10/03/2021 (2019-10-31)
[Source : Le temps d’y penser]
« La vie sociale des plantes »
30 Décembre 2016
Rédigé par Le Temps D’y Penser et publié depuis Overblog
Hiérarchiser le vivant est une erreur, le respecter dans son ensemble est un acte d’humanité.
NDLR : Cet article aborde un sujet sensible qui a tendance à déchaîner les passions. Merci, avant de commenter, de le lire intégralement afin de bien comprendre l’intégralité de mon raisonnement et de ne pas buter sur le début qui part volontairement de 0 pour arriver à ma position claire exprimée en toute fin. Bonne lecture et au plaisir de débattre sereinement avec vous !
Si je me permets de paraphraser Jean Marie Pelt c’est pour aborder un sujet qui me tient à cœur et qui n’est pas sans rapport avec de nombreux discours que je peux entendre, tout particulièrement lors des consommations excessives d’aliments de ces périodes festives.
Ici je vais revenir, non pas pour détruire, mais pour compléter et faire relativiser certains arguments lancés par les porte-parole de ceux allant du simple refus de manger de la viande à l’attitude plus drastique de ne plus utiliser quelques produits que ce soit issus de l’exploitation animale (soit pour résumer des végétariens aux végans).
Alors là tout de suite je sais que je m’aventure en terrain glissant tant ces militants de la cause animale défendent leur cause avec une passion certaine dont, au passage, pourraient s’inspirer nos responsables politiques totalement dénués de toute passion. Mais, en tant que biologiste (j’ai un master 2 en écologie), certains arguments me font tiquer et un en particulier : l’accusation que l’on me fait d’être spéciste et ce que cette notion induit.
Qu’est-ce dont que ce nouveau mot en « iste » ? Et bien, c’est une sorte d’application à l’ensemble du vivant du concept de racisme. Pour faire simple, c’est le fait de considérer que l’homme est par essence une espèce supérieure aux autres. D’après Wikipédia : « Le spécisme (du mot anglais speciesism de même sens) est la considération morale supérieure que les humains accordent à leur propre espèce, et le traitement discriminatoire qui en découle ». On peut aussi trouver cette définition (wiktionnaire) « Discrimination basée sur l’espèce, qui fait de l’espèce en soi un critère pour déterminer la manière dont un être peut être traité. » ce qui est grosso modo la même chose. Enfin, d’après veganfrance.fr le spécisme c’est la « Discrimination basée sur l’espèce, qui fait de l’espèce en soi un critère justifiant un comportement portant préjudice aux droits fondamentaux d’un être vivant »
Soyons clairs ! Je n’ai rien contre cette définition. Elle est nette et limpide. Clairement, elle s’applique à l’ENSEMBLE du vivant, quel qu’il soit. Là où je tique, c’est, tout d’abord, qu’en tant que biologiste, je ne peux être qualifié ainsi, car une des premières leçons de biologie évolutive est de dire que TOUTES les espèces présentes sur terre sont d’égale évolution, de la bactérie vivant au fin fond des océans, aux majestueux albatros en passant par le chêne centenaire. En biologie on refuse l’idée qu’il y est des espèces supérieures, ou plus utiles à l’écosystème, que d’autres. On ne peut être biologiste et spéciste.
Voilà pour mon cas personnel, mais plus généralement si je comprends bien cette définition, elle englobe l’ensemble des espèces, donc du vivant tout entier. Or ce vivant est divisé en grandes catégories : les bactéries, les archées et les eucaryotes (dont nous faisons partie) eux-mêmes divisés entre animaux, végétaux et champignons. Dès lors, les défenseurs de la cause animale sont aussi spécistes puisqu’ils se nourrissent d’aliments végétaux ou fongiques (champignons) qui, dans notre système actuel, sont ultra majoritairement issus d’un modèle agricole productiviste niant la réalité naturelle pour produire toujours plus. Les végétaux et champignons sont dès lors placés en dessous des animaux et on accepte leur exploitation sur le critère de l’espèce. Peut-être ai-je mal compris la définition, auquel cas merci de me l’expliciter, je prendrai toute remarque constructive avec grand plaisir !
Maintenant que ce point est clair, revenons à ma démonstration sur les plantes. Nombre d’études et d’observations tendent à prouver que les végétaux sont bien plus complexes que les simples plantes vertes inanimées. Je vous mettrai des sources en bas de cet article pour que vous puissiez vérifier par vous-même que « la vie sociale des plantes » ce n’est pas qu’un effet d’annonce. Plusieurs exemples me viennent à l’esprit pour illustrer mon raisonnement.
Tout d’abord, je pense aux mycorhizes qui, en plus d’être un putain de bon moyen de gagner une partie de scrabble, sont en réalité une association symbiotique (= réciproquement bénéfique) entre des champignons et des racines de plantes. De véritables échanges de composés chimiques, mais aussi d’informations circulent ainsi à travers les racines des plantes, sous nos yeux. Dans la même verve a été observé un véritable processus de communication entre les végétaux en réponse à une menace : lorsqu’un pathogène ou un insecte parasite attaque un arbre, il existe des cas où celui-ci émet des molécules dans l’atmosphère entraînant ainsi, chez ses voisins, une sécrétion de molécules de défense vis-à-vis de ce pathogène. Je pense aussi à la capacité de certaines jeunes pousses à « explorer » leur environnement immédiat afin, par exemple, de trouver un support sur lequel se développer. Enfin, il est tout à fait possible de voir une plante réagir à une situation stressante (en biologie, le stress est l’ensemble des réponses d’un organisme soumis à des pressions ou contraintes de la part de son environnement). Je pense par exemple à des plantes s’adaptant à la sécheresse ou à l’inondation ou alors à une attaque de pathogènes, mais aussi à des lésions (couper une branche).
Tout ceci amène à penser que le monde végétal est bien plus complexe qu’il n’y paraît et qu’une vision anthropocentrique et anthropomorphique des plantes amène à considérer comme impossible l’existence de phénomènes tels que la douleur, la peur, le stress. Or, s’il existe une règle à retenir pour tout bon scientifique, c’est que « l’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence » et je vous ai ici fourni tout un tas de preuves.
Avant que l’on me fasse tout procès que ce soit clair pour tout le monde : je ne nie pas la souffrance animale, je récuse simplement qu’on rabaisse les plantes à de simples êtres de second ordre de facto, par rapport aux animaux auxquels il est plus facile de s’identifier, par la négation de ce qu’elles pourraient ressentir. De même, il ne sera jamais possible de savoir ce que ressent exactement un animal, car, même si la similitude des structures sensorielles des animaux d’élevage (c’est différent pour les invertébrés) et des humains du point de vue de la douleur est réelle, il est impossible de savoir ce que ressent un animal. Peut-être même que nous minorons ce qu’ils vivent (comme l’inverse), bien que très peu probable. Bref, dans le doute, principe de précaution oblige, il faut prévoir au moins pire et donc corriger drastiquement les conditions d’élevage et d’abattage.
Nous arrivons donc à la conclusion de mon propos. Ce que je voulais ici c’était écorner la notion de spécisme souvent employée à mon avis à tort tout en vous prouvant que les végétaux sont des organismes tout aussi complexes et potentiellement tout aussi sensibles que les animaux, même si les manifestations de ces phénomènes passent par des canaux auxquels les êtres humains ne sont pas sensibles.
Mais alors, me direz-vous, tout va bien. On peut continuer comme on fait en traitant tout le monde pareil ? Ou alors on ne va pas non plus faire souffrir les plantes, car c’est tout aussi horrible ? Personnellement mon avis est que d’un point de vue environnemental (et de santé publique) il est INDISPENSABLE que tout le monde réduise sa consommation de protéines carnées et que ce qui est consommé soit élevé dans des modes d’élevages bannissant l’intensif. Et pour les plantes, me direz-vous ? Eh bien, tout pareil, ou presque. Ma philosophie est que le mal que nous faisons n’est pas de manger de la viande, mais d’industrialiser le vivant. En mettant sur un pied d’égalité animal et végétal, un élevage intensif ou productivité se fait au détriment de toute considération du développement naturel du vivant. C’est le même procédé qu’un vaste champ de céréales en open field que l’on cultive avec comme seule motivation d’avoir toujours plus de rendement. Dans les 2 cas, on entasse du vivant en le dopant pour produire le plus possible.
NB : L’élevage peut avoir un impact écologique et paysager très positif dans nos contrées, car il maintient une diversité paysagère et écologique que nous apprécions tous lors de nos promenades dans les pâturages alpins ou les prairies calcaires couvertes d’orchidées qui disparaîtraient sous d’épaisses forêts en quelques décennies sans élevage). Évidemment que détruire une forêt amazonienne pour y mettre des bœufs c’est une hérésie de ce point de vue.
Pour enfin finir, que faire ? Arrêter avec les pratiques intensives de l’agriculture qui détruisent le vivant et le biotope (le support pour faire simple) sur lequel il se trouve. Respecter le vivant dans son intégralité comme faisant partie d’un tout sans le hiérarchiser de façon trop radicale. Privilégier le local et les petits producteurs qui aiment leur métier, qui aiment leurs bêtes et qui aiment leur terre.
En vous remerciant d’avoir lu jusqu’au bout ce propos que je voulais vous tenir depuis longtemps. Pensez y en préparant vos repas de fêtes !
Che De Fermont.
[Sources]
La liste des sources qui ne sont pas déjà insérées dans l’article, n’hésitez pas à les lire et à les écouter, elles reprennent le gros de ce que je dis en plus approfondi.
Conférence « végétal sans végéter » https://www.youtube.com/watch?v=ZxQwnE_Zjv8 de Pierre Kerner, Maître de conférences à l’université Paris Diderot
« sentir bouger, communiquer : les plantes aussi ! » site web de l’INRA (institut national pour la recherche agronomique http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Biologie-vegetale/Tous-les-dossiers/Sentir-bouger-communiquer-les-plantes-aussi
Planête Gaïa « le plantes communiquent ! » http://planete.gaia.free.fr/vegetal/botanique/com.chimiquement.html
snpn « l’élevage en zone humide » http://www.snpn.com/IMG/pdf/ZHI_75-76_Elevage_en_zone_humide.pdf [Lien non fonctionnel]
actu-environnement « Pelouses sèches, un réservoir de biodiversité aujourd’hui menacé » http://www.actu-environnement.com/ae/news/preservation-espaces-naturels-pelouses-calcaires-22254.php4
Communauté de Communes des Pays de l’Ormes « Les Pelouses Calcaires » http://www.ccpom.fr/les-competences/environnement/pelousescalcaires [Lien non fonctionnel]
[Voir aussi : L’intelligence des plantes]
⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.