05/08/2023 (2023-08-05)
[Source : ]
Par Michel de Lorgeril – Docteur en Médecine, Chercheur au CNRS
Expert international en cardiologie et nutrition – Membre de la Société Européenne de Cardiologie
Ces jours-ci, les médias sponsorisés font gorge chaude concernant un nouveau vaccin — disent-ils, mais pas tous, certains sont moins incultes que les autres — dirigé cette fois-ci contre le virus (appelé virus syncytial respiratoire, ou VRS pour les intimes) responsable de la bronchiolite des nourrissons.
[Voir aussi :
La vente incitative du vaccin contre le VRS]
La HAS, toujours aussi prompte à encourager les industriels (et les sociétés savantes complices), recommande une administration systématique chez les nourrissons cet automne et le remboursement par l’Assurance Maladie.
Le nom commercial de ce nouveau produit est le BEYFORTUS et le nom pharmacologique est le Nirsevimab.
Il est produit par un industriel anglo-néerlandais (AstraZeneca) et commercialisé en France par Sanofi qui, après ses cuisants échecs au cours de la Covid-19, essaie de se rattraper…
N’importe qui, avec un minimum de culture médicale, comprend immédiatement qu’il ne s’agit pas d’un vaccin évidemment ; mais d’un anticorps monoclonal.
Il s’agit d’un traitement préventif et non pas curatif. On l’administre bien avant d’être exposé au virus.
Dit autrement, on injecte des anticorps avant toute exposition au virus et on espère que, lorsque le virus arrivera, il y aura encore assez d’anticorps circulants. C’est assez hypothétique et comme la démonstration de cette possibilité vient de l’industriel (ou de ses amis), le doute est permis.
On comprend aussi que comme le traitement est injecté et que le virus appartient à la grande famille des virus respiratoires, on ne peut pas espérer avoir un effet sur la circulation du virus donc sur l’épidémie hivernale. On ne l’injecte pas à Paul pour protéger Pierre. L’argument altruiste n’existe pas ici.
En quelques mots, on voit ainsi les limites de l’exercice.
Avant d’accepter ce traitement, il faudra être sûr qu’il est efficace à l’échelle individuelle et utile socialement ; et que les effets indésirables sont mineurs et rares.
Qu’est-ce que la bronchiolite ?
C’est une maladie bénigne ! De bons médecins, avec l’aide de la kinésithérapie respiratoire, doivent se débrouiller et seuls quelques cas rares nécessitent une brève hospitalisation.
Pourquoi en faire une tragédie hivernale qui nécessiterait d’urgence de traiter des générations entières de bébés ?
Pour savoir si un médicament (y compris un anticorps monoclonal) est utile (efficace), il n’y qu’une seule technique recevable (non critiquable à condition d’être conduite par des investigateurs compétents et indépendants), c’est l’essai clinique randomisé en double aveugle contre placebo.
Nous en avons au moins un [l’essai MELODY] qui a testé le BEYFORTUS.
J’examine qu’un seul essai qui correspond à la population que la HAS et les sociétés de pédiatrie veulent « vacciner ». Je reste simple. Si les résultats de cet essai clinique sont intéressants, on pourrait envisager sereinement ce traitement.
Malheureusement, l’essai MELODY est totalement sous l’emprise de l’industriel. Pas de faux semblant, pas d’illusion !
Il faudra vraiment que les résultats de l’essai soient sans équivoque pour qu’on puisse y croire, au moins un peu…
C’est publié en mars 2022 dans le New England Journal of Medicine, la revue médicale qui (avec le Lancet britannique) est désormais « aux ordres » des industriels.
Je donne aussi le principal tableau des résultats (qui dit tout) et je le commente un peu.
Le suivi post-injection est de 150 jours. On ignore ce qui se passe au-delà. Pourquoi pas.
496 nourrissons ont reçu le placebo et 994 l’anticorps. C’est un petit essai avec un faible échantillon. C’est une autre limite !
25 des nourrissons sous placebo ont eu une bronchiolite parmi lesquels 8 ont été hospitalisés.
12 des bébés qui ont reçu l’anticorps ont eu une bronchiolite parmi lesquels 6 ont été hospitalisés.
C’est indiqué dans le tableau ci-dessus. Je ne rentre pas dans les détails.
Les investigateurs (c’est-à-dire l’industriel) et la HAS valident que l’anticorps a réduit de 75 % le risque de bronchiolite (hautement significatif sur le plan statistique) et de 62 % le risque d’hospitalisation (non significatif).
Est-ce une façon légitime de présenter les résultats ?
Certes non : il s’agit d’une réduction du risque relatif.
J’ai expliqué dans un précédent article que la seule façon honnête de présenter les effets bénéfiques d’un traitement est de les exprimer en termes de réduction du risque absolu.
Si on procède ainsi (il suffit de soustraire les chiffres en % donnés à côté des nombres de cas), le 75 % devient 3,8 % [5 minus 1,2 %] pour la réduction du nombre de cas de bronchiolite.
Le 62 % devient 1 % [1,6 % minus 0,6 %] pour la réduction du risque d’hospitalisation !
Les effets des anticorps sont donc très faibles, voire négligeables, notamment pour le point sociétal principal (le risque d’hospitalisation).
En fait, soyons clairs, l’anticorps ne diminue pas le risque de formes graves de bronchiolite.
Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les chiffres publiés par l’industriel lui-même sur la base de la meilleure base de données disponibles à ce jour !
D’autre part, pendant ces 150 jours, on a déploré 3 décès dans cet essai, tous les trois dans le groupe recevant l’anticorps.
Comme il y a eu tirage au sort, il est abusif de décréter que c’est un effet du hasard.
Jusqu’à preuve du contraire, ces 3 décès doivent être attribués à l’anticorps testé.
Certains pourraient dire que 3 décès ce n’est pas beaucoup et que, « pour faire une omelette, il faut casser des œufs ».
Je ne suis pas d’accord avec cette interprétation. Si on fait un calcul rapide et simple, on constate qu’il y a eu 3 décès pour environ 1000 nourrissons injectés.
Si on extrapole à une population de plus de 300 000 nourrissons traités chaque année, on pourrait déplorer environ 1000 décès par an attribuables à ce traitement.
Ce traitement n’ayant pas d’effet sur les formes graves de bronchiolite, il est difficile de justifier ces 1000 décès annuels !
Je suis poli !
Contrairement aux avis des sociétés savantes et de la HAS, je déconseille fortement d’injecter ce traitement aux nourrissons !
La tête sur le billot, je n’en démordrai pas !
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