Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8

23/10/2022 (2022-10-17)

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7]

Par Joseph Stroberg

8 — Disparition

Tulvarn et Gnomil s’étaient allongés face au ciel en attendant le retour de Jiliern. Dévonia se trouvait hors de leur vue sur la gauche, proche de l’horizon, alors que Matronix était dans la direction presque opposée. Ils se tenaient là, silencieux, ayant fini de s’échanger les dernières nouvelles. Le voleur avait pu récupérer ses accessoires les plus intéressants et en remplir un sac qu’il parvenait tout juste à porter sans trop fatiguer. Tulvarn ne lui en avait pas demandé la nature, même s’il brûlait de curiosité. Il le saurait au besoin assez tôt, lorsque son compagnon de voyage les utiliserait.

— Et maintenant, que faisons-nous, interrogea Gnomil ?

— Bonne question. Je n’en sais rien. Je dois me reposer et éviter les mouvements brusques pour éviter de rouvrir la plaie. Je ne pourrais donc pas pratiquer le moindre entraînement ni t’aider dans une telle entreprise. J’espère que Jiliern ne va pas tarder à rentrer. Elle accélérerait grandement la cicatrisation avec un de ses cristaux.

— Peut-être devrions-nous aller la chercher ?

— Pour l’instant, je peux à peine marcher, tellement la douleur est vive. Je dois me concentrer pour la diminuer.

— Oh !… Et comment faites-vous pour y parvenir ? J’en serais bien incapable ! Le moindre mal accapare toute mon attention et je ne pourrais m’en libérer l’esprit. C’est d’ailleurs bien pour cela que j’évite le plus possible de m’y voir confronté.

— Ah bon ? Et tu trouves que voler les gens est ainsi le meilleur moyen ? Surtout s’ils te prennent ?

— Euh ! Bien sûr que non ! Mais voler sans se faire voir peut aider.

— Eh bien, ça n’a pas marché la dernière fois sur ce point !

— En effet…

— Et tu as de la chance que je n’aie pas tiré mon sabre ! l’interrompit le moine.

— Je le reconnais. Ne pourrions-nous pas parler d’autre chose ?

— Je comprends que tu cherches à éviter ce souvenir peu agréable. Alors, choisis ce dont tu veux parler.

— Euh… Je ne sais pas.

— Dans ce cas, reposons-nous avant d’aller chercher Jiliern. Elle n’arrive toujours pas et je trouve ça de plus en plus inquiétant. Te sens-tu capable de prendre le sac contenant ton couchage en plus de ton paquetage actuel ?

— Hum ! Je trouve ce dernier déjà bien lourd. Je crains que non.

— Alors tant pis, je le prendrai, ainsi que celui de Jiliern. Nous marcherons moins vite que j’aurais souhaité.

Après une journée entière de repos et de récupération, Tulvarn se harnacha tant bien que mal avec les quatre sacs qu’il lui fallait maintenant porter. Il en avait deux directement sur le dos, un autre plus proche de l’épaule gauche et le dernier sur le droit. Le tout était plus lourd qu’il n’aurait cru, mais il était suffisamment costaud et endurant pour les porter au moins jusqu’au village où devait se trouver leur compagne de voyage. Sa blessure qui commençait à cicatriser était devenue supportable. Il espérait seulement ne pas rencontrer de malandrins sur le parcours, éventualité de toute manière fort rare, car il lui faudrait un temps non négligeable pour se débarrasser de son fardeau afin de pouvoir tirer son sabre sans entraves et surtout de pouvoir facilement l’utiliser. Des gestes trop brutaux risquaient de rouvrir la plaie.

Tulvarn et Gnomil se mirent en route en direction du village mentionné par Jiliern afin de l’y rejoindre au plus vite. D’une certaine manière, leur aventure commençait maintenant, car ce lieu leur était inconnu. Ni le moine ni le voleur n’y avaient déjà mis les pieds, le premier pour n’être sorti du temple que pour des entraînements en pleine nature et le second parce que le lieu se trouvait nettement hors du périmètre habituel pour ses larcins. Il ne s’était jamais aventuré auparavant aussi loin. Ceci expliquait peut-être pourquoi il s’était fait prendre cette fois. Il n’avait pas encore tout à fait digéré le fait. C’était la première fois que cela lui arrivait. D’un autre côté, il pouvait s’estimer chanceux d’être tombé sur ce moine (ou plus précisément et littéralement que celui-ci lui soit tombé dessus), car autrement son sort aurait pu être pire. Le dernier voleur qui s’était fait prendre dans la région avait eu les mains coupées ! Il trouvait cela particulièrement cruel, même si elles étaient conservées dans une substance spéciale héritée de l’empire zénovien et si un thérapeute talentueux pouvait encore les recoudre. Elles ne le seraient pas avant que le voleur ait purgé sa peine en effectuant des travaux en nombre suffisant pour la communauté. Ses tâches étaient rendues d’autant plus difficiles qu’il n’avait plus ses capacités manuelles. Il devait utiliser ses moignons, du moins pour les travaux manuels, car on lui demandait aussi d’autres services, d’après ce que Gnomil avait entendu dire, sans savoir précisément lesquels.

Le chemin serpentait légèrement entre quelques monticules couverts de végétation diverse plutôt fournie. L’odeur qui leur parvenait trahissait la présence d’épineux à sève collante et de plantes aromatiques souvent utilisées dans la confection d’onguents. Le ciel était couvert de brumes épaisses bleutées, probablement chargées de spores et d’autres minuscules composants végétaux. Dévonia ne parvenait pas à en percer l’épaisseur. L’ambiance était morne. Les animaux semblaient eux-mêmes la sentir, car les rares visibles vivaient comme au ralenti ou se contentaient d’observer les alentours. Était-ce le signe que quelques bizarreries se préparaient ? Le moine commençait à le suspecter, même si cela relevait probablement de superstition. Ce qu’il savait pour sûr était l’étrange sensation ressentie. Elle paraissait liée à la Vélienne, comme un signal qu’elle se trouvait en danger. Néanmoins, il ne comprenait pas pourquoi ni comment. Quoi qu’il en soit, suivant les recommandations de son maître, il préférait en tenir compte, au cas où…

Poursuivant leur marche à allure modérée, les deux compères arrivèrent en vue du gros du village, le reste étant largement dispersé dans les environs. La maison de Jiliern était considérée comme en faisant partie alors qu’elle s’en trouvait nettement éloignée du cœur, et située largement à l’écart des autres habitations. Cela pouvait se comprendre dans la mesure où en dehors de cette agglomération distendue, il n’y avait que trois autres petites bourgades bien plus loin dans la vallée. La planète était vaste et ses ressources largement suffisantes, presque partout, pour que les Véliens ne s’entassent pas. Il n’existait d’ailleurs aucune ville, à part la mythique cité de cristal que les ruraux évitaient comme la peste et les quelques villes d’érudits. Le plus imposant village ne devait pas excéder le millier d’habitants, ceux-ci répartis sur une large superficie, à l’image de ce qui existait dans la vallée.

Tulvarn et Gnomil devaient maintenant trouver la maison de Velnir, la plus petite et située près du centre, en espérant que celui-ci soit facile à découvrir comme tel. Au pire, comme plusieurs villageois vaquaient à leurs occupations hors de leurs maisons, ils pourraient toujours leur demander où elle se trouvait exactement. L’un d’eux martelait sur une enclume. Un autre sortait des plantes d’un chariot pour les déposer sur une table. Un troisième affûtait la lame d’un couteau à l’aide d’une meule mécanique à pédales. Un autre encore décorait le mur d’une maison avec différents pigments, la rendant quelque peu incongrue au milieu des autres laissées pierres nues…

Tulvarn jeta un coup d’œil aux alentours pour tenter de repérer leur destination. Si quelques villageois tournèrent leur regard vers eux, aucun d’eux ne les jaugea d’un air suspicieux, car rares étaient les problèmes de voisinage sur cette planète tranquille. Les Assassins et la Horde sauvage sévissaient généralement en dehors des agglomérations et interagissaient peu avec elles. Les premiers étaient les seuls à parfois s’aventurer dans la Cité de cristal, ou plutôt juste à sa périphérie, selon des rumeurs qu’il restait à vérifier. Mais jamais ils n’entraient dans un village en dehors des fois où ils devaient y remplir un de leurs contrats. Ils y étaient habituellement facilement repérés bien avant leur arrivée et les gens se calfeutraient alors chez eux dans l’espoir de ne pas être leur cible. Ces derniers tremblaient alors souvent de peur ou priaient. S’ils étaient le gibier et n’étaient pas eux-mêmes guerriers, chasseurs, voleurs ou assassins, ils n’avaient en général aucune chance de s’en sortir vivants. Par contre, les moines-guerriers s’en sortaient presque toujours lorsqu’ils avaient pu voir venir l’assassin, ce qui était le plus souvent le cas. Ils le mettaient hors de combat d’une manière ou d’une autre. Celui-ci considérait alors que sa mission était un échec et ne retentait pas ultérieurement de la mener à bien. Les chasseurs, eux, pouvaient facilement les tuer à distance. Et les assassins entre eux avaient une chance sur deux d’y laisser leur peau. Cependant, les autres n’avaient guère de défenses contre les agressions. Celles-ci étaient heureusement fort rares sur cette planète.

La maison de Velnir devait être la petite que Tulvarn apercevait maintenant en face de son champ visuel alors que sa tête finissait sa rotation vers la gauche. De manière non surprenante, elle avait le même aspect que ses quelques voisines immédiates, la seule différence étant sa taille moindre. En pierres naturelles, avec une porte et deux fenêtres sur sa façade avant, visible légèrement de biais, elle ne présentait aucun signe distinctif en dehors de sa dimension. Il se dirigea vers elle, suivi à quelques pas par Gnomil. Alors qu’il s’apprêtait à appeler le ou les éventuels occupants, une femme âgée en sortit pour leur demander brièvement la raison de leur visite :

— Que venez-vous faire par ici, jeunes hommes ?

— Nous recherchons Jiliern, venue soigner votre doyen, à la demande de Marnia.

— De quoi parlez-vous donc, jeune moine ? Notre doyen n’est pas malade ! Et personne ici n’a vu Marnia récemment. Elle habite pourtant cette maison, indiqua l’aînée en pointant de la main gauche une demeure située sur leur gauche après celle qui jouxtait celle du doyen.

— Hein ? Vous êtes sûre ?

— Aussi sûre que je le suis de vous parler maintenant.

— Ça alors, c’est stupéfiant et incompréhensible ! répondit Tulvarn quelque peu déconcerté. Merci pour l’information, termina-t-il avant de rebrousser chemin, toujours suivi par le voleur.

À peine hors de portée de voix de la Vélienne, ce dernier interrogea le moine :

— Et maintenant, que faisons-nous ?

— J’aimerais bien le savoir, répondit le moine de plus en plus désappointé. Pour commencer, que s’est-il exactement passé ? Jiliern a-t-elle été conduite dans un piège ? Était-elle de mèche avec Marnia ? Et dans ce cas, pourquoi donc ? Si elle ne voulait pas nous suivre dans notre aventure, il lui suffisait de le dire. Non, ce ne peut pas être ça !

— En effet, ça n’aurait pas d’allure, approuva le voleur.

— Donc, elle a suivi quelqu’un qui manifestement lui a menti. Mais pourquoi ? Pour l’instant, je ne vois aucune raison valable. Si l’on souhaitait la voir soigner quelqu’un d’autre que le doyen, il suffisait très probablement de le lui demander. Elle est visiblement très serviable, généreuse et gentille et n’aurait pas eu de raison majeure de refuser. Elle a accepté pour le doyen. Elle pouvait facilement faire de même pour un autre. Ça n’a guère de sens, poursuivit-il en s’arrêtant de marcher et posant ses sacs à terre. Je ne comprends pas. Nous allons la chercher. Et pour ça, nous allons devoir mettre nos compétences à l’épreuve. Nous allons retourner à sa maison, puis suivre le trajet qu’elles ont emprunté initialement et chercher la moindre trace.

— Très bonne idée ! C’est ici qu’un chasseur nous serait utile.

— Un chasseur ! « N’oublie pas le chasseur… »

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Ah, c’est vrai, tu n’étais pas présent lorsque quelqu’un est venu nous délivrer ce message de la part d’une espèce de devin.

— Quel message ?

— « Sur ton chemin, n’oublie pas le chasseur et l’assassin ». Nous nous étions demandé ce que cela pouvait bien signifier. Maintenant, il se pourrait que nous ayons besoin de l’un comme de l’autre. Mais je n’en connais aucun !

— J’en connais quelques-uns, mais je ne tiens pas à leur rendre visite.

— Pourquoi donc, interrogea le moine ?

— Eh bien, disons que je leur ai emprunté quelques affaires sans leur permission, avoua timidement le voleur.

— C’est malin ! Pourtant, nous aurions bien besoin de l’un d’eux.

— Je ne tiens pas à me faire tuer, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

— Allons, allons ! Il est très rare et improbable de tuer qui que ce soit de nos jours, si l’on n’est pas un assassin. Et les chasseurs ne le sont pas.

— Mais un chasseur très en colère ?

— Pourquoi très en colère ? Que leur as-tu donc pris ?

— Euh… Eh bien, disons…

— Oui, mais encore ?

— … leurs meilleurs appeaux.

— Ah ? Et pourquoi cela devrait-il les mettre tellement en colère, interrogea encore Tulvarn quelque peu intrigué et légèrement dubitatif ?

— Cela leur permet d’attirer le gibier, même le plus rare, et leur donne une bien meilleure chance d’éviter de rentrer bredouilles de leurs chasses.

— Bon, d’accord. Cependant, je ne comprends toujours pas pourquoi ils t’en voudraient autant, surtout que tu ne t’es pas fait prendre.

— Oui, mais ça, c’est juste parce que je suis parvenu à les semer. Ils ont bien failli m’attraper la dernière fois.

— La dernière fois ? Qu’as-tu donc fait ?

— Pour tout dire, je volais un chasseur pour échanger son matériel avec un autre, par exemple contre du gibier. Je changeais souvent de lieu pour obtenir un plus vaste marché. Cependant, à partir d’un certain moment, je me suis quelque peu mêlé et j’ai fini par proposer un appeau à son propriétaire originel. Du moins, j’ai essayé, mais si je l’ignorais alors, lui s’en est tout de suite aperçu. Il a sorti son couteau pour m’en pourfendre tout en appelant à l’aide ses collègues.

— Ah ! Je comprends mieux. Et ensuite ?

— Ensuite, j’ai utilisé mes jambes pour fuir le plus rapidement possible et quitter la région. J’avais une meute d’une douzaine de chasseurs à mes trousses et ils ont rapidement retrouvé ma trace. J’ai dû recourir à toutes mes ruses pour les égarer et finir par leur échapper complètement. J’en ai même découvert de nouvelles pour l’occasion.

— Eh bien conserve-les en mémoire, elles pourraient toujours nous être utiles dans notre quête.

— Oh ! pour ça, vous n’avez pas de craintes à avoir. Je ne risque pas de les oublier ! Ma vie en dépendait, conclut Gnomil qui commençait à se lasser du sujet et aurait nettement préféré parler d’autre chose.

— Ils ne t’auraient sans doute pas tué. Je n’ai jamais entendu parler de chasseurs ayant recours à une telle extrémité. Cependant, je n’en connais pas personnellement.

— Je n’ai pas voulu prendre de chance.

— Je peux comprendre, répondit le moine. Pourtant, nous gagnerions maintenant à nous assurer les services d’un chasseur pour plus facilement retrouver la trace de Jiliern. N’en connais-tu pas un que tu n’aurais pas détroussé ?

— Pas vraiment, non. Depuis que j’ai changé de région pour celle-ci, j’ai décidé de chercher des cibles moins potentiellement dangereuses et qui pouvaient rapporter au moins autant. La cristallière en était une bonne, jusqu’à ce que vous me tombiez dessus.

— Bon, mais même si tu n’en connais pas de près, peut-être as-tu repéré l’endroit où ils gîtent ?

— Si vous y tenez, concéda le voleur, il y a un groupe de trois chasseurs dans un bois hors de la vallée, à moins d’un jour de marche. Mais le temps de les rejoindre, les traces de la dame Jiliern risquent de disparaître. À ce que j’ai pu deviner, les chasseurs n’observent pas seulement les indices physiques, mais ont accès à autre chose, même s’ils ne l’avoueront probablement jamais. J’ai dans l’idée qu’il s’agit de leur plus gros secret. C’est plus fort que notre flair. D’ailleurs, sans ce truc, ils n’auraient jamais pu me retrouver aussi facilement et me pister pendant des jours. Pour autant, d’après ce que j’ai pu constater, ceci est limité à trois ou quatre quartiers. Au cours des heures suivantes, la trace subtile disparaît.

— Mais les traces physiques demeurent, non ? Lors de nos exercices de survie, nous observions bien la trace d’animaux qui dataient de plusieurs jours.

— Sur des sols meubles ou boueux, oui. Mais les Véliens préfèrent marcher sur les sols herbeux ou pierreux que dans la gadoue.

— C’est vrai, reconnut le moine. Bon alors ! Changeons de direction, et dirigeons-nous vers la sortie sud-ouest de la vallée ! À charge pour toi de nous guider vers ces trois chasseurs.

— D’accord, d’accord, si vous insistez, répondit Gnomil à contrecœur.

À ces mots, les deux compères bifurquèrent pour se diriger dans la direction voulue, le voleur précédant cette fois le moine. Ce dernier portait toujours sa charge de quatre sacs. De loin, il paraissait trois fois plus gros que son fluet compagnon. Le ciel était maintenant couvert d’épaisses brumes sombres, masquant complètement leur soleil. Leurs pensées n’étaient guère plus claires. Le voleur craignait la fréquentation des chasseurs. Le moine doutait de pouvoir retrouver la cristallière, même avec l’aide de ces derniers. Pourtant, il s’agissait probablement de leur meilleure chance. Obtenir l’aide d’au moins un chasseur leur rendrait la tâche plus facile.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9)

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