12/12/2023 (2023-12-12)
[Source : watson.ch]
Pour les Palestiniens, s’opposer au Hamas demande un grand courage. Mais le désespoir face à la situation humanitaire pousse de plus en plus de personnes à prendre la parole.
Par frederike holewik / t-online
Pour les Palestiniens, il est dangereux de critiquer le Hamas. Pourtant, des vidéos de personnes qui s’y risquent apparaissent de plus en plus souvent sur la toile.
Ainsi, une femme âgée portant un voile s’est plainte dans une interview à la chaîne Al-Jazeera de la mauvaise situation d’approvisionnement à Gaza. Et, surprise, elle en rend le Hamas responsable. Car l’aide humanitaire n’arrive pas jusqu’aux habitants. « Toute l’aide va vers le bas », dit-elle en faisant référence aux tunnels du Hamas.
« La population n’a rien »
Lorsque le journaliste lui demande s’il ne s’agit pas d’un problème de répartition, la femme lève la main, fait signe que non.
« Ils prennent tout, ils me tireraient plutôt dessus, le Hamas »
De tels propos ne passent pas non plus inaperçus en Israël. « Les Gazaouis ont commencé à critiquer et à dénoncer le Hamas pour ce qu’il leur a apporté — le crime, l’oppression, l’humiliation, la peur et la faim », a récemment affirmé Ofir Gendelman, porte-parole du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, aux médias arabes.
Une ONG veut « repousser les idéologies qui divisent »
S’opposer publiquement au Hamas est dangereux pour les habitants de Gaza. C’est pourtant à ces habitants que l’organisation américaine à but non lucratif Peace for Communications veut donner une voix. Son objectif : « repousser les idéologies qui divisent et promouvoir une mentalité d’intégration et d’engagement ». Elle a commencé à le faire bien avant l’attaque du Hamas en octobre.
L’ONG a produit 25 courts métrages d’animation, les voix des interlocuteurs ont été modifiées. Des personnes très différentes témoignent. C’est le cas par exemple du musicien Iyad. Il veut certes s’affirmer contre Israël, mais refuse de le faire par la violence. À propos des conditions à Gaza, il confie :
« Quand tu marches dans la rue, on t’empêche de réfléchir par toi-même. L’espace est rempli d’images, de slogans et d’histoires sur les dirigeants du Hamas ».
À tel point qu’une vie urbaine normale n’est pas possible, selon lui.
« Les Palestiniens ne sont pas maîtres d’eux-mêmes lorsqu’ils disent “je suis prêt à mourir en martyr” »
Des sondages difficiles à réaliser
Le fondateur de l’ONG, Joseph Braude, est convaincu que la majorité des Palestiniens ne réfléchit pas comme le Hamas le prétend. Dans un entretien avec la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), il mentionne des sondages et des rapports de groupes de défense des droits humains.
« La plupart des Palestiniens veulent un autre avenir que celui que le Hamas leur fait miroiter »
Seuls 20 à 25 % des habitants sympathiseraient effectivement avec le groupe terroriste, selon Joseph Baude. De même, une majorité serait contre le fait de s’attaquer à Israël. « Pas parce que les gens aiment Israël, mais parce qu’ils comprennent où mène la spirale de la violence. »
Des sondages représentatifs sont difficiles à réaliser à Gaza et même s’ils le sont, ils ne sont que partiellement fiables. Mais on peut supposer que l’opinion des gens s’est encore durcie au cours des semaines qui ont suivi l’attaque terroriste du Hamas contre Israël. Lors de cet événement, environ 1200 Israéliens ont été tués et quelque 240 personnes ont été emmenées dans la bande de Gaza ; du côté des Palestiniens, le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas parle de plus de 15 000 morts.
Une majorité soutient l’attaque du Hamas
En novembre, l’institut de sondage Arab World for Research and Development (AWRAD), basé à Ramallah en Jordanie, a interrogé 668 Palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. 100 % des personnes interrogées ont déclaré ne pas se sentir en sécurité à Gaza.
Dans le même temps, une nette majorité (59 %) a déclaré soutenir fortement l’attaque du Hamas. 16 % ont soutenu l’attaque « dans une certaine mesure ». 11 % ont indiqué qu’ils n’y étaient ni favorables ni opposés. Seuls 13 % se sont prononcés contre. Les habitants de Cisjordanie, gérée par l’Autorité palestinienne, ont été plus nombreux à soutenir l’attaque (68 %). Les conflits avec les colons israéliens radicaux sont fréquents. En revanche à Gaza, zone contrôlée par le Hamas, 47 % des habitants se sont prononcés en faveur.
Par ailleurs, 65 % des personnes interrogées ont indiqué percevoir le conflit actuel comme visant tous les Palestiniens. Seuls 18 % considèrent qu’il s’agit d’une lutte entre Israël et le Hamas.
La détresse des habitants de Gaza est grande. Le manque d’aide ou sa rareté provoque de plus en plus de désespoir. Jeudi, des images ont été diffusées montrant des personnes qui réclamaient de la nourriture et d’autres biens devant un bureau des Nations unies à De’ir Al Balah.
Traduit de l’allemand par Valentine Zenker
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