Le wokisme est un marxisme

21/04/2023 (2023-04-21)

[Source : quebecnouvelles.info]

Par Ophélien Champlain

L’idéologie qu’on appelle désormais communément le wokisme porte plusieurs autres noms, dont l’intersectionnalité et le terme « marxisme culturel », qui ne fait pas l’unanimité. L’appellation est d’une part rejetée par les partisans d’une gauche dure strictement économique qui désavoue le combat sociétal du wokisme tout en restant accrochée à la doctrine de Marx, et d’autre part, par les institutions qui soutiennent le wokisme. Bien qu’on puisse parfois apercevoir des militants wokes agiter des drapeaux rouges dans leurs manifestations, le mot « marxisme » n’est pas un choix judicieux si le but est de vendre une idéologie à la population générale.

Sur Wikipédia, la notion de marxisme culturel est présentée comme une théorie du complot propagée dans les milieux conservateurs et d’extrême droite. Comme quoi, bien qu’on puisse se fier à « l’encyclopédie libre » pour obtenir des informations objectives telles que la superficie d’un pays, on arrive en territoire biaisé comparable au département des sciences sociales de l’UQAM [NDLR Université du Québec à Montréal] quand il est question de sujets politiques.

N’en déplaise aux idéologues qui gèrent Wikipédia, le wokisme s’inscrit parfaitement dans la famille marxiste. Selon Marx, l’économie capitaliste permettait à la classe de l’élite bourgeoise de profiter exclusivement de privilèges et d’une forme spéciale de propriété tout en excluant, réprimant et opprimant le peuple. Pour transformer la société de manière à atteindre l’équité, il fallait éveiller le prolétariat, agent historique du changement, afin de l’amener à faire une révolution anticapitaliste.

Un siècle plus tard, Mao Zedong a adapté les théories de Marx et de Lénine à la situation politique et économique de la Chine. Sur le drapeau chinois, les quatre étoiles jaunes gravitant autour de la plus grande représentent les quatre classes qui devaient s’unir pour destituer la classe aristocratique au pouvoir et permettre d’instaurer la « Nouvelle Démocratie » de Mao Zedong : le prolétariat ouvrier, la paysannerie, la petite bourgeoisie [les commerçants] et les capitalistes patriotes.

Selon l’auteur américain James A. Lindsay, si le maoïsme est le marxisme-léninisme adapté aux caractéristiques chinoises, le wokisme est un maoïsme adapté aux caractéristiques américaines. Même principe, sauf que les classes en cause diffèrent.

Lindsay explique qu’en remplaçant le mot classe par race : on obtient la théorie critique de la race, qui est épicentrale au wokisme. Il cite l’article « Whiteness as Property » [« La blancheur en tant que propriété »] de la professeure Cheryl Harris, dans lequel elle soutient que la blancheur fonctionne comme une forme de propriété profondément ancrée dans la société américaine et les institutions juridiques, et que ce statut de propriété est une source clé d’inégalité raciale.

Une fois transposé, le privilège économique de la classe aristocratique devient essentiellement le privilège blanc, mais aussi masculin, hétérosexuel et d’héritage chrétien. Les classes sommées de s’unir contre la classe dite opprimante sont les personnes de couleur, les femmes, les LGBTQ+ et toutes celles qui bénéficient de points d’intersection selon le barème du féminisme intersectionnel. Le wokisme est empreint de la notion de privilège : il vise à atteindre l’équité sociale par la destruction de ceux-ci.

La participation de la classe ouvrière n’est plus sollicitée dans le nouveau combat révolutionnaire autre qu’à titre folklorique [pourquoi s’en priver si on peut gonfler les rangs], mais à la stricte condition de souscrire à la nouvelle religion woke.

À partir du moment où le wokisme fait de l’idéologie du genre LGBTQ+ un fer de lance [avec ses concepts abstraits tels que la non-binarité et la fluidité], il échappe au rationalisme et s’inscrit dans la colonne des croyances. Il en vient à s’apparenter au religieux dans la mesure où la notion d’identité de genre évoque une conception de l’âme. Il n’existe pas de preuves empiriques de l’existence de l’âme en tant qu’entité distincte du corps physique. Idem pour l’identité de genre.

Il faut noter que le marxisme porte également un caractère religieux. C’est pourquoi il ne coexiste pas avec les croyances religieuses [classiques], qui sont considérées comme un obstacle au développement de la société socialiste. L’État communiste est officiellement athée [ex-URSS, Chine, Cuba, Corée du Nord, Vietnam]. Tandis que l’athéisme a été promu comme un élément clé de la culture révolutionnaire communiste, il l’a aussi été dans la culture progressiste.

Les classes progressistes qui se sont éloignées du christianisme sont ainsi les plus enclines à tomber en proie au wokisme, ce qui est particulièrement évident dans le contexte étatsunien. Il fallait s’attendre à ce qu’une quelconque croyance spirituelle parareligieuse, philosophie politique ou mélange des deux vienne combler le vide laissé par la répudiation de la religion de souche. Inversement, la droite religieuse est la frange qui résiste le plus solidement.

Devenu protégé du corporatisme, le wokisme peut donner l’impression d’être diamétralement opposé au marxisme. Pourtant, pas tant que ça : il demeure porteur d’un combat de classes révolutionnaire pour atteindre l’équité, sauf que celles-ci ne sont plus déterminées en fonction du pouvoir économique. Le grand patronat, autrefois adversaire désigné de la lutte marxiste-léniniste, chaperonne désormais le combat marxiste-culturel woke à coups de notations ESG, qu’il utilise comme outil pour atteindre l’objectif du citoyen global déraciné soumis aux 17 objectifs de développement durable : un autre idéal utopique et centralisateur qui ne peut être atteint que par voie d’autoritarisme.

Ainsi, le wokisme n’en demeure pas moins un marxisme. La guerre culturelle menée en son nom porte un potentiel de violence et risque de déboucher sur pareil autoritarisme. Le globalisme corporatiste n’est que le capitalisme d’État à la chinoise élargi au monde entier.

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