Etatsunafrique vs Françafrique. La France ne peut être une puissance indépendante que si elle apprend à repousser les États-Unis

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les US font tout pour éliminer la France et prendre sa place.

Comme je suis un « ancien », je me souviens bien de la guerre d’Indochine et de la défaite finale de la France à Diên Biên Phu en mai 1954.

Les US ne nous avaient pas aidés, et ils ont tout fait, déjà à l’époque, pour prendre notre place. Mais en 1975, ils se sont fait éjecter à leur tour.

C’est une constante, les US veulent dominer le monde. Depuis les accords de Bretton Woods en juillet 1944, ils se sont imaginé, en raison de leur puissance économique, militaire, et de la suprématie du dollar, qu’ils sont les « maîtres du monde ».

Il y a une quinzaine d’années, avec mon épouse, nous avons fait un voyage d’agrément au Vietnam. Nous avons pu constater que, malgré la longue guerre d’Indochine, les Français étaient bien accueillis, ce qui n’était pas le cas des Américains.

Il n’est pas impossible que dans l’avenir, si nous avons des dirigeants moins « cons » et plus diplomates, qu’il en soit de même en Afrique.

Dans l’immédiat, sur ce continent africain, les US vont se trouver confrontés aux BRICS ; ce n’est pas gagné pour « les maîtres du monde ». À suivre…

Jacques Amiot

[Source : le-blog-sam-la-touch]

La France ne peut être une puissance indépendante que si elle apprend à repousser

Article originel : France Can Only Be An Independent Power If It Learns To Push Back
Moon of Alabama, 2.09.23

Note de SLT : Le mieux serait que les Africains soient indépendants et ne soient plus (néo) colonisés et pillés. Un vieux rêve panafricain !

L’accord AUKUS était une proposition stratégique illogique de l’Australie, car elle va ruiner le pays en achetant des sous-marins nucléaires étatsuniens. Ils ne sont que nominalement pour la sécurité de l’Australie, mais resteront au moins officieusement sous commandement étatsunien.

Un point majeur de l’accord était qu’il a baisé la France qui avait un gros contrat avec l’Australie pour construire des sous-marins conventionnels pour elle. Le ministre français des Affaires étrangères a dit que c’était « un coup [de poignard] dans le dos ». La France n’a même pas été informée de l’accord, mais l’a appris par la presse.

Le fait que les États-Unis baisent la France, un grand allié européen de l’OTAN, pour ses propres fins politiques et économiques n’est pas nécessairement sans précédent, mais le faire aussi publiquement et ouvertement que l’a fait l’accord AUKUS aurait dû être un grand signal d’alarme.

Malheureusement, le président français Macron et son gouvernement se sont rendormis et ont donné aux États-Unis l’occasion de baiser à nouveau la France.

Ils l’ont fait avec l’AFRICOM, l’instrument des États-Unis pour saper les pays africains par la coopération militaire.

La France a un grand intérêt pour l’Afrique où certaines de ses anciennes colonies, la Françafrique, y sont liées en utilisant une monnaie, le franc CFA, qui est uniquement sous le contrôle du gouvernement français.

Etatsunafrique vs Françafrique. La France ne peut être une puissance indépendante que si elle apprend à repousser les Etats-Unis (MoA)

Les États-Unis ont utilisé leur formation pour officiers africains pour trouver et former subtilement des gens avec qui ils pourraient travailler. Un nombre étonnant de ces officiers ont ensuite été impliqués dans des coups d’État qui se sont souvent avérés être anti-français et pro-étatsuniens :

Depuis 2008, des officiers formés par les États-Unis ont tenté au moins neuf coups d’État et ont réussi au moins huit dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest seulement : trois fois au Burkina Faso, trois fois au Mali et une fois en Guinée, en Mauritanie et en Gambie.

La formation et le soutien des États-Unis à la région passent par le département d’État et le Commandement de l’Afrique, une branche du département de la Défense, en charge des opérations militaires sur le continent.

Depuis que ce qui précède a été écrit, le Niger a suivi :

Le général Moussa Barmou, commandant des forces d’opérations spéciales nigériennes formé par les États-Unis, s’est propulsé alors qu’il embrassait un général étatsunien de haut rang qui visitait la base de drones financée par Washington en juin.

Six semaines plus tard, Barmou a aidé à évincer le président démocratiquement élu du Niger.

Pour les officiers militaires et les diplomates des États-Unis, c’est devenu une histoire trop familière et profondément frustrante.

Le Niger est l’un des nombreux pays d’Afrique de l’Ouest où des officiers formés par l’armée étatsunienne ont pris le contrôle depuis 2021, notamment le Burkina Faso, la Guinée et le Mali.

Certains putschistes ont eu des relations étroites avec leurs formateurs étatsuniens, dont le mentorat comprenait des leçons sur la sauvegarde de la démocratie et des droits de l’homme ainsi que des tactiques militaires.

Ohh — s’il vous plaît, épargnez-moi les larmes de crocodile de la « sauvegarde de la démocratie ». Elles sont vraiment exagérées. Les États-Unis ont une grande base militaire au Niger, et c’est tout ce qui compte, et l’influence qu’elle apporte.

Après le coup d’État, le contingent militaire français au Niger et son ambassadeur se sont fait dire de partir alors que la grande base de drones étatsunienne est susceptible de rester.

Est-ce un mauvais résultat pour les États-Unis ou le résultat d’un plan ?

Les États-Unis ont des intérêts stratégiques en Afrique et, comme l’a écrit Michael Shurkin, ancien analyste de la RAND et de la CIA et membre senior du Conseil de l’Atlantique, ils veulent que la France se retire :

J’ai encouragé les efforts de la France pour aider les pays du Sahel, notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger, à se défendre contre les insurgés djihadistes affiliés à Al Qa’eda ou à l’État islamique.

Et pourtant, la seule conclusion raisonnable à tirer maintenant est que la France devrait fermer ses bases et partir.

Le problème, comme l’ont montré les événements récents au Niger, est que tout ce que fait la France, bon ou mauvais, provoque une réaction allergique de populations longtemps conditionnées à se méfier des motivations françaises et à assumer le pire.

Que ce sentiment anti-français soit juste ou non n’est pas la question. Les liens avec la France sont devenus un baiser de mort pour les gouvernements africains — un phénomène démontré par le sort du président nigérien Mohamed Bazoum.

Eh bien, qui a créé Al Qa’eda et l’État islamique ? Qui les a déplacés de l’Asie occidentale vers l’Afrique ?

Oui, la France a gardé certaines de ses mauvaises habitudes et influences coloniales et certaines personnes le détestent vraiment pour cela. Mais qui les a poussées dans cette direction ?

Le plan est évident. La France doit être expulsée pour que les États-Unis puissent intervenir :

Pendant ce temps, la menace que la Russie comble le vide est exagérée et ne devrait pas justifier [la France] de s’impliquer davantage. En effet, une partie de l’attrait de la Russie est que beaucoup d’Africains la voient comme une sorte d’anti-France. Et moins la France vivra « sans loyer » dans l’imagination populaire, moins la Russie aura un quelconque attrait symbolique.

Une autre partie de l’attrait de la Russie est que certains gouvernements africains, dont le Mali, sont frustrés par la réticence de la France à les aider dans une stratégie qui implique trop souvent de cibler certaines communautés ethniques — surtout les Peuls, mais aussi les Arabes et les Touaregs. Et si c’est pour cela qu’ils veulent de l’aide, alors la France et les autres puissances occidentales ont raison de refuser.

Le fait que les États-Unis et d’autres partenaires européens comme l’Allemagne ne provoquent pas la même réaction leur donne une ouverture, un moyen d’aider à combler le vide pour empêcher la Russie d’entrer et aider les États africains à se défendre. Mais cela leur demandera de prendre soin d’eux et d’exercer un plus grand degré de créativité qu’ils n’en ont montré jusqu’à présent.

Cela signifie aussi que la France devra leur faire confiance dans son ancien Empire. C’était une pierre d’achoppement jusque dans les années 1990, mais à ce stade, Paris est prêt.

Et, vraiment, il n’a pas le choix.

Pauvre France. On lui dit de partir et de laisser les États-Unis s’emparer de ses anciennes colonies. Elle n’a pas le choix.

Il a fallu beaucoup de temps pour que les Français se rendent compte de ce plan. Mais il s’annonce enfin. Le principal magazine géopolitique français, Conflits, discute de l’article de Shurkin et demande :

Pourquoi l’Amérique veut-elle chasser la France d’Afrique ?

Il conclut correctement :

Les Étatsuniens veulent sacrifier la présence française pour les remplacer et les soutenir.

Depuis que la France a rejeté l’invasion étatsunienne de l’Irak, les États-Unis ont fait de leur mieux pour refuser à la France tout rôle international indépendant. Le magazine discute de divers lieux et plans mondiaux, où et comment la France peut raisonnablement empêcher cela. Il conclut :

Ce qui est en jeu n’est donc pas simplement la présence de la France au Sahel ou en Afrique. C’est son maintien en tant que puissance globale souveraine ou sa réduction à une puissance périphérique « betteravisée » en Europe. Par extension, la nature même des relations entre les grandes démocraties en dépend : formeront-elles un bloc rigide, impérial, derrière les États-Unis ou seront-elles capables de constituer une alliance souple dans un cadre multilatéral, bien plus à même de défendre leurs intérêts et leurs valeurs ?

Sans aucun doute, les États-Unis et les Européens ont besoin d’une voix pour leur rappeler les dangers de l’orgueil respectif ou de leur faiblesse. Sans aucun doute, le monde a besoin de puissances autonomes moyennes et de la France pour trouver un nouvel équilibre, aider les nations émergentes, les soutenir sans étouffer les États fragiles et éviter la logique des confrontations directes entre les blocs.

Je suis d’accord. Une France multilatérale indépendante avec une influence mondiale sera bonne pour équilibrer le monde.

Mais pour atteindre cet endroit et y rester, la France doit contrecarrer d’autres plans des États-Unis pour l’éloigner de là où les États-Unis veulent être.

La France va-t-elle enfin apprendre à le faire ?

Traduction SLT