La Russie face au choix des cartes alimentaires ou de la sortie de la gestion globalisée covidienne

11/01/2022 (2022-01-11)

[Source : Russie politics]

Par Karine Bechet-Golovko

En Russie comme ailleurs, la gestion covidienne globalisée conduit à une fragilisation de la société. En plus de la crise de confiance dans les institutions politiques, qui se développe au gré des projets de loi gouvernementaux progressistes et liberticides, la dimension socio-économique est inquiétante. Si certains élus communistes demandent, sans espoir de réussite, un renforcement de l’impôt (très bas) pour les plus riches et une dispense pour les plus faibles, d’autres envisagent la réintroduction des cartes alimentaires. Autrement dit, les signaux d’alarme s’emballent. Le Covid a véritablement tué le libéralisme en le poussant à son paroxysme, la globalisation forcée. Et dire qu’il a fallu détruire l’Union soviétique pour faire cela … Cette chute de l’Union soviétique que la démultiplication des sushis et des fast-food n’a pas réussi à compenser pour en moyenne 68% de la population qui la regrette. Il serait temps pour les élites dirigeantes russes, sur fond de crise au Kazakhstan, d’en tirer les leçons. 

Depuis deux ans, la situation socio-économique se dégrade en Russie, suite à la gestion globalisée covidienne, qui a ouvert la voie à tous les fantasmes progressistes. Que n’a-t-on pas entendu dans les premiers mois de 2020 : enfin, la révolution numérique aura lieu, l’économie libérée des contraintes du réel va pouvoir s’envoler, préparez -vous au miracle, vous allez être ébloui. Eblouie, la population l’a été, par le degré de fanatisme et d’auto-aveuglement d’une partie (très influente) des élites en Russie. Bref, pas d’envol, pas de miracle, plutôt une chute sans fin, qui n’a pu être freinée que par l’intervention salutaire et massive de l’Etat, sans pour autant remettre en cause la ligne fondamentale.

Après deux années de délires covidistes, le Président Poutine a tiré en décembre dernier la sirène d’alarme : la situation des prix est inacceptable, la crise sociale qui s’annonce devient en effet dangereuse. Et ce qui se passe au Kazakhstan depuis le début de l’année (voir notre texte ici) ne peut que lui donner raison.

En effet, en 2021, les revenus réels des Russes ont augmenté de 3,5%, avec une inflation moyenne de 8%. Pour être plus précis, selon les données officielles de la Banque centrale, les prix sur les produits d’alimentation ont augmenté de 10,8% et les fruits et légumes de 19,4%. Selon d’autres sources financières plus détaillées, la farine a augmenté en moyenne de 11,29% et la céréale préférée des Russes, le sarrasin, utilisé comme base alimentaire pour toute une partie de la population, a augmenté de 21,02%. Le prix du choux a augmenté de 98% et celui des pommes de terre de 72,8%. Selon les experts, le taux moyens d’augmentation « officielle » est maintenu assez bas, car les prix de référence sont ceux de fin d’année et fin 2020 les prix avaient déjà sérieusement augmenté.

Quelle que soit la bataille des chiffres, faire ses courses devient de plus en plus compliqué pour toute une partie de la population, dont les revenus dépassent difficilement 30 000 roubles par mois (environ 380 euros). Bien que cette inquiétude n’entre pas directement dans le discours public, qui se veut rassurant à l’excès, des propositions très diverses surviennent. En revanche, les mesures liberticides et « économicides » telles que les QR Codes, ne sont pas remises en cause par les élites globalistes russes, ni pour l’instant par les élites dirigeantes russes en général, les textes de lois sont toujours à l’étude et toutes les régions y recourent déjà sans base légale à des degrés différents – selon le fanatisme du dirigeant local et la force de résistance du business et de la société.

Ainsi, un député communiste propose d’augmenter radicalement le revenu imposable des gros revenus. S’il est vrai que le taux d’imposition sur les revenus est très faible en Russie (14% en général), une hausse drastique d’un seul coup, sans fort programme politique véritablement social et économique national, risque de provoquer une fronde de ces milieux déjà pas vraiment « patriotiques ». En soi, les chiffres proposés ne sont pas choquant pour un Français, qui est surimposé : il s’agirait de 25% pour les revenus de plus de 10 millions de roubles par an et jusqu’à 40-50% pour les très grands revenus. En contre-partie, il faudrait baisser à 5% pour ne pas imposer les revenus inférieurs au minimum vital (qui sont imposés). Vue la répartition des forces dans le pays, et le choc médiatique provoqué, nous pouvons être certains que cette proposition ne passera pas, la vision étatiste et la répartition des charges publiques entre les classes sociales n’entrent absolument pas dans la logique assez primaire des gros revenus, même si en général ils détiennent leur richesse personnelle grâce à l’Etat.

Ce qui est en revanche réellement choquant est cette proposition d’instaurer les cartes alimentaires. Oui, le Covid est une guerre, une économie de guerre doit donc être instaurée. Cet économiste estime qu’il est tout à fait normal, si l’inflation sur les produits alimentaires continue à s’aggraver, de délivrer des cartes alimentaires aux foyers à faibles revenus. Il y a effectivement un choix à faire, soit continuer à mener cette guerre globaliste (contre les peuples, contre les Etats, contre les économies nationales) et donc penser à délivrer des cartes alimentaires ou à nourrir les plus pauvres, soit cesser cette guerre et libéraliser l’économie, relancer l’industrie nationale et la production nationale, permettant ainsi aux gens de vivre dignement et avec un but dans la vie, qui dépasse celui de la qualité de sa connexion internet dans les parcs et rues des petites et moyennes villes, dont l’économie est par ailleurs totalement laissée à l’abandon.

Dans ce contexte délétère, il n’est pas surprenant que les élites russes globalistes n’aient pas réussi à faire oublier l’Union soviétique, ayant instauré un libéralisme sauvage, compensé depuis quelques années par une aide sociale d’urgence, qui n’est pas une politique sociale. La nostalgie pour l’URSS, qui ne s’est jamais éteinte dans le coeur de la population russe malgré la propagande antisoviétique grandissante et intrusive, n’est pas surprenante. De manière très stable, environ 67% des Russes regrettent la chute de l’URSS depuis 2005. Si un référendum devait être organisé aujourd’hui quant à la conservation de l’Union soviétique, 73% voterait pour sa préservation. Le Centre Levada arrive lui à une moyenne de 63% de personnes. Les personnes plus âgées sont logiquement plus favorables, tout d’abord parce qu’elles peuvent opposer un vécu réel à la propagande ambiante. Ainsi, 84% des plus de 55 ans et 64% des plus de 40 ans regrettent l’Union soviétique. Mais, la population active, celle des 25-39 ans la regrette quand même à 43%, ce qui est énorme et montre l’échec idéologique de la course globalisante, surtout lorsque 49% des personnes interrogées regrettent le système économique. Ce qui est 3 points de plus que le regret du sentiment d’appartenance à un grand pays.

Le libéralisme arrive à son paroxysme avec le Covid et la globalisation forcée qu’il porte, il s’y suicide, faute d’avoir une autre idéologie l’obligeant à ne pas tomber dans les excès, que l’on observe aujourd’hui. Il est temps d’en tirer les conclusions et de reprendre le cours national, qui est la seule voie permettant le développement des hommes et des sociétés. Il faut renationaliser les élites …

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