Le mythe de la loi de l’attraction et les méfaits de la pensée positive

10/07/2020 (2020-07-10)

[Source : Apprendre à éduquer via Sott.net]

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La théorie de la pensée positive repose sur l‘idée que notre vie est le simple reflet de nos pensées : en les contrôlant, on pourrait avoir tout ce que l’on désire. Nos difficultés viendraient donc du fait que nous pensons négativement. La solution apportée par la pensée positive est donc de contrôler les émotions et pensées négatives, de les supprimer et de ne plus avoir que des pensées positives, afin de diriger notre vie vers la réussite et le bonheur.

Les pensées positives peuvent en effet produire des émotions positives (et encore, pas systématiquement) mais , comme le rappelle justement Matthieu Ricard, “l’univers n’est pas à notre disposition”. Par ailleurs, pouvons-nous véritablement contrôler nos pensées ?

Ilios Kotsou propose dans son livre Éloge de la lucidité de déconstruire la théorie de la pensée positive et le mythe de la loi de l’attraction en s’appuyant sur des études de psychologie et de neurosciences.

Le mythe du contrôle

Ilios Kotsou soutient que pouvoir se débarrasser de pensées inconfortables, dites “négatives”, et les remplacer par des agréables, dites “positives” n’est pas aussi évident que cela.

Ilios Kotsou cite l’expérience de Daniel Wegner, professeur de psychologie à Harvard, au cours de laquelle il a demandé à des individus de décrire verbalement ce qui leur passait par la tête pendant cinq minutes après qu’on leur ait donné la consigne de ne pas penser à un ours blanc. Ces individus étaient repartis en deux groupes :

  • dans le premier groupe, les individus devaient essayer, tout en continuant de décrire ce qui leur traversait l’esprit, de ne pas penser à un ours blanc (chaque fois qu’ils pensaient à un ours blanc, ils devaient appuyer sur un bouton); ensuite, pendant un temps supplémentaire de cinq minutes, on leur demandait de faire le contraire et de penser à un ours blanc.
  • dans le deuxième groupe, la consigne était inversée (on demandait aux individus d’abord de penser à un ours blanc puis de ne plus y penser).

L’étude a montré que les participantes pensaient beaucoup plus à l’ours blanc quand on leur demande de ne pas y penser. Wegner en conclut que la tentative de supprimer une pensée conduit à une intensification de celle-ci : cela s’appelle “l’effet rebond“.

Risque de création d’une obsession

Ilios Kotsou continue en écrivant qu’un bon moyen de se créer une obsession est de porter exagérément attention à toutes ses pensées et d’en débusquer une qui nous rend honteux   (“je ne devrais pas avoir cette pensée, pourquoi je n’arrive pas à la maîtriser, je fais tout pour la contrôler mais je n’y arrive pas”…).

Or la honte comporte des dangers pour notre santé mentale :

  • la honte, c’est s’assigner l’étiquette « je suis mauvais.e » (plutôt que séparer identité “je suis nul.le” et action “j’ai fait ci/ ça”);
  • la honte a un pouvoir destructeur pour soi et les autres parce que la douleur engendrée par la honte rend plus susceptible de s’engager dans des comportements autodestructeurs ou d’agresser et d’infliger de la honte aux autres;
  • la honte érode le courage et alimente la démotivation.

Être obsédé par une pensée, c’est se persuader qu’il est terrible d’avoir cette pensée, qu’elle est vraiment indésirable et qu’elle doit absolument disparaître pour ne pas avoir de conséquences néfastes et ruiner notre journée, voire notre vie ! Mais, comme vu plus haut, supprimer nos pensées n’est pas si facile !

Là encore, Wegner a conduit une expérience pour valider ce mécanisme : il a demandé à une groupe de participants de choisir une personne de leur entourage avec la consigne de penser à ce qu’ils voulaient avant d’aller dormir, sauf à cette personne précisément. Un groupe de participants témoins n’avait pas cette consigne (il ne devait pas supprimer cette pensée). Au réveil, les participants devaient noter leurs rêves. Il est apparu que penser à la personne augmentait sa présence dans les rêves des membres des deux groupes, mais cette effet est exacerbé par le fait d’essayer de ne pas y penser !

Il est difficile de contrôler ses pensées et cela l’est d’autant plus quand une personne ne va pas bien.

Nous ne sommes quand mêmes pas naïfs au point de ne pas avoir remarqué qu’il était préférable et plus agréable de penser positivement. Mais s’il suffisait de le vouloir pour y parvenir, comme le suggèrent les tenants de la pensée positive, nous n’aurions tout simplement pas besoin de ces livres ! – Ilios Kotsou

S’il était si facile de se “débarrasser” des pensées négatives, les personnes déprimées ou dépressives seraient très rares…

L’auto suggestion positive : un risque pour les personnes ayant une faible estime d’elle même

Dans une étude canadienne, Joanne Wood, enseignante-chercheuse en psychologie, a testé l’effet des auto-affirmations positives. Elle a comparé un groupe de participants à l’estime d’eux-mêmes faible à un autre groupe à l’estime d’eux-mêmes élevées. Il était demandé à tous les participants d’écrire toute pensée ou toute émotion qui leur traversait l’esprit pendant 4 minutes puis la chercheuse mesurait leur humeur. Pour évaluer l’effet de l’auto suggestion positive, Joanne Wood divisa chaque groupe en deux :

  • dans le premier groupe, une cloche retentissait toutes les 15 secondes et les participants devaient se répéter à ce signal : “Je suis une personne digne d’être aimée”;
  • dans le deuxième groupe, aucune consigne n’est donnée.

Les personnes ayant à la base une faible estime de soi se sentaient encore plus mal après avoir répété cette phrase. En revanche, cela fonctionnait un tout petit peu pour celles et ceux qui avaient déjà une bonne estime d’eux-mêmes.

Ilios Kotsou en déduit amusé : “L’auto suggestion positive fonctionne donc… uniquement pour ceux qui n’en ont pas besoin !”.

La culpabilité

L’idéologie de la pensée positive peut avoir comme effet “pervers” possible de faire reposer toute la responsabilité d’une situation sur l’individu au détriment des déterminants sociaux et du contexte, écrit Kotsou.

Kotsou regrette ainsi que des employés en situation d’épuisement professionnel soient incités à suivre un stage de pensée positive au lien de chercher à améliorer les conditions de travail…

Les tenants de la pensée positive ont tendance à oublier que l’environnement dans lequel nous évoluons a un impact considérable sur nos vies.

Présupposer que nous pouvons choisir librement le contenu de nos pensées présente donc un autre potentiel effet secondaire négatif : la culpabilité. – Ilios Kotsou

Quand une croyance devient une prison idéologique et fait peser des risques sur la santé

Ilios Kotsou regrette que les croyances en une pensée magique soient à même de susciter des attentes de guérison irréaliste qui peuvent amener une personne malade à négliger ou abandonner un traitement prescrit par un médecin. Il ajoute que, jusqu’à maintenant, aucune recherche scientifique n’a pu montrer d’effets probants de la pensée positive.

Par ailleurs, faire de la pensée positive une idéologie risque de nous conduire à un état appelé “fusion cognitive“. Cet état intervient quand nous ne parvenons plus à nous distancer de nos états mentaux et à en devenir esclaves. Une pensée, une croyance, quand elle est prise au pied de la lettre, influence et modifie la perception de la réalité ainsi que nos comportements. Être en fusion avec nos pensées rétrécit nos possibilités et entrave nos choix. Combiné au biais cognitif de confirmation, notre flexibilité mentale et notre esprit critique en deviennent de plus en plus réduits.

Croire aux idéologies peut nous aveugler au risque de ne plus nous permettre de prendre le recul nécessaire face à nos émotions et à nos pensées. – Ilios Kotsou

De plus, Ilios Kotsou rappelle que nous souhaitons tous avoir un sentiment d’identité positif, stable et sécurisant (théorie de l’identité sociale). Cela nous amène à valoriser et à défendre ce dont cette identité dépend (groupe d’identification, idées, objets matériels symboles d’appartenance…). Cette défense se fait malheureusement souvent au détriment de celles et ceux qui n’en font pas partie ou qui n’adhèrent pas à cette idée.

Ainsi, Ilios Kotsou nous avertit des dangers de ce « nombrilisme » : plus nous nous identifions à quelque chose (ici la loi de l’attraction), plus cette chose nous fige, clôt notre identité à quelques descriptions limitées de nous-même, nous enferme et nous coupe des expériences contradictoires et des apprentissages que nous pourrions en faire. Cela revient à nous accrocher à l’histoire que nous nous racontons sur nous-même, envers et contre tout… faisant le lit de la violence.

Et l’éthique dans tout cela ?

La pensée positive ne porte pas de valeur éthique en soi : on peut souhaiter être riche sans pour autant développer un état de compassion (au risque d’écraser les autres), on peut souhaiter être aimé sans pour autant chercher à devenir une personne plus empathique, plus “aimable”…

Chercher à cultiver une relation amoureuse avec une personne irrespectueuse ou en étant soi-même irrespectueux n’apporte ni sens ni plaisir. Conserver un travail qui propose des conditions de travail dégradantes va à l’encontre du bonheur, de même qu’être chef d’entreprise et proposer des conditions de travail dégradantes (même en proposant des séances de méditation à côté) ou avoir recours au harcèlement (tout ou en affichant des valeurs progressistes sur le site internet de l’entreprise).

méfait loi attraction

Le rôle des émotions dites “négatives”

L’importance de cultiver l’intelligence émotionnelle

Il n’y a pas de raison, ni sur le plan sociologique ni sur le plan psychologique, de séparer les émotions positives et négatives. La vie est faite de sentiments mêlés et ambivalents et les émotions sont toutes des messagères au service de la vie.

Il est utile de savoir à quoi servent les émotions et quelle en est la véritable nature.  Les émotions saines durent quelques minutes (rarement plus de 5 minutes) et sont des réactions physiologiques qui servent la vie humaine en attirant l’attention sur des besoins fondamentaux insatisfaits (que les émotions durent plus longtemps, il s’agit d’autre chose que d’émotions primaires : de stress, de sentiments parasites socialement apprises, d’émotions élastiques ou encore de mémoire traumatique).

Chaque émotion est ressentie en lien avec des causes et des besoins différents :

  • la colère :
    • cause => frustration, injustice, impuissance, violation de l’intégrité (psychique ou physique)
    • besoin => écoute, compréhension, décharge de l’énergie, changement, réparation
  • la tristesse :
    • cause => perte, séparation, échec
    • besoin => réconfort, acceptation, expression émotionnelle (ex : pleurer), amour inconditionnel
  • la peur :
    • cause => danger, inconnu, insécurité, menace
    • besoin => protection, aide, compréhension sécurité, réassurance
  • la joie :
    • cause => réussite, émerveillement, rencontre, gratitude;
    • besoin => partage, lien, réjouissance
  • le dégoût :
    • cause => nocivité, irrespect pour l’intégrité physique (dont viol)
    • besoin => sécurité, respect, accueil des émotions, justice
  • la honte :
    • cause => non alignement avec les valeurs, moquerie, jugement
    • besoin => restauration de l’estime de soi et de la valeur personnelle, acceptation, amour inconditionnel.

Accepter les émotions désagréables est une composante du bonheur

Dans l’étude IRM « Putting Feelings into Words », des participants ont été invités à regarder des images de personnes dont les visages portaient des émotions visibles et fortes. L’amygdale du cerveau (centre des émotions dans le cerveau qui détecte et alerte sur les dangers) s’active en fonction des émotions représentées. Mais quand ces mêmes participants ont été invités à nommer les émotions perçues, le cortex préfrontal (centre de décision et de raisonnement du cerveau) s’est alors activé et a réduit l’impact de l’amygdale. En d’autres mots, reconnaître et nommer les émotions en réduit leur impact.

Nommer les émotions est à l’opposé du fait de réprimer, nier ou enfouir les émotions : c’est justement le fait de chercher à supprimer les émotions qui va en augmenter l’impact (« tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime »).

Les neurosciences nous invitent donc à gagner en intelligence émotionnelle :

  • identifier les émotions (notamment à travers les sensations corporelles qui alertent sur la présence de telle ou telle émotion – voir ici)
  • comprendre les émotions (on a tendance à confondre le déclencheur (ex : une remarque, une critique) et l’émotion elle-même (ex : la colère, la peur, la tristesse). Par ailleurs, les émotions sont comme des visiteuses qui nous alertent sur un besoin non satisfait et repartent quand le besoin est comblé.
  • exprimer les émotions (mettre des mots sur les émotions  permet de les exprimer de manière constructive pour amener à la satisfaction du besoin insatisfait et au retour à l’équilibre. Exprimer ses émotions à la bonne personne, au bon moment, de la bonne manière et à la bonne intensité n’est pas facile !)
vocabulaire des émotions

Des méthodes anciennes nous ont largement devancés dans ce domaine : la pleine conscience consiste justement à accepter les émotions telles qu’elles se présentent sans chercher à les chasser mais en les accueillant comme des visiteuses. La pleine conscience propose également d’accueillir les sensations corporelles présentes en les nommant et en ressentant pleinement les manifestations sans chercher à censurer ou juger quoi que ce soit.

Remplacer la négation des émotions douloureuses par l’empathie

Souvent, une personne qui raconte ses soucis à une autre ne demande ni solution ni conseil mais a simplement besoin de compréhension et d’empathie, c’est-à-dire d’une oreille « amie » ou d’une épaule sur laquelle pleurer.

Chaque être humain, homme ou femme, veut être compris et recevoir de l’empathie, attend de la connexion émotionnelle plutôt que des conseils, des jugements ou la minimisation de son problème. Cette empathie peut prendre la forme d’auto empathie.

Ainsi, dans toute relation humaine, le rôle de chaque protagoniste n’est pas de résoudre les problèmes de l’autre (surtout pas en le chassant à coups de “sois positif/ pense positivement”) mais de lui offrir un soutien, un soulagement, de l’empathie en validant ses émotions, en lui donnant le droit d’être triste, en colère ou encore d’avoir peur.

Il est possible de recourir à une métaphore : quand nous voulons qu’une fleur grandisse, nous ne lui ordonnons pas de pousser, nous l’arrosons, veillons à la luminosité à laquelle elle est exposée, nous enrichissons éventuellement sa terre. De même, quand nous voulons qu’une personne s’épanouisse, nous ne pouvons pas juste lui ordonner de s’épanouir. Nous devons là aussi l’arroser : avec de l’écoute, de l’empathie, de la validation des émotions, du soutien, de la présence.

Voici quelques exemples de pensée positive toxique et comment reformuler des phrases incitant à la positivité en phrases empreintes d’intelligence émotionnelle :

Quand la croyance en la loi de l’attraction prend la place du travail sur la mémoire traumatique

De nombreuses personnes qui s’engagent dans le développement personnel qui s’appuie sur des croyances telles que la loi de l’attraction ou le pouvoir de la pensée positive souhaitent donner du sens à leur vie et bien sûr aller mieux, réduire le niveau de souffrance psychologique. Ces croyances agissent (parfois) comme un remède mais masquent malheureusement souvent les origines du mal-être (comme si on traitait les symptômes d’une maladie – comme la fièvre – mais pas les symptômes – en l’occurrence, la mémoire traumatique).

Donner un sens à sa vie est un besoin tout aussi fondamental que le besoin de certitude et de contrôle. Les croyances en la loi de l’attraction ou en la pensée positive a un rôle psychologique dans la personnalité des personnes qui s’y accrochent : elles apportent des certitudes, du contrôle et du sens. Cela me fait penser au modèle du stress développé par Sonja Lupien, neuropsychologue. Cette dernière a conçu le modèle SPIN, chaque lettre correspondant à un facteur important de stress :

  1. Sens du contrôle diminué
  2. Personnalité menacée
  3. Imprévisibilité
  4. Nouveauté

Ainsi, croire à ces “lois” reviendrait à se rendre capable de maîtriser ces facteurs de stress pour maintenir sa santé mentale. Pourtant, accepter de se confronter à sa mémoire traumatique permettrait de traiter à la fois les symptômes et les origines du mal-être.

De même, Anthony Lantian, docteur en psychologie, écrit que les personnes qui recherchent intensément à se distinguer des autres ont tendance à ressentir une forte attraction envers ce qui est présenté comme secret ou inaccessible. Cela explique probablement le succès du livre de Rhonda Byrne faisant la promotion de la loi de l’attraction intitulé Le Secret (ce titre n’étant probablement pas choisi par hasard… marketing, quand tu nous tiens :)). Or un travail sur la mémoire traumatique permettrait de remettre à sa juste place le besoin de se sentir spécial en se reconnectant à sa valeur en tant qu’humain, qui est assez tel qu’il est.

Lire aussi : Adopter une éducation bientraitante : impossible (ou presque) sans travail sur la mémoire traumatique

Censurer les émotions dites négatives (tristesse, peur, jalousie, honte et surtout colère), c’est nier la nature politique des émotions

Eva Illouz, sociologue et autrice du livre Happycratie, dénonce le fait que gommer les émotions dites négatives (tristesse, peur, jalousie, honte et surtout colère), c’est nier la nature politique et la fonction sociale de ces émotions pourtant utiles.

C’est que toute émotion fournit une information essentielle sur la manière qu’a l’individu de construire son récit de vie, sa manière de nouer des relations, d’évoluer dans son environnement social, de supporter les pressions, de saisir ou non sa chance, d’affronter les épreuves. Toute émotion fournit également de précieuses informations sur ce qui pousse l’individu et les groupes à agir, à se rassembler, à se mobiliser. – Eva Illouz

Par ailleurs, la loi de l’attraction et la pensée positive incitent à censurer l’émotion de colère qui est pourtant tout à fait légitime. Nous avons parfaitement le droit d’être en colère (de même que nous avons le droit d’être triste, de se sentir découragé ou d’avoir peur). La colère est à l’origine des soulèvements contre l’oppression, l’injustice, le manque de reconnaissance – contre toute forme de mépris social ou de négation de la personne, d’atteinte à sa dignité humaine. La colère n’est pas synonyme de violence.

Pour aller plus loin : Il ne faut pas craindre la colère, moteur de changement et d’indignation

mythe loi attraction

Pour atteindre des objectifs, mieux vaut anticiper les obstacles (les moyens) plutôt que visualiser seulement la réussite (la fin)

Yves-Alexandre Thalmann, psychologue et formateur, critique la pensée positive (ou loi de l’attraction) telle qu’elle est souvent proposée. Il écrit : “Penser positivement ne peut qu’être recommandé, ne serait-ce que pour les émotions agréables que cela suscite. Mais éviter les pensées négatives sous prétexte qu’elles pourraient attirer des problèmes est un conseil contre productif”.

Yves-Alexandre Thalmann propose donc une approche qui permet de générer des émotions positives (ayant une influence favorable sur l’humeur) et en même temps des éléments motivants (visualisations du processus).

Pour lui, les outils de type pensée positive et visualisation peuvent être efficaces pour atteindre un objectif tangible à une condition : intégrer les obstacles (et donc les émotions dites négatives) plutôt que les éviter. En effet, face à un obstacle, le cerveau s’anime pour trouver des solutions afin de le surmonter : c’est précisément cela qui est source de réflexion et d’efforts (et pas le fait de s’imaginer en situation de réussite puisque le cerveau n’a pas besoin de mobiliser des ressources qui permettent de concrétiser des réussites, ces dernières étant déjà atteintes !).

Cette proposition d’anticiper les obstacles permet de réintégrer la responsabilité personnelle dans le processus en ayant en tête l’objectif à atteindre (source de plaisir) mais aussi les comportements à adopter en cas d’obstacles.

En effet, les neurosciences ont montré que le fait de prendre une décision réduit l’anxiété (en plus d’aider à résoudre les problèmes !).

La prise de décisions inclut le fait des créer des intentions, de poser des objectifs, d’élaborer des stratégies pour y parvenir et de réévaluer les options lors de la réalisation. Tous ces processus mentaux sollicitent les mêmes circuits neuronaux du cortex pré frontal. Or le fait de solliciter le cortex préfrontal (le cerveau qui réfléchit) réduit l’impact de l’amygdale (le centre des émotions qui court circuite le raisonnement logique).

mythe pensée positive

Pour autant, la prise de décision n’est pas chose facile. Les neurosciences insistent sur le caractère « suffisamment bon » d’une décision. Il n’est pas nécessaire de chercher à prendre une décision parfaite pour résoudre un problème (le perfectionnisme est source de stress et sollicite l’amygdale). C’est la prise de décision ferme qui envoie le message au cerveau que les choses sont sous contrôle.

Une décision suffisamment bonne est presque toujours suffisamment bonne dans les faits !

Par ailleurs, l’action de décider augmente le plaisir ressenti. La prise de décision induit un changement dans les circuits de l’attention et dans la manière dont on se sent par rapport au problème. Cela conduit à une hausse de l’activité de la dopamine, l’hormone de la récompense. Nous nous sentons plus heureux quand ce qui nous arrive de bien est consécutif à une décision que nous avons prise et des actions que nous avons entreprises que lorsque ces événements heureux nous arrivent par « chance » ou par l’intermédiaire de l’action d’autres personnes.

Quand nous sommes confrontés à une décision que nous avons subies ou que nous prenons sous le poids des conventions sociales (« tu devrais faire ça », « on a toujours fait comme ça, « c’est vrai que je devrais… »), le circuit de la récompense n’est pas activé dans le cerveau… c’est même plutôt le circuit du stress qui est activé !

Cultiver des valeurs éthiques !

La pratique combinée de la Communication NonViolente (CNV) et de la pleine conscience peut être un chemin vers une vie guidée par des valeurs éthiques.

La pleine conscience est vivante quand elle est associée à une éthique dans une dynamique de vision, de parole, de pensée, de moyens d’action et d’efforts justes. Il s’agit d’être pleinement présent.e dans le moment, à n’importe quel moment (quand on marche, quand on écoute, quand on écoute, quand on parle…). Il est précieux de s’arrêter pour gagner en discernement en créant des conditions avec le corps pour se relier à soi et aux autres (à travers notamment la respiration). La pleine conscience ne vise pas à “calmer” mais a des vertus pacifiantes et permet de vivre ce qui se passe en soi (les sensations, les émotions, les pensées) afin de mieux appréhender les messages du corps et de se mettre à leur écoute.

La Communication NonViolente (CNV) est une philosophie de vivre qui s’inscrit dans une communication de coeur à coeur, qui met la qualité de la relation au centre. Le processus de la CNV s’appuie sur les quatre étapes OSBD (observation, émotion, besoin, demande).

Ces quatre étapes OSBD sont à considérer comme une langue destinée à nous permettre de nous « rééduquer » plutôt qu’une langue destinée à être parlée, à être exprimée telle qu’elle dans une interaction avec autrui.

Les quatre étapes OSBD nous permettent de faire la différence entre le fait d’appréhender la réalité avec empathie dans une optique de coopération, et le fait d’appréhender la réalité avec jugement, accusation dans une optique de jeu de pouvoir et d’exigence.

Les quatre étapes OSBD sont un outil de déconditionnement qui permet de démêler les jugements des observations, les pensées des émotions, les accusations des besoins et les exigences des demandes. Ces quatre étapes visent à séparer les pensées du reste de notre vécu personnel. Cette langue est donc intérieure et permet d’être au clair avec ce qui est chez nous.

C’est un langage interne qui n’a pas pour but d’être utilisé à l’extérieur. – Isabelle Padovani (formatrice en CNV)

Le processus OSBD sert à écouter et reconnaître ce qui est vivant en soi et chez les autres. A cet effet, les listes des sentiments et des besoins sont des outils de reconnaissance, d’identification (certes parfois incomplets, à enrichir et modifier si nécessaires) qui donnent des bases de réflexion commune et compréhensible par tous et toutes. Plus on enrichit notre langage, plus on est capable de penser les concepts, ici de sentiments et de besoins humains fondamentaux.

La roue des besoins humains pour traduire nos émotions en termes de besoins

La pleine conscience et la CNV sont au service d’une vie citoyenne, du Je au Nous (pour paraphraser Thomas d’Ansembourg) justement parce qu’elles sont un chemin vers des décisions conscientes et responsables.

Un chemin vers soi est un chemin pour contribuer au monde en tant que citoyen. 

Eliane Regis (formatrice en CNV)

Inspiration : Éloge de la lucidité : se libérer des illusions qui empêchent d’être heureux de Ilios Kotsou (édition Poche Marabout). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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