ou des informations au sujet d’un individu
particulier ou d’un groupe. Est-ce que ce que nous allons
mentionner est vrai, c’est-à-dire conforme à la réalité, ou
bien est-ce qu’il s’agit d’un mensonge ou de quelque chose dont
nous n’avons pas pu vérifier la véracité ? Est-ce que c’est
bon ou constructif, au moins pour la personne ou le groupe visé ?
Est-ce que c’est utile ? Et nous devrions nous poser les mêmes
questions lorsque nous entendons ou lisons des propos concernant
d’autres êtres humains (ou extraterrestres), surtout lorsque ces
propos tendent à les dénigrer, les rabaisser, les dépeindre
négativement, nuire à leur réputation, comme c’est si souvent le
cas de nos jours, y compris dans les médias dominants.
S’il est dans la
nature de l’Homme de porter des jugements de valeur sur les autres
et sur lui-même, il dispose aussi du potentiel de le faire sous
l’éclairage de sa conscience morale (voir La
conscience humaine et l’ego). Et c’est grâce à celle-ci,
s’il accepte de l’écouter au lieu de l’étouffer, qu’il est
capable de déterminer si ce qu’il dit ou ce qu’il entend est
vrai, bon et utile ou si au contraire c’est fallacieux, nuisible
et/ou vain. De ce point de vue, une information ne devrait être
communiquée que si elle passe ces trois filtres de la vérité, la
bonté et l’utilité. Elle devrait donc être écartée à partir
du moment où elle échoue à passer au moins l’un des trois.
Comme exercice
pratique d’un tel filtrage, nous pouvons nous essayer sur une
information ou une désinformation telles que la suivante :
« les élites mondiales tendent à créer un Nouvel Ordre
Mondial qui asservira l’Humanité ». Elle concerne un groupe
d’êtres humains, les « élites », et expose un trait
négatif les concernant, la volonté d’asservir l’Humanité.
Est-ce que cette information est vraie ? Dans la mesure où une
partie concerne l’avenir, nous ne pouvons le garantir. La première
partie de l’énoncé est au moins partiellement vraie, dans la
mesure où plusieurs membres de la caste élitiste mondiale et non
des moindres (Sarkozy, Bush père, par exemple) ont affirmé
publiquement la nécessité de diriger l’Humanité vers ce Nouvel
Ordre Mondial. Est-ce que pour autant tous les membres de cette caste
souhaitent parvenir à cet objectif ? Peut-être que non. Cependant
et de manière classique, un énoncé général n’empêche pas
l’existence d’exceptions. Donc, la première partie de
l’affirmation peut être considérée comme grossièrement fondée.
La véracité est cependant beaucoup plus difficile à évaluer dans le cas où l’élément d’information concerne l’avenir. De plus, si les élites vivent effectivement à l’asservissement de l’Humanité, il y a peu de chances que cet objectif soit avoué publiquement. Le faire rendrait beaucoup plus difficile l’atteinte de ce dernier. Alors que présenter le Nouvel Ordre Mondial comme quelque chose de souhaitable le rend au contraire plus facile. Ici, nous ne pouvons qu’extrapoler la véracité sur la base de ce que les élites ont pu déjà réaliser pour créer leur NOM (voir Les projets des Maitres du Monde). Si ces réalisations tendent à l’asservissement plutôt qu’à la libération des êtres humains, alors elles confortent la plausibilité de l’information ou de l’avertissement évoqué plus haut.
En admettant que
cette information ait une chance sur deux de passer le premier filtre
de Socrate, qu’en est-il du second ? Est-ce qu’elle est bonne ?
Pour les êtres humains non membres de la caste élitiste, être
informé d’un tel projet nuisible les concernant est pour eux une
très bonne chose, car cela leur permet bien plus facilement de le
faire avorter. Pour les élites, et de leur point de vue, la
communication d’une telle information est au contraire fortement
préjudiciable, du moins sur le plan de leur personnalité. Car cela
pourrait éventuellement au contraire servir leur être profond ou
leur conscience morale. En mettant en balance le nombre d’individus
concerné et le potentiel de bien dans chacun des cas, nous pouvons
considérer que le second filtre est passé.
L’utilité est ici
évidente pour la masse des êtres humains non membres de l’élite.
En étant au courant de tels projets, ils peuvent s’y préparer ou
adopter des stratégies pour les empêcher. Par contre, la fuite
d’une telle information ne sert les élites que sur le plan des
âmes, mais nullement sur celui des contingences matérielles. Si
elles veulent pouvoir tranquillement continuer à contrôler les
événements et jouir de leur grand confort matériel, un tel plan
que celui d’asservir définitivement l’Humanité ne devrait
surtout pas être ébruité. Ici aussi, le filtre de l’utilité est
une question de mise en balance.
Au bilan, écrire ou
dire que « les élites mondiales tendent à créer un Nouvel
Ordre Mondial qui asservira l’Humanité » peut passer les
filtres de Socrate en ce qui concerne la plus grande part des êtres
humains. Maintenant, nous gagnerions à faire un tel exercice pour
toutes les nouvelles, les informations et les opinions diffusées par
l’un ou l’autre des moyens de communication (y compris le
bouche-à-oreille), par nous-mêmes ou par les autres.