Emmanuel Macron a-t-il fait l’éloge d’un franc-maçon eugéniste ?

19/11/2023 (2023-11-19)

[Source : fr.aleteia.org]

Par Charles Vaugirard

Devant le Grand Orient de France, le président Emmanuel Macron a clairement annoncé une loi légalisant l’euthanasie. Devant les dignitaires francs-maçons, il a fait l’éloge de l’ancien grand maître Pierre Simon, un médecin ouvertement eugéniste.

Emmanuel Macron a rendu visite au siège du Grand Orient de France le 8 novembre. Dans son discours, le président de la République a confirmé qu’il soutiendrait une loi favorable à l’euthanasie. Mais ce qui interpelle particulièrement est son hommage à deux francs-maçons ayant, a-t-il dit, défendu le « droit à mourir dans la dignité ». Il s’agissait d’Henri Caillavet et de Pierre Simon, des militants historiques de la légalisation de l’euthanasie. Ici, c’est surtout Pierre Simon qui retient l’attention. Peu connu du grand public, Pierre Simon fut pourtant une cheville ouvrière importante de l’avènement des questions dites sociétales, afin de « transformer non seulement la médecine, mais aussi la loi et les mœurs ». Fondateur du Planning familial en France, il fut un des inspirateurs de la loi Neuwirth sur la contraception. Membre du cabinet de Simone Veil, il a été un des artisans de la loi sur l’avortement. Il est aussi le cofondateur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, l’ADMD, qui milite pour l’euthanasie depuis 1980.

Une nouvelle définition de la vie humaine

Mais les idées de Pierre Simon sur la vie ne ressemblent guère aux arguments pragmatiques et humanitaires de Simone Veil. En effet, dans son autobiographie intitulée De la vie avant toute chose, publiée chez Mazarine en 1979, il présente ses arguments. Contrairement à Simone Veil, il ne voit pas l’avortement comme une situation d’exception, un moindre mal visant à éviter des décès de femmes lors d’avortements clandestins. Médecin gynécologue de formation, Pierre Simon va jusqu’à défendre une nouvelle définition de la vie humaine : 

Cette vie qui nous vint si longtemps d’un souffle de Dieu posé sur notre argile, c’est comme un matériau qu’il faut la considérer désormais. Loin de l’idolâtrer, il faut la gérer comme un patrimoine que nous avons longuement, patiemment, rassemblé, un héritage venu du fond des millénaires, dont nous avons, un instant, la garde. […] Une richesse, cette vie, confiée à la garde de l’espèce, comme les forêts, les océans, les rivières, mais avec ceci de singulier que chacun d’entre nous en est le véhicule : cette charge de vie a son corollaire ; veiller à ce que le matériau ne se dégrade pas. Ce serait nous dégrader nous-mêmes et ruiner l’espèce.

(p. 16)

Des outils pour maîtriser la vie

Cette vision n’est rien d’autre que de l’eugénisme, comme il le développe dans son livre. Pierre Simon présente l’avortement, mais aussi l’euthanasie des nouveau-nés, l’insémination artificielle et les manipulations génétiques comme des outils pour maîtriser la vie. Puisque la vie n’est plus un don reçu de la nature, mais un simple matériau, il considère que l’homme doit garantir la qualité de ce matériau par l’eugénisme. Il le dit ouvertement : 

Si les manipulations de la molécule d’ADN et l’insémination peuvent concourir à un résultat bénéfique pour la société, et pourront permettre entre autres l’élimination systématique des défauts congénitaux, quelle peut être notre attitude en face d’un désastre de la nature au moment de son irruption dans la vie ? J’ai participé à nombre de colloques sur le choix de l’heure de la mort, mais qui dispose du choix de laisser entamer un processus vital à un être lourdement handicapé au départ ?

(p. 232)

Et il continue en qualifiant la sacralisation de la vie de « fétichisme » (p. 233). 

C’est la collectivité qui décide si l’enfant doit vivre

L’idéologie de Pierre Simon est un mélange de libéralisme et de collectivisme. Libéralisme, car il défend ce qu’il appelle « l’autonomie » de l’homme. Une liberté absolue de l’individu, mais aussi de l’humanité vis-à-vis de la nature et de ses lois. Il assume le caractère prométhéen de ses idées : 

Prométhée est ainsi revenu, mais il ne s’est plus contenté de nous apporter le feu : c’est de tous ses pouvoirs qu’il a dépossédé Zeus, et fait cadeau aux hommes. Il s’agit donc pour nous d’une liberté à conquérir. La nécessité pour l’homme de véhiculer un matériel héréditaire ne suffit pas à entraver le cours ultérieur de la Vie, et donc la conquête rationnelle de son autonomie. 

(p. 258)

Il s’agit d’un libéralisme absolu où l’homme se croit tellement autonome qu’il se prend lui-même pour Dieu. Mais il y a aussi une dimension collective, voire socialiste, chez Pierre Simon. Pour lui « bloquer la transmission des tares héréditaires transmissibles connues, c’est un devoir d’espèce. […] La santé est devenue propriété collective. Nous cotisons à la Sécurité sociale pour la qualité de la vie et la santé de la collectivité » (p. 96). Il considère que c’est la société qui décide qui doit naître ou pas : « Ce n’est pas la mère seule, c’est la collectivité tout entière qui porte l’enfant en son sein. C’est elle qui décide s’il doit être engendré, s’il doit vivre ou mourir, quel est son rôle et son devenir » (p. 15). 

Un militant eugéniste

Le combat de Pierre Simon pour le droit de mourir dans la dignité doit être regardé dans la perspective de son idéologie de l’autonomie. Pierre Simon n’est pas le franc-maçon humaniste qu’a présenté Emmanuel Macron. Celui qui fut grand maître de la Grande Loge de France dans les années 1970 était avant tout un militant eugéniste.

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