Les racines des conflits mondiaux : la géopolitique judéo-messianique

[Source : algeriepatriotique.com via strategika.fr]

[Illustration : L’Américain Blinken aux Israéliens : « Je suis ici en tant que juif. » D. R.]

Par Khaled Boulaziz

« Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »
(Antonio Gramsci, Intellectuel italien)

Dans un monde où les stratégies géopolitiques façonnent le destin des nations, il existe un récit sous-jacent qui entrelace les actions des puissants États de manière à la fois profonde et périlleuse. Au cœur de nombreux conflits mondiaux se trouve un système de croyances — une idéologie — qui imbrique prophétie religieuse, identité nationale et quête de pouvoir. Cette idéologie, qualifiée de géopolitique judéo-messianique, joue un rôle crucial dans la relation entre les États-Unis et Israël et, par extension, dans les dynamiques plus larges des conflits globaux.

Comprendre la géopolitique judéo-messianique

La géopolitique judéo-messianique est un terme qui décrit l’intersection des croyances religieuses juives, notamment celles liées à la prophétie messianique, avec les stratégies politiques de certaines nations. Essentiellement, elle postule que les actions géopolitiques des États-Unis et d’Israël ne sont pas seulement guidées par des intérêts stratégiques, mais aussi influencées par des idéologies religieuses qui envisagent un rôle historique et divin spécifique pour ces nations. Ce système de croyances soutient que les États-Unis et Israël sont destinés à accomplir certaines prophéties bibliques, en mettant l’accent sur l’établissement et la protection de l’État d’Israël comme composante centrale d’un plan divin plus vaste.

L’élitisme de quelques-uns sur la majorité

Les critiques de la géopolitique judéo-messianique soutiennent que cette idéologie représente un élitisme qui privilégie les intérêts de quelques puissantes nations au détriment du bien-être de la majorité. Cet élitisme se manifeste dans la manière dont ces nations poursuivent leurs politiques étrangères, souvent au détriment d’autres pays et peuples. Les États-Unis et Israël, par le biais de leurs politiques interdépendantes, sont perçus comme plaçant leurs objectifs nationaux et idéologiques au-dessus des besoins et des droits de la communauté internationale.

Cet élitisme n’est pas simplement le reflet d’une fierté nationale ou d’un intérêt stratégique personnel ; il est souvent présenté sous la forme d’un mandat divin. Pour certains, cela crée une justification dangereuse pour des actions qui seraient autrement condamnées sur des bases morales ou légales. La croyance en un rôle spécial, ordonné par Dieu, pour les États-Unis et Israël mène à des politiques inflexibles, intransigeantes et, en fin de compte, déstabilisantes sur la scène mondiale.

Théorisation par les néoconservateurs

Cette idéologie n’est pas apparue de nulle part ; elle a été théorisée et développée par des néoconservateurs influents depuis plusieurs décennies. Parmi les plus virulents de ces penseurs figurent Léo Strauss et Bernard Lewis. Strauss, philosophe politique, est souvent crédité de l’inspiration idéologique derrière de nombreux concepts néoconservateurs, tandis que Lewis, historien spécialiste du Moyen-Orient, a joué un rôle crucial dans la façon dont le monde occidental perçoit l’islam et la politique au Moyen-Orient.

Le département d’État américain semble constamment revenir à un de leurs élèves. Le dernier en date, Antony Blinken, a lui-même incarné cette tradition. Juste après le 7 octobre, Blinken a déclaré lors d’une visite en Israël : « Je suis venu en visite en Israël avant tout en tant que juif. » Cette déclaration est emblématique de la manière dont la géopolitique judéo-messianique continue d’influencer la politique étrangère américaine, en mêlant étroitement considérations religieuses et politiques.

Le génocide en cours contre le peuple palestinien

Cette idéologie judéo-messianique a des conséquences particulièrement dévastatrices dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Le génocide en cours contre le peuple palestinien trouve son fondement dans cette idéologie démoniaque, n’en déplaise à certains. En justifiant les actions militaires d’Israël par une vision prophétique et messianique, cette idéologie contribue à la perpétuation de la violence et de la souffrance dans la région, rendant tout espoir de paix durable de plus en plus lointain. Le soutien inconditionnel des États-Unis à ces politiques, motivé par des raisons à la fois stratégiques et idéologiques, ne fait qu’aggraver la situation, rendant la communauté internationale impuissante face à un conflit qui semble sans fin.

Les conséquences de la géopolitique judéo-messianique

Les implications de la géopolitique judéo-messianique sont vastes. Au Moyen-Orient, par exemple, le soutien inébranlable des États-Unis à Israël est souvent cité comme un facteur clé du conflit israélo-palestinien. Ce soutien, influencé à la fois par des intérêts stratégiques et des idéologies religieuses, a contribué à une situation où la paix reste insaisissable, et où les droits et aspirations des Palestiniens sont souvent marginalisés.

Au-delà du Moyen-Orient, les effets d’entraînement de cette idéologie se manifestent dans les tensions géopolitiques plus larges qui surgissent lorsque des nations se perçoivent comme agissant sous un mandat divin. Cela peut conduire à un manque de volonté de compromis, à une dépendance excessive à l’égard de solutions militaires, et à un mépris pour les normes et institutions internationales. Dans ce contexte, les conflits ne sont pas simplement des différends territoriaux ou politiques ; ils deviennent des batailles pour la suprématie idéologique et l’accomplissement de prétendus objectifs divins.

Une source de conflit mondial

Pour ceux qui critiquent la géopolitique judéo-messianique, cette idéologie n’est pas seulement un facteur de conflit mondial — elle en est l’une des causes profondes. En promouvant une vision du monde élitiste où les intérêts de quelques-uns sont placés au-dessus de ceux de la majorité, ce système de croyances exacerbe les tensions, alimente les divisions, et sape les possibilités de résolution pacifique. Il crée un environnement où les conflits sont considérés comme inévitables, voire nécessaires, dans la poursuite d’un objectif supérieur, ordonné par Dieu.

Cette approche de la géopolitique est perçue comme fondamentalement en contradiction avec les principes d’égalité, de justice et de respect mutuel essentiels à la paix mondiale. En encadrant les actions géopolitiques en termes de prophétie religieuse et d’accomplissement messianique, elle risque d’aliéner de larges segments de la population mondiale qui ne partagent pas ces croyances et qui considèrent de telles actions comme une forme d’impérialisme ou d’extrémisme religieux.

Aller au-delà de l’élitisme

Si le monde veut dépasser les conflits alimentés par la géopolitique judéo-messianique, il doit y avoir un changement d’attitude envers les idéologies qui privilégient les quelques-uns au détriment de la majorité. Cela signifie repenser la manière dont les nations, en particulier les puissances comme les États-Unis et Israël, s’engagent avec le monde. Il faut reconnaître que la paix et la stabilité ne peuvent être atteintes par la poursuite d’objectifs étroits et égoïstes justifiés par des croyances religieuses ou idéologiques.

Au lieu de cela, il doit y avoir un engagement en faveur d’une forme de géopolitique plus inclusive et équitable — une géopolitique qui valorise les droits et les aspirations de tous les peuples, qui cherche à résoudre les conflits par le dialogue et la diplomatie plutôt que par la force, et qui est guidée par des principes de justice et de respect pour tous. Ce n’est qu’en dépassant l’élitisme de la géopolitique judéo-messianique que le monde peut espérer aborder les causes profondes des conflits et construire un ordre mondial plus pacifique et juste.

Conclusion

Il est essentiel de dénoncer les récits discursifs qui sous-tendent cette idéologie afin de la déconstruire en tant que pensée. En exposant les mécanismes par lesquels la géopolitique judéo-messianique perpétue un élitisme au détriment du bien-être global, nous pouvons commencer à démanteler cette vision du monde. Seule une critique lucide et courageuse de ces discours permettra d’affaiblir leur emprise sur les politiques internationales, ouvrant ainsi la voie à des approches plus inclusives et justes pour la résolution des conflits mondiaux.

Comme l’a si bien dit Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Ce clair-obscur, ce moment de transition, est précisément le terrain fertile où prospèrent des idéologies comme la géopolitique judéo-messianique. D’où l’urgence de les dénoncer et de les déconstruire avant qu’elles ne génèrent davantage de conflits et de souffrances, notamment le génocide en cours contre le peuple palestinien, enraciné dans cette vision démoniaque.