21/08/2021 (2021-08-21)
[Source : Sott.net]
Par Cynthia Chung — The Saker Blog
« Mais je ne veux pas aller parmi les fous », fait remarquer Alice.
Lewis Carroll, Alice au Pays des Merveilles
« Oh, tu n’y peux rien », dit le chat, « nous sommes tous fous ici. Je suis fou. Tu es folle. »
« Comment sais-tu que je suis folle ? », demande Alice.
« Tu dois l’être », répond le chat, « sinon tu ne serais pas venue ici. »
Nous vivons dans un monde où le degré de désinformation et de mensonge pur et simple a atteint un niveau tel que peut-être pour la première fois, la majorité du monde occidental commence à s’interroger sur son propre niveau de santé mentale et sur celui de son entourage. La méfiance croissante et frénétique à l’égard de tout ce qui fait « autorité », mêlée à l’incrédulité désespérée que « tout le monde ne peut pas être dans le coup ! », pousse lentement de nombreuses personnes à s’enfermer dans une camisole de force de plus en plus serrée. « Tout remettre en question » est devenu la nouvelle devise, mais sommes-nous capables de répondre à ces questions ?
Actuellement, la réponse est un non catégorique.
La mauvaise blague des comportementalistes sociaux, qui ont rendu tout le monde obsédé par le papier toilette au début de ce que l’on croyait être une période de crise, est un exemple du contrôle qu’ils exercent sur le bouton rouge intitulé « déclencher une panique massive de niveau 4 ».
Et peut-on blâmer le peuple ? Après tout, si on nous ment, comment pouvons-nous nous rassembler et pointer du doigt la racine de cette tyrannie, ne sommes-nous pas arrivés au point où elle est partout ?
Comme Goebbels l’a tristement déclaré,
« Si vous dites un mensonge suffisamment gros et que vous le répétez sans cesse, les gens finiront par le croire. Le mensonge ne peut être maintenu que tant que l’État peut protéger la population des conséquences politiques, économiques et/ou militaires de ce mensonge. Il devient donc d’une importance vitale pour l’État d’utiliser tous ses pouvoirs pour réprimer la dissidence, car la vérité est l’ennemi mortel du mensonge, et donc par extension, la vérité est le plus grand ennemi de l’État [sous le fascisme]. »
Et nous nous trouvons aujourd’hui au seuil du fascisme. Cependant, avant que le fascisme ne puisse dominer complètement, nous devons d’abord accepter de renoncer à nos droits civils en tant que collectivité. Autrement dit, le grand mensonge ne peut réussir que si la majorité ne le dénonce pas, car si la majorité le reconnaissait pour ce qu’il est, il n’aurait vraiment aucun pouvoir.
Note du traducteur : On peut aussi dire que la vérité est l’ennemi d’une pseudo-réalité :
La bataille pour gagner le contrôle de votre esprit
« Les politiciens, les prêtres et les psychiatres sont souvent confrontés au même problème : comment trouver le moyen le plus rapide et le plus permanent de changer la croyance d’un homme… Le problème du médecin et de son patient souffrant de névrose, et celui du chef religieux qui entreprend de gagner et de retenir de nouveaux convertis, est maintenant devenu le problème de groupes entiers de nations, qui souhaitent non seulement confirmer certaines croyances politiques à l’intérieur de leurs frontières, mais aussi faire du prosélytisme à l’extérieur. »
William Sargant, La bataille de l’esprit
Dans le passé, on pensait couramment, et non sans fondement, que la tyrannie ne pouvait exister qu’à condition que le peuple soit maintenu dans l’analphabétisme et l’ignorance de son oppression. Pour reconnaître que l’on est « opprimé », encore faut-il d’abord avoir une idée de ce qu’est la « liberté », et si l’on a le « privilège » d’apprendre à lire, cette découverte est inévitable.
Si l’éducation des masses pouvait alphabétiser la majorité d’une population, on pensait que les idées supérieures, le genre d’« idées dangereuses » que Mustapha Menier par exemple exprime dans Le meilleur des mondes, permettraient aux masses de rapidement s’organiser et rendraient inévitable une révolution contre « ceux qui les contrôlent ». En d’autres termes, la connaissance est la liberté, et l’on ne peut pas asservir ceux qui apprennent à « penser ».
Note du traducteur : Dans l’ouvrage de Aldous Huxley, Mustapha Menier est un Alpha plus et l’un des dix administrateurs mondiaux, qui sont les individus les plus importants de la société ; il a en charge l’Europe occidentale, l’une des dix zones de l’État mondial.
Cependant, ce n’est pas exactement ce qui s’est produit, n’est-ce pas ?
La grande majorité d’entre nous est libre de lire ce que bon lui semble, en ce qui concerne les livres autrefois « interdits », tels que ceux répertoriés par l’Index Librorum Prohibitorum.1 Nous pouvons lire tous les textes qui sont interdits dans Le meilleur des mondes, notamment les œuvres de Shakespeare qui y sont désignées comme des formes de « connaissance » absolument dangereuses.
Nous sommes maintenant tout à fait libres de nous « éduquer » sur les « idées » mêmes qui étaient reconnues par les tyrans du passé comme « l’antidote » à une vie d’esclavage. Et pourtant, aujourd’hui, la majorité choisit de ne pas le faire…
Il est reconnu, bien que superficiellement, que celui qui contrôle le passé, contrôle le présent et donc le futur. Le livre de George Orwell, 1984, le martèle comme la caractéristique essentielle qui permet à l’appareil de Big Brother de maintenir un contrôle absolu sur la peur, la perception et la loyauté à la cause du Parti, et pourtant, malgré sa popularité, il subsiste un manque d’intérêt pour réellement s’informer sur le passé.
Qu’importe de toute façon, si le passé est contrôlé et réécrit pour s’adapter au présent ? Comme l’interrogateur de Big Brother, O’Brien, le déclare à Winston :
« Nous, le Parti, contrôlons tous les dossiers et nous contrôlons tous les souvenirs. Alors nous contrôlons le passé, n’est-ce pas ? [Et donc, nous sommes libres de le réécrire comme bon nous semble…]. »
Bien sûr, nous ne sommes pas dans la même situation que Winston… nous sommes bien mieux lotis. Nous pouvons étudier et apprendre sur le « passé » si nous le désirons, malheureusement, il s’agit d’un choix possible que bien des personnes n’apprécient pas à sa juste valeur.
En fait, beaucoup ne sont probablement pas pleinement conscients qu’il se déroule actuellement une bataille pour savoir qui va « contrôler le passé » d’une manière qui ressemble beaucoup à ce qui s’apparente à un « effacement de la mémoire ».
William Sargant était un psychiatre britannique et, pourrait-on dire, le père du « contrôle mental » en Occident. Il avait des liens avec les services secrets britanniques et l’Institut Tavistock, qui influencerait plus tard la CIA et l’armée des États-Unis via le programme MK Ultra. Sargant a également été conseiller pour les travaux d’Ewen Cameron sur les esprits d’individus « déconstruits » sous LSD, à l’université McGill, financés par la CIA.
Note du traducteur : Ewen Cameron était un psychiatre d’origine écossaise et directeur de l’Allan Memorial Institute de l’université McGill, à Montréal. Il fut aussi président de l’Association psychiatrique des États-Unis, de l’Association psychiatrique du Canada et de l’Association psychiatrique mondiale.
Sargant justifie une des raisons pour lesquelles il a étudié et utilisé des formes de « contrôle de l’esprit » sur ses patients, lesquels étaient pour la majorité des soldats britanniques rapatriés du champ de bataille pendant la Seconde Guerre mondiale avec diverses formes de « psychose », en arguant qu’il s’agissait du seul moyen de réhabiliter des formes extrêmes de syndrome de stress post-traumatique.
L’autre raison était que les Soviétiques étaient apparemment devenus des « experts » dans ce domaine et que, pour des raisons de sécurité nationale, les Britanniques devaient à leur tour devenir des experts… pour des raisons d’autodéfense, bien sûr.
Les travaux d’Ivan Pavlov, un physiologiste russe, ont permis d’obtenir des informations intéressantes sur quatre formes primaires de systèmes nerveux chez les chiens, lesquelles combinaient des tempéraments inhibiteurs et excitateurs : « fortement excitateur », « équilibré », « passif » et « calme imperturbable ». Pavlov a découvert qu’en fonction de la catégorie de tempérament du système nerveux du chien, cette dernière déterminait la forme de « conditionnement » la plus efficace pour « reprogrammer le comportement ». La pertinence du « conditionnement humain » n’a échappé à personne.
Les pays occidentaux craignaient que ces techniques ne soient pas seulement utilisées contre leurs soldats pour que l’ennemi obtienne facilement des « confessions », mais que ces soldats puissent être renvoyés dans leur pays d’origine, sous la forme d’assassins et d’espions zombifiés susceptibles d’être mentalement activés par un simple mot de code. En tout cas, ce sont ces scénarios qui ont été propagés dans les populations à travers les films et les romans à suspense. C’est vraiment horrible ! Que l’ennemi puisse apparemment pénétrer dans ce que l’on considérait comme le seul terrain sacré qui nous appartenait… notre « esprit » même !
Cependant, pour ceux qui étaient à la pointe de la recherche sur le contrôle mental, comme William Sargant, il était entendu que le contrôle mental ne fonctionnait pas exactement de cette manière.
D’une part, la question du « libre arbitre » était un obstacle.
Peu importe la durée ou le degré des électrochocs, de la « thérapie » à l’insuline, des cocktails de tranquillisants, des comas provoqués, de la privation de sommeil, de la famine, etc., il a été découvert que si le sujet avait une « forte conviction » et une « forte croyance » en quelque chose, celle-ci ne pouvait pas être simplement supprimée, elle ne pouvait pas être remplacée par quelque chose d’arbitraire. Il fallait plutôt que le sujet ait l’illusion que son « conditionnement » relevait en fait de son « choix ». Il s’agissait d’une tâche extrêmement difficile, et les conversions à long terme (mois ou années) étaient rares.
Cependant, Sargant y a vu une opportunité. Il était entendu que l’on ne pouvait pas créer un nouvel individu à partir de rien, mais qu’avec un conditionnement adéquat, censé conduire à un effondrement physique par le biais d’un stress anormal ( en fait, un redémarrage du système nerveux), on pouvait sensiblement augmenter la « suggestibilité » des sujets.
Sargant a écrit dans son livre Bataille de l’esprit :
« Les descriptions cliniques de Pavlov des « névroses expérimentales » qu’il pouvait induire chez les chiens se sont avérées, en fait, correspondre étroitement aux névroses provoquées par la guerre que nous étudiions à l’époque. »
En outre, Sargant a découvert qu’un souvenir faussement implanté pouvait contribuer à induire un stress anormal conduisant à un épuisement émotionnel et à une dépression physique à même de susciter cette « suggestibilité ». En d’autres termes, il n’était même pas nécessaire de vivre un « stress réel », et un « stress fictif » était tout aussi efficace.
Sargant poursuit en déclarant dans son livre :
« Il n’est pas surprenant qu’une personne ordinaire, en général, soit bien plus facilement endoctrinée qu’une personne atypique… Une personne est considérée comme « ordinaire » ou « normale » par la communauté simplement parce qu’elle accepte la plupart de ses normes sociales et de ses modèles de comportement ; ce qui signifie, en fait, qu’elle est sensible à la suggestion et qu’elle a été persuadée d’aller dans le sens de la majorité dans la plupart des occasions ordinaires ou extraordinaires. »
Sargant aborde ensuite le phénomène du Blitz londonien, une période de huit mois de bombardements intensifs sur la ville de Londres pendant la Seconde Guerre mondiale. Au cours de cette période, pour faire face et rester « sain d’esprit », les gens se sont rapidement habitués à l’idée que leurs voisins pouvaient être et étaient enterrés vivants dans les maisons bombardées autour d’eux. La pensée était la suivante : « Si je ne peux rien y faire, à quoi bon me tourmenter ? ». On a donc constaté que « ceux qui s’en sortaient le mieux » étaient ceux-là mêmes qui acceptaient ce nouveau « cadre de vie » sans chercher à le contester, et qui se concentraient simplement sur leur « survie ».
Sargant remarque que c’est justement cette « adaptabilité » à un contexte environnemental en mutation qui fait partie de l’instinct de « survie » et qui est très ancrée chez l’individu « sain » et « normal », lequel est capable d’apprendre à faire face et continue donc à être « fonctionnel » en dépit du perpétuel changement de son environnement.
C’est donc notre « instinct de survie » profondément ancré dans notre inconscient qui s’est révélé être la clé de la suggestibilité de notre esprit. Et les meilleurs « survivants » se prêtent donc en quelque sorte à un meilleur « lavage de cerveau ».
Sargant cite les travaux de Hecker, qui étudiait le phénomène de l’épidémie dansante qui s’est développée pendant la période de la peste noire. Hecker a observé qu’une suggestibilité accrue pouvait amener une personne à
« minimiser l’éloge de la vertu aussi bien que la criminalité du vice en embrassant avec la même force, raison et folie, bien et mal. »
Et qu’un tel état d’esprit était comparable aux premiers efforts de l’esprit du nourrisson
« cet instinct d’imitation, lorsqu’il existe à son plus haut degré, se conjugue aussi avec une perte de tout pouvoir sur la volonté, qui se produit dès que l’empreinte sur les sens est bien installée, laquelle entraîne un état semblable à celui des petits animaux lorsqu’ils sont fascinés par l’aspect d’un serpent. »
Je me demande si Sargant s’imaginait être le serpent…
Sargant admet finalement :
« Cela ne signifie pas que toutes les personnes peuvent être véritablement endoctrinées par de tels moyens. Certaines ne se soumettent que temporairement aux exigences qui leur sont imposées, et luttent à nouveau lorsque revient la force du corps et de l’esprit. D’autres y échappent en surmontant leur folie. Ou encore, la volonté de résister peut céder, mais pas l’intellect lui-même. »
Mais il se console, en réponse à cette résistance obstinée, en affirmant que
« Comme nous l’avons mentionné dans un contexte précédent, le bûcher, la potence, le peloton d’exécution, la prison ou l’asile d’aliénés, sont généralement là pour les défaillants. »
Comment résister à la déconstruction de votre esprit
« Celui que les dieux veulent détruire, ils le rendent d’abord fou. »
Henry Wadsworth Longfellow, Le masque de Pandore et autres poèmes, 1875
Pour ceux qui n’ont pas vu le thriller psychologique de 1944 Gaslight, réalisé par George Cukor, je vous recommande vivement de le faire, car il contient une leçon inestimable, qui s’applique tout particulièrement à ce que je soupçonne que beaucoup d’entre nous vivent aujourd’hui.
Note du traducteur : Le film est sorti dans les salles françaises en 1947 sous le titre Hantise. La performance d’Ingrid Bergman sera saluée par un Oscar de la meilleure actrice dans un rôle principal.
L’histoire commence avec Paula, 14 ans (jouée par Ingrid Bergman), qui est emmenée en Italie après que sa tante Alice Alquist, célèbre chanteuse d’opéra et protectrice de Paula, a été retrouvée assassinée dans sa maison à Londres. Paula est celle qui a trouvé le corps et, frappée d’horreur, elle ne sera plus jamais la même. Sa tante était la seule famille qui lui restait. La décision est prise de l’envoyer loin de Londres, en Italie, afin qu’elle poursuive ses études pour devenir une chanteuse d’opéra de renommée mondiale comme sa tante Alice.
Les années passent, Paula vit une vie très protégée mais elle est toujours en proie à une sombre mélancolie et ne semble jamais pouvoir ressentir une quelconque forme de bonheur. Pendant ses études de chant, elle rencontre un homme mystérieux (son accompagnateur au piano pendant ses cours) et en tombe profondément amoureuse. Cependant, elle ne sait presque rien de cet homme, Gregory.
Après une romance de deux semaines, Paula accepte de l’épouser et se laisse rapidement convaincre de retourner vivre dans la maison de sa tante à Londres, laissée à l’abandon pendant toutes ces années. Dès qu’elle y pénètre, le souvenir de la nuit du meurtre la hante à nouveau et elle est prise de panique et de peur. Gregory tente de la calmer et lui dit que la maison a besoin d’un peu d’air et de soleil. Paula tombe alors sur une lettre adressée à sa tante par un certain Sergis Bauer, lettre qui confirme qu’il était en contact avec Alice quelques jours avant son meurtre. À cette découverte, Gregory devient étrangement agité et s’empare de la lettre. Il tente rapidement de justifier sa colère en attribuant à la lettre la responsabilité de ce qui a bouleversé Paula. Gregory décide alors d’enfermer toutes les affaires de la tante de Paula dans le grenier, pour apparemment lui épargner toute angoisse supplémentaire.
C’est à ce moment-là que Gregory commence à changer radicalement de comportement. Toujours sous le prétexte du « bien de Paula », tout ce qui est considéré comme une source de « contrariété » pour elle doit lui être soustrait. Et ainsi, rapidement, la maison se transforme en une forme de prison. On dit à Paula qu’il vaut mieux qu’elle ne sorte pas de la maison sans être accompagnée, qu’elle ne reçoive pas de visite et que l’auto-isolement est le meilleur remède à ses « angoisses » qui s’aggravent. Au début, Paula n’est jamais soumise à une interdiction stricte, mais on lui dit plutôt qu’elle doit obéir à ces restrictions pour son propre bien.
Avant une promenade, il lui fait cadeau d’une magnifique broche qui appartenait à sa mère. Comme le fermoir doit être remplacé, il demande à Paula de la garder dans son sac à main, et dit ensuite, plutôt hors contexte : « N’oublie pas où tu l’as mise, Paula, je ne veux pas que tu la perdes. » Paula se dit en elle-même que l’avertissement est absurde, « Bien sûr que je n’oublierai pas ! ». Lorsqu’ils reviennent de leur promenade, Gregory demande la broche, Paula cherche dans son sac à main mais elle n’y est pas.
Le scénario se poursuit ainsi, Gregory multipliant les avertissements et les rappels, apparemment pour aider Paula à surmonter ses « oublis » et ses « angoisses ». Paula commence à douter de son propre jugement et de sa santé mentale, car ces événements deviennent de plus en plus fréquents. Elle n’a personne d’autre à qui parler que Gregory, qui est le seul témoin de ces incidents apparents. On en arrive à un point où Gregory attribue à Paula un comportement complètement absurde. Un soir, on découvre qu’un tableau a disparu d’un mur. Gregory parle à Paula comme si elle était une enfant de cinq ans et lui demande de le remettre en place. Paula insiste sur le fait qu’elle ne sait pas qui l’a enlevé. Après avoir insisté avec passion sur le fait que ce n’était pas elle, elle monte les escaliers comme si elle était dans un rêve et sort le tableau de derrière une statue. Gregory demande pourquoi elle a menti, mais Paula insiste sur le fait qu’elle n’a pensé à regarder là que parce que c’est à cet endroit qu’il a été retrouvé les deux dernières fois que cela s’est produit.
Depuis des semaines, Paula pense qu’elle voit des choses, les lampes à gaz de la maison s’éteignent sans raison [ce qui a donné au film son titre : Gaslight – NdT], elle entend aussi des bruits de pas au-dessus de sa chambre. Personne d’autre ne semble s’en apercevoir. Gregory raconte également à Paula qu’il a découvert que sa mère, décédée alors qu’elle était très jeune, était en fait devenue folle et était morte dans un asile.
Bien que Paula soit réduite à un état de stupeur permanent, elle décide un soir de faire front et de reprendre le contrôle de sa vie. Paula est invitée, par l’une des amies proches de sa tante Alice, Lady Dalroy, à assister à une soirée mondaine organisée pour un concert musical. Rappelons qu’avant sa rencontre avec Gregory, la vie de Paula gravitait autour de la musique. La musique était sa vie. Paula se pare de vêtements somptueux pour la soirée et, en sortant, dit à Gregory qu’elle se rend à cet événement. Gregory tente de la convaincre qu’elle est trop fragile pour assister à une réception aussi mondaine. Lorsque Paula insiste calmement sur le fait qu’elle ira et que cette femme qui l’a invitée est une amie chère à sa tante, Gregory lui répond qu’il refuse de l’accompagner (à l’époque, c’était un gros problème). Paula se range à cet avis et marche avec une solide dignité, sans se décourager, vers la calèche. Dans une scène très révélatrice, Gregory est laissé momentanément seul et, pris de panique, les yeux exorbités, il referme son étui à cigares et court après Paula. Il l’interpelle en riant : « Paula, tu n’as pas cru que j’étais sérieux ? Je ne savais pas que cette réception était si importante pour toi. Attends, je vais me préparer. » Alors qu’il se prépare devant le miroir, un sourire diabolique apparaît.
Paula et Gregory arrivent en retard chez Lady Dalroy, le pianiste est au milieu du 1er mouvement de la Sonate pour piano n°8 en do mineur de Beethoven. Ils sont rapidement escortés vers deux sièges vides. Paula est immédiatement captivée par la musique et Gregory se rend compte qu’il perd le contrôle. Après seulement quelques minutes, il regarde sa montre à gousset mais elle n’est pas dans sa poche. Il chuchote à l’oreille de Paula : « Ma montre a disparu ». Immédiatement, Paula a l’impression qu’elle va être malade. Gregory prend son sac à main et Paula le regarde avec horreur en sortir sa montre à gousset, insinuant que Paula l’avait mise là. Aussitôt, elle perd le contrôle et craque en public. Gregory l’emmène, tout en faisant remarquer à Lady Dalroy que c’est pour cette raison qu’il ne voulait pas que Paula vienne.
Lorsqu’ils arrivent chez eux, Paula a maintenant complètement succombé à l’idée qu’elle est effectivement frappée de folie. Gregory déclare qu’il serait préférable qu’ils partent quelque part pour une période indéterminée. Nous apprendrons plus tard que Gregory a l’intention de la faire interner dans un asile. Paula accepte de quitter Londres avec Gregory et remet entièrement son destin entre ses mains.
Dans le cas de Paula, les choses sont claires. Elle soupçonne que Gregory a quelque chose à voir avec sa « situation », mais il a très habilement créé un environnement dans lequel Paula elle-même doute que cette situation puisse relever d’une méchanceté insondable ou découler du fait qu’elle devient effectivement folle.
C’est plutôt parce qu’elle n’est pas folle qu’elle doute d’elle-même, car aucune raison ne semble pouvoir expliquer pourquoi Gregory consacrerait autant de temps et d’énergie à faire croire qu’elle est folle, du moins en apparence. Mais qu’en est-il si l’objectif consistant à lui faire croire à sa folie était simplement une question de contrôle ?
Dans cette lutte pour le pouvoir, Paula a presque réussi à prendre le dessus le soir où elle a décidé de sortir seule, même si Gregory a insisté pour lui conseiller de ne pas le faire et qu’ c’était pour son bien. Si elle avait tenu bon chez Lady Dalroy et avait simplement répondu : « Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle votre stupide montre s’est retrouvée dans mon sac à main et je m’en désintéresse complètement. Maintenant arrêtez d’interrompre ce concert, vous vous donnez en spectacle ! » Elle aurait pu rompre l’emprise de Gregory aussi simplement que cela. S’il avait dû se plaindre de la situation auprès d’autres personnes, celles-ci auraient pu aussi lui rétorquer : « Qui s’en soucie cher Monsieur, pourquoi êtes-vous à ce point obnubilé par votre stupide montre ? ».
Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation très similaire à celle de Paula. Et la voix de Gregory est incarnée par les discours médiatico-politiques mensongers et la programmation socio-comportementale apocalyptique contenue dans différents types de divertissement. Des choses auxquelles la plupart des gens se soumettent volontairement tous les jours, voire toutes les heures, ce qui les conditionnent socialement, comme une meute de chiens pavloviens salivants, à penser que la fin du monde est proche et qu’au premier coup de cloche de leur maître… ils se boufferont les uns les autres.
Paula est finalement sauvée par un homme du nom de Joseph Cotten (un détective), qui a remarqué et rapidement discerné que quelque chose n’allait pas. Gregory est finalement arrêté. Il est révélé que Gregory est en fait Sergis Bauer. Qu’il a tué Alice Alquist et qu’il est revenu sur les lieux du crime après toutes ces années à la recherche des fameux bijoux de la chanteuse d’opéra. Les bijoux étaient en fait sans valeur, car ils étaient trop célèbres pour être vendus, mais Gregory n’a jamais eu l’intention de les vendre, il était plutôt obsédé par le simple désir de les posséder.
En d’autres termes, celui qui pendant tout ce temps était complètement fou, c’était Gregory.
Une personne du type de Gregory est extrêmement dangereuse. Si rien n’avait entravé son chemin, il aurait eu raison de Paula. Cependant, le pouvoir qu’il détenait n’existait que parce que Paula le laissait la contrôler. La désintégration extrême de Paula dépendait donc entièrement de son propre choix de permettre à la voix de Gregory de l’atteindre. En d’autres termes, un Gregory n’est dangereux que si nous nous soumettons au cauchemar qu’il a construit pour nous.
« Quand j’utilise un mot », dit Humpty Dumpty d’un ton plutôt méprisant, « il signifie exactement ce que je choisis qu’il signifie — ni plus ni moins. »
Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir
« La question est », dit Alice, « de savoir si l’on peut faire en sorte que les mots signifient tant de choses différentes. »
« La question est », dit Humpty Dumpty, « de savoir qui est le maître — c’est tout. »
Source de l’article initialement publié en anglais le 8 août 2021 : The Saker Blog
Traduction : Sott.net
Note
⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.
- [1] L’Index Librorum Prohibitorum était une liste de livres interdits, jugés dangereux pour la foi et la morale des catholiques romains, dont beaucoup étaient de manière suspecte des ouvrages humanistes platoniciens. Parmi les œuvres interdites figurent celles de Dante, d’Érasme et tous les livres de Machiavel. Pour en savoir plus, consultez mon article sur ce sujet.[↩]