Résidence fermée

[Source : nice-provence.info]

Par Michel Lebon

Les Français se barricadent. Quand les frontières tombent et ne protègent plus, quand la police baisse les bras, les habitants se confinent entre des murs d’enceinte. Le Vivre-Ensemble est une chimère.

Témoignage de Gersende B.

Tous les matins, je vais faire une heure de marche sportive pour démarrer la journée. En ce moment, je suis à Uzès, encore pour quelques jours et en faisant mon grand tour matinal de la ville, bien en dehors du centre historique, j’ai remarqué la prolifération de « gated communities »(([1]Cette expression nous vient d’Outre-Atlantique où ce mode d’habitat est très répandu.« Gated communities» est souvent traduit par quartier résidentiel fermé. Une résidence fermée se présente sous la forme d’un regroupement de demeures, entouré par un mur ou un grillage et disposant d’équipements de protection — vidéosurveillance, gardiennage — qui l’isolent du tissu urbain environnant. Notre illustration à la une est la maquette d’un projet immobilier Kaufman&Broad à Six-Fours-les-Plages.)). J’en ai dénombré une bonne dizaine, ce qui est beaucoup pour une petite ville de 8 000 habitants. Et il y en a encore au moins deux autres en projet.
Je m’interroge.

Pourquoi aller s’enfermer dans ce genre de complexes quand l’insécurité ne le justifie absolument pas. Uzès est très tranquille. Ce ne sont pas les très riches qui vont se cloîtrer là-dedans, ils ont des grandes propriétés dissimulées dans des parcs de plusieurs hectares ou des hôtels particuliers dans le centre historique. C’est plutôt la classe moyenne supérieure qui prise ce genre de prison choisie, calquée sur le modèle de la banlieue proprette à l’américaine. Je parle de prison parce que tu ne peux pas y inviter qui tu veux à l’improviste, tes enfants n’ont pas le droit d’y jouer dehors parce que ce sont des nuisances sonores, tu ne peux même pas repeindre tes volets de la couleur que tu veux ou planter un arbuste dans ton jardin car contraire au règlement intérieur. On me dit que les « gated communities » prolifèrent aussi sur la Côte d’Azur(([2] La ville de Marseille est pionnière en la matière. En 2015 elle comptait déjà 1 500 résidences fermées.)) ou dans le Luberon voisin.

On assiste donc aussi dans les petites villes et les villages à la même sécession de la bourgeoisie aisée que l’on observe déjà dans les grands centres urbains, où la bourgeoisie s’accapare les centres-ville en reléguant les pauvres et les petites classes moyennes en voie de paupérisation accélérée de plus en plus loin. Phénomène qui va s’aggraver en ville avec les mesures climatiques prévues d’interdiction des voitures et la déshérence des transports en commun.

On avance de plus en plus vers une dystopie cyberpunk avec des ghettos riches ultra sécurisés à coup de drones, de caméras, voire de passes biométriques (le dispositif de sécurité des JO à Paris en sera l’expérimentation avant sa généralisation à tous les grands centres urbains), isolés de marges de plus en plus paupérisées, où l’on survivra de petits trafics et de débrouille, avec des écoles de merde et des hôpitaux en ruine et où de temps en temps, on enverra la police réprimer très durement des émeutes de la faim…

Les résidences fermées fleurissent en France, comme dans le reste de ce monde que la « mondialisation heureuse » ne protège pas.

Déjà en 2007, la résistance s’organisait

Les copropriétés qui ne peuvent pas de transformer en Résidence fermée, se dotent de portails avec digicode et caméras de contrôle.

Gated communities aux États-Unis, condominio au Brésil. Même en Chine pour les plus riches des communistes… C’est une tendance générale mondiale et la France est juste en retard sur ce phénomène général de repli communautaire. Mais grâce à Macron, nous rattrapons notre retard.

De « belles » images sont visibles sur le site de National Geographic.

Beaucoup de films d’anticipation traitent de ce sujet : une communauté d’ultra riches qui vivent en vase clos. Tout autour, c’est un bidonville géant. Postes de cerbères, vigiles à berger allemand, barrières, murs d’enceinte surveillés par vidéo. Les miradors se font discrets, mais ils sont souvent là. Il ne manque qu’un no man’s land avec mines et pièges à loups. À l’intérieur : club house, tennis, piscine, golf, aire de jeux, souvent une supérette, un cabinet médical, un kiosque, un héliport pour les plus belles résidences. Tout pour vivre entre soi en autarcie.

À chaque fois qu’on nous serine avec le « Vivre-Ensemble », une nouvelle résidence fermée sort de terre.

Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés.