09/04/2023 (2023-04-09)
[Source : alternatif-bien-etre.com]
Par Rodolphe Bacquet
Chers amis,
Ce qui se passe depuis plusieurs mois autour de l’eau m’inquiète.
Je ne vous parle pas de la sécheresse que nous avons vécue l’été et l’hiver derniers, mais plutôt de ce à quoi cette sécheresse sert de prétexte : la confiscation de l’eau.
Et, pire que cela, sa privatisation et sa transformation en objet de spéculation boursière, au même titre que des matières premières comme l’or ou le pétrole.
Nous sommes, depuis plusieurs mois et en ce moment même, en train de rentrer dans cette logique très grave de transformation d’un bien commun, indispensable à la vie, en un objet coté en bourse.
Ces derniers jours, les évènements autour de la mégabassine de Sainte-Soline et les annonces d’Emmanuel Macron au sujet d’un futur « éco-watt » de l’eau pour en restreindre la consommation donnent corps à ce changement très préoccupant.
Je vais y revenir plus en détail dans un instant, mais avant j’aimerais rappeler le caractère absolument essentiel de l’eau pour notre santé.
Les premiers problèmes de santé commencent dès 1 % d’eau en moins
Nous sommes faits d’eau. Une mauvaise hydratation a des conséquences bien plus sévères que la seule sensation d’une bouche pâteuse et d’une gorge sèche.
Il suffit d’une perte d’eau d’1 % à peine pour que votre corps ne puisse plus réguler sa température correctement, que votre endurance à l’effort s’amenuise et que vous vous sentiez plus fatigué [1].
Le cerveau, qui contient 76 % d’eau, se ratatine littéralement s’il manque d’eau. Une perte de 2 % d’eau suffit à altérer l’humeur, la mémoire et la vigilance. Si cette faible déshydratation se prolonge, les principales fonctions cognitives peuvent être durablement perturbées [2].
Les premiers signes d’une déshydratation se logent à peu près à tous les étages de votre organisme :
- Vous avez les yeux secs ;
- La voix enrouée, ou cassée ;
- À plus long terme, votre peau se durcit, les rides apparaissent plus vite, ainsi que des taches cutanées ;
- Votre transit intestinal se ralentit, et vous souffrez régulièrement de constipation ;
- Vous accumulez les toxines dans les reins et la vessie, qui n’ont plus assez de liquide pour les évacuer ;
- Vous êtes plus sujet à la fièvre (à cause du rôle de l’eau dans la fonction métabolique de thermorégulation) ;
- Etc.
L’accès à l’eau potable est donc non seulement un droit fondamental, mais une nécessité sanitaire absolue.
En France, comme dans la plupart des autres pays de l’OCDE, cette nécessité semble, sans jeu de mots, couler de source. Contrairement à plusieurs autres pays moins bien lotis, l’eau n’a pratiquement jamais cessé de couler du robinet.
C’est plutôt le contenu de cette eau qui devient très préoccupant, et qui depuis plusieurs décennies préfigure la confiscation de l’eau à laquelle nous arrivons peu à peu.
De moins en moins d’eau… de plus en plus contaminée
En France, la potabilité de l’eau répond à des normes précises : 63 critères exactement, qui fixent les seuils de valeurs à ne pas dépasser concernant le chlore, les nitrates, l’arsenic, le cyanure, le mercure, etc., etc.
Mais il y a deux problèmes avec ces normes.
Le premier, c’est que ces seuils sont insuffisants : le chlore à lui seul a déjà été démontré comme dangereux aux seuils officiellement admis en France, augmentant les risques de fausse couche chez la femme enceinte, et de cancers de la vessie ou du côlon dans la population générale [3].
Le second problème, c’est que dépasser ces seuils… n’empêche pas l’eau d’être distribuée. Il suffit à la commune de demander une dérogation. Il y a dix ans, en France, 400 communes disposaient d’une telle dérogation [4] (dont un tiers en seule Seine-et-Marne).
Je n’ai pas trouvé les chiffres des dérogations pour 2023. Mais je peux déjà vous livrer une information sûre et certaine, et qui n’a rien d’un scoop : l’eau potable, en France, est aujourd’hui encore plus polluée qu’il y a dix ans.
Ce jeudi 6 avril, l’ANSES a publié un rapport démontrant que la proportion de contamination de l’eau potable a atteint dans notre pays des proportions inouïes, en particulier celle des eaux souterraines et de surface provoquée par un produit de dégradation d’un pesticide utilisé en France entre 1970 et 2019, le chlorothalonil R471811 [5].
Ce métabolite (issu de la dégradation du pesticide après usage) est classé parmi les substances cancérigènes.
L’ensemble du bassin parisien, capitale comprise, recevrait une eau 4 à 5 fois plus concentrée en résidus de chlorothalonil que les seuils tolérés.
Toujours d’après l’ANSES, ce serait aujourd’hui au moins 34 % de l’eau potable distribuée en France métropolitaine qui serait non-conforme aux réglementations sanitaires ; et d’après le journal Le Monde, qui a interrogé un opérateur d’eau public, ce serait en réalité plus de la moitié de la population française qui serait concernée [6].
Même les eaux en bouteille, comme celle d’Evian, ne seraient pas épargnées !
Ne comptez pas sur les politiques au pouvoir pour vous défendre
Une fois ce constat hallucinant effectué, on pourrait espérer que les pouvoirs publics se saisissent du problème et décident de réduire drastiquement les sources de contamination par des substances cancérigènes, et rétablissent des seuils de potabilité corrects.
D’une, c’est (hélas) très difficile.
Et de deux… la volonté de dépolluer l’eau, au plus haut niveau de l’État, est absente.
Il y a à cela une raison désespérément limpide : l’argent des lobbys.
On voit, avec le chlorothalonil, comment cinquante années d’utilisation ininterrompue d’un pesticide ont irrémédiablement dégradé, en surface (l’eau des rivières, des fleuves) comme sous terre (les nappes phréatiques), les eaux.
Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il faudrait a minima réduire voire interdire les pesticides dont le caractère polluant et dangereux pour la santé est avéré.
C’est exactement l’inverse qui se produit.
Notre ministre de l’agriculture actuel, Marc Fesneau, est actuellement engagé dans une croisade… pour contrecarrer l’interdiction du S-Métolachlore, substance active d’un herbicide utilisé pour désherber, notamment les champs de maïs, de soja ou de tournesols [7].
Là encore, c’est la dégradation de ce produit, une fois usagé, qui pollue l’eau de notre pays.
Aussi l’ANSES a-t-elle demandé l’interdiction de cet herbicide au nom de la santé des Français… mais le ministre de l’agriculture lui-même défend son usage pour, officiellement, que les produits issus de l’agriculture française restent compétitifs !
L’eau est-elle une matière première comme les autres ?
La même logique est à l’œuvre avec l’ahurissante affaire des mégabassines.
Je le rappelle, le principe des mégabassines consiste à puiser l’eau des nappes phréatiques où elle reste au frais, pour la stocker en surface… où elle peut donc s’évaporer.
Cette opération est donc non seulement absurde, mais illustre la gestion à venir de l’eau dans notre pays, placée sous le signe de l’appropriation et de la confiscation.
Au nom de quoi ?
Du profit, et seulement du profit. Cette opération d’extraction et de stockage de l’eau s’apparente à celle du pétrole : on considère que le produit appartient à celui qui fore, aspire et exploite l’eau en sous-sol, comme si c’était une matière première parmi d’autres.
Et au détriment de quoi ?
De la santé publique, puisque le niveau des nappes phréatiques, déjà anormalement abaissé par les sécheresses successives, va directement déterminer nos accès à l’eau potable dans les prochains mois.
Et c’est là que nous entrons dans une logique insidieuse, mais implacable.
Car ce stress hydrique pousse les pouvoirs publics, et M. Macron en tête, à prendre des mesures « préventives » en vue des pénuries d’eau à venir.
Or la démarche du pouvoir ne consiste pas à interdire ce phénomène de confiscation de l’eau à des fins mercantiles… mais à le renforcer.
L’entrée en Bourse de l’eau
Le Président de la République a annoncé les grands axes de son « plan eau », le 30 mars dernier.
Ce plan, qui consiste en 53 mesures, peut se consulter dans le dossier de presse réalisé par le gouvernement (et, je suppose, McKinsey ou quelque autre « cabinet de conseil »), disponible dans le lien en source [8].
Ce plan part d’un constat de bon sens — l’eau est précieuse — et d’une bonne intention — économisons-la.
Mais certaines mesures interpellent, notamment la n° 50 :
« Un outil simple d’accès et d’utilisation sera déployé afin que chacun puisse connaître les restrictions qui s’appliquent en fonction de sa géolocalisation et de sa catégorie d’usager, et les éco-gestes recommandés au regard de la situation hydrologique locale. »
Le déploiement de cet « outil » est prévu pour l’été 2023 ; autrement dit demain. On l’appelle déjà l’« écowatt de l’eau » : il incite à faire des économies d’eau — O.K., très bien — mais reste flou quant à la vraie dimension contraignante de son emploi.
Je crains, pour ma part, que cet outil rejoigne le système de crédit social qui se met progressivement en place dans notre pays et dans la plupart des pays développés [9].
La surveillance et le contrôle de l’usage individuel de l’eau réunissent les critères pour nourrir le modèle social dont le pass vaccinal a été la première expérimentation : le conditionnement d’une existence sociale normale à de « bons comportements » dictés par le pouvoir.
Ces « bons comportements », dont la règle de conduite est en apparence déterminée par le bien commun, est en réalité dictée par la finance et une idéologie de marchandisation tous azimuts, où tout citoyen est puni ou récompensé selon son mode de consommation.
J’en veux pour preuve le changement discret, mais gravissime du statut de l’eau, qui entérine sa confiscation par les sphères financières privées, et son exploitation comme matière première.
Le 7 décembre 2020, l’eau est en effet entrée en bourse au Chicago Mercantile Exchange [10].
Pour le dire simplement : l’eau est devenue, officiellement, une valeur financière sur laquelle on peut spéculer et faire varier les prix selon le bon vouloir des places financières.
Concrètement, l’eau n’est plus seulement considérée comme une ressource à vendre et à acheter (ce qu’elle est depuis longtemps, puisque vous achetez votre eau en bouteille au supermarché), mais comme un « indice » dont on peut faire artificiellement varier la valeur.
Concrètement, ce système fait qu’il peut devenir plus rentable, pour un agriculteur, de vendre l’eau dont il dispose, que de s’en servir pour arroser ses cultures. C’est déjà ce qui se produit en Californie [11].
C’est insensé. L’usage et l’exploitation de l’eau deviennent ainsi un « marché » dont la valeur varie en fonction des circonstances : inutile de vous dire qu’en cas de sécheresse, le « prix de l’eau » va atteindre des sommets…
Ce sera une catastrophe pour 99,99 % de la population humaine, mais une opération financière juteuse pour les 0,01 % ayant des parts dans les sociétés intéressées.
Le rapporteur spécial pour l’ONU Pédro Arrojo-Agudo dénonçait, fin 2021, cette financiarisation de la ressource naturelle :
« Sous le prétexte originel d’être plus performants pour répondre à une période de sécheresse, les acteurs privés ont priorisé le marché au détriment des droits humains et de l’intérêt général. [12] »
Je ne saurais mieux dire.
Au lieu d’économiser l’eau, on spécule dessus
Résumons-nous : nous sommes face à un État qui,
- 1 — complice des géants de l’agroalimentaire, laisse l’eau, bien universel et essentiel à la vie, être irrémédiablement polluée par des substances dangereuses pour la santé ;
- 2 — est en train de préparer et d’organiser la confiscation à grande échelle de l’eau et sa gestion « rationnalisée » sur le modèle de n’importe quelle autre matière première non essentielle et cotée en bourse.
Cette financiarisation de l’eau fait complètement abstraction de son statut de ressource vitale.
Autrement dit, l’eau était déjà, depuis l’avènement de l’ère industrielle, une victime collatérale de la recherche effrénée de profit — par la pollution de l’eau douce, ou salée — et devient, par sa raréfaction même et le stress écologique qu’elle subit… une source de profit purement financier.
Je suis convaincu que nous devons nous battre, de toutes nos forces, contre cette dénaturation et cette confiscation de l’eau.
Nous arriverons bientôt pour de bon dans un monde où l’accès à une eau pure et potable, voire à l’eau tout court, sera un privilège accessible à ceux qui en auront les moyens… qu’ils auront acquis sur le dos de la planète, et de la population mondiale.
Si vous avez des idées ou des initiatives pour contrer cette perspective glaçante, merci de les partager en commentaire.
Portez-vous bien,
Rodolphe
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