14/01/2021 (2021-01-14)
Par Joseph Stroberg
Dans certains milieux ou réseaux ésotériques ou spirituels, il existe depuis quelques décennies une théorie de plus en plus en vogue selon laquelle une partie non négligeable des êtres humains n’auraient pas d’âme. Avant d’examiner les conséquences possibles d’une telle vision des choses et notamment à qui elle peut profiter, nous en ferons un court résumé et une rapide évocation de ses origines plus lointaines.
La théorie évoquée présente diverses variantes, mais expose le plus souvent que près de la moitié des êtres humains, d’origine pré-adamique, seraient dénués d’âme et donc de simples « portails organiques » tout juste bons à se faire manipuler ou posséder par des entités. Ces portails (ou êtres sans âmes) seraient de simples agents d’une matrice artificielle créée par ces dernières entités afin d’empêcher les autres êtres humains de s’en libérer et pour s’en servir également de nourriture émotionnelle. Pour certains, ces entités seraient des aliénigènes, et pour d’autres, elles seraient des genres d’entités invisibles multidimensionnelles se faisant passer pour Dieu (alors nommé « démiurge »). Une présentation plus détaillée de cette théorie peut se trouver par exemple ici.
Cette théorie est une version simplifiée de traditions plus anciennes : l’ancienne gnose biblique répertorie trois types d’hommes : les Pneumatiques, les Psychiques et les Hyliques. La tradition indienne mentionne elle aussi trois catégories d’humains : les Sattviques, les Rajasiques et les Tamasiques. Les hyliques correspondraient à des êtres humains matérialistes (et possiblement dénués d’âme). Les psychiques auraient une âme, mais fournie par le « démiurge ». Enfin, les pneumatiques seraient régénérés par la venue de l’Esprit de Dieu. Parallèlement, les tamasiques représentent les êtres humains les plus inertes (paresseux, ignorants, « lourds »…). Les rajasiques sont plutôt les individus soumis aux désirs et aux passions. Enfin, les sattviques représentent les êtres humains dotés de qualités spirituelles (l’équilibre, la droiture, la sérénité, l’esprit pacifique…).
Le gros problème de ce genre de théories, combien même posséderaient-elles une bonne partie de réalisme ou seraient-elles complètement exactes, c’est leur caractère potentiellement discriminatoire et diviseur, surtout de la manière dont elles sont habituellement présentées. De plus, elles prédisposent également à la peur, notamment celle de ne pas être libéré de cette prétendue ou éventuelle matrice artificielle et ceci à cause de ses agents, les portails organiques.
Nous pouvons par ailleurs y voir une faille conceptuelle interne, ceci en considérant la notion d’Esprit à laquelle elles recourent aussi. Dans la plupart des grandes traditions religieuses et initiatiques, de même qu’ici, l’Esprit est comparable à l’étincelle divine, ce qui, au centre de l’individu, relierait ce dernier à la Source de la Création. Or, un tel Esprit, en raison même de sa nature, se situe hors de tout domaine de corruption et de manipulation possible, par quelques entités que ce soit. Autrement dit, lorsqu’il émet une incarnation dans un corps humain, il reste le maître d’oeuvre de son « avatar » et connaît les règles du jeu. S’il accepte de s’incarner sur une planète disposant d’une matrice artificielle, il sait dès le départ à quoi son émanation incarnée devra s’attendre. On peut comparer cet Esprit au joueur d’un jeu virtuel en trois dimensions, tel qu’un jeu massivement multijoueurs (comme World of Warcraft). Le joueur d’un tel jeu en connaît les règles et sait à quoi son personnage peut s’attendre lors des diverses aventures dans lesquelles il le plonge. Et le vrai Dieu du jeu, ce n’est pas l’un des dieux de l’univers du jeu (ce n’est pas le « démiurge »), mais le créateur du jeu (l’entreprise qui a développé le jeu grâce à tous les développeurs et concepteurs informaticiens).
Maintenant, plaçons-nous du point de vue d’un des personnages du jeu, d’une des personnalités humaines incarnées telles que nous sommes ici-bas. Avons-nous la possibilité de savoir si tel autre personnage est relié ou non à un Esprit (et donc à un autre joueur)? Ou s’il est au contraire un simple sous-programme, un « robot » du jeu, ou encore un PNJ (personnage non joueur)? Ou bien seuls les Esprits, les joueurs peuvent vraiment le savoir? Certains des êtres humains, pourtant simples personnages du jeu, peuvent bien sûr être tentés de répondre par l’affirmative, en se référant à tels ou tels critères, ou en prétendant avoir une super intuition infaillible, ou encore la science infuse. Cependant, de notre point de vue, si tout est possible ou envisageable a priori, rien n’est vraiment certain. Quoi qu’il en soit, le plus sage semble être de partir de l’hypothèse que notre perception subjective du Réel est plutôt limitée et a déjà été maintes fois sujette à erreurs, illusions, voire hallucinations.
Donc, si nous sommes limités quant à notre capacité de discerner l’Esprit ou son absence au-dessus d’un autre être humain (ou dans cet être), même si une matrice artificielle existe, la seule chose qui devrait nous préoccuper par rapport à elle n’est pas l’éventuelle existence d’agents contrôleurs de cette matrice, ni même d’un démiurge, mais notre propre capacité à naître hors de cette matrice particulière. Doit-elle être différente de celle à naître hors des autres matrices, dont la matrice naturelle terrestre? (Voir La Matrice ?).
Pour finir, à qui peuvent servir le plus de telles théories, au moins dans leur formulation actuelle, selon leurs effets probables en matière de jugements hâtifs et de divisions ?
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