16/05/2023 (2023-05-16)
[Source : malraux.org]
André Malraux : « Discours d’Orléans, 8 mai 1961 »
Texte publié sur malraux.org avec l’aimable autorisation de Madame Florence Malraux.
DISCOURS prononcé par Monsieur André Malraux, Ministre d’État, à l’occasion des fêtes de Jeanne d’Arc, le 8 mai 1961 à Orléans1
Le Gouvernement a souhaité qu’aujourd’hui son représentant ne prenne la parole que pour un hommage à la seule figure de notre histoire sur laquelle se soit faite l’unanimité du respect.
La fidélité qu’Orléans, Orléans seule, lui a témoignée à travers les siècles, a fait oublier que Jeanne d’Arc est l’objet d’une aventure unique : la tardive découverte de sa personne n’affaiblit pas sa légende, elle lui donne son suprême éclat. Pour la France et pour le monde, la petite sœur de saint Georges devint Jeanne vivante par les textes du procès de réhabilitation : par ses réponses de Rouen, par le rougeoiement sanglant du bûcher.
Nous savons aujourd’hui qu’à Chinon, ici même, à Reims, à la guerre, et même à Rouen, sauf pendant une seule et atroce journée, elle est une âme invulnérable. Ce qui vient d’abord de ce qu’elle ne se tient que pour la mandataire de ses voix : « Sans la grâce de Dieu, je ne saurais rien faire ». On connaît la sublime cantilène de ses témoignages de Rouen :
« La première fois, j’eus grand-peur. La voix vint à midi ; c’était l’été, au fond du jardin de mon père… après l’avoir entendue trois fois, je compris que c’était la voix d’un ange… Elle était belle, douce et humble ; et elle me racontait la grande pitié qui était au royaume de France… Je dis que j’étais une pauvre fille qui ne savait ni aller à cheval ni faire la guerre… Mais la voix disait : “Va, fille de Dieu”… »
Certes, Jeanne est fémininement humaine. Elle n’en montre pas moins, quand il le faut, une incomparable autorité. Les capitaines sont exaspérés par « cette péronnelle qui veut leur enseigner la guerre ». La guerre ? Les batailles qu’ils perdaient et qu’elle gagne… Qu’ils l’aiment ou la haïssent, ils retrouvent dans son langage le « Dieu le veut » des Croisades. Cette fille de dix-sept ans, comment la comprendrions-nous si nous n’entendions pas, sous sa merveilleuse simplicité, l’accent incorruptible avec lequel les Prophètes tendaient vers les rois d’Orient leurs mains menaçantes, et leurs mains consolantes, vers la grande pitié du royaume d’Israël ? Avant le temps des combats, on lui demande :
« Si Dieu veut le départ des Anglais, qu’a-t-il besoin de vos soldats ? »
– « Les gens de guerre combattront, et Dieu donnera la victoire. »
Ni saint Bernard ni Saint Louis n’eussent mieux répondu.
Mais ils portaient en eux la chrétienté, non la France.
Et à Rouen, seule devant les deux questions meurtrières :
« Jeanne, êtes-vous en état de grâce ? »
– « Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir ! » Et surtout la réponse illustre :
« Jeanne, lorsque saint Michel vous apparût, était-il nu ? »
– « Croyez-vous Dieu si pauvre qu’il ne puisse vêtir ses anges ? »
Lorsqu’on l’interroge sur sa soumission à l’Église militante, elle répond, troublée, mais non hésitante : « Oui, mais Dieu premier servi ! » Nulle phrase ne la peint davantage. En face du dauphin, des prélats ou des hommes d’armes, elle écarte le secondaire, combat pour l’essentiel. Depuis que le monde est monde, c’est le génie même de l’action. Et sans doute lui doit-elle ses succès militaires. Dunois dit qu’elle disposait à merveille des troupes et surtout l’artillerie, ce qui était peut-être plus surprenant que difficile. Car les Anglais devaient moins leurs victoires à l’intelligence très réelle, mais élémentaire de leur tactique, qu’à l’absence de toute tactique française, à la folle comédie à laquelle Jeanne semble avoir mis fin. Les batailles de ce temps étaient très lourdes pour les vaincus ; nous oublions trop que l’écrasement de l’armée anglaise à Patay fut de même nature que celui de l’armée française à Azincourt. Et le témoignage du duc d’Alençon interdit que l’on retire à Jeanne d’art la victoire de Patay, puisque sans elle, l’armée française se fût divisée avant le combat, et puisqu’elle seule la rassembla…
C’était en 1429 — le 18 juin.
« Avant tout, dit le Général de Gaulle, elle rétablit la confiance. » Dans ce monde où Ysabeau de Bavière avait signé à Troyes la mort de la France en notant seulement sur son journal l’achat d’une nouvelle volière, dans ce monde où le dauphin doutait d’être dauphin, la France d’être la France, l’armée d’être une armée, elle refit l’armée, le roi, la France. Il n’y avait plus rien : soudain, il y eut l’espoir — et, ici même, par elle, les premières victoires, qui rétablirent l’armée. Puis — par elle, contre presque tous les chefs militaires —, le sacre, qui rétablit le roi. Parce que le sacre était pour elle la résurrection de la France, et qu’elle portait la France en elle de la même façon qu’elle portait sa foi.
Après le sacre, elle est écartée, et commence la série de vains combats qui la mèneraient à Compiègne pour rien, si ce n’était pour devenir la première martyre de la France. Nous connaissons tous son supplice. Mais les mêmes textes qui peu à peu dégagent d’une nuit étoilée de fleurs de lys son image véritable, son rêve, ses pleurs, l’efficace et fraternelle autorité qu’elle partage avec les fondatrices d’ordres religieux, ces mêmes textes dégagent aussi, de son supplice, deux des moments les plus pathétiques de l’histoire de la douleur.
Le premier est la signature de l’acte d’adjuration — qui reste d’ailleurs mystérieux. La comparaison du court texte français avec le très long texte latin qu’on lui faisait signer proclamait l’imposture. Elle signe d’une sorte de rond bien qu’elle ait appris à signer Jeanne. « Signez d’une croix. » Or, il avait été convenu entre elle et les chefs de guerre dudauphin que tous les textes de mensonge, tous les textes imposés, auxquels leurs destinataires ne devaient pas ajouter foi, seraient marqués d’une croix. Alors, devant cet ordre qui semblait dicté par Dieu même pour délivrer sa mémoire de ceux qui tenaient son corps en leur pouvoir, elle traça la croix de jadis, en éclatant d’un rire insensé…
Le second moment est sans doute celui de sa plus affreuse épreuve. Si, tout au long du procès, elle s’en remit à Dieu, elle semble avoir eu, à maintes reprises, la certitude qu’elle serait délivrée. Et peut-être, à la dernière minute, espéra-t-elle qu’elle le serait sur le bûcher. Car la victoire du feu pouvait être la preuve qu’elle avait été trompée. Elle attendait, un crucifix fait de deux bouts de bois par un soldat anglais, posé sur sa poitrine, le crucifix de l’église voisine élevé en face de son visage au-dessus des premières fumées. (Car nul n’avait osé refuser la croix à cette hérétique et à cette relapse…) Et la première flamme vint, et avec elle le cri atroce qui allait faire écho, dans tous les cœurs chrétiens, a cri de la Vierge lorsqu’elle vit monter la croix du Christ sur le ciel livide.
Après quoi, Jeanne ne prononça plus qu’un mot : Jésus.
Alors, depuis ce qui avait été la forêt de Brocéliande jusqu’aux cimetières de Terre-Sainte, la vieille chevalerie morte se leva dans ses tombes. Dans le silence de la nuit funèbre, écartant les mains jointes de leurs gisants de pierre, les preux de la Table Ronde et les compagnons de Saint Louis, les premiers combattants tombés à la prise de Jérusalem et les derniers fidèles du petit Roi Lépreux, toute l’assemblée des rêves de la chrétienté regardait, de ses yeux d’ombre, monter les flammes qui allaient traverser les siècles, vers cette forme enfin immobile, qui était devenue le corps brûlé de la chevalerie.
« Comment vous parlaient vos voix ? », lui avait-on demandé quand elle était vivante. « Elles me disaient : va, fille de Dieu, va, fille au grand cœur… » Ce pauvre cœur qui avait battu pour la France comme jamais cœur ne battit, on le retrouva dans les cendres, que le bourreau ne put ou s’osa ranimer. Et l’on décida de le jeter à la Seine, « afin que nul n’en fît des reliques ».
Car ce n’est pas seulement à Orléans, c’est dans la plupart des villes qu’elle avait délivrées qu’elle demeurait présente. Il était plus facile de la brûler que de l’arracher de l’âme de la France. Au temps où le roi l’abandonnait, les villes faisaient des processions pour sa délivrance. Puis le royaume, peu à peu, se rétablit. Rouen fut enfin reprise. Et Charles VII, qui ne se souciait pas d’avoir été sacré grâce à une sorcière, ordonna le procès de réhabilitation.
À Notre-Dame de Paris, la mère de Jeanne, petite forme de deuil terrifiée dans l’immense nef, vient présenter le rescrit par lequel le pape autorise la révision. Autour d’elle, ceux de Domrémy qui ont pu venir, et ceux de Vaucouleurs, de Chinon, d’Orléans, de Reins, de Compiègne… Tout le passé revient avec cette voix que le chroniqueur appelle une lugubre plainte :
« Bien que ma fille n’ait pensé, ni ourdi, ni rien fait qui ne fût selon la foi, des gens qui lui voulaient du mal lui imputèrent mensongèrement nombre de crimes. Ils la condamnèrent iniquement et… »
La voix désespérée se brise. Alors, Paris, qui ne se souvient plus d’avoir jamais été bourguignonne, Paris redevenue soudain la ville de Saint Louis, pleure avec ceux de Domrémy et de Vaucouleurs, et le rappel du bûcher se perd dans l’immense rumeur de sanglots qui monte au-dessus de la pauvre forme noire.
L’enquête commence.
Oublions, ah ! oublions le passage sinistre de ses juges comblés d’honneur, et qui ne se souviennent de rien. D’autres se souviennent. Long cortège, qui sort de la vieillesse comme on sort de la nuit… Un quart de siècle a passé. Les pages de Jeanne sont des homes mûrs ; ses compagnons de guerre, son confesseur ont les cheveux blancs. Ici débute, non le mythe, mais la mystérieuse justice que l’humanité porte au plus secret de son cœur.
Cette fille, tous l’avaient connue, ou rencontrée, pendant un an. Et ils ont eux aussi oublié beaucoup de choses, mais non la trace qu’elle a laissée en eux. Le duc d’Alençon l’a vue une nuit s’habiller, quand, avec beaucoup d’autres, ils couchaient sur la paille :
« Elle était belle, dit-il, mais nul n’eût osé la désirer. » Devant le scribe attentif et respectueux, le chef de guerre tristement vainqueur se souvient de cette minute, il y a vingt-sept ans, dans la lumière lunaire… Il se souvient aussi de la première blessure de Jeanne. Elle avait dit : « Demain, mon sang coulera, au-dessus du sein. » Il revoit la flèche transperçant l’épaule. Sortant du dos, Jeanne continuant le combat jusqu’au soir, emportant enfin la bastille des Tourelles… Revoit-il le sacre ? Avait-elle cru faire sacrer Saint Louis ? Hélas ! mais, pour tous les témoins, elle est la patronne du temps où les hommes ont vécu selon leurs rêves et selon leur cœur, et depuis le duc jusqu’au confesseur et à l’écuyer, tous parlent d’elle comme les Rois Mages, rentrés dans leurs royaumes, avaient parlé d’une étoile disparue…
De ces centaines de survivants interrogés, depuis Hauviette de Domrémy jusqu’à Dunois, se lève une présence familière et pourtant unique, joie et courage, Notre-Dame la France avec son cocher tout bruissant des oiseaux du surnaturel. Et lorsque le XIXe siècle retrouvera ce nostalgique reportage du temps disparu, commencera, des années avant la béatification, la surprenante aventure : bien qu’elle symbolise la patrie, Jeanne d’Arc, en devenant vivante, accède à l’universalité. Pour les protestants, elle est la plus célèbre figure de notre histoire avec Napoléon ; pour les catholiques, elle sera la plus célèbre sainte française.
Lors de l’inauguration de Brasilia, il y a quatre ans, les enfants représentèrent quelques scènes de l’histoire de France. Apparut Jeanne d’Arc, une petite fille de quinze ans sur un joli bûcher de feu de Bengale, avec sa bannière, un grand bouclier tricolore et un bonnet phrygien. J’imaginais, devant cette petite République, le sourire bouleversé de Michelet ou de Victor Hugo. Dans le grand bruit de forge où se forgeait la ville, Jeanne et la République étaient toutes deux la France, parce qu’elles étaient toutes deux l’incarnation de l’éternel appel à la justice. Comme les déesses antiques, comme toutes les figures qui leur ont succédé, Jeanne incarne et magnifie désormais les grands rêves contradictoires des hommes. Sa touchante image tricolore au pied des gratte-ciel où venaient se percher les rapaces, c’était la sainte de bois dressée sur les routes où les tombes des chevaliers français voisinent avec celles des soldats de l’An II…
Chronologie :
1346
Bataille de Crécy. Edouard III d’Angleterre écrase les troupes royales françaises beaucoup plus nombreuses, mais gravement divisées.
Les historiens s’entendent généralement pour situer le début de la guerre de Cent Ans en 1337 quand Edouard III renie l’hommage qu’il doit au roi de France Philippe VI puisqu’il est duc d’Aquitaine. Edouard III revendique la couronne de France en sa qualité de petit-fils de Philippe V le Bel par sa mère, alors que Philippe VI est le neveu de Philippe le Bel, dernier des Capétiens directs. Philippe VI est le premier roi de la dynastie des Valois.
1392
Charles VI sombre dans la démence. Une régence n’est pas possible du fait des retours intermittents du roi à la raison. Les intrigues se multiplient ; la reine, Ysabeau de Bavière, adopte un comportement politiquement irresponsable.
1403
Naissance de Charles, fils de Charles VI et de la reine Isabeau.
1407
Assassinat de Louis d’Orléans, frère cadet de Charles VI et père de Jean Dunois, dit « le Bâtard d’Orléans » qu’il a eu avec sa maîtresse Mariette d’Enghien en 1403. Dunois est donc le cousin du futur Charles VII.
Cet assassinat, perpétré sur l’ordre de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, entraîne la guerre civile entre les Bourguignons et les partisans des Orléans (les Armagnacs).
1412
5 ou 6 janvier : naissance de Jeanne à Domrémy (enclave du royaume de France dans le duché de Lorraine, dépendant du Saint-Empire).
1415
Bataille d’Azincourt. Grande victoire de Henri V et des archers anglais sur les troupes françaises plus nombreuses mais armées médiocrement. Commandant les troupes françaises, Charles d’Orléans, fils légitime de Louis, est fait prisonnier par les Anglais. Il ne sera libéré qu’en 1440.
Cette année-là, le Concile de Constance (1414-1418), qui mit fin au Grand Schisme d’Occident, condamna Jean Huss au bûcher pour cause de non-soumission à l’autorité du pape ou du concile. Il était notamment coupable de ne se référer qu’à Dieu et de se passer absolument de la médiation de l’Église, du pape, de ses prêtres et de ses clercs (« L’Église militante »).
1418
À 15 ans, Charles devient Dauphin, à la mort de son frère aîné Jean. Paris passant sous contrôle bourguignon, Charles parvient à atteindre Melun puis Bourges où il installe ses partisans qui le reconnaissent Régent de France.
1419
Assassinat de Jean Ier sans Peur, duc de Bourgogne, par des Armagnacs. Philippe III le Bon, nouveau duc de Bourgogne, se rallie aux Anglais.
1420
Traité de Troyes (21 mai). Isabeau de Bavière signe ce traité avec Henri V et contre le Dauphin. Le roi d’Angleterre reçoit en mariage la fille de Charles VI, Catherine de France. Le traité reconnaît Henri V comme héritier du trône de France et déclare bâtard le Dauphin Charles. Henri V est chargé de la régence en attendant la mort de Charles VI. — L’une des passions d’Isabeau consistait à s’entourer de volières qu’elle achetait fréquemment.
Le 1er décembre, Charles VI et son gendre (le fils de Henri V) entrent solennellement dans Paris.
1422
Mort de Henri V d’Angleterre (31 août) puis de Charles VI (21 octobre). Avènement de Henri VI qui a moins d’une année. La régence anglaise est assurée par le duc de Bedford, oncle du nouveau roi. Le 30 octobre, à Bourges, Charles VII est proclamé roi de France.
Naissance d’Agnès Sorel qui deviendra la maîtresse de Charles VII de 1444 à sa mort en 1450.
1425
Jeanne a 13 ans. Elle entend des voix célestes au fond du jardin de son père (l’archange saint Michel, sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Marguerite d’Antioche). Plus loin on aperçoit le « Bois-Chenu » à l’orée duquel se trouve « l’arbre aux fées » (un hêtre impressionnant) et la fontaine guérisseuse.
1428
23-24 octobre : début du siège d’Orléans par les troupes anglaises. Elles construisent neuf bastilles qui encerclent la ville, dont le fort des Tourelles qui tient d’unique pont sur la Loire.
Mi-mai : Jeanne tente en vain de convaincre le capitaine de Vaucouleurs, Robert de Baudricourt, resté fidèle au roi de France, de la conduire auprès de Charles VII. (Domrémy est terre de Vaucouleurs.)
1429
Février. À la troisième visite de Jeanne, Vaucouleurs accède à sa demande. La jeune fille a 17 ans.
12 février : Journée des Harengs, bataille de Rouvray. Les chefs français se disputant, ils manquent leur attaque d’un grand contingent anglais accompagnant un convoi de harengs (c’est le carême) destiné au ravitaillement des troupes anglaises. Les troupes françaises sont mises en déroute.
Ce même jour, Jeanne se met en route pour Chinon, escortée par des gens de Vaucouleurs. Elle atteint Chinon vraisemblablement le 23.
25 février : Jeanne reconnaît Charles VII, dissimulé parmi ses courtisans. À l’issue d’un entretien privé et secret, Charles accorde sa confiance à la jeune fille et lui confie quelques troupes.
Le 29 avril : Jeanne arrive à Orléans, assiégée par les Anglais depuis sept mois. Ses habitants sont épuisés par la famine et la ville est sur le point de tomber. La présence de Jeanne enhardit les Français qui délivrent la ville en dix jours de combats (dont la prise de la bastille des Tourelles). Jeanne est blessée au cou. Le 8 mai la ville est libérée.
13 mai : Jeanne rencontre le roi à Tours. Elle le reverra le 23 à Loches et le convainc de se faire sacrer à Reims.
10-12 juin : bataille de Jargeau. Jeanne et Jean d’Alençon, soutenus par Jean de Dunois, prennent Jargeau où se tenaient les Anglais commandés par le comte de Suffolk qui est fait prisonnier.
15 juin : bataille de Meung-sur-Loire. Victoire de Jeanne et de Jean d’Alençon sur les troupes de Talbot. Les Français disposent désormais d’un pont stratégique sur la Loire.
16-17 juin : bataille de Beaugency. Les troupes françaises de Jeanne et de D’Alençon prennent Beaugency aux Anglais de Talbot et mettent pied sur la rive nord de la Loire.
18 juin : bataille de Patay. Les Français du duc Jean d’Alençon, de Jean Dunois, de Poton de Xaintrailles, de La Hire, de Gilles de Rais, de Jean de Bueil, galvanisés par Jeanne, défont les Anglais de John Talbot qui est fait prisonnier et de John Fastolf qui parvient à s’enfuir.
21 juin : à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, Jeanne presse le roi de se rendre à Reims.
29 juin : la « chevauchée sur Reims » commence à Gien.
1er juillet : Auxerre achète sa neutralité au roi qui peut continuer sa route vers Reims.
5 juillet : l’armée de Charles VII met le siège devant Troyes qui venait de prêter allégeance à Henri VI et où se trouvait un fort contingent bourguignon. Le 10 juillet, les bourgeois ayant négocié, Charles et Jeanne entrent à Troyes.
14 juillet : l’armée de Charles VII est à Châlons-en-Champagne.
16 juillet : après des négociations, Charles entre à Reims.
17 juillet : Charles VII est sacré dans la cathédrale de Reims par son évêque, Regnault de Chartres.
Juillet-août : entrées triomphales de Charles VII et de Jeanne à Laon, Soissons, Provins, Coulommiers et Compiègne.
15 août : à la « bataille » de Montépilloy, le roi Charles VII doit affronter du duc de Bedford, régent de France pour Henri VI. Les fronts ne bougeant pas, la bataille n’a pas lieu. Les troupes françaises se dirigent vers Paris, que le roi ne projette pas vraiment de prendre.
26 août : Jeanne paraît devant Paris qu’elle compte libérer. La ville est cependant anglophile et repousse les Français.
8 septembre : Jeanne, blessée, près de la porte St-Honoré, renonce à la libération de la capitale. Dans cette affaire, Jeanne perd une grande partie de son prestige. Charles VII se retire au-delà de la Loire.
21 septembre : le roi est à Gien, et en se repliant vers le sud, il licencie la plus grande partie de son armée.
6 novembre : le roi Henri VI se fait couronner roi d’Angleterre à Westminster.
1430
20 mai : le duc de Bourgogne met le siège devant Compiègne. Ses habitants demandent à Jeanne de les libérer.
22 mai : Jeanne entre nuitamment dans la ville.
23 mai : Jeanne tombe aux mains des Bourguignons.
Jean de Luxembourg enferme sa prisonnière dans la forteresse de Beaulieu-en-Vermandois d’où elle tente de s’échapper. Enfermée ensuite dans le château de Beaurevoir, situé en plein bois, elle saute de sa tour (fin novembre). Elle est alors conduite au château de Crotoy.
21 décembre : Jeanne est remise aux Anglais, contre une forte rançon. L’Université de Paris manifeste sa satisfaction.
23 décembre : Jeanne est enfermée dans le château de Bouvreuil à Rouen, sous la garde de soldats anglais. C’est à Rouen que résident Henri VI et Richard Beauchamp, comte de Warwick, gouverneur du roi. Le cardinal de Winchester, oncle du roi et chancelier d’Angleterre, vient séjourner à Rouen le temps du procès.
1431
9 janvier, Rouen : le procès est instruit par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais (Compiègne est dans son diocèse ; Beauvais est aux mains des Armagnacs) et Jean Lemaitre, vice-inquisiteur de France, qui n’interviendra jamais directement dans le procès. Pierre Cauchon ouvre le procès de Rouen avec le promoteur Jean d’Estivet qui s’acharne de manière particulièrement odieuse sur la jeune fille. Tous travaillent aux frais du roi d’Angleterre qui mène toute l’affaire.
Du 9 janvier au 26 mars a lieu l’instruction : sont donc menés enquêtes et interrogatoires.
3 mars : ouverture prévue du Concile de Bâle. Le concile est convoqué par le page Martin V qui meurt le 20 février. L’assemblée ne siègera qu’à partir du 23 juillet, sous le pontificat d’Eugène IV qui transférera le concile à Ferrare en 1437. Le concile de Bâle affirmera la primauté de l’autorité du concile sur celle du pape.
Du 26 mars au 24 mai a lieu le procès ordinaire qui se terminera par la scène de l’abjuration (voir plus bas, à cette date).
1er avril : jour de Pâques. Cauchon refuse la communion à Jeanne et lui envoie une carpe avariée qui la rend très malade. Journée d’extrême déréliction, selon Michelet : Jeanne se voit retranchée de l’« universelle communion ».
24 mai : au cimetière de l’église de St-Ouen, on a dressé un échafaud et des tribunes, et l’on prépare une mise en scène publique destinée à impressionner la jeune fille. Devant un bûcher et devant le bourreau tenant une torche enflammée, on lit à Jeanne la sentence qui la remet au bras séculier chargé de son exécution. Devant la menace concrète du feu, Jeanne se soumet et signe alors un acte d’abjuration de 6 lignes que lui présente le secrétaire de Winchester : elle y appose un rond puis une croix non sans rire. Elle est condamnée à l’emprisonnement. Néanmoins,elle se rétracte le lendemain en rejetant l’abjuration à laquelle elle avait cédé.
28-29 mai : court procès de relapse (rechute dans l’hérésie).
29 mai : Jeanne est condamnée comme relapse à l’unanimité des deux juges (Cauchon et Lemaître) et des 39 assesseurs.
30 mai, vers 8 et 9 heures du matin : Jeanne est brûlée vive sur la place du Vieux-Marché à Rouen. Alors que se consume le bûcher, un soldat anglais lui tend au bout d’une perche une croix faite de deux morceaux de bois qu’elle place sur sa poitrine ; on lui apporte aussi la croix de procession de l’église voisine qu’elle regarde jusqu’à la fin et crie : « Jésus ! » Quandtout est fini, les Anglais font ramasser les cendres et le cœur resté intact, et font jeter le tout à la Seine. Jeanne avait 19 ans.
16 décembre : le roi Henri VI se fait couronner roi de France à Notre-Dame de Paris.
1436
13 avril : entrée des armées royales françaises dans Paris.
1437
12 novembre : Charles VII entre glorieusement dans la capitale.
1438-39
Épidémie de peste : 50 000 victimes à Paris, soit plus du tiers de la ville.
1442
14 décembre : mort de Pierre Cauchon, couvert d’honneurs. La même année Jean d’Estivet est retrouvé noyé dans un égout.
1449
De nombreuses villes normandes se soulèvent contre les Anglais.
10 novembre : Charles VII entre dans Rouen.
1450
9 février : mort d’Agnès Sorel.
15 février : à Rouen, Charles VII fait ouvrir une enquête sur le procès et le supplice de Jeanne.
4 mars : Guillaume Bouillé, recteur de l’Université de Paris, commence l’instruction de la cause en réhabilitation.
24 juin : prise de Caen aux Anglais, et 12 août : prise de Cherbourg. Toute la Normandie est française.
30 juin : Dunois est à Bordeaux ; le 25 août, il s’empare de Bayonne.
1452
2 mai : Jean Bréhal, inquisiteur général de France, et Guillaume d’Estrouteville, légat du pape, ouvrent la première enquête officielle sur Jeanne d’Arc. Les premiers témoins comparaissent dès ce jour.
1453
17 juillet : au cours de la bataille de Castillon, John Talbot (81 ans) qui était revenu en Guyenne avec des troupes l’année précédente, et à qui s’était rallié Bordeaux, est tué tandis que la ville se soumet. Cet événement marque traditionnellement la fin de la guerre de Cent Ans. — Dix jours auparavant, le 8, la nouvelle de la chute de Constantinople était parvenue en France (29 mai).
1455
11 juin : le pape Calixte III délivre le rescrit qui autorise la mère et les deux frères de Jeanne à entreprendre une cause en nullité du jugement de 1431.
7 novembre : seule habilitée à le faire avec ses deux fils Pierre et Jean, Isabelle Romée, la mère de Jeanne, demande la révision du procès et apporte le rescrit du pape à Notre-Dame de Paris. Très vite, l’émotion submerge la foule.
Jean Bréhal, grand inquisiteur en France, instruit le procès de réhabilitation.
12-20 décembre : le tribunal siège à Rouen. Les juges sont Jean Jouvenel des Ursins (archevêque de Reims), Guillaume Chartier (évêque de Paris) et Richard Olivier (évêque de Coutances).
1456
28 janvier — 11 février : les audiences ont lieu à Domrémy puis à Vaucouleurs. Témoignage de Hauviette à Domrémy.
16 février — 14 mai : audiences à Rouen, Orléans et Paris. Témoignage de Dunois le 12 mai à Paris.
7 juillet : à Rouen, le jugement du procès en nullité de la condamnation de Jeanne est rendu. Le procès de 1431 est annulé. Jeanne et sa famille sont réhabilitées.
1458
28 novembre : mort d’Isabelle Romée.
1909
18 avril : Jeanne est béatifiée par le pape Pie X.
1920
9 mai : Jeanne est canonisée par le pape Benoît XV.
10 juillet : le Parlement français institue fête nationale en l’honneur de Jeanne le 2e dimanche de mai — fête qui sera fixée au 8 mai quelques années plus tard.
1 Ce texte a été publié pour la première fois dans André Marlaux, Discours, allocutions, conférences de presse de M. André Malraux, ministre d’État chargé des Affaires culturelles, 1958-1969, s.l.n.d. [Paris,ministère des Affaires culturelles, 1971], n. p. [178 p.]. Nous le publions aujourd’hui, 8 mai 2016, en attendant la toute prochaine mise en ligne de notre version annotée et commentée.
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