18/05/2021 (2021-05-18)
[Source : Le courrier des stratèges (lecourrierdesstrateges.fr)]
Par Éric Verhaeghe
[Texte de l’illustration en français : « Fermé pour cause de Covid-19 »]
Le texte sur le pass sanitaire continue sa navette parlementaire, et devrait être discuté en urgence au Sénat aujourd’hui, après y avoir été débattu en commission des lois. Les sénateurs ont apporté de nouvelles précisions et de nouvelles restrictions à un texte qui ne devrait pas avoir d’effet au-delà de l’été. On s’en réjouira : il est désormais écrit noir sur blanc que le pass sanitaire ne peut être utilisé que dans des lieux très particuliers, et qu’il disparaît le 30 septembre au plus tard. Cette somme de restrictions pose la question de son intérêt à être mis en œuvre pour quelques semaines seulement .
Le pass sanitaire s’est à nouveau trouvé au cœur des discussions de la commission des lois au Sénat, et devrait encore y être discuté en séance publique aujourd’hui. Dominé par l’opposition, le Sénat a pris l’initiative de restreindre encore le champ d’application du texte pour en limiter les effets liberticides.
Le pass sanitaire encore raboté
Comme l’indique la Commission des lois, le pass sanitaire a fait l’objet de nouveaux aménagements de la part du Sénat, qui a eu le mérite de poser clairement le principe de limitation dans le temps de ce pass. Jusqu’ici, cette idée se déduisait du texte, mais n’y figurait pas clairement. À la Commission des lois revient le mérite d’avoir mentionné sans ambiguïté que le pass sanitaire ne serait en vigueur que jusqu’au 30 septembre.
Par ailleurs, la commission des lois apporte de nouvelles limites à l’exercice :
elle a décidé :
– que le « passe sanitaire » ne pourrait être mis en œuvre que dans les lieux qui, en raison
de leur configuration ou de la nature des activités qu’ils accueillent, ne permettent pas
d’assurer le respect des gestes barrières ;
– qu’il pourrait être présenté sous forme papier ou numérique ;
– que les informations médicales auxquelles auraient accès les personnes et services
autorisés à contrôler le « passe sanitaire » seraient restreintes et qu’il ne leur serait pas
possible de discriminer l’accès aux lieux, établissements ou évènements concernés en
fonction du type de preuve présentée (vaccin, test négatif ou certificat de rétablissement),
ni de conserver les documents présentés par les personnes ;
– qu’un décret déterminerait notamment, après avis du conseil scientifique Covid-19, les
éléments permettant d’établir les différents types de preuve et, après avis de la Commission
nationale de l’informatique et des libertés, les personnes et services autorisés à contrôler
les documents.
Au vu de ces limites et complications, autant dire que le pass sanitaire est mort. Bien entendu, il sera toujours possible au gouvernement de demander une relecture par l’Assemblée Nationale pour gommer ces nouvelles difficultés, dans l’hypothèse où celles-ci ne seraient pas éliminées en commission mixte paritaire (mais on voit mal pourquoi les sénateurs accepteraient de défaire ce qu’ils viennent de faire). Mais il n’en reste pas moins que les ambitions du gouvernement viennent de prendre un sacré coup.
Le pass sanitaire verra-t-il le jour ?
Dans ces conditions, qui donc s’embêtera à mettre en œuvre un dispositif compliqué et réduit à quelques événements sporadiques ? On sait déjà que les musées et les services publics, ainsi que les grands magasins, seront exemptés de pass. Désormais, celui-ci n’est plus exigible que pour les événements comportant des activités incompatibles avec les gestes barrières, ou dans des lieux qui rendent ceux-ci impossibles.
En outre, le pass ne mentionnera pas la nature des éléments médicaux (vaccin ou test) présentés par les personnes.
Autant dire que le contrôle sera purement de façade et que le public n’ajoutera guère de confiance à un document qui mettra sur le même pied un vaccin et un test PCR négatif, pratiqué plusieurs jours avant. On peut donc parier sur l’échec final du dispositif et sur le renoncement assez spontané à investir dans des contrôles impopulaires cet été.
On retrouve ici un bon vieux procédé français, qui consiste à vider de son sens une règle que le gouvernement veut imposer contre la volonté générale.
Le Sénat fustige le projet liberticide du gouvernement
Le Sénat n’a pas manqué de panache en pointant explicitement du doigt l’aberration d’un texte de sortie de crise, qui cherche à inscrire dans le droit commun des dispositions propres à la crise. Avec une vraie ténacité, les sénateurs regrettent qu’Emmanuel Macron cherche à autoriser des violations de liberté en temps normal, alors que celles-ci ne sont possibles qu’en situation d’urgence.
La commission des lois s’est efforcée de sortir de cette confusion en appliquant une ligne
claire dont le Gouvernement n’aurait pas dû s’écarter : la sortie de l’état d’urgence doit
permettre d’apporter des restrictions aux libertés mais pas de poser des interdits
généraux ; s’il faut aller au-delà en posant des interdits généraux, le Gouvernement devra,
sous le contrôle du Parlement, rétablir l’état d’urgence.
En particulier, le Sénat considère que le couvre-feu est incompatible avec un retour à la normale et invite donc le gouvernement à maintenir l’état d’urgence jusqu’au 30 juin.
Ce discours de liberté est une vraie bouffée d’oxygène dans un pays où il est devenu si rare, et taxé de tant de complotisme.
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