Comment détruire un île en 30 ans

[Source : Draw my economy]

OK, c’est donc à ça que ressemble l’Apocalypse

Un pays dont le PIB par habitant est 3 fois supérieur aux US ! Cette île avait tout pour devenir le pays le plus riche au monde. En 1974, ce pays est même devenu une destination phare pour les millionnaires qui y amènent leurs yachts et leurs fêtes. L’argent coule à flots. Pourquoi ? Parce que la petite île d’à peine 21,3 km² à découvert une poule aux œufs d’or : le phosphate.

Et pourtant, 30 ans plus tard, c’est le chaos. Le pays recense le taux d’obésité le plus élevé au monde, le chômage touche 90 % des actifs, l’île s’est transformée en catastrophe écologique. Il est impossible de pêcher quoi que ce soit, les poissons ne viennent plus, et les déchets s’empilent sur terre comme dans la mer. Le seul moyen pour ce pays de subsister est de compter sur un approvisionnement mensuel de nourriture et d’eau.

Et non, je ne vous parle pas d’un pays théorique ni même d’une île que j’ai vue dans un film. Je vous parle d’une île bien réelle. L’île de Nauru.

Mais, qu’a-t-il bien pu arriver pour qu’une île passe d’un succès exponentiel et sans précédent à une faillite totale et sans appel ?

L’île prend son indépendance

Situés à 42 km de l’équateur, et au large de la Papouasie–Nouvelle-Guinée, les Nauruans sont une population de pêcheurs. Leur île étant trop petite pour y mener une quelconque activité agricole, le peuple avait mis en place des techniques de pêche très sophistiquées.

Puis, en 1798, le navigateur John Fern découvre l’île. C’est alors que celle-ci est soumise à l’influence culturelle et religieuse occidentale. Entre 1888 et 1914, l’île tombe sous la tutelle coloniale de l’Allemagne. Puis, de 1914 à son indépendance, en 1968, ce sont les Australiens qui prennent le relais. Bien que l’on peut noter qu’entre 1942 et 1945, dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale, l’île est sous l’occupation japonaise.

Avec seulement quelques milliers d’habitants, les Nauruans sont rapidement englobés dans la culture occidentale. De plus, des évangélistes catholiques et protestants vont convertir la population. L’île est aujourd’hui très majoritairement protestante.

Ce n’est qu’à partir de 1906 que l’on découvre un trésor caché à Nauru : du phosphate pur. Le phosphate est un engrais très prisé, utilisé dans les agricultures, notamment dans celles anglaises et australiennes.

C’est ainsi que les Allemands et les Australiens vont, tour à tour, commencer à puiser les ressources du pays. Et ce, à travers des entreprises privées et publiques. Les Nauruans alors mis de côté, car non intégrés au système économique mondiale, se retrouvent à tenir des bibliothèques et des écoles pour les étrangers venant puiser le phosphate de l’île.

Mais alors, vous, si vous aviez à votre disposition une ressource qui pourrait vous rapporter des millions, mais que ce n’est que votre voisin qui en profite, seriez vous vraiment satisfait ? Où chercheriez-vous à vous réapproprier ce qui vous appartient ? 

C’est ce que firent les Nauruans en 1968. Excédés de voir leur poule aux œufs d’or n’être profitable qu’aux entreprises et états étrangers, la petite île décide de prendre son envole. C’est donc le 31 janvier 1968 que Nauru obtient son indépendance et devient la plus petite république au monde.

30 ans de rêve

C’est donc le président Hammer Derobert qui prend les rênes. Et, son premier geste mais aussi tous ceux qui suivirent furent très, très socialistes. 

En premier, il nationalise l’extraction de phosphate. Est donc créé le Nauru phosphate corporation. 

Puis, le gouvernement décide de verser une partie des revenus des mines à ses habitants. Et comme le phosphate, ça rapporte beaucoup, les habitants se retrouvent du jour au lendemain, de passer d’un salaire de prof à celui d’un millionnaire. Et ce, sans rien faire. Car le travail à la mine est donné, non pas à des Nauruans, mais à des immigrés chinois.

Et les politiques de Derobert ne s’arrêtent pas là ! L’eau potable et l’électricité sont désormais offertes aux habitants qui ne payent, évidemment, plus d’impôts.

Ayant toujours trop d’argent à son goût, le gouvernement de l’île fait bâtir un hôpital à la pointe de la technologie de l’époque. Et bien sûr, l’accès y est gratuit.

Puis, le gouvernement, toujours en quête de distribution monétaire, va assurer à chaque foyer nauruan une femme de ménage.

Bref, les Nauruans vivent dans l’opulence la plus grossière qui soit. Et, n’ayant aucune obligation d’aller travailler, la pêche, activité traditionnelle de l’île, se perd peu à peu.

En 1970, le gouvernement décide qu’il n’en fait toujours pas assez pour ses citoyens. Il va donc leur assurer 6 ou 7 voitures par foyer… alors que l’île ne comprend qu’une seule route. Plutôt ironique non ?

Ne sachant que faire de tout l’argent maintenant à disposition, et n’ayant aucune éducation financière, les Nauruans achètent de la technologie de pointe et la changent dès que mieux apparaît.

Ainsi, plus rien n’est réparé. Tout est abandonné en bordure de route ou dans la mer. Parce qu’après tout, pourquoi s’embêter à réparer quelque chose quand on peut simplement acheter mieux… ?

Les Nauruans sont donc devenus peu à peu oisifs. La vie à Nauru était une perpétuelle fête dans laquelle les habitants vivaient dans l’abondance la plus totale.

Et tant qu’il y aurait du phosphate, cette fête continuerait.

La descente aux enfers

Un seul problème. Le phosphate est une matière première non renouvelable. Lorsque vous épuisez vos stocks, vous n’en avez pas d’avantage. Et évidemment, ce fait est loin d’être méconnu. 

Alors, vous devez être en train de penser que, sachant pertinemment que leurs ressources de phosphate allaient tôt ou tard s’épuiser, l’État a fait des prévisions et pensé à l’avenir ? Eh bien non ! En fait, s’étant habitué à l’opulence excessive qu’apportent les mines de phosphate, l’état a été peu regardant sur les investissements qu’il effectuait. Du coup, ce dernier a fait des placements aberrants, espérant que leurs rentes seraient suffisantes à maintenir leur train de vie post-phosphate. Investissements qui leur ont fait perdre beaucoup d’argent et qui, comme nous pouvons aujourd’hui le voir, n’étaient pas judicieux et n’ont pas amené l’effet escompté.

Ce qui veut dire qu’à la fin des années 90, lorsque le pays a commencé à manquer de phosphate, l’état s’est rapidement retrouvé au pied du mur.  

C’est dos au ravin que le pays à décidé, pour essayer de garder à flot ce qui restait de l’île, de se plonger dans l’illégalité.

Blanchiment d’argent pour les mafias, vente de passeports à tout vas, Nauru, pays socialiste, invite volontiers les gens immensément riches et peu scrupuleux à créer des sociétés-écran sur l’île afin d’éviter de payer des taxes dans leur pays d’origine. C’est le chaos, et rapidement Nauru rejoint la liste noire des paradis fiscaux.

Afin de s’en extraire, elle met fin à sa possibilité de blanchiment d’argent. Mais pas pour autant à son business de ventes de passeports qui va encore de bon train.

Cependant, criblé de dettes, le petit pays est obligé de vendre ses biens immobiliers. Notamment un immeuble à Melbourne. Or, ça ne couvre pas l’entièreté des dettes. Loin de là.

Nauru passe alors deux marchés. Un avec Taïwan afin de leur vendre la ligne faisant des allers-retours entre l’île et l’Australie, et ce pour 10 millions d’euros. Le deuxième marché conclu est, toujours avec Taïwan, un approvisionnement continuel de l’île en eau et nourriture. Et ce, en échange d’un soutien de Nauru. Taïwan cherchant à intégrer l’ONU, dans lequel siège déjà Nauru, le soutien de l’île lui est très précieux.

Nauru décide également de conclure un marché avec l’Australie. L’île abrite une prison pour réfugiés entièrement à disposition de l’Australie. Celle-ci est plus connue sous le nom de la « Solution du pacifique » et abrite des immigrants illégaux repêchés aux côtes australiennes. Dans cette prison, car c’est le mot approprié, les immigrés sont privés de tous droits. Leurs douches sont peu fréquentes et minutées, ils ont interdiction de sortir de leurs cellules et se font souvent harasser par les locaux.

Cependant, ce marché a pris fin lorsque ces agissements ont créé une polémique en Australie.

Bref, le pays est maintenant au fond du trou financièrement et éthiquement.

Pourquoi les habitants ne reprennent-ils pas leur vie d’antan ?

Peuple de pêcheurs, il est légitime de se demander pourquoi les Nauruans ne reprennent pas la pêche et leur rythme pré-découverte du phosphate. La réponse est simple, ils ne le peuvent pas.

Outre le fait que Nauru soit aujourd’hui le pays avec l’indice d’obésité le plus élevé au monde, 80 % de leur population souffrant d’obésité morbide, en 30 ans, leur culture a totalement disparu.

Remplacée par l’oisiveté et l’opulence, les habitants de l’île ont quasi totalement perdu leur culture ainsi que les techniques de pêche sophistiquées qu’ils avaient mis des millénaires à acquérir.

Et si ce n’était pas assez, les quelques habitants ayant gardé leur culture ne peuvent pas non plus pêcher. La pollution liée à tous les déchets jetés par les habitants durant ces 30 ans a totalement détruit les coraux. Coraux qui abritent des milliers d’espèces différentes de poissons. Ceux-ci se sont d’ailleurs éloignés de l’île, les eaux de Nauru étant devenues trop polluées pour que des poissons y vivent. 

Quant aux magnifiques oiseaux de l’île ? Ceux-ci ont également disparu à cause de la déforestation de masse. Autrefois une île paradisiaque, Nauru est maintenant un désert de cailloux ; la terre de l’île ayant été très majoritairement retournée pour y trouver le phosphate. De plus, les montagnes de déchets causés par les habitants ont fait de l’île une décharge. 

Il est juste de dire que Nauru représente une catastrophe sociologique, écologique et financière.

Conclusion

De l’île paradisiaque au dépotoir, l’île est le contre-exemple de ce que doit faire un gouvernement. Surtout que, contrairement à Nauru, beaucoup de pays, tels que l’Arabie Saoudite, qui est le pays le plus riche au monde, s’en sortent très bien, malgré le fait que la majeure partie de leur économie soit basée sur une ressource naturelle insulaire.

Et vous qu’en pensez-vous ? Quelles leçons peuvent être tirées de la chute de Nauru ?



Sources