Tocqueville et la vanité des peuples démocratiques

16/06/2024 (2024-06-16)

Par Nicolas Bonnal

Le G7 est devenu pitoyable (le pape, Biden, Scholz, Macron…), en même temps que la marque d’un incroyable complexe de supériorité occidentale, complexe de supériorité qui atteint son sommet lors des interminables massacres de Gaza (qui laissent tout le monde de marbre finalement, on est bien d’accord). Au G7 on dit nûment : nous décidons de ce qui est bien et de ce qui est mal ; nous sommes le modèle ; nous avons aboli les races, les sexes, les cultures, l’énergie, l’industrie, la vie, la médecine, la religion, tout le reste ; notre nihilisme bienveillant triomphe et vous devez vous écraser, sinon nous vous écraserons (enfin, presque). La vanité démocratique est infinie, particulièrement dans les peuples euro-américains, et dans l’infini du texte de Tocqueville nous retrouvons une magnifique analyse de ce problème. Relisons le Maître :

« Tous les peuples libres se montrent glorieux d’eux-mêmes ; mais l’orgueil national ne se manifeste pas chez tous de la même manière (C). Les Américains, dans leurs rapports avec les étrangers, paraissent impatients de la moindre censure et insatiables de louanges. Le plus mince éloge leur agrée, et le plus grand suffit rarement à les satisfaire ; ils vous harcèlent à tous moments pour obtenir de vous d’être loués ; et, si vous résistez à leurs instances, ils se louent eux-mêmes. On dirait que, doutant de leur propre mérite, ils veulent à chaque instant en avoir le tableau sous leurs yeux. »

Plus grave :

« Leur vanité n’est pas seulement avide, elle est inquiète et envieuse. Elle n’accorde rien en demandant sans cesse. Elle est quêteuse et querelleuse à la fois. »

Tocqueville ajoute :

« Je dis à un Américain que le pays qu’il habite est beau ; il réplique : “Il est vrai, il n’y en a pas de pareil au monde !” J’admire la liberté dont jouissent ses habitants, et il me répond : “C’est un don précieux que la liberté ! mais il y a bien peu de peuples qui soient dignes d’en jouir.” Je remarque la pureté de mœurs qui règne aux États-Unis : “Je conçois, dit-il, qu’un étranger, qui a été frappé de la corruption qui se fait voir chez toutes les autres nations, soit étonné à ce spectacle.” Je l’abandonne enfin à la contemplation de lui-même ; mais il revient à moi et ne me quitte point qu’il ne soit parvenu à me faire répéter ce que je viens de lui dire. On ne saurait imaginer de patriotisme plus incommode et plus bavard. Il fatigue ceux mêmes qui l’honorent. »

La vanité est un syndrome américain (et français d’ailleurs) ; il n’est pas anglais, remarque Tocqueville (l’anglais aristocrate ne joue pas encore au messie, contrairement au français ou à l’américain, j’en avais parlé dans mon Autopsie/coq hérétique) :

« Il n’en est point ainsi des Anglais. L’Anglais jouit tranquillement des avantages réels ou imaginaires qu’à ses yeux son pays possède. S’il n’accorde rien aux autres nations, il ne demande rien non plus pour la sienne. Le blâme des étrangers ne l’émeut point et leur louange ne le flatte guère. Il se tient vis-à-vis du monde entier dans une réserve pleine de dédain et d’ignorance. Son orgueil n’a pas besoin d’aliment ; il vit sur lui-même. Que deux peuples sortis depuis peu d’une même souche se montrent si opposés l’un à l’autre, dans la manière de sentir et de parler, cela est remarquable. »

C’est l’égalité qui produit cette vanité selon Tocqueville ; et les deux créateurs d’égalité, la France et l’Amérique, sont depuis deux siècles les deux pays les plus arrogants de ce globe :

« Lorsqu’au contraire, les conditions diffèrent peu, les moindres avantages ont de l’importance. Comme chacun voit autour de soi un million de gens qui en possèdent de tout semblables ou d’analogues, l’orgueil devient exigeant et jaloux ; il s’attache à des misères et les défend opiniâtrement. Dans les démocraties, les conditions étant fort mobiles, les hommes ont presque toujours récemment acquis les avantages qu’ils possèdent ; ce qui fait qu’ils sentent un plaisir infini à les exposer aux regards, pour montrer aux autres et se témoigner à eux-mêmes qu’ils en jouissent ; et comme, à chaque instant, il peut arriver que ces avantages leur échappent, ils sont sans cesse en alarmes, et s’efforcent de faire voir qu’ils les tiennent encore… »

Cette vanité est insupportable :

« La vanité inquiète et insatiable des peuples démocratiques tient tellement à l’égalité et à la fragilité des conditions, que les membres de la plus fière noblesse montrent absolument la même passion dans les petites portions de leur existence, où il y a quelque chose d’instable et de contesté. »

On finit par créer un monde de courtisans :

« Si les courtisans s’avisaient jamais d’avoir de l’orgueil national, je ne doute pas qu’ils n’en fissent voir un tout pareil à celui des peuples démocratiques. »

L’Amérique a déteint sur ses colonies après les deux guerres mondiales qui ont mis à sa disposition, suite à la regrettable défaite allemande (je parle de celle du Kaiser…), l’occident européen. Et cette insupportable vanité démocratique en finit avec nos libertés, notre prospérité, notre paix, notre religiosité, et même notre identité.

Pour expliquer le mystère américain, Gustave de Beaumont (compagnon de voyage de Tocqueville) expliquait qu’on n’y avait pas connu d’enfance mystérieuse. On y connaît par contre un gâtisme terminal (voir Biden et ce pape s’embrassant) bien peu mystérieux.

Nietzsche cette fois :

« Lorsqu’il était jeune, ce Dieu d’Orient, il était dur et altéré de vengeance, il s’édifia un enfer pour divertir ses favoris. Mais il finit par devenir vieux et mou et tendre et compatissant, ressemblant plus à un grand-père qu’à un père, mais ressemblant davantage encore à une vieille grand-mère chancelante… »

Sources

De la démocratie en Amérique
Tome quatrième ; Troisième partie. XVI. Pourquoi la vanité nationale des Américains est plus inquiète et plus querelleuse que celle des Anglais.

https://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2012/01/De-la-d%C3%A9mocratie-en-Am%C3%A9rique.pdf

https://www.philotextes.info/spip/IMG/pdf/zarathoustra.pdf

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