21/09/2024 (2024-09-21)
[Source : https://www.science.org/doi/10.1126/science.adk3705]
Par Emily J. Judd, Jessica E. Tierney, Daniel J. Lunt, Isabel P. Montañez, Brian T. Huber, Scott L. Wing, et Paul J. Valdes
Résumé de l’éditeur
Il est essentiel de comprendre comment la température moyenne à la surface du globe (TMSG) a varié au cours du dernier demi-milliard d’années, période au cours de laquelle les schémas d’évolution de la flore et de la faune ont eu une influence si importante sur l’évolution du climat, pour comprendre les processus qui régissent le climat au cours de cet intervalle.
Judd et al. présentent un enregistrement de la TMSG au cours des 485 derniers millions d’années, qu’ils ont construit en combinant des données de substitution et la modélisation du climat (voir la perspective de Mills). Ils ont constaté que la TSMG a varié dans une fourchette de 11° à 36 °C, avec une sensibilité climatique « apparente » de ∼8 °C, soit environ deux à trois fois ce qu’elle est aujourd’hui. — Jesse Smith
[NDLR Les études qui se basent au moins partiellement sur des modélisations informatiques ne peuvent néanmoins prétendre remplacer la méthode scientifique traditionnelle basée sur l’observation directe et l’expérimentation reproductible. Le problème est que dans le cas du climat (comme en astronomie), nous ne disposons plus que de traces indirectes plus ou moins fiables des événements passés lointains.]
Résumé structuré
INTRODUCTION
Il est important de disposer d’un enregistrement géologique à long terme de la température moyenne à la surface du globe (TMSG) pour comprendre l’histoire de notre planète et replacer les changements climatiques actuels dans leur contexte. Un tel enregistrement est nécessaire pour déterminer la relation entre le climat et d’autres aspects du système terrestre, notamment l’évolution et l’extinction de la vie, ainsi que la chimie de l’atmosphère et des océans. En outre, la quantification de la relation entre la TMSG et les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) peut affiner notre compréhension de la sensibilité du climat de la Terre et améliorer les prévisions futures en cas de réchauffement anthropique.
RAISON D’ÊTRE
Bien qu’il existe plusieurs reconstitutions de la température au Phanérozoïque (les 539 derniers millions d’années), au cours de l’ère cénozoïque (les 66 derniers millions d’années), qui a fait l’objet d’une étude intensive, elles sont plus froides et moins variables que les estimations individuelles de périodes clés, en particulier pendant les intervalles d’absence de glace (serre). Cette divergence suggère que les relevés de température phanérozoïques existants pourraient sous-estimer les changements de température passés et méritent d’être étudiés plus en détail à l’aide d’une nouvelle approche.
RÉSULTATS
Nous présentons ici PhanDA, une reconstruction de la TMSG couvrant la majeure partie de l’éon phanérozoïque. PhanDA a été créé en utilisant l’assimilation de données, une méthode qui intègre statistiquement des données géologiques avec des simulations de modèles climatiques. PhanDA indique que la température de la Terre a varié entre 11° et 36 °C au cours des 485 millions d’années écoulées. Cette fourchette est plus large que les reconstructions précédentes ; cependant, PhanDA est en accord avec les estimations indépendantes de la TMSG du Cénozoïque, ce qui donne confiance dans sa fourchette dynamique plus large.
PhanDA révèle des caractéristiques clés dans la relation entre la TSMG et le gradient de température entre les pôles et l’équateur, y compris l’amplification polaire (c’est-à-dire des changements de température plus importants aux latitudes élevées) et un rétrécissement du gradient avec l’augmentation de la TSMG. Les températures tropicales varient entre 22° et 42 °C, ce qui réfute l’idée d’une limite supérieure fixe pour la chaleur tropicale et suggère que la vie ancienne a dû évoluer pour supporter une chaleur extrême. Nous décomposons PhanDA en cinq états climatiques et constatons que, dans l’ensemble, la Terre a passé plus de temps dans des états climatiques plus chauds que dans des états froids au cours du Phanérozoïque.
Il existe une forte relation entre la TMSG de PhanDA et le CO2, ce qui indique que le CO2 est le principal facteur de contrôle du climat phanérozoïque. La cohérence de cette relation est surprenante, car à cette échelle de temps on s’attend à ce que la luminosité solaire influence le climat. Nous supposons que les modifications de l’albédo planétaire et d’autres gaz à effet de serre (par exemple, le méthane) ont contribué à compenser l’augmentation de la luminosité solaire au fil du temps. La relation TMSG-CO2 indique une sensibilité « apparente » du système terrestre (c’est-à-dire la réponse de la température à un doublement du CO2, y compris les rétroactions rapides et lentes) remarquablement constante de ∼8 °C, sans dépendance détectable selon que le climat est chaud ou froid.
CONCLUSION
PhanDA fournit une estimation statistiquement robuste de la TSMG au cours du Phanérozoïque. Nous constatons que la température de la Terre a varié de façon plus dynamique qu’on ne le pensait auparavant et que les climats de serre étaient très chauds. Le CO2 est le principal moteur du climat phanérozoïque, ce qui souligne l’importance de ce gaz à effet de serre dans l’histoire de la Terre. La cohérence de la sensibilité apparente du système terrestre (∼8 °C) est surprenante et mérite d’être étudiée plus avant. De manière plus générale, PhanDA fournit un contexte essentiel pour l’évolution de la vie sur Terre, ainsi que pour les changements climatiques actuels et futurs.
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