Le Pen à Pravda.Ru : « J’ai toujours été hostile au communisme »

17/06/2024 (2024-06-17)

[Source : english.pravda.ru]

Jean-Marie Le Pen est le père de Marine Le Pen et le fondateur du Front National, le parti français qui prétend résister à l’application de la mondialisation et à son programme autoritaire. Il est connu dans le monde entier pour ses prises de position controversées contre l’immigration, le néolibéralisme et la construction européenne. En 2002, il a été présent au second tour des élections présidentielles françaises. Anticommuniste farouche par le passé, il est aujourd’hui favorable à un rapprochement avec la Russie, comme il l’explique à Nicolas Bonnal. Cette interview pour Pravda.Ru a également été préparée avec l’aide de l’historien et universitaire français Jean Centini.

Entretien préparé par Nicolas Bonnal

Premier point, les questions sur le FN et vous :

« M. Le Pen, quels étaient vos idéaux de jeunesse ? »

« Mes idéaux de jeunesse étaient imprégnés de patriotisme. Pendant la guerre, j’étais adolescent, et mon père est mort en France, lorsque son bateau a coulé après l’explosion d’une mine allemande. Je suis alors devenu un pupille de la nation. La formule par laquelle la nation conduisait mon adoption m’a beaucoup influencé et depuis ma jeunesse, j’ai été constamment mis au service de mon “parent adoptif” par mon engagement dans l’armée, d’abord en Indochine et surtout en Algérie. Une fois les guerres coloniales terminées, je n’ai cessé de faire de la politique pour défendre la France, en dénonçant les coups qui la frappaient et en apportant des mesures salvatrices, contre vents et marées ».

« Quelles sont les raisons de votre hostilité au communisme ? »

« J’ai toujours été hostile au communisme. J’ai été élevé dans la culture chrétienne catholique, et c’était son antithèse : la négation de la liberté et de la spiritualité. Il représente la voie de l’aliénation. Au-delà de son caractère utopique, il manipulait le profond désir de changement des travailleurs et entravait toute la société dans des prisons ouvertes. De plus, le Parti communiste français se faisait davantage l’écho des intérêts de l’URSS, alors “patrie du socialisme international”, que de ceux des travailleurs français et de la France en général. »

« Quelles menaces ont remplacé pour vous le communisme ? »

« Aujourd’hui, la menace communiste, effondrée depuis 20 ans, a été remplacée par une autre utopie mortifère : Le mondialisme, nouvelle idéologie internationaliste et matérialiste qui a pour seul but de maximiser les profits des grands capitalistes aux dépens des Nations et de leurs peuples.

Il y a aussi l’islamisme et ses martyrs. Toutes ces idéologies ont en commun de saper les fondements de la civilisation helléno-chrétienne et de lui en substituer une autre, qui n’est pas la nôtre. »

« Après la réélection d’Obama, que pensez-vous de la civilisation américaine et comment voyez-vous l’avenir de l’Occident ? »

« La réélection d’Obama n’ajoute ni ne retire rien à la “civilisation” américaine. Les États-Unis sont une puissance en déclin économique (malgré l’exploitation du gaz de schiste) et stratégique. Ils ne sont que le centre d’un Empire, et les tenants de cet “Empire” s’efforcent en vain d’en retarder l’effondrement. Sur le plan économique, ils continuent d’emprunter et la Réserve fédérale américaine est aussi actuellement la seule à acheter des bons du Trésor américain en créant plus de dollars, ce qui conduira inévitablement à l’effondrement du dollar. Sur le plan militaire, elle continue de chercher à saper la position des autres puissances régionales telles que la Russie. On voit aujourd’hui dans l’affrontement syrien que la Russie et la Chine défendent des conceptions de respect de l’autorité alors que les Américains et les Occidentaux soutiennent des insurrections extrémistes et dangereuses. Ces soulèvements ont porté l’islamisme au pouvoir en Tunisie, en Égypte et en Irak, entraînant l’anarchie et l’éclatement des ethnies. Si l’Occident continue d’accepter en son sein des millions d’immigrés musulmans et de soutenir les islamistes dans les pays arabo-musulmans, l’avenir de l’ensemble du bloc est sombre. C’est sa survie même qui est en jeu. »

Deuxième point, la situation du FN en France :

« Pouvez-vous expliquer l’isolement du FN ? Qu’est-ce qui explique que l’électorat français ne soutienne pas davantage votre mouvement ? »

« L’isolement du Front national est essentiellement le résultat de la propagande créée contre lui par la grande majorité de la presse française détenue par des groupes financiers, des politiciens et le système.

Contre tous les ensembles médiatico-politico-financiers, le Front national se retrouve à se battre seul, et pourtant, sa présidente, Marine Le Pen a recueilli près de 18 % des voix lors des dernières élections présidentielles. La description courageuse de la situation du pays, et les mesures salvatrices proposées par le Front National amèneront rapidement un grand nombre de Français à nous rejoindre. »

« Pourquoi n’avez-vous pas soutenu le président Sarkozy au second tour ? »

« Nicolas Sarkozy a tenu des discours proches de ceux du Front National, avec un certain succès en 2007. Mais la politique qu’il a réellement menée pendant les cinq années de sa présidence a été radicalement différente. Il a affiché une volonté de limiter l’immigration : or elle n’a jamais été aussi importante que pendant sa présidence ; il a dit vouloir casser la délinquance, mais celle-ci a augmenté. Dans tous les domaines, il a mené une politique contraire aux intérêts des Français, en augmentant les impôts, en renforçant l’intégration européenne. Dans ces conditions, pourquoi aurions-nous soutenu Nicolas Sarkozy ? ».

« Quelle est votre opinion sur les repentirs répétés de M. Holland ? Où mènent-ils ? »

« La repentance de M. Hollande, par exemple sur la guerre d’Algérie, n’est que pour remercier ceux qui l’ont élu : 90 % des musulmans de nationalité française l’ont préféré à Sarkozy qui les servait dans la pratique, mais avait une image conservatrice. Ces repentances sont criminelles. D’une part, elles ne sont pas fondées sur des preuves historiques ; d’autre part, elles ne font que conduire les populations immigrées à haïr la France. Ces repentances portent atteinte à la conscience et à la fierté nationale ».

Troisièmement, la Russie et l’Europe :

« Comment expliquez-vous l’agressivité de l’Europe vis-à-vis de la Russie ? La Russie est-elle pour vous une démocratie ? »

« Les nations européennes continuent de décliner dans tous les domaines. Elles ne voient pas d’un bon œil le dynamisme stratégique de la Russie ; tous les experts pensaient que la Russie était morte il y a 15 ans. L’Union européenne est une véritable oligarchie où la plupart des décideurs réels n’ont aucune légitimité démocratique. Pour ce monstre institutionnel, il est donc plus facile de donner des leçons de démocratie au monde entier que de les appliquer. À noter qu’en France, le Front National n’a que deux députés (sur 577 !) au Parlement, alors que Marine Le Pen avait rassemblé près d’un électeur sur cinq. Si la Russie n’est pas une démocratie parfaite (en existe-t-il une d’ailleurs ?), l’Europe n’a certainement pas de leçons à lui donner dans ce domaine ! »

« M. Le Pen, quel avenir commun voyez-vous entre la Russie et l’Europe ? »

« Je milite pour la création d’un ensemble harmonieux, animé par la vision d’un destin commun de toute la zone septentrionale, de Brest à Vladivostok. La Russie et l’Europe centrale et occidentale ont de nombreux points communs et de nombreux intérêts convergents. Face à un monde de plus en plus instable, et à notre hiver démographique, quasi suicidaire, il est certain que notre civilisation européenne trouverait un outil de salut auprès de cette union. Mais ce n’est pas l’intérêt de ce qui reste la première puissance mondiale, les États-Unis, et des firmes internationales, et il est clair que les castes s’y opposeront de toutes leurs forces… ».

« Comment traiter l’atlantisme ? »

« J’ai longtemps été favorable à l’OTAN à l’époque où les chars soviétiques étaient stationnés à 500 km de notre frontière et représentaient un système criminel utilisant les partis communistes comme des chevaux de Troie.

Mais aujourd’hui, cette menace s’est effondrée.

L’atlantisme n’a donc aucune raison d’être et ne constitue aujourd’hui qu’une organisation vouée à organiser la puissance militaire des forces américaines et de leurs auxiliaires en Europe. Depuis vingt ans, l’OTAN n’est d’ailleurs intervenue que contre la stabilité du monde : en Yougoslavie, où règnent la mafia et l’islamisme, en Bosnie et maintenant au Kosovo, en Irak ou en Libye où Kadhafi (bien que dictateur reconnu comme Saddam Hussein) assurait au moins la stabilité de son pays. Exit donc l’atlantisme, devenu le doux nom de l’impérialisme américain !

Vous m’avez demandé tout à l’heure pourquoi le Front National n’avait pas soutenu Sarkozy au second tour des élections présidentielles ; j’ajouterai que c’est aussi parce qu’il a décidé la réintégration complète de la France dans l’OTAN alors que le général de Gaulle, à la fin des années 60, avait retiré notre nation du commandement intégré. »

Quatrième et dernier point : l’islam et le multiculturalisme

« Il y a deux millions de musulmans à Moscou… L’État russe doit-il financer la construction de mosquées ? Que faire à cet égard en France ou en Russie ? »

« Il ne m’appartient pas de préconiser ce que l’État russe a à faire avec les lieux de culte musulmans, car je suis trop respectueux de toute souveraineté nationale. En revanche, je suis viscéralement opposé à ce financement en France. L’Islam n’est pas qu’une religion, c’est aussi une civilisation, un système juridique souvent contraire à nos coutumes ancestrales et à nos lois laïques. Promouvoir le développement de l’islam dans nos nations chrétiennes est un danger, car comme le pensait l’historien français Ernest Renan au 19e siècle, » l’islam a été libéral quand il était faible et violent quand il était fort ». « Et si aujourd’hui les musulmans peuvent vivre en paix avec les chrétiens ou les mécréants dans notre pays, qu’en sera-t-il lorsque, compte tenu du facteur démographique qui joue en leur faveur, ils seront majoritaires, en tout cas assez forts pour nous imposer de répondre à leurs besoins ? Nulle part dans l’histoire de l’islam, lorsque ses adeptes étaient dominants, les minorités n’ont été respectées ou considérées comme ayant des droits égaux. C’est le Coran lui-même qui non seulement autorise, mais même exige ce comportement ».

« L’islamisation dont vous faites état est-elle inévitable ? »

« L’islamisation n’est que la conséquence de l’immigration massive à laquelle sont confrontés nos pays, de l’Asie centrale à la Russie, du Maghreb et de l’Afrique musulmane à l’Europe occidentale. L’islamisation n’est pas inéluctable si nous cessons de laisser entrer dans notre pays des millions d’immigrés musulmans et plus chaque année, et si nous obligeons ceux qui sont présents à se conformer à nos coutumes. Et si cela ne leur convient pas, ils sont libres de pratiquer leur mode de vie ailleurs… »

« Les peuples occidentaux ne sont-ils pas déjà utilisés et résignés ? »

« En France, les gens commencent à avoir peur de l’islam parce qu’il est plus rapide, visible et massif, touchant leur vie quotidienne : femmes voilées dans les rues, non-respect de la liberté des femmes, interdiction du porc dans les cantines scolaires, construction de mosquées avec minarets… avec son cortège d’extrémistes comme celui de Toulouse au printemps dernier, qui a assassiné au nom de l’islam 7 personnes dont 3 enfants. »

« Que pensez-vous de la dernière politique occidentale en Libye, et plus particulièrement aujourd’hui en Syrie ? Et comment considérez-vous l’attitude russe ? »

« L’attitude occidentale, comme je l’ai dit plus haut, est criminelle, car elle entend remplacer ou substituer des régimes qui sont des dictatures (mais qui certes apportent la stabilité à leur pays et le respect des minorités religieuses, dont les chrétiens) par la montée chaotique de dictatures islamistes qui laissent à ceux qui ne sont pas de la même confession le choix entre la valise ou le cercueil. Comme le montre l’un des slogans des rebelles syriens : “Les chrétiens au Liban et les alaouites au cimetière”. Mais les soutiens subversifs de l’Occident préfèrent alors se boucher les oreilles…

La politique russe dans ce domaine est plus raisonnable : elle respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale des États ; elle est toujours réaliste et préfère la stabilité au chaos. »

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