Ce que crée l’Homme et le sens de la mesure

14/01/2021 (2021-01-14)

Par Joseph Stroberg

S’appuyant notamment sur une extrapolation abusive d’une certaine interprétation d’expériences de mécanique quantique (selon l’école de Copenhague), certaines personnes en viennent à considérer que l’observateur influence (ou même crée) le monde juste par sa manière de l’observer. Et une partie d’entre elles croient alors qu’elles sont Dieu. Ce sont des théories et des croyances comme les autres, mais certaines d’entre ces théories et croyances sont fortement déconnectées de la réalité objective. En d’autres termes, elles relèvent bien davantage d’illusion mentale que de réalisme. Concernant l’être humain et ce qu’il peut créer, si nous ne souhaitons pas nous contenter de fabulations et d’élucubrations, nous gagnons à acquérir et surtout à démontrer un certain sens de la mesure et des proportions.

Pour évaluer sa place et ses capacités dans l’univers, l’Homme peut commencer par la considération de sa taille par rapport à ce dernier. Un être humain mesure en général un peu moins de deux mètres et parfois un peu plus, alors que la planète Terre elle-même a un diamètre d’environ 12 750 000 mètres, soit 6 millions de fois plus. Ceci est approximativement la proportion de tailles entre l’Homme et un virus. Et donc, d’un certain point de vue, l’être humain est un virus pour notre planète. Celle-ci est elle-même proportionnellement un virus de notre système solaire. Le Système solaire est à son tour un virus dans notre galaxie, la Voie lactée. Et cette dernière est un virus dans l’univers. Autrement dit, en comparaison de tailles, l’Homme est un virus de virus de virus de virus de l’univers ! Il resterait à savoir s’il s’agit d’un virus pathogène ou non.

En ce qui concerne le pouvoir créateur de l’être humain en comparaison de l’entité éventuellement à l’origine de l’univers (et que l’on nommera « Dieu » pour simplifier), nous pouvons en avoir une idée en observant ce qu’il a pu déjà réaliser ou causer individuellement et collectivement sur la Terre. Individuellement et par exemple, est-ce qu’un être humain peut changer le climat, que ce soit juste en l’observant ou encore par un éventuel pouvoir paranormal ? Est-ce qu’il peut, sans usage de machines ni de bombes, créer un tremblement de terre ou l’empêcher ? Est-ce qu’il peut ralentir ou accélérer la rotation de la planète, ou la faire changer d’orbite ?… À toutes ces questions, il semble bien que la réponse soit « non ».

Bien sûr, collectivement, en s’unissant en assez grand nombre autour d’un but ou d’un projet commun, l’Homme est parvenu à créer des bombes thermonucléaires susceptibles de créer des tremblements de Terre et des tsunamis. Il a pu aussi créer HAARP et des sites similaires dans le but de tenter d’influencer le climat et y parvenir dans une petite mesure. Cependant, l’Humanité est encore loin de disposer d’énergie, de ressources et de capacités suffisantes pour accomplir des choses telles qu’un déplacement orbital de la Terre. Et juste en observant l’orbite planétaire, elle n’y est bien sûr pas parvenue.

Si l’Homme est si petit et si faible dans l’Univers, comment peut-il avoir l’outrecuidance de se prendre pour le créateur de ce dernier ou pour son égal ? Eh bien, il a au moins la capacité de se créer tout un univers intérieur, et notamment une représentation plus ou moins fantaisiste ou plus ou moins réaliste de la réalité objective. Et dans cette représentation interne, il peut très bien jouer à Dieu, même si dans les faits il se comporte bien davantage et le plus souvent comme un apprenti sorcier ou comme un enfant immature (voir aussi : la vue, la vision et la vie).

Dans la pratique, le pouvoir créateur de l’être humain est généralement concentré sur son environnement immédiat : sa famille, son travail, sa maison, sa voiture, ses loisirs, etc. Selon la représentation interne qu’il se fait de cet environnement, il s’y comporte de manière plus ou moins cohérente, constructive et mature, ou au contraire incohérente, destructrice ou immature. Il crée notamment ses relations interpersonnelles en fonction de cela. Selon ce qu’il pense et croit, il favorise alors tels événements humains, locaux ou plus généraux, que tels autres. Si par exemple, il craint sans cesse de se faire voler, il finira par attirer un voleur qui viendra concrétiser sa crainte, ne serait-ce que par influence télépathique. On peut ainsi dire que d’une certaine manière et jusqu’à un certain point, « l’énergie suit la pensée », ce qui traduit l’idée que l’énergie mentale et émotionnelle déployée dans telle direction par un individu finira probablement par y produire un effet concret. Mais pour cela, il faut soit une énergie mentale (ou émotionnelle) très puissante, soit entretenir longtemps la pensée dans la même direction. La « pensée magique » ne suffit pas. Croire par exemple que l’on amènera la paix dans un milieu professionnel ou social juste en se pensant lumineux et puissamment pacifique est-il en effet suffisant pour le produire effectivement ? En particulier, comment un seul individu pourrait-il contrecarrer simplement les désirs et volontés adverses, alors qu’il peut très bien faire face à d’autres êtres humains disposant d’un même genre de potentiel mental et psychique ou d’une volonté aussi puissante ?

Combien même la pensée magique serait effective et permettrait en théorie de concrétiser facilement de grands rêves, dans la pratique, elle devrait composer avec des pensées magiques contrariantes. Et plus une société s’éloigne des lois et principes universels et naturels, en les remplaçant par des éthiques élastiques et des artifices au gré de ses fantasmes, plus elle devient chaotique, chacun tirant dans sa direction particulière selon ses intérêts immédiats et matérialistes et selon ses humeurs. Au contraire, pour qu’un noble but se matérialise, il est nécessaire de réunir un nombre suffisant d’individus motivés dans le même sens et suffisamment mûrs pour faire passer au second plan leurs émotions et intérêts particuliers, au profit de la collectivité. Et ceci serait d’autant plus facile s’ils se branchaient tous sur leur nature spirituelle connectée automatiquement au divin ou à la source créatrice universelle.

L’Homme devient un puissant créateur seulement à partir du moment où il est capable de fonctionner en synergie avec ses semblables pour concrétiser un projet commun qui va dans le sens de l’évolution (surtout celle de la conscience). En dehors de cela, il se fait plutôt des illusions. Une étincelle est bien plus efficace dans la flamme qu’isolée. Une goutte d’eau solitaire n’aura jamais la puissance d’un fleuve. L’être humain est à la fois une goutte d’eau, un élément de matière malléable (émotionnellement, mentalement et psychiquement), et une étincelle du feu cosmique (une Conscience en mouvement dans la matière, pour la détruire ou pour y créer). Mais il n’est individuellement ni le fleuve ni la flamme. Autrement dit, il n’est pas Dieu et gagne à rester humble face à l’immensité et la beauté du cosmos.

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