Crise sanitaire : « toutes nos libertés sont anéanties au nom d’un droit à la vie devenu tyrannique »

15/03/2021 (2021-03-15)

[Source : Imper’média (impermedia.com)]

Le jeune avocat Thibault Mercier* dénonce une gestion de la crise sanitaire extrêmement anxiogène. En focalisant leur communication sur la létalité du virus, les pouvoirs publics gouvernent par la peur, empêchant nos concitoyens d’exercer leur libre arbitre. Entretien.

L’imper.- Quelles sont les libertés qui sont mises à mal, depuis bientôt un an, par les restrictions sanitaires liées à l’épidémie de covid-19 ? 

C’est malheureusement une liste à la Prévert qu’il s’agit d’établir : liberté d’aller et venir, de culte, du commerce et de l’industrie, d’information, d’expression, etc. Pour autant ces libertés ne sont pas intouchables et certaines sont parfois, sinon contradictoires, au moins divergentes. C’est d’ailleurs le travail du juriste de pouvoir les mettre en balance et de faire en sorte que les atteintes qui leur sont portées soient proportionnées à la nécessité et au but recherché. Le souci dans cette crise est que toutes nos libertés, certaines arrachées durement au long de notre histoire ont été quasiment anéanties sous couvert de principe de précaution et d’un droit à la vie dévoyé et devenu quasiment tyrannique. Rappelons tout de même que l’immense majorité des personnes touchées par la Covid-19 guérissent.

Thibault Mercier

La semaine passée, Emmanuel Macron évoquait un possible assouplissement des mesures sanitaires, voire une sortie du couvre-feu. Pourtant Olivier Véran affirmait en conférence de presse que l’heure n’était pas au relâchement. Que pensez-vous de la communication vacillante du gouvernement ? 

Beaucoup a déjà été dit sur le fiasco de la communication gouvernementale ces derniers mois notamment sur les annonces contradictoires relatives à l’utilité des masques ou encore à la dangerosité du virus en février 2020. Doit-on y voir de l’amateurisme ou du cynisme ? Peut-être un peu des deux. Je déplore en tout cas le fait que l’exécutif utilise la communication pour tester l’opinion. Je pense notamment aux nombreuses « fuites » dans la presse quelques jours avant que soient prises de nouvelles restrictions. En fonction des retours, nous avons vu que le gouvernement avait su, parfois utilement, modérer la dureté des mesures initialement envisagées et endosser le beau rôle. Il en ressort une perte de confiance voire une défiance des citoyens envers le politique et la presse.

Les circonstances sont toujours exceptionnelles pour ceux qui n’aiment pas la liberté.

L’association que vous présidez a déposé en octobre dernier, un référé liberté qui conteste la légalité du couvre-feu. En quoi cette mesure est-elle illégale? 

Il nous semblait sidérant que l’État se permette de parquer sa population comme du bétail 12h par jour sans aucune possibilité de sortir de chez soi, ne serait-ce que pour prendre l’air. Qui pourrait honnêtement penser que se balader seul en extérieur après 18 ou 20h permettrait la propagation du virus ? Nous avons donc soutenu devant le Conseil d’État que l’atteinte portée à nos libertés par ce couvre-feu était totalement disproportionnée par rapport au but recherché (la lutte contre la propagation du virus et protection de la vie). D’une, il n’y avait alors aucun vrai consensus scientifique sur l’efficacité du couvre-feu (ou du confinement – les dernières études commencent même à prouver que la balance bénéfice risque pencherait en défaveur de ces mesures) et de deux, le droit à la vie et à la santé invoqué pour justifier ces mesures est totalement réducteur : les couvre-feu et autres confinements relèvent d’une approche réduite à la seule biologie de la vie qui oublie que la santé est également, selon la définition de l’OMS, « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Protéger la vie implique donc de prendre en compte l’ensemble de ses aspects qui sont tout aussi sociaux, culturels, spirituels, politiques et économiques que sanitaires.
Le juge du Conseil d’État a malheureusement balayé notre recours d’un revers de manche sans
même prendre la peine de motiver pleinement sa décision puisque selon lui « la situation sanitaire actuelle » suffisait à justifier cette mesure.

Vous me direz que les circonstances sont exceptionnelles et justifient ces mesures ? mais peu importe : les circonstances sont toujours exceptionnelles pour ceux qui n’aiment pas la liberté. Et d’ailleurs nous voyons que nous ne sommes plus du tout dans une période exceptionnelle. La lutte contre le virus est devenue une politique publique classique. Quoi qu’il en soit, d’autres solutions existent et auraient permis des atteintes plus proportionnées à nos libertés publiques (jauges, distanciations sociales, etc). Il nous semble enfin qu’il est nécessaire d’apprendre à vivre avec le virus, et plus généralement avec la mort, plutôt qu’à rêver de son impossible disparition. Le gouvernement, obsédé par le risque zéro, a préféré les méthodes les plus radicales. Nos libertés ne sont plus que des concessions que l’État nous accorde. Ce dernier nous considère incapable de les exercer de manière responsable et préfère donc nous punir de manière préventive.

C’est encore une fois le règne des experts qui prévaut dans notre société française moderne qui ne croit plus en rien sauf en la science et la raison.

La France a été qualifiée de « démocratie défaillante » ; par l’hebdomadaire britannique The Economist. La démocratie française peut-elle reprendre du poil de la bête selon vous ? 

Après 2 ans d’état d’urgence durant lesquels l’exécutif aura eu les coudées franches pour gouverner par ordonnances et décrets (donc en créant du droit à la place du Parlement), il n’est pas certain que la démocratie française en ressorte indemne. Dans cette crise on a d’ailleurs souvent eu l’impression que le Parlement avait été remplacé par les conférences de presse d’Oliver Véran et de Jean Castex, elles-mêmes dictées par un conseil scientifique non élu et sans aucune légitime démocratique. Nos gouvernants auraient ainsi pris des mesures murmurées par des technocrates coupés du réel qui savaient mieux que quiconque ce qui était bon pour nous. Qui par exemple avait décidé du seuil de 5000 cas par jour pour déconfiner ? Y a-t-il eu un débat démocratique sur cette question à laquelle l’ensemble de nos libertés étaient (et son encore) conditionnées ?

Que penser également de l’annonce de créer un comité de 35 citoyens tirés au sort pour se prononcer sur la vaccination ? N’est-ce pas le rôle de nos députés et sénateurs que de contrôler le travail de l’exécutif et de produire la loi ? C’est encore une fois le règne des experts qui prévaut dans notre société française moderne qui ne croit plus en rien sauf en la science et la raison et qui est prête à abdiquer sa liberté pour la remettre à des sachants non élus et parfois déconnectés des réalités de terrain. De nombreux élus locaux avaient d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme pour réclamer plus de subsidiarité dans la gestion de la crise.

Est-ce que nos dirigeants sont allés trop loin par rapport aux résultats sanitaires escomptés ? 

Quand on se compare avec d’autres pays ayant pris des mesures moins fortes, on se rend compte que les mesures de restrictions n’ont pas servi à grand-chose dans la lutte contre l’épidémie et ont eu et auront des conséquences à moyen et long termes qui seront désastreuses sur notre économie, nos modes de vie, notre culture, notre morale, voire notre civilisation. Je ne donne pas cher de nos sociétés modernes dans le futur si nous ne sommes plus capables de prendre le risque raisonnable de vivre tellement la peur de la mort, le principe de précaution poussé à l’extrême et l’individualisme des baby-boomers nous paralysent dans nos actions. Tout ce foin pour un virus à la létalité si peu élevé ? Que fera-t on si un variant d’Ebola se répand sur la surface du globe …? Par ailleurs, on ne peut qu’être inquiet quant aux coups de boutoirs portés par le gouvernement à notre culture et à notre art de vivre tant les mesures prises viennent détruire tout ce qui fait notre art de vivre et nos spécificités en tant que peuple et culture : le Ricard entre amis au bistro en jouant à la belotte, les soirées théâtre avant une bonne bouffe à la brasserie du coin font partie de notre identité ! Quel avenir pour la Nation française quand tous ses citoyens se nourriront de fast food livrée par un chauffeur Uber Eat en regardant Netflix ?

La liberté, même au prix de la douleur ou du désordre social, sera toujours préférable à la compromission et à la soumission.

Il semble toutefois y avoir une grande acceptabilité de ces mesures par la population…

Au vu de la communication anxiogène, culpabilisante et infantilisante utilisée par le gouvernement et relayée sans filtres par les médias depuis un an dans cette crise, il n’est pas étonnant que les citoyens français aient été placés dans un état de sidération les empêchant d’exercer leur libre arbitre. La peur de la mort les paralyse et il semble que certains préfèrent «mourir guéri » plutôt que de réagir face aux mesures du gouvernement qui vient les enserrer dans une sorte d’étau liberticide.
Il y a donc aussi une certaine demande de mesures strictes de la part d’une partie de la population qui, couplée au fait que nos libertés sont désormais vues comme des concessions que l’État nous accorde, entraînent une sorte de furie réglementaire. D’ailleurs nous voyons chaque jour un peu plus que notre époque abhorre la liberté : elle n’a quasiment plus qu’un besoin désormais : la SÉCURITÉ ! Sécurité qu’il revient à l’État de garantir à tout prix. Cette recherche de sécurité, d’un confort plan-plan, ce dégout du risque nous fait abdiquer notre liberté et notre libre-arbitre pour les remettre docilement à l’État ou au juge, qui se chargera de les exercer à notre place. Pourtant, la liberté, même au prix de la douleur ou du désordre social, sera toujours préférable à la compromission et à la soumission. Et les inconvénients de cette liberté, même chers payés, seront toujours inférieurs à ses avantages. Des initiatives de résistance fleurissent néanmoins çà et là et c’est le signe heureux que l’apathie n’a pas encore touché l’ensemble de notre population.

Est-ce « complotiste » de craindre une dérive de l’état d’urgence ? 

L’État d’urgence en lui-même ne doit pas être vu comme une hérésie juridique, c’est au contraire un outil normal dont dispose l’ensemble des systèmes juridiques sophistiqués depuis la Rome antique. Il est normal que l’exécutif puisse décider de cet état d’exception pour permettre à la Nation de faire face à des circonstances exceptionnelles. Je note néanmoins que tout état d’exception entraîne un risque d’abus et qu’il est donc nécessaire de l’encadrer de manière précise : il ne doit être possible qu’en cas de circonstances mettant en péril sa survie, limité dans le temps et des garde-fous doivent être prévus (un contrôle du Parlement et la possibilité de faire des recours contre les décisions de l’exécutif). Mais depuis un an on voit bien que ces conditions ne sont pas remplies. L’État d’urgence sanitaire aura été en place quasiment deux ans (puisque la loi de transition sera en place jusqu’au 31 décembre 2021). Deux ans durant lesquels l’exécutif aura quasiment les pleins pouvoirs sachant que le Parlement est quasiment devenu une chambre d’enregistrement du Gouvernement et que les juges administratifs valident trop docilement l’ensemble des mesures liberticides prises depuis mars 2020. Cet état d’urgence sanitaire laissera sans aucun doute des traces indélébiles sur nos libertés : le contrôle social mis en place permettra désormais de recourir au couvre-feu ou au confinement sans que le peuple ne dise mot. Si l’état d’urgence pris sous couvert de lutte contre le terrorisme avait fait de chaque citoyen un terroriste potentiel, cet état d’urgence sanitaire fait de chaque citoyen un malade potentiel. Je vous laisse imaginer les conséquences dramatiques pour le « vivre ensemble » si cher à nos gouvernements.

  • Thibault Mercier est avocat au barreau de Paris et président du cercle « Droit et Liberté ».
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