02/01/2024 (2024-01-02)
[Source : bvoltaire.fr]
Des enfants courent dans une forêt, grimpent à un arbre puis le mesurent, observent son écorce et ses feuilles, le dessinent et composent un poème le décrivant. Ils ont renforcé leur confiance en soi, géré une prise de risque raisonnable, respiré le bon air, sollicité leurs sens, tonifié leur corps tout en faisant des sciences naturelles, des mathématiques et du français. Ils sont scolarisés dans une des rares Écoles de la forêt que l’on peut trouver en France, celles qui ont réussi, grâce à la persévérance et à l’énergie de leurs fondateurs, à surmonter tous les obstacles que l’administration et la société ont mis sur leur chemin.
Apparue au début du XXe siècle, l’École dans la Forêt a connu un succès notable dans les mondes anglo-saxon et scandinave. On en trouve de nombreuses aux États-Unis, en Allemagne, en Hollande ou en Suède. Au Danemark, près de 20 % des classes maternelles passent leur journée en forêt, repas et sieste compris, quel que soit le temps. Et les enfants s’en portent très bien, quand nos salles de classe surchauffées leur font enchaîner les rhumes et qu’on leur interdit de sortir en récréation quand il pleut… L’Angleterre compte aujourd’hui plusieurs centaines de Forest Schools publiques dans le primaire :
« Depuis les années 1990, beaucoup de choses ont changé, mais les bouleversements ont été encore accélérés par la pandémie.[Les enfants]communiquent avec leurs amis grâce aux outils technologiques et restent chez eux plutôt que d’aller les retrouver à l’extérieur », explique Vicki Stewart, directrice d’une École en forêt près de Swindon, dans un article du Guardian.
Déconnecter les enfants des écrans et les reconnecter avec la nature devient un enjeu de santé publique autant qu’une urgence sociétale. La Suisse suit le même mouvement et les collectivités locales y soutiennent la création d’écoles, qu’elles soient privées ou publiques.
Mais en France, des résistances idéologiques fortes subsistent. Ces écoles interrogent notre rapport au savoir et à sa transmission. Nombreux sont ceux, chez nous, qui restent convaincus qu’on n’apprend que si l’on est assis derrière une table, dans une salle fermée, et si possible dans le silence. Si l’on ajoute une pincée de stress, un soupçon de compétition et une larme d’ennui, les conditions d’apprentissage sont parfaites ! C’est normal, ce sont celles que nous avons connues, et après tout, nous n’en sommes pas morts et, même, nous avons appris plein de choses !
Les résistances tiennent aussi à un attachement un peu irrationnel à « l’école de la République ». Alors qu’ils s’activent pour créer une École en forêt dans le Morvan, Léa et Moïse reçoivent un courriel de la part d’un des détracteurs de leur projet :
« Vous vous apprêtez à ouvrir une école privée hors contrat. Il me semble que dans le monde d’aujourd’hui, ce choix est irresponsable. L’école publique a beaucoup de défauts, mais c’est un bien commun.[…]Vous savez très bien qu’en retirant vos enfants de l’école de votre village, vous l’affaiblirez. Moi, je crois qu’il faut se battre pour elle, pour qu’elle subsiste, pour qu’elle devienne meilleure. »
On retrouve la vieille question : l’école est-elle faite pour les enfants, ou les enfants pour l’école ? Combien d’enfants doivent être sacrifiés pour que subsiste le fantôme d’un rêve que l’école publique n’incarne plus depuis fort longtemps ?
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