31/01/2022 (2022-01-31)
[Source : regischamagne.fr]
Par Régis Chamagne
Le fait que ce soit Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères, et non le ministre de l’économie et des finances, qui ait annoncé la dédollarisation de l’économie russe est le signe qu’il ne s’agit pas d’une simple mesure de technique financière, mais bien d’une action qui relève de la stratégie intégrale d’État.
Stratégie intégrale d’État
Cette idée vient du général Poirier, qui présente la notion de stratégie intégrale d’État comme la
« théorie et pratique de l’ensemble des forces de toute nature, actuelles et potentielles, résultant de l’activité nationale, elle a pour but d’accomplir l’ensemble des fins définies par la politique générale. Elle associe les résultats des trois stratégies économique, culturelle et militaire dans une unité de pensée et d’action qui combine et leurs buts et leurs voies et moyens. »
La dédollarisation de l’économie russe, annoncée par le ministre des affaires étrangères, relève donc bien du volet économique d’une stratégie intégrale d’État.
Comme à son habitude, les déclaration récentes de Sergueï Lavrov, teintées d’humour, suggèrent plus qu’elles ne disent réellement :
« Nous nous efforçons de réduire notre dépendance au dollar, et les Américains nous y aident activement, car ils font presque tout leur possible pour saper la confiance dans cette devise, la rendre risquée pour les paiements internationaux non seulement pour la Russie, mais pour n’importe quel pays du monde. »
Dans un langage diplomatique cela signifie que le dollar n’est pas une monnaie fiable, autrement dit, que c’est une monnaie de singe, comme l’avait suggéré le général de Gaulle en son temps.
Il est utile de mettre tout cela en perspective avec le récent rapprochement entre la Russie et la Chine, à un niveau jamais atteint en matière diplomatique. Concrètement, cela signifie que Sergueï Lavrov a probablement parlé au nom des deux pays. Autrement dit, il annonce la sortie de la Russie et de la Chine du système financier dominé par le dollar. Il reste à mettre tout cela en musique.
Le coup d’après
Ce sera très probablement la sortie coordonnée de la Russie et de la Chine du système SWIFT, le système d’échange interbancaire contrôlé par les États-Unis. Les Russes et les Chinois ont développé chacun leur propre système d’échange interbancaire depuis plusieurs années. Ils en sont au stade où ils rendent ces systèmes compatibles, voire les fusionnent en un seul. Si l’on considère que Vladimir Poutine avait anticipé les réactions possibles de ses « partenaires » occidentaux avant de lancer sa proposition de nouvelles règles de sécurité mondiales, on peut penser que le système russo-chinois alternatif à SWIFT est déjà opérationnel.
Tandis qu’aujourd’hui, les psychopathes bellicistes de Washington en sont à menacer d’exclure la Russie de SWIFT, à contretemps de la flèche de l’Histoire, ce sont en fait les Russes, et les Chinois qui vont tirer leurs révérences. Quelle analyse pitoyable des « élites » américaines qui continuent à vivre dans un monde de fantasmes devenu obsolète.
Demain, quiconque voudra avoir des échanges économiques avec ces deux pays, et d’autres tels que l’Iran, devra utiliser le système d’échange interbancaire sino-russe. Ce sera l’effondrement de la monnaie de singe couleur verte.
Autres mesures
Vladimir Poutine avait annoncé des mesures technico-militaires. Or on apprend qu’il s’est entretenu récemment au téléphone avec les chefs d’État cubain et vénézuélien. Cela annoncerait-il le déploiement de missiles hypersoniques russes dans ces deux pays, basés au sol ou tout simplement portés par des bâtiments de la marine qui pourraient disposer des infrastructures portuaires de ces deux pays ? De nombreux observateurs le pensent et annoncent une deuxième crise des missiles à Cuba. Mais cette-fois-ci, les données ne sont pas les mêmes qu’en 1962. La Russie possède aujourd’hui un avantage technologique sur le plan militaire qu’elle n’avait pas en 1962.
Parallèlement, on observe que Vladimir Poutine est de moins en moins conciliant à l’égard d’Israël. Les patrouilles récentes russo-syriennes d’avions de chasse au-dessus de plateau du Golan en sont la démonstration. On s’achemine doucement mais sûrement vers une « solution » russe au Proche-Orient, qui verra certainement un rééquilibrage des puissances et probablement un retour à la vraie diplomatie, faite de discussions et non de menaces.
Attendons de voir l’implémentation de la stratégie russe sur le plan technico-militaire et les réactions qu’elle suscitera de la part des dirigeants américains, en espérant qu’ils ne fassent pas passer le Docteur Folamour pour un gentil garçon.
À l’approche des Jeux Olympiques de Pékin, on peut s’attendre à un coup tordu des États-Unis et de leurs toutous, pendant une période traditionnellement dédiée à une trêve dans les relations internationales. Ils ont déjà fait le coup en 2014.
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